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18/03/2024 | FRANCE | N°21/12321

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 18 mars 2024, 21/12321


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 21/12321

N° MINUTE :

Assignation du :
08 Septembre 2021

CONDAMNE

SB





JUGEMENT
rendu le 18 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [G] [F]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Maître Emmanuelle GUYON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1693

DÉFENDEURS

La S.A.S. François BRANCHET
[Adresse 6]
[Localité 7]

ET

Monsieur [T] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Représentés par Maître Ge

orges LACOEUILHE membre de l'AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

La S.A. PACIFICA
[Adresse 11]
[Localité 10]

Représentée par Maître Nathanaël ROCHARD de la...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 21/12321

N° MINUTE :

Assignation du :
08 Septembre 2021

CONDAMNE

SB

JUGEMENT
rendu le 18 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [G] [F]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Maître Emmanuelle GUYON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1693

DÉFENDEURS

La S.A.S. François BRANCHET
[Adresse 6]
[Localité 7]

ET

Monsieur [T] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Représentés par Maître Georges LACOEUILHE membre de l'AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

La S.A. PACIFICA
[Adresse 11]
[Localité 10]

Représentée par Maître Nathanaël ROCHARD de la SELARL LAMBARD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0169

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ESSONNE
[Adresse 3]
[Localité 12]

Expéditions
exécutoires
délivrées le :
Représentée par Maître Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1901
Décision du 18 Mars 2024
19ème contentieux médical
RG 21/12321

PARTIE INTERVENANTE

La BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD (BHIIL)
[Adresse 8]
London, EC3M 4AJ / ANGLETERRE

Représentée par Maître Georges LACOEUILHE membre de l'AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Présidente de la formation

Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente
Assesseurs

Assistées de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 22 Janvier 2024 présidée par Madame [D] [M] tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [G] [F], née le [Date naissance 1] 1973, était suivie depuis 15 ans pour une endométriose (depuis l’âge de 17 ans). Elle avait donné naissance à 3 enfants en 1994, 1999, 2001. Le 29 avril 2005, elle faisait l’objet d’une hystérectomie par voie basse réalisée par le docteur [Y] en raison de douleurs pelviennes importantes, dont les suites étaient marquées par des douleurs persistantes et de la fièvre conduisant à une reprise par laparotomie le 10 juin 2005 avec annexectomie droite.
Le 21 octobre 2014, était mis en évidence un kyste ovarien gauche.

Le 5 mars 2015, une annexectomie gauche (ablation de l’ovaire et trompe de falloppe) a été réalisée à sa demande pour douleurs pelviennes par coelioscopie convertie en laparotomie en raison des adhérences multiples par le docteur [Y] à la clinique [13].
Les suites ont été compliquées d’une pelvipéritonite nécessitant une intervention de [J] suite à une perforation rectale, une suture de l’intestin grêle et une plaie vésicale, puis la mise en place d’une iléostomie.
Elle a porté pendant plusieurs mois 2 poches et une sonde (stomie, iléostomie et une sonde urinaire).
La continuité a été rétablie ensuite, ce qui a nécessité une longue hospitalisation jusqu’au 6 novembre 2015.

Elle a été placée en invalidité catégorie 1, le 1er juillet 2017, et en arrêt de travail de nouveau en juin 2018 pour des diarrhées quotidiennes multiples avec des pertes de selles la nuit, en dépit du traitement.

Estimant qu’elle n’a pas été correctement informée, ni correctement prise en charge lors de son intervention du 5 mars 2015 pratiquée par le Docteur [Y], Mme [F] s’est rapprochée de son assureur la Compagnie PACIFICA, au titre de son contrat Garantie Accident de la Vie, qui a sollicité le Docteur [O]-[A], lequel a retenu des manquements en lien direct avec le geste opératoire du 5 mars 2015 du Docteur [Y] :
- Un défaut d’information médicale sur les risques de la chirurgie abdomino-pelvienne surtout sur un abdomen cicatriciel ;
- Une indication opératoire discutable ;
- Une survenue des plaies viscérale, colique et rectale qui constitue une maladresse chirurgicale ;
- Un défaut de prise en charge postopératoire non conforme aux règles de l’art.

La Compagnie PACIFICA s’est alors rapprochée de l’assureur du Docteur [Y], le Cabinet [W], afin d’organiser une expertise médicale contradictoire.
Aucun n’accord n’ayant pu être trouvé pour l’organisation d’une expertise amiable contradictoire, le Docteur [B] a été désigné pour effectuer l’expertise judiciaire de Madame [F] le 16 septembre 2020.

Aux termes de son rapport d’expertise, le Docteur [B] conclut comme suit :

- S’agissant du défaut d’information, qu’il n’y avait pas eu de document d’information délivré à Madame [F] spécifique à l’acte proposé, notamment pas de document émanant du Collège national des gynécologues et obstétriciens français préalablement à son consentement aux soins critiqués ; que les informations délivrées n’étaient pas en rapport avec les risques digestifs encourus dont la fréquence était haute notamment celui de perforation digestive (contexte endométriose).

- S’agissant de l’intervention, qu’il n’y avait pas d’indication objective à effectuer une annexectomie gauche même à la demande insistante de la patiente en l’absence de pathologie annexielle.
« Le Docteur [Y] connaissait l’état antérieur de la victime car il la suivait depuis 2005 soit 10 ans au moment des faits. Elle présentait de nombreuses adhérences et l’hystérectomie antérieure s’était compliquée d’une abcès pelvien droit. Il n’y avait pas d’indication objective à effectuer une annexectomie gauche, même à la demande insistante de la patiente. » 
« Les préjudices subis sont directement imputables à un acte de soins qui ne s’imposait pas…
Le taux de risque opératoire était particulièrement élevé chez cette patiente, l’état antérieur étant connu et ayant donné lieu à une complication, justifiant une abstention chirurgicale en l’absence d’indication formelle.. »

- S’agissant de la survenue du dommage, il dit que l’intervention a été réalisée dans les règles de l’art et que les complications sont en rapport avec la levée d’adhérences entrainant des brèches digestives et vésicales qu’il s’agit d’un aléa lié à un geste médical dont l’indication n’était pas justifiée dans le contexte présent.

- S’agissant du suivi post-opératoire, il note que Madame [F] est sortie de la clinique alors qu’elle présentait un syndrome infectieux profond, et qu’aucune prise en charge spécifique n’a été mise en oeuvre, alors « qu’une surveillance étroite aurait permis de réduire la durée des douleurs » ce qui constitue un manquement.
Il conclut que les préjudices subis sont directement imputables à un acte de soins qui ne s’imposait pas.

