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15/03/2024 | FRANCE | N°23/00283

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 23/00283


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/00283 - N° Portalis 352J-W-B7H-CYZKC

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
Madame [L] [D] veuve [U] [O], demeurant [Adresse 5]
comparante assistée de Maître COMMERÇON, Avocat à la Cour, [Adresse 3]


DÉFENDERESSE
S.C.I. [Adresse 4], domiciliée : chez ORALIA FAY e

t Compagnie, dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante, représentée par Maître Christophe BORÉ, SELARL AKPR, société d’Avocats près la Cour d’Appel de PARIS inscrite a...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/00283 - N° Portalis 352J-W-B7H-CYZKC

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
Madame [L] [D] veuve [U] [O], demeurant [Adresse 5]
comparante assistée de Maître COMMERÇON, Avocat à la Cour, [Adresse 3]

DÉFENDERESSE
S.C.I. [Adresse 4], domiciliée : chez ORALIA FAY et Compagnie, dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante, représentée par Maître Christophe BORÉ, SELARL AKPR, société d’Avocats près la Cour d’Appel de PARIS inscrite au Barreau du Val de Marne, [Adresse 1]

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 septembre 2023, mise à disposition le 16 novembre 2023 prorogé le 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/00283 - N° Portalis 352J-W-B7H-CYZKC

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er octobre 1985, la SCI DU [Adresse 4] a donné à bail à Monsieur [U] [O] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 5]) pour un loyer de 950 francs par trimestre plus de 180 francs de taxes et prestations.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mars 2020, Madame [L] [D] veuve [U] [O] s'est plainte de l'absence de décence du logement et a demandé à sa bailleresse qu'elle réalise des travaux de mise aux normes.

Le mandataire de la bailleresse lui a répondu le 3 juillet 2020, en lui rappelant avoir missionné un couvreur pour réparer les fuites en provenance de la toiture et sa proposition de la reloger de façon définitive et sans modification du bail dans un autre appartement situé au 1er étage de l'immeuble.

Par courrier reçu le 28 juillet 2020, Madame [L] [D] veuve [U] [O] a estimé difficile de maintenir le bail aux conditions de la loi du 1er septembre 1948, tout en changeant de logement et a fait part de son accord pour y être relogée provisoirement, le temps que les travaux de mise aux normes soient réalisés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 février 2021 reçue le 5 mars 2021, la SCI DU [Adresse 4] a maintenu sa proposition dans des termes identiques, en indiquant qu'à défaut de réponse de sa part dans les huit jours, l'appartement qui lui avait été proposé serait remis à la location.

Cette lettre s'est croisée avec le courrier recommandé de Madame [L] [D] veuve [U] [O] du 2 mars 2021, dans lequel elle a réitéré son souhait de conserver son logement actuel après rénovation et a suggéré qu'une convention d'occupation à titre gratuit soit signée concernant son relogement provisoire.

Le service technique de l'habitat (STH) de la Ville de [Localité 6] a établi un rapport le 11 octobre 2021 puis par courrier du 30 novembre 2021 a mis en demeure la SCI DU [Adresse 4] de remédier dans les deux mois aux désordres constatés, consistant en :
- une installation électrique vétuste et insuffisamment protégée,
- une fenêtre de la chambre gauche et de la cuisine qui ne ferme pas,
- une humidité de condensation provoquant l'apparition de moisissures, en raison de l'absence d'extracteur d'air et d'entrées d'air permanentes dans le logement,
-une absence d'appareil de production d'eau chaude,
- des infiltrations d'eau pluviales dans la pièce principale.

En outre il a sollicité par courrier du 30 novembre 2021 que la bailleresse fasse procéder dans le mois, au motif de risque pour la sécurité des personnes, à une vérification par un architecte de sécurité des structures, en raison de fissures sur le mur de façade côté [Adresse 7] et de vétusté du logement avec humidité et défaut d'isolation des fenêtres, fissures au plafond, sur le fondement des articles L.511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

La SCI DU [Adresse 4] a fait procéder à des travaux sur la couverture de l'immeuble et les cheminées selon facture JIGAL du 7 décembre 2021.

Des échanges ont eu lieu entre le service technique de l’habitat de la Ville de [Localité 6] et le mandataire de la SCI DU [Adresse 4] entre le mois de mars 2022 et le mois de décembre 2022, sur les travaux réalisés et à réaliser, ce mandataire faisant état de difficