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15/03/2024 | FRANCE | N°23/10019

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 23/10019


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 15/03/2024
à : Monsieur [L] [M], Monsieur [S] [M]


Copie exécutoire délivrée
le : 15/03/2024
à : Maître Coralie-alexandra GOUTAIL

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/10019 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TQO

N° MINUTE :
12/2024






JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée p

ar Maître Coralie-alexandra GOUTAIL de l’EURL Goutail Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #A0201

DÉFENDEURS
Monsieur [L] [M], demeurant [Adresse 1]
représe...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 15/03/2024
à : Monsieur [L] [M], Monsieur [S] [M]

Copie exécutoire délivrée
le : 15/03/2024
à : Maître Coralie-alexandra GOUTAIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/10019 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TQO

N° MINUTE :
12/2024

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Coralie-alexandra GOUTAIL de l’EURL Goutail Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #A0201

DÉFENDEURS
Monsieur [L] [M], demeurant [Adresse 1]
représenté par M. [S] [M], père, muni d’un pouvoir et d’une pièce d’identité

Monsieur [S] [M], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne ROSENZWEIG, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Florian PARISI, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 06 février 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Anne ROSENZWEIG, Vice-présidente assistée de Florian PARISI, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/10019 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TQO

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 29 juillet 2014, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a consenti à [L] [M] un contrat de prêt d’un montant de 20.000 euros au taux contractuel nominal de 1,88%, remboursable en 120 mensualités, dont 60 mensualités comprenant uniquement l’assurance emprunteur de 5 euros, puis 60 mensualités de 388,62 euros, y compris l’assurance.

Selon acte sous seing privé en date du 29 juillet 2014, [S] [M] s’est porté caution solidaire des engagements d’[L] [M].

Des échéances étant demeurées impayées, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a fait assigner [L] et [S] [M] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par actes de commissaire de justice en date des 18 et 21 septembre 2023, en paiement solidaire des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
14.184,86 euros avec intérêts au taux de 1,90 % l’an à compter du 20 avril 2023, par application de la déchéance du terme ou après résiliation du contrat ;1.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que la décision sur les dépens de l'instance.Elle a sollicité la capitalisation des intérêts.

Au soutien de sa demande, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE fait valoir que les mensualités d'emprunt n'ont pas été régulièrement payées, ce qui l'a contraint à prononcer la déchéance du terme du contrat, rendant la créance exigible. Elle précise que la créance n’est pas forclose.

A l'audience du 6 février 2024, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance. La nullité, la forclusion, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification de la solvabilité) et légaux ont été mises dans le débat d'office. La banque a indiqué qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’était encourue, le dossier étant complet.

[S] [M] a comparu, muni d’un pouvoir de représentation d’[L] [M]. Il a indiqué que ce prêt avait servi à financer une formation au bénéfice d’[L] [M], son fils, qui était désormais sans emploi. Il a précisé ne pas pouvoir rembourser ce crédit, ayant lui-même été licencié.

Conformément à l'article 467 du code de procédure civile, il sera statué par jugement contradictoire.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 15 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement au titre du prêt

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011.

L’article R 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe de la contradiction. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 6 février 2024.

L'article L.311-24 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.311-6 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.311-24, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L’article R 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant la juridiction dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance du 15 décembre 2021 de sorte que la demande effectuée les 18 et 21 septembre 2023 n’est pas atteinte par la forclusion.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés, soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire, soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu'il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l'envoi d'une telle mise en demeure et de s’assurer que la mise en demeure a bien été portée à la connaissance du débiteur (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636).

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article IV 9 Exigibilité anticipée, déchéance du terme) et une mise en demeure de payer la somme de 1.647,72 euros, préalable au prononcé de la déchéance du terme, précisant le délai de régularisation (de 8 jours) a bien été envoyée à [L] [M] le 28 mars 2023, ainsi qu'il ressort de l'avis de réception produit revenu signé le 1er avril 2023, de sorte qu'en l'absence de régularisation dans le délai, ainsi qu'il ressort de l'historique de compte, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a adressé un courrier recommandé avec demande d’avis de réception revenu avec la mention « pli avisé et non réclamé », en date du 20 avril 2023, prononçant la déchéance du terme. Elle a informé la caution de la déchéance du terme par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 20 avril 2023.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen d’un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.312-16), à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.341-2), étant précisé que le prêteur ne doit pas s’arrêter aux seules déclarations de l’emprunteur compilées dans la « fiche dialogue » mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum, la production d’un avis d’imposition et de relevés bancaires) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement.

Or, en l'espèce, il n'est pas suffisamment justifié de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, les relevés bancaires antérieurs à la conclusion du contrat de l’emprunteur et de la caution n’étant pas produit aux débats.

En conséquence, le prêteur ne peut qu'être déchu totalement du droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l'article L.341-2 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus et les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE à hauteur de la somme de 9.576,40 euros au titre du capital restant dû, compte-tenu des versements effectués.

Il sera par ailleurs rappelé qu'en application de l'article 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d'office le montant de la clause pénale si elle est manifestement excessive. En l'espèce, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts rend manifestement excessive la clause pénale de 8% du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt, laquelle sera donc réduite à 1 euro.

[L] et [S] [M] sont ainsi solidairement tenus, en application de l’engagement de caution solidaire du 29 juillet 2014, au paiement de la somme totale de 9.577,40 euros correspondant au capital restant dû et à la clause pénale.

En l’espèce, le prêt étudiant a été accordé à un taux d’intérêt annuel fixe de 1,88%, inférieur au taux légal, de sorte que pour conserver à la déchéance du droit aux intérêts le caractère d'une sanction, il conviendra de maintenir le taux d'intérêt contractuel, à compter de la présente décision en l'absence de remise à personne de tout acte valant mise en demeure.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts, dite encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L.312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité, ni aucun frais autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée, et les condamnations ne pourront porter que sur les seules sommes précédemment fixées.

Sur les demandes accessoires

Les défendeurs, qui succombent, supporteront solidairement les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. Elle sera donc déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE au titre du prêt souscrits par [L] [M], le 29 juillet 2014, dont [S] [M] s’est porté caution solidaire, par acte sous seing privé du 29 juillet 2014 ;

RÉDUIT les indemnités sollicitées par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE au titre de la clause pénale à 1 euro ;

ÉCARTE l'application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;

CONDAMNE en conséquence solidairement [L] et [S] [M] à verser à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 9.577,40 euros (neuf mille cinq cent soixante dix sept euros et quarante centimes) au titre du capital restant dû et de la clause pénale avec intérêts au taux contractuel de 1,88% à compter de la présente décision sans application de la majoration légale de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;

REJETTE le surplus des demandes, notamment la demande de capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

CONDAMNE solidairement [L] et [S] [M] aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/10019
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;23.10019 ?
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