***

Au vu de ce rapport, par acte du 8 septembre 2021 assignant le docteur [T] [Y] la SAS cabinet [W], la SA PACIFICA et la CPAM de l’Essonne, suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 28 décembre 2022, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Madame [G] [F] demande au tribunal de :

Recevoir Madame [F] en ses demandes

- Reconnaitre le Docteur [Y] entièrement responsable des conséquences dommageables de l’intervention pratiquée le 5 mars 2015
- Débouter le Docteur [Y] de sa demande d’expertise

- Le condamner solidairement ou les uns à défaut des autres le Docteur [Y], le cabinet [W] et la société BERKSHIRE HATHAWAY International Insurance et PACIFICA à payer à Madame [F] les sommes suivantes :
▪ Au titre des dépenses de santé actuelles : Réservé
▪ Au titre des frais divers 15.170,00 €
▪ Au titre de dépenses de santé futures 65.431,51 €
▪ Au titre des Pertes de Gains Professionnels Actuels 14.556,61 €
▪ Au titre de la Perte de Gains Professionnels Futurs : 167.551,43 €
▪ Au titre de l’Incidence Professionnelle 150.000,00 €
▪ Au titre de l’aide à la tierce personne permanente 116.126,78 €
▪ Au titre du Déficit Fonctionnel temporaire 9.500,00 €
▪ Au titre des Souffrances Endurées 35.000,00 €
▪ Au titre du préjudice esthétique temporaire 5.000,00 €
▪ Au titre du Déficit Fonctionnel Permanent 44.900,00 €
▪ Au titre du préjudice esthétique permanent 14.000,00 €
▪ Au titre du préjudice d’agrément 4.000,00 €
▪ Au titre du préjudice sexuel 10.000,00 €

Débouter la CPAM de sa demande au titre des arrérages à échoir de la pension
Subsidiairement, si une mesure d’expertise devait être ordonnée, PACIFICA qui reconnait que Madame [F] a été victime d’un accident médical devra indemniser cette dernière sur la base de l’expertise di Docteur [B] sans attendre la nouvelle expertise.
Dans cette hypothèse, en application du contrat, Pacifica sera tenu d’indemniser les postes visés au contrat :
- Pertes de gains professionnels actuels 14.556,61 €
- Pertes de gains professionnels futurs : 167.551,43 € + 150.000,00 €
- Assistance tierce personne : 12.860 € + 72.167,00 €
- DFP : 44.900,00 €
- souffrances endurées 35.000,00 €
- préjudice esthétique permanent 14.000,00 €
- préjudice d’agrément 4.000,00 €
- Il sera sursis à statuer sur les autres postes contre le Docteur [Y] dans l’attente de la nouvelle expertise

- Constater l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir

Rendre le jugement à intervenir opposable à la CPAM de l’Essonne et commun à Pacifica

- Condamner le Docteur [T] [Y], le cabinet [W] et la société BERKSHIRE HATHAWAY International Insurance et PACIFICA in solidum ou les uns à défaut des autres à verser la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

***

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 mars 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la CPAM de l’ESSONNE demande au tribunal de :

RECEVOIR la CPAM de l’Essonne en ses demandes et l'y déclarer bien fondée ;
EN CONSEQUENCE,

CONDAMNER solidairement le Dr [Y] et son assureur à verser à la CPAM de l’Essonne :
la somme de 77.084,20 € au titre des prestations déjà versées (40.472,50 + 30.088,61 + 6.523,09 €)
les arrérages à échoir de la pension d’invalidité à compter du 1er novembre 2022 pour un capital de 88.578,36 € o ou si le Dr [Y] et son assureur optent pour un versement en capital, la somme 88.578,36 € ;
ASSORTIR cette somme des intérêts au taux légal à compter des présentes écritures notifiées le 13 septembre 2022 sur les prestations déjà versées et de leur engagement pour les prestations à échoir ou du jugement à intervenir si le Dr [Y] et son assureur optent pour un versement en capital ;

CONDAMNER solidairement le Dr [Y] et son assureur à verser à la CPAM de l’Essonne la somme de 1.162 €, correspondant à l’indemnité forfaitaire de gestion de l'article L.376-1 du Code de la Sécurité Sociale ;

RESERVER les droits de la CPAM de l’Essonne quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement ;

CONDAMNER solidairement le Dr [Y] et son assureur à verser à la CPAM de l’Essonne la somme de 2.000 €, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER solidairement le Dr [Y] et son assureur à verser à la CPAM de l’Essonne en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL KATO & LEFEBVRE, Avocats, en application de l’article 699 du Code de procédure civile ; RAPPELER l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.

***

Aux termes de leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 mars 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le Docteur [T] [Y], la SAS François [W] et la Berkshire Hathaway International Insurance Ltd demandent au tribunal de :

Recevoir le Docteur [T] [Y], et la SAS François [W] en leurs écritures les disant bien fondées ;
- Recevoir la BHIIL intervenant volontairement en ses écritures, la disant bien fondée ;
- Ordonner la mise hors de cause de la SAS François [W] ;
A titre principal :
- Débouter Madame [H] née [F] de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre du Docteur [Y] ;
- Débouter la société PACIFICA de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre du Docteur [Y] ;
- Débouter la CPAM de ses demandes dirigées à l’encontre du Docteur [Y] et de son assureur ;
- Condamner Madame [G] [H] née [F] à verser au Docteur [T] [Y], la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;
- Condamner la société PACIFICA à verser au Docteur [T] [Y], la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC
- Condamner Madame [G] [H] née [F] aux entiers dépens de la procédure en ce compris les frais d’expertise ;
A titre subsidiaire :
Avant dire droit
Ordonner une nouvelle expertise avant dire droit :
- Désigner tel Expert compétent en chirurgie gynécologique et obstétrique qu’il plaira
- Dire que les frais d’expertise seront à la charge de Madame [F] [H] ;
- Débouter la CPAM de l’intégralité de ses demandes.
- Réserver les dépens ;
A titre infiniment subsidiaire :
- Réduire l’indemnisation mise à la charge du Docteur [Y] à de plus justes proportions ;
- Ordonner la suspension de l’exécution provisoire
- Débouter la CPAM de l’intégralité de ses demandes.

***

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 février 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, PACIFICA, demande au tribunal de :

- DECLARER IRRECEVABLES le Dr [Y] et son assureur en leur demande d’expertise judiciaire non formulée devant le Juge de la mise en état,

- DEBOUTER en tout état de cause le Dr [Y] et son assureur de leur demande de nouvelle/contre-expertise avant dire droit pour absence de motif grave et légitime,

- ENTERINER le rapport d’expertise et liquider les préjudices de Mme [F] sur cette base, avec des évaluations minimales de :

➢ 18 € de l’heure a minima pour l’indemnisation de la tierce personne (temporaire et définitive)
➢ 30.000 € a minima au titre des souffrances endurées (5/7)
➢ 10.000 € a minima au titre du préjudice esthétique permanant (3,5/7) ➢ 2.245 € du point de DFP évalué à 20 %, soit 44.900 €

- RECEVOIR la Cie PACIFICA en son recours subrogatoire et la déclarer bien fondée,

- CONDAMNER le Dr [Y] en qualité de responsable des conséquences dommageables de Mme [F] pour l’intervention du 5 mars 2015, in solidum avec son assureur, à rembourser à la Cie les sommes suivantes, outre les intérêts de droit à compter des paiements effectués par la Cie PACIFICA :

➢ 55.000 € au titre des indemnisations provisionnelles versées à Mme [F] ;
➢ 2.310 € pour les frais d’expertise judiciaire du Dr [B] ;
➢ 5.220 € pour les frais d’assistance du médecin conseil [O] [A]
➢ 213,85 € pour la signification de l’assignation en référé.
Soit un montant total de 62.743,85 €
Subsidiairement,
- DEBOUTER Mme [F] de sa demande de liquidation des préjudices formulée à l’encontre de la Cie PACIFICA, sur la base du rapport du Dr [B] pour le cas où une nouvelle mesure d’expertise serait ordonnée par le Tribunal de céans,

- FIXER l’éventuelle indemnisation provisionnelle complémentaire à la somme maximale de 7.400 €, au regard des indemnisations provisionnelles déjà versées par la Cie PACIFICA pour 55.000 € et des préjudices temporaires contractuellement prévus.
En tout état de cause,
- CONDAMNER le Dr [Y] en qualité de responsable des conséquences dommageables de Mme [F] pour l’intervention du 5 mars 2015, in solidum avec son assureur, à verser la somme de 5.000 € à la Cie PACIFICA au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTER tout concluant de ses demandes plus amples et contraires aux présentes conclusions, dont celles formulées au titre de l’article de 700,

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 22 mai 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 18 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au préalable, il convient de relever que l’expert désigné, le docteur [B], est gynécologue obstétricien et praticien hospitalier, son expertise n’est pas critiquée à titre principal par les défendeurs qui ne sollicitent une contre-expertise qu’à titre subsidiaire, tout en contestant les conclusions de l’expert.
Le rapport mentionne les antécédents et notamment l’endométriose dont souffrait Mme [F] depuis l’âge de 17 ans et les 5 coelioscopies réalisées en raison de cette pathologie.
Le tribunal est ainsi en mesure de se prononcer sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une nouvelle expertise médicale. La demande subsidiaire sera rejetée.

Par ailleurs, la SAS François [W] sollicite sa mise hors de cause en précisant que l’assureur du docteur [Y] est la BHIL qui le reconnait et intervient volontairement à la procédure. Il est produit un extrait kbis de la société aux termes duquel il s’agit d’un courtier en assurance.
En conséquence, la SAS François [W] sera mise hors de cause et la BHIL sera reçue en son intervention volontaire.

SUR L'ACTION EN RESPONSABILITÉ INTENTEE

Sur la responsabilité du médecin
1/ Sur l'obligation d'information

Tout professionnel de santé est tenu en application des articles L.1111-2 et R.4127-35 du code de la santé publique d'un devoir de conseil et d'information ; l'information du patient doit porter de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, le texte prévoyant qu'en cas de litige c'est au professionnel d'apporter, par tous moyens en l'absence d'écrit, la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé.

Il convient de rappeler ici que le droit à l'information est un droit personnel, détaché des atteintes corporelles, et accessoire au droit à l'intégrité corporelle ; que le non-respect du devoir d'information cause nécessairement à celui auquel l'information était légalement due un préjudice moral qui se caractérise par le ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle et le défaut de préparation aux risques encourus, voire simplement aux inconvénients de l'opération.

Mme [F] reproche au docteur [Y] de ne pas l’avoir informée du risque qui est survenu et de ne pas lui avoir remis de notice et de l’avoir privée de toute chance de renoncer à la chirurgie.

Les défendeurs soutiennent au contraire que l’obligation d’information a été respectée, qu’elle a été délivrée oralement lors de la consultation préalable du 5 mars 2015 et qu’une fiche a été remise et mentionne le risque de blessure d’un organe voisin nécessitant des interventions itératives.
Ils allèguent encore les précédentes interventions au cours desquelles l’information avait été délivrée.

Sur ce, il convient de relever que la fiche d’information produite est très générale et ne prend pas en compte la situation particulière de Mme [F] pour laquelle les risques d’interventions étaient majorés au regard des adhérences constatées lors de la précédente intervention 10 ans plus tôt par le même docteur [Y], ni sa pathologie d’endométriose. Cette fiche ne dit rien sur le dialogue entre la patiente qui souhaitait une annexectomie gauche et le praticien sur les risques encourus et majorés dans son cas et les bénéfices attendus de cette intervention. Au demeurant, cette fiche n’est pas signée par la patiente.
Mme [F] ne pouvait s’attendre aux complications qui se sont réalisées alors que la précédente intervention similaire du côté droit s’était bien déroulée pour elle. Elle ne pouvait connaitre le risque d’intervention quand des adhérences multiples ont été constatées.
Les défendeurs échouent à établir le respect de cette obligation.

Ainsi le préjudice est caractérisé. Toutefois, il est observé qu’aucune somme n’est demandée au titre du préjudice d’impréparation aux risques.

2/ Sur la qualité des soins

Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Tout manquement à cette obligation qui n'est que de moyens, n'engage la responsabilité du praticien que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

Conformément à l'article L.1110-5 du code de la santé publique, « toute personne a, compte tenu, de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. »

En application des dispositions de l'article R.4127-32 du code de la santé publique, le médecin, dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande de son patient, s'engage à lui assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents.

Il est constant que « l’aléa médical peut être défini comme un événement dommageable au patient sans qu’une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien, et sans que ce dommage se relie à l’état initial du patient ou à son évolution prévisible.
Cette définition implique que l’accident ait été imprévisible au moment de l’acte, ou qu’il ait été prévisible mais connu comme tout à fait exceptionnel, de sorte que le risque était justifié au regard du bénéfice attendu de la thérapie ».
Un médecin n'a pas à supporter les conséquences d'un aléa thérapeutique lorsque, en dehors de toute faute, survient un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé.

