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15/03/2024 | FRANCE | N°23/10041

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 23/10041


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 15/03/2024
à : Monsieur [G] [P]


Copie exécutoire délivrée
le : 15/03/2024
à : Maître Coralie-alexandra GOUTAIL

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/10041 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TV5

N° MINUTE :
17/2024






JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 3]
représentée par

Maître Coralie-alexandra GOUTAIL de l’EURL Goutail Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #A0201

DÉFENDEUR
Monsieur [G] [P], demeurant [Adresse 1] - [Localité...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 15/03/2024
à : Monsieur [G] [P]

Copie exécutoire délivrée
le : 15/03/2024
à : Maître Coralie-alexandra GOUTAIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/10041 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TV5

N° MINUTE :
17/2024

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 3]
représentée par Maître Coralie-alexandra GOUTAIL de l’EURL Goutail Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #A0201

DÉFENDEUR
Monsieur [G] [P], demeurant [Adresse 1] - [Localité 4]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne ROSENZWEIG, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Florian PARISI, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 06 février 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Anne ROSENZWEIG, Vice-présidente assistée de Florian PARISI, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/10041 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TV5

Exposé du litige

Suivant offre de contrat acceptée le 21 août 2018, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a consenti à Monsieur [G] [P] un crédit personnel d’un montant de 75 000 euros, remboursable en 120 mensualités de 822,33 euros hors assurance, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 5,72 % et un taux annuel effectif global de 5,99 %.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a, par lettre recommandée avec accusé de réception 1er mars 2023, mis en demeure Monsieur [G] [P] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme qui est intervenue le 21 mars 2023. Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 2023, la CAISSE DEPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE l’a mis en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.

Par acte d’huissier de justice du 17 octobre 2023, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a ensuite fait assigner monsieur [G] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
56.953,24 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,99% à compter du 21 mars 2023, jusqu’au jour du parfait paiement, sur le fondement de la déchéance du terme ou de la résiliation judiciaire du contrat ;1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.La demanderesse demande que soit ordonnée la capitalisation des intérêts à compter de la signification de l’assignation et que la décision à intervenir bénéficie de l’exécution provisoire.

L’affaire a été appelée à l’audience du 6 février 2024, où les moyens suivants ont été soulevés d’office:
la nullité du contrat, compte tenu du paiement survenu avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 312-25 du code de la consommation, éventuellement prorogée au premier jour ouvrable, en application de l’article 642 du code de procédure civile,la forclusion de l’action, en application de l’article R. 312-35 du code de la consommation, compte tenu de la date du premier incident de paiement non régularisé, la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts, en application des dispositions des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation, pour absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur.
À l’audience, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, représentée, a maintenu les demandes de l’assignation, soulignant que la créance n’est pas forclose et qu’aucune cause de nullité ou de déchéance du droit aux intérêts n’affecte le contrat. Elle a mentionné que la nullité du contrat ne pouvait être retenue, compte-tenu de la date de versement des fonds, en l’espèce le 27 août 2018.

Bien que régulièrement assigné par acte d’huissier de justice à étude, monsieur [G] [P] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

L’affaire a été mise en délibéré au 15 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Selon l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.

Il convient donc, en l’espèce, d’appliquer d’office au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur au 21 août 2018, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.

Sur la forclusion

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans un délai de deux ans suivant l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance d’août 2022 de sorte que la demande effectuée le 17 octobre 2023 n’est pas atteinte par la forclusion.

Sur la nullité du contrat

Selon l’article L. 312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur. L’article L. 312-24 du même code précise que le contrat ne devient parfait que si l’emprunteur n’a pas fait usage de sa faculté de rétractation.

Il se déduit de ces dispositions que le respect de l’article L.312-25 du code de la consommation est une condition de la validité du contrat. Il s’agit, en effet, d’une disposition destinée à protéger la validité du consentement du consommateur et l’effectivité d’une faculté de rétractation qui ne soit pas altérée par la jouissance immédiate du capital qu’il souhaite emprunter.

Au surplus, ces dispositions étant d’ordre public, leur violation doit être sanctionnée par la nullité du contrat ou de la stipulation contractuelle contraire, conformément à l’article 6 du code civil.

En l’espèce, d’après les documents soumis aux débats, monsieur [G] [P] a accepté l’offre de contrat le 21 août 2021, de sorte qu’aucun paiement ne pouvait intervenir avant le 29 août 2021 à minuit, conformément aux dispositions précitées, telles qu’interprétées selon les modalités de computation des délais prévues à l’article 642 du code de procédure civile.

Or, d’après l’historique de compte versé aux débats, le versement du montant du crédit à l’emprunteuse ou pour son compte est intervenu le 27 août 2021, soit avant l’expiration du délai légal précité.

Il s’en déduit que la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a violé les dispositions d’ordre public de l’article L. 312-25 du code de la consommation.

Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, il convient de prononcer la nullité du contrat de crédit conclu en violation des dispositions précitées, et de replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion.

Au regard du décompte versé aux débats, après imputation sur le capital prêté (75 000 euros) de tous les versements effectués par monsieur [G] [P] (42.691,42 euros), il y a lieu de condamner ce dernier à restituer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 32.308,58 euros.

La nullité étant imputable au prêteur, il convient, en outre, d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

La demande au titre de l’indemnité légale sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, monsieur [G] [P], partie perdante à l’instance, sera condamné aux dépens.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Selon l’article 514-1 du même code, le juge peut néanmoins écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, compte tenu du montant de la dette et de l’absence totale de reprise du paiement des mensualités de crédit depuis l’assignation, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que le contrat du 21 août 2018 est nul pour avoir été conclu en violation des dispositions de l’article L. 312-25 du code de la consommation,

CONDAMNE monsieur [G] [P] à payer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 32.308,58 euros (trente deux mille trois cent huit euros et cinquante huit centimes), à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité,

ÉCARTE l’application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier,

REJETTE en conséquence la demande de paiement de l’indemnité légale et des intérêts de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE;

DÉBOUTE la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE du surplus de ses demandes,

CONDAMNE monsieur [G] [P] aux dépens,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi signé par la juge et le greffier susnommés et mis à disposition des parties le 15 mars 2024.

Le GreffierLa Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/10041
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;23.10041 ?
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