Mme [F] reproche au docteur [Y] :
de l’avoir opérée malgré le taux important de risque opératoire alors qu’il la connaissait bien depuis 2005, soit 10 ans et que l’hystérectomie de 2005 avait montré qu’elle présentait de nombreuses adhérences et s’était compliquée d’un abcès pelvien et qu’il l’a ainsi exposée à des risques importants qui se sont réalisés ;de l’avoir laissée sortir de la clinique alors que son état ne le permettait pas.
Le docteur [Y] conteste le principe de sa responsabilité. Il rappelle que Mme [F] présentait des douleurs chroniques pelviennes depuis de nombreuses années, qu’elle avait déjà bénéficié d’une hystérectomie, d’une annexectomie droite et cinq coelioscopies dans le cadre de son parcours thérapeutique pour son endométriose et que, compte tenu de la persistance de ses douleurs, et du succès de la précédente annexectomie, elle a manifesté son souhait de recourir à une annexectomie gauche, situant le siège de ses douleurs à l’ovaire restante gauche.
Il précise avoir fait preuve de précautions en prescrivant une échographie pelvienne qui révélait la présence d’un kyste ovarien, puis, pour exclure toute origine digestive des douleurs, qu’il a sollicité l’avis d’un gastro-entérologue, comme le souligne le rapport d’expertise.
Les défendeurs soutiennent que l’indication est justifiée, contrairement à la position de l’expert, dans la mesure où l’intérêt de la coelioscopie dans ce contexte est requis par la CNGOF même en l’absence d’anomalies décelées lors d’explorations préopératoires.
Ils considèrent même que la coelioscopie était d’autant plus justifiée que compte tenu des précédentes interventions dont avait bénéficié Madame [F], celle-ci présentait nécessairement des adhérences pelviennes, car comme le relève également la CNGOF, la responsabilité de certaines adhérences pelviennes sur les douleurs est démontrée, tout comme l’intérêt d’un traitement chirurgical de ces adhérences.
Il verse aux débats un avis sur pièces établi par son médecin conseil, le Docteur [C] [S], chirurgien gynécologue, lequel rappelle que :
« Au préalable, le Dr [Y] a pris toutes les précautions avant de proposer une exploration chirurgicale en demandant avis a des confrères (gastroentérologue, psychiatre).
Il a donc proposé une coelioscopie en toute connaissance de cause. […]
L’expert [B] récuse l’indication de la coelioscopie car il n’y aurait pas d’endométriose car l’IRM est normale. Il est à noter que ce n’est pas le seul diagnostic possible. L’expert n’évoque aucune autre hypothèse, il occulte totalement les conséquences douloureuses des adhérences pelviennes. Cette étiologie doit être évoquée du fait des antécédents de cette patiente.
Cette indication parait logique au vu de l’histoire clinique, des antécédents de cette patiente et de l’efficacité des gestes opératoires. Quant à la réalisation de l’annexectomie, cette indication tient compte du caractère douloureux de l’ovaire gauche mais également de l’aspect de l’IRM.
En effet, cet examen montrant une lésion ovarienne gauche mise en évidence le 11 juillet 2014. Elle mesurait alors 20 mm. A la suite un contrôle en IRM réalisé le 21 octobre 2014, soit trois mois après retrouve un kyste de 41mm, soit un doublement de taille. Selon les RPC, il y a une indication opératoire basée sur l’augmentation de taille à 3 mois d’intervalle. »

S’agissant du 2ème manquement qui lui est reproché, le docteur [Y] le conteste également en indiquant avoir retardé sa sortie initialement prévue au 10 mars pour le 16 mars en réalisant un scanner et prescrivant une antibiothérapie.

Sur ce, il convient de relever que le conseil du docteur [Y] a adressé un dire à l’expert le 21 octobre 2020 qui comprenait déjà les éléments soulevés devant le tribunal.
Aucune réponse n’est apportée par l’expert aux dires des parties, toutefois son rapport définitif est bien postérieur (21 janvier 2021) et mentionne les dires, de sorte qu’ils ont été pris en compte.

L’avis du docteur [S] est en date du 10 décembre 2022, mais le docteur [Y] était assisté lors des opérations d’expertise par le professeur [R] [X] et le docteur [N] qui n’ont produit aucune note ou dire.
Mme [F] était assistée du docteur [O] [A] désigné par PACIFICA qui avait été sollicité avant l’introduction de la procédure et avait relevé les manquements retenus par l’expert : le défaut d’information sur les risques spécifiquement encourus d’autant que son abdomen était cicatriciel vu ses antécédents chirurgicaux, l’indication discutable de l’annexectomie gauche alors que l’examen montre une dystrophie ovarienne folliculaire sans signes d’endométriose et la prise en charge postopératoire non conforme.

Au total, la discussion ne porte pas sur la question de la prise en charge des douleurs pelviennes, comme tentent de le faire les défendeurs, mais sur les bénéfices et risques d’une coelioscopie pour une annexectomie gauche alors que la patiente présentait de nombreuses adhérences, que l’hystérectomie antérieure s’était compliquée d’un abcès pelvien droit, et que le taux de risque opératoire était particulièrement élevé chez elle, ce qui fait dire à l’expert que l’état antérieur, connu et ayant donné lieu à une complication, justifiait une abstention chirurgicale en l’absence d’indication formelle.
Le document produit en défense provenant du collège national des gynécologues et obstétriciens français publié le 10 décembre 2010 traite des douleurs pelviennes chroniques et indique notamment que les résultats du traitement coeliochirurgical systématique des anomalies diagnostiquées lors de la coelisoscopie sont très mitigés et qu’en présence de pathologie évidentes (endométriose sous-péritonéale profonde ou ovarienne kystique, séquelles de pelvipéritonite d’origine génitale, pelvis multiadhérentiels) le traitement est avant tout gynécologique coeliochirugical ou hormonal.
Ce document n’apporte rien au débat sur l’indication opératoire en présence de risques majorés.

Par ailleurs, un manquement dans la prise en charge des complications est relevé puisque des signes infectieux profond (hyperleucocytose et augmentation de la CRP) sont présents et que le scanner du 10 mars 2015 évoque la présence de 2 hématomes profonds. La sortie non accompagnée d’un contrôle médical était particulièrement imprudente, l’expert préconisant un contrôle de l’imagerie avec une indication formelle de reprise chirurgicale a postériori et précisant qu’une surveillance étroite aurait permis de réduire la durée des douleurs.

En l’espèce, bien que les complications consistant en des brèches digestives et vésicales provoquées par la levée des adhérences, soient qualifiées d’aléa thérapeutique, le tribunal considère que le Docteur [Y] n’a pas donné à sa patiente des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science en procédant à une intervention chirurgicale qui ne se justifiait pas et en n’assurant pas une surveillance suffisante pour remédier efficacement aux complications et douleurs. Une contre-expertise ne se justifie pas en l’espèce.
Dans ces conditions, le docteur [Y] est responsable de l’entier dommage.

Sur l'évaluation du préjudice corporel

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [G] [F], née le [Date naissance 1] 1973 et âgée par conséquent de 42 ans lors de l'accident, de 43 ans à la date de consolidation de son état de santé, et 50 ans au jour du présent jugement, et exerçant la profession de conseillère commerciale dans une agence bancaire lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Il convient en l'espèce d'utiliser le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 15 septembre 2020, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles, à savoir celui fondé sur les tables d'espérance de vie définitive de 2014-2016 publiées par l'INSEE et sur un taux d'intérêt de 0 %.

L'expert a évalué les préjudices ainsi que suit :
Consolidation un an après le rétablissement de la continuité digestive, le 6/11/2016
DS : soins en HAD de stomie et prise en charge psychologique, 2 ré-interventions pour rétablir la continuité digestive
Besoin en tierce personne : 2h par jour du 20/6/2015 au 2/11/2015 et 1 h par jour du 7/11/2015 au 6/11/2016;
Arrêt total d'activité : du 5/3/2015 au 31/1/2016 ;
Ralentissement d'activité : 6 au 9/6/2016, 19 au 30/7/2016, 23 au 27/8/2016, 13/3/2017 au 5/4/2017;
Déficit fonctionnel temporaire :
DF total pendant ses hospitalisations et son HAD :
Du 05.03.2015 au 16.03.2015
Du 30.03.2015 au 06.05.2015
Du 07.05.2015 au 19.06.2015
Du 20.06.2015 au 16.08.2015
Du 16.08.2015 au 29.08.2015
Du 02.11.2015 au 06.11.2015
Déficit fonctionnel temporaire partiel :
Classe 3 (50%) : Du 30.08.2015 au 01.11.2015
Classe 2 (25%) : Du 07.11.2015 au 06.11.2016
Souffrances endurées : 5/7
Préjudice esthétique temporaire : 3.5/7
Préjudice sexuel temporaire : oui
Dépenses de santé futures : Eventuelle reprise de la cicatrice médiane à la demande de la patiente.
Risque augmenté d’occlusion de l’intestin grêle ainsi que d’éventration pouvant justifier une réintervention
Assistance par tierce personne : 2h par semaine à titre viager
Pertes de gains professionnels futurs : à justifier
Incidence professionnelle : La patiente a dû réorganiser son activité professionnelle, nécessité de trajets courts domicile-travail, nécessité de disposer de toilettes proches de son bureau
Déficit fonctionnel permanent : 20%
Préjudice d’agrément : la patiente ne pratique plus la danse
Préjudice esthétique permanent : 3.5/7
Préjudice sexuel : il n’existe pas de préjudice sexuel définitif

I. PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé avant consolidation

Aux termes du relevé de créance définitive daté du 21/10/2022, le montant définitif des débours de la CPAM de l’Essonne s'est élevé à 165 662,56 €, avec notamment pour ce poste :

Dépenses de santé actuelles
40.472,50€

La caisse exerce son recours subrogatoire mais Mme [F] ne fait pas état de ses dépenses restées à charge.

Contrairement à ce qu’elle indique dans ses écritures, la Caisse a produit ses débours, dès lors, il n’y a pas de motif pour réserver ce poste.

Les défendeurs contestent la demande de la caisse.

En application de l'article L.376-1 du Code de la Sécurité Sociale, la CPAM dispose d'un recours subrogatoire sur les sommes versées à la victime en réparation de son préjudice corporel.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie produit un décompte actualisé et définitif, étayé par l'attestation d'imputabilité du docteur [V], et correspondant aux frais exposés suite aux fautes commises au cours de l'intervention litigieuse telles que décrites dans l'expertise.

Il convient de rappeler ici que les Caisses Primaires d’Assurance Maladie sont soumises aux règles de la comptabilité publique sous contrôle de la Cour des Comptes et que ses décomptes sont vérifiés par un agent comptable sous sa responsabilité personnelle ; qu’en vertu des dispositions des articles R. 315 -1 et suivants du code de la sécurité sociale, les médecins contrôleurs appartiennent au service du contrôle médical qui est un service national, totalement indépendant et détaché des caisses primaires d’assurance maladie.

Il s’ensuit que les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que l’attestation d’imputabilité délivrée par le médecin conseil du contrôle médical devrait être regardée comme une preuve que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie se serait faite à elle-même, l’attestation d’imputabilité se présentant comme l’avis d’un tiers technicien dont le caractère précisément motivé, par référence au rapport d’expertise, permet la critique et une discussion contradictoire, spécialement sur l’imputabilité des frais à l’accident médical litigieux ; que cette attestation d’imputabilité constitue un élément de débat recevable et pertinent au soutien de l’action de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, qu’il incombe aux défendeurs, qui ont la possibilité de mobiliser des moyens propres à le critiquer, de discuter ; qu’il leur appartenait, dans le cas où ils estimaient insuffisants les éléments produits et en particulier l’attestation du médecin-conseil, d’inviter la Caisse à faire préciser par ce dernier la méthode mise en oeuvre pour établir le montant réclamé et, au besoin, de solliciter une mesure d’expertise ou toute autre mesure d’instruction afin de vérifier l’imputabilité des dépenses.

Ce poste de préjudice n'étant constitué que des débours de la CPAM, il ne revient à la victime aucune indemnité complémentaire et il sera fait droit à la demande de la Caisse.

- Frais divers

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.

Il est demandé à ce titre la somme de 2310 € au titre des honoraires du docteur [B] et celle de 720€ pour être assistée par le docteur [L].
Les frais d’expertise font partie des dépens et la compagnie PACIFICA indique les avoir réglés, dès lors il convient de lui allouer 720 € de ce chef.

- Assistance tierce personne provisoire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne provisoire : 2h par jour du 20/6/2015 au 2/11/2015 et 1 h par jour du 7/11/2015 au 6/11/2016.

Il est demandé l’application d’un taux de 20€ l’heure et offert 10€ l’heure. Les parties s’accordent sur le nombre de jours.

Sur la base d’un taux horaire de 18 euros, adapté à la situation de la victime à ce stade, il convient d'allouer la somme suivante :
18€ x 2h x 136 j = 4 896 €
18€ x 1h x 366 j = 6 588 €
Total = 11 484 €.

- Dépenses de santé futures

La CPAM n’a pas de créance à faire valoir et l’expert n’en a pas pris en compte.

Madame [F] sollicite les dépenses d’Imodium, non remboursées par la caisse (à l’inverse de son générique), soit au total la somme de 65 431,51 € après capitalisation. Elle indique ne pas prendre le médicament générique pour des raisons de moindre efficacité.
Les défendeurs s’y opposent.

L’expert a mentionné la prise d’Imodium et les séquelles de Mme [F] sont bien en relation avec cette médication. Toutefois, Mme [F] ne verse aucune pièce pour justifier du coût de la boite d’Imodium et de la réalité de ses dépenses.
En conséquence, elle n’établit pas son préjudice, la demande est rejetée.

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation, le 6 novembre 2016.

L’expert retient que Madame [F] a dû réorganiser son activité professionnelle, a nécessité de trajets courts domicile-travail, nécessité de disposer de toilettes proches de son bureau.
Il a retenu :
Un arrêt de travail du 5 mars 2015 jusqu'au 31 janvier 2016 où elle a repris à mi-temps thérapeutique du 1er février 2016 au 30 octobre 2016, mais avec des arrêts de travail fréquents suivi d’une mise en invalidité. Une reprise à temps plein le 1er novembre 2016Des arrêts de travail du 06/06/2016 au 09/06/2016, du 19/07/2016 au 30/07/2016, du 23/08/2016 au 27/08/2016, (et après la consolidation du13/3/2017 au 5/4/2017).

La CPAM fait valoir à ce titre une créance de 30.088,61 € correspondant aux indemnités journalières versées du 5/3/2015 au 10/10/2016.

Madame [F] allègue la perte de gains actuels suivante : 30.902,62 € - 5.446 € - 10.900,01= 14.556,61€.

Elle expose qu’elle travaillait dans une banque comme conseillère commerciale depuis février 2013, et qu’elle aurait pu y faire carrière.
Pour calculer ses pertes de gains professionnels actuels, elle prend comme année de référence l’année 2013 et non l’année 2014 car, selon son avis d’imposition 2015 sur revenus 2014, elle a perçu au titre de ses salaires 7.300 € nets annuels en raison de son absentéisme pour s’occuper de sa mère mourante pendant plusieurs mois jusqu’en juillet 2014.
Elle ajoute qu’en 2014 elle a dû réaliser de nombreux examens médicaux en raison du kyste fonctionnel douloureux qui va donner lieu à l’annexectomie du 5 mars 2015.

Les avis d’impositions mentionnent les revenus suivants :
En 2012, 17 533 €, en 2013, 21 130 € et en 2014, 8111 €.
Sa situation particulière et notamment ses arrêts de travail en relation avec son état antérieur, justifie de prendre en compte la moyenne des revenus des 3 dernières années, soit 15 591,33€, étant relevé que le contrat de travail mentionne une embauche en 2013 pour un revenu annuel brut de 23 000€, soit 17 940€ nets et 1495 € nets par mois.

Les indemnités journalières perçues du 1/1/2016 au 3/10/2016 totalisent la somme de 6 915,65 € (pièce 5). Elles sont imposables et sont en principe comprises dans la somme déclarée, toutefois les revenus font état des seuls salaires.
Celles perçues en 2015 ne sont pas produites, mais il se déduit de la créance de la caisse qu’elles s’élèvent à 30.902,62 - 6 915,65 = 23 986,97 €, somme qui dépasse le revenu déclaré !
En conséquence, les indemnités journalières ne figurent pas sur les avis d’imposition et Mme [F] ne versant pas ses fiches de paie, il n’est pas possible de calculer au plus juste le poste.

En conséquence, il y a lieu de prendre en compte les deux années entières pour le calcul de ce poste :
En 2015, elle a perçu 9077€ et en 2016, 13 212 €, les pertes sont de :
2015 : 15 591,33€ - 9077€ = 6514,33 €
2016 : 15 591,33€ - 13 212 € = 2379,33 €
Total = 8 893,66 €.

Ainsi, il sera alloué la somme de 8 893,66€ à Mme [F] et la somme de 30.088,61€ à la CPAM.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

En l'espèce, Madame [F] expose sa demande comme suit : « elle a tenté de reprendre son travail à plein temps du 1er novembre 2016 au 13 mars 2017. Les conditions de trajets et de travail étaient tellement difficiles qu’elle a de nouveau était arrêtée du 14.3.2017 jusqu’au 30.5.2017.
Elle a ensuite travaillé à mi-temps du 31 mai 2017 au 30.6.2017. Le 1er juillet 2017, elle est placée en 1ère catégorie d’invalidité et reprend un temps plein jusqu’au 18 novembre 2017.
Elle est de nouveau arrêtée au 19 novembre 2017 jusqu’à donner sa démission au 23 mars 2018. »
En effet, même avec les préconisations de la médecine du travail [G] [F] ne pouvait plus occuper son poste.
En réponse à la demande de la médecine du travail d’adapter le transport, c’est-à-dire limiter les trajets pour que [G] [F] puisse notamment avoir accès à des sanitaires en permanence, l’employeur a mis à sa disposition des taxis mais le trajet était plus long qu’en train et sans sanitaire. (Pièces 21 et suivantes)
N’y tenant plus, [G] [F] dont l’employeur ne proposait pas de mutation près de chez elle, a trouvé un contrat, à durée déterminée, d’une durée de 4 mois de conseiller à la Société Générale dans l’Essonne. Mais même sans les trajets ce poste s’est révélé pénible.
Occuper un plein temps est difficile surtout si elle doit enchainer des rendez-vous qui ne sont pas toujours adaptés à son transit délicat (qui peut exiger qu’elle doive se rendre aux toilettes sans délais).
Très fatigable elle souffre de troubles de la concentration après plusieurs heures de travail. »

Ainsi, après son départ, le 3 septembre 2018, Mme [F] a créé une activité indépendante de courtier en assurance pour être libre de moduler ses heures et ses lieux d’activité. Elle a débuté officiellement son activité de courtage en 2019.

Elle sollicite 24.002 € (pertes avant le 1/1/2020) + 3.780 € (pertes en 2020) + 143.428 (capitalisation viagère de la perte annuelle de 2020 pour prendre en compte l’incidence sur la retraite) = 171.210 € - 3.658,57 € (arrérages de la pension de la caisse) = 167.551,43 €.

La CPAM de l’ESSONNE fait valoir une créance de :
Arrérages échus du 1/7/2017 au 31/10/2022 : 6523,09€
Arrérages à échoir de la pension d’invalidité à compter du 1/11/2022 : 88 578,36€

Les défendeurs considèrent que Mme [F] ne subit aucune perte de gains.

Sur ce

Les revenus sont
2017 : 14 586 € salaires + 2942 € de pension d’invalidité
2018 : 11 490 € salaires + 3815 € autres + 962 € de pension
2019 : 11 € salaires + 8973 € autres = 8984 €
Les allocations chômages figurent en rubrique « autres », soit 12 788 €
Les salaires totalisent, 26 087 € et la pension d’invalidité 3904 €, soit au total 29 991€ à prendre en compte.

Il y a lieu de prendre comme revenu de référence annuel pour cette période, le revenu sollicité de 19 017 € dans la mesure où le salaire perçu en 2013 de 17 696 € pour 322 jours (à compter du 13/2/2013), correspond à davantage sur l’année (17 696 € / 322 x 365 = 20 059 €).
Dès lors la perte alléguée est démontrée, une erreur ayant été faite au regard de l’avis d’imposition 2019 sur les revenus réellement perçus, moins important qu’allégué.
La somme de 24.002 € demandée (19 017€ x 3 ans - 33 049€) doit donc être prise en compte.

En 2020, ses BNC professionnels se sont élevés à 24 619€ et 16 249€ nets.
L’actualisation du revenu annuel de 2013 à 20 029€ en 2020 est justifiée compte tenu de ce qui précède.
Ainsi, la perte de revenus en 2020 est de 20 029 € - 16 249 € = 3780 € annuel.

Dès lors, il sera alloué :
- au titre des arrérages échus au 31/12/2023 :
24 002 € + 15120 € (3780€ x 4 années) = 39 122 €

- au titre des arrérages à échoir au 1/1/2024 : 3780 € x 16,513 (euro de rente jusqu’à 67 ans pour une femme de 50 ans) = 62 419,14 €
En effet, au regard de l’âge de la victime à la date de l’accident 42 ans, rien ne justifie une capitalisation viagère.

S’agissant de la créance, il convient de prendre en compte les sommes effectivement versées pas la caisse qui ne verse plus la pension d’invalidité en raison des conditions de ressources de l’assurée qui sont supérieures au plafond. La caisse pourra faire valoir sa créance si Mme [F] devait réduire son activité en raison d’une aggravation de son préjudice. En tout état de cause, elle pourra se prévaloir d’une aggravation situationnelle.

Ainsi, la créance s’élève à 6523,09 € et Mme [F] justifie que la caisse lui a réclamé un indû de 2864,52 € le 4 mai 2021.
En conséquence, la somme qui revient à la caisse est de 6523,09 € - 2864,52 € = 3658,57 €.

Après déduction de la créance, il revient à la victime : 39 122 € + 62 419,14 € = 101 541,14 € dont à déduire la créance, soit 97 882,57 €.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

En l'espèce, Mme [F] sollicite la somme de 150 000 € en rappelant qu’elle a dû démissionner de son emploi et renoncer à ses avantages à la suite de son accident, qu’elle subit une dévalorisation sur le marché du travail et une pénibilité accrue.

Les défendeurs s’opposent à l’indemnisation de ce poste en soutenant que ses séquelles sont en relation avec un état antérieur d’endométriose et qu’en tout état de cause, elle a refusé les aménagements de son employeur.

Au regard des éléments versés aux débats, il est établi que les séquelles de l’accident dont a été victime Mme [F] ont une incidence sur sa sphère professionnelle dans la mesure où l’expert retient un déficit fonctionnel permanent de 20% en notant : « Il existe une fatigabilité persistante depuis les interventions ainsi que des douleurs pelviennes associées à des troubles du transit à type de 10 à 12 selles par jour sans incontinence anale, en rapport avec un syndrome du grêle court. Il existe une incidence sociale… »
Au titre du préjudice professionnel, il relève : « la patiente a dû réorganiser son activité professionnelle, nécessité de trajets courts domicile-travail, nécessité de disposer de toilettes proches du bureau ».

Dans ces conditions, ce préjudice est établi, les séquelles étant en relation de causalité directe et certaine avec la faute médicale, les défendeurs sont particulièrement mal fondés à le discuter de nouveau à ce titre. La démission est également en relation de causalité directe et certaine avec les séquelles au regard des besoins de Mme [F] dont l’exercice du travail salarié dans un bureau est devenu trop difficile. La qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue.

Elle travaille désormais en indépendante et s’organise en fonction de ses besoins, non sans pénibilité et fatigabilité. Elle subit incontestablement une dévalorisation sur le marché du travail.

Pour l’ensemble de ces préjudices, il lui sera alloué la somme de 60 000 € au regard de son âge à la consolidation : 43 ans.

- Assistance par tierce personne pérenne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe après la consolidation de son état de santé, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne pérenne : 2 heures par semaine à titre viager pour le port de charges lourdes.
Il est demandé l’application d’un taux de 24€ l’heure sur 57 semaines et au total, la somme de 116 126,78€, tandis que les défendeurs proposent le taux de 9,67€ en référence au SMIC en 2016 sur 52 semaines.

Sur la base d’un taux horaire de 20 euros sur 52 semaines, après la consolidation et 22 euros sur 57 semaines pour l’avenir au regard des congés payés, adaptés à la situation de la victime et à l’évolution des coûts de la tierce personne, il convient d'allouer à la somme suivante :
Au titre des arrérages échus du 6/11/2016 au 6/11/2023 :20€ x 2 h x 364 semaines (52sx7 ans) = 14 560 €
A compter du 7/11/2023 :22 € x 2 h x 57 semaines = 2508 € x 36,080 = 90 488,64 €

Total = 105 048,64 €.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
DF total pendant ses hospitalisations et son HAD :
Du 05.03.2015 au 16.03.2015
Du 30.03.2015 au 06.05.2015
Du 07.05.2015 au 19.06.2015
Du 20.06.2015 au 16.08.2015
Du 16.08.2015 au 29.08.2015
Du 02.11.2015 au 06.11.2015, soit 164 jours
Déficit fonctionnel temporaire partiel :
Classe 3 (50%) : Du 30.08.2015 au 01.11.2015, soit 64 jours,
Classe 2 (25%) : Du 07.11.2015 au 06.11.2016, soit 366 jours.

Il est demandé l’application d’un taux journalier de 30€ outre un préjudice sexuel temporaire, soit 9500€, tandis qu’il est offert 20€ par jour en défense.

Sur la base d’une indemnisation de 30 € par jour pour un déficit total, adapté à la situation décrite qui prend en compte le préjudice sexuel temporaire, il sera alloué la somme suivante :
30€ x 164 j = 4920 €
30€ x 0,50 x 64 j = 960 €
30 € x 0,25 x 366 j = 2745 €
Total = 8625 €.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

Il est demandé 35 000€ et offert 5000€, les défendeurs considérant que la cotation devrait être revue à 3/7 au regard de la fragilité antérieure de la patiente.

En l'espèce, les souffrances sont caractérisées par l’intensité des douleurs en rapport avec les brèches digestives et vésicales, la nécessité de plusieurs interventions, la pose d’une stomie durant 8 mois qui a particulièrement affectée Mme [F], la nouvelle intervention pour rétablir la continuité intestinale, les atteintes psychologiques et la séparation avec ses enfants. Elles ont été cotées à 5/7 par l’expert. Rien ne justifie de réduire cette évaluation.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 35 000 € à ce titre.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

Il est demandé 5000€ et offert 3000€.

Ce préjudice a été coté à 3,5/7 par l'expert en raison notamment de l’altération de l’image de la victime durant la dérivation intestinale.
En conséquence, il lui sera alloué la somme de 4000€.

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d'existence.

Il comporte en conséquence une part du préjudice dont il est demandé l'indemnisation au titre du préjudice d'agrément et qui sera réparé ici.

En l'espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 20 % en rapport avec les douleurs pelviennes, la fatigabilité persistance et les troubles du transit. Rien ne justifie de revoir cette cotation à la baisse comme le demandent les défendeurs (à 10%) sans motifs, les troubles étant bien réels et en lien avec un intestin grêle court.

La victime étant âgée de 43 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 44 900 € (valeur du point 2245€).

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.

En l'espèce, il est coté à 3,5/7 par l'expert en raison de notamment des 4 cicatrices de 22cm, 3cm, 3cm et 13 cm sur l’abdomen et le pubis.
Dans ces conditions, il convient d'allouer une somme de 10 000 € à ce titre au regard du nombre de cicatrices et de leur importance.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers. La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

En l'espèce, il est relevé l’arrêt de la pratique de la danse. Il est demandé 4000€ tandis que les défendeurs s’y opposent en l’absence de justificatifs.

En effet, la victime n'a versé aux débats aucune pièce s'agissant de la pratique antérieure de l’activité qu'elle dit avoir été obligée d'abandonner.

Dans ces conditions, la demande formulée à ce titre ne pourra qu'être rejetée.

- Préjudice sexuel

La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et la fertilité de la victime.

En l'espèce, l'expert n’a pas retenu ce préjudice faute de certitude du lien entre la perte de libido et les séquelles. Toutefois, le siège des séquelles est bien évidemment en rapport avec la sexualité. Elles ont des conséquences sur l’image de soi (les cicatrices, les douleurs pelviennes et le besoin impérieux d’aller à la selle) donc la libido. Mme [F] déplore la perte de sa vie de femme, étant relevé qu’elle était mariée antérieurement et a donné naissance à 3 enfants malgré son endométriose.
Le préjudice, en lien avec les séquelles imputables, est ainsi caractérisé.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 10 000 € à ce titre.

SUR LES DEMANDES DE PACIFICA

L’assureur de Mme [F] justifie avoir versé les provisions suivantes :
- 5000 € les 15/12/2018, 8/4/2019, 24/6/2019, soit 15 000€
- 40 000 € le 22/9/2021
Soit au total, la somme de 55 000 € ;
Cette somme sera déduite de la somme allouée à Mme [F] et les défendeurs seront condamnés à verser 55 000€ à PACIFICA, outre la somme de 5220 € dont il est justifié au titre des frais d’assistance à expertise, au titre de son recours subrogatoire.

S’agissant des frais d’expertise, ils font partie des dépens, comme les frais d’assignation en référé.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

* Sur l'indemnité forfaitaire de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale

En application de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, le tiers responsable est condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et d'un montant minimum, fixés par arrêté.
Dès lors en l’espèce, il sera alloué la somme forfaitaire demandée de 1.162 €.

Il n’y a lieu de réserver les droits de la CPAM de l’Essonne quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement dans la mesure où la caisse peut former une nouvelle demande en cas d’aggravation du préjudice.

* Sur les intérêts

En vertu de l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Selon l’article 1231-7 du même code : « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. »

En application de ces textes, le tribunal se bornant à reconnaitre la créance de la caisse dans la limite du préjudice global de la victime, les sommes allouées à la caisse produiront intérêts au taux légal à compter de la première demande en justice, soit le 13 septembre 2022.
Les intérêts des sommes allouées à la victime courront à compter du jugement.

* Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le docteur [Y] et la BHIL, parties perdantes, seront condamnées aux dépens dans les conditions précisées au dispositif.

En outre, ils devront supporter les frais irrépétibles engagés par Mme [F], la compagnie PACIFICA et la CPAM de l’Essonne dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison des sommes respectives de 4500 €, 2000€ et 1500 €.

* Sur l’exécution provisoire

Rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s'agissant en effet d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

MET hors de cause la SAS François [W] ;

RECOIT la Berkshire Hathaway International Insurance Ltd (BHIL) en son intervention volontaire ;

DIT n’y avoir lieu d’ordonner une nouvelle expertise médicale ;

DIT que le docteur [T] [Y] a commis plusieurs fautes au sens des dispositions des articles L.1110-5, L.1142-1-I, R.4127-32, R.4127,33, R.4127-233 du code de la santé publique ;

DECLARE le docteur [T] [Y] responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par Madame [G] [F], le 5 mars 2015 ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [T] [Y], et La Berkshire Hathaway International Insurance Ltd à réparer l'intégralité du préjudice subi ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [T] [Y], et La Berkshire Hathaway International Insurance Ltd à payer à Madame [G] [F], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions versées par PACIFICA de 55 000€ non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
- frais divers : 720 €
- assistance par tierce personne temporaire : 11 484 €
- pertes de gains professionnels actuels: 8 893,66 €
- assistance par tierce personne pérenne : 105 048,64 €
- perte de gains professionnels futurs: 97 882,57 €
- incidence professionnelle: 60 000 €
- déficit fonctionnel temporaire: 8 625 €
- souffrances endurées: 35 000 €
- préjudice esthétique temporaire: 4 000 €
- déficit fonctionnel permanent: 44 900 €
- préjudice esthétique permanent: 10 000 €
- préjudice sexuel: 10 000 €

REJETTE les demandes au titre des dépenses de santé actuelles et futures, des frais divers et du préjudice d’agrément ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [T] [Y], et La Berkshire Hathaway International Insurance Ltd à payer à la CPAM de l’Essonne :

Au titre des dépenses déjà exposées : 40 472,50 € imputés sur le poste DSA, 30.088,61€ imputés sur le poste PGPA, 3 658,57 € imputés sur le poste PGPF, ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 13 septembre 2022, date de la première demande en justice,Au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, 1162 €,
REJETTE la demande au titre du capital de la pension d’invalidité non versée ;

DIT n’y avoir lieu de réserver les droits de la CPAM de l’Essonne quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [T] [Y], et La Berkshire Hathaway International Insurance Ltd à payer PACIFICA :
55 000 € versées au titre des provisions à Mme [F]5220 € au titre des frais d’assistance à expertise ;
CONDAMNE in solidum le Docteur [T] [Y], et La Berkshire Hathaway International Insurance Ltd aux dépens comprenant les frais d’expertise et les dépens du référé, et pouvant être recouvrés directement par la SELARL KATO & LEFEBVRE, Avocats pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [T] [Y], et La Berkshire Hathaway International Insurance Ltd à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à :
- Madame [G] [F], 4 500 €,
- la CPAM de l’Essonne, 1 500 €,
- la compagnie PACIFICA, 2 000 € ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 18 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente

Erell GUILLOUËTSabine BOYER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 21/12321
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;21.12321 ?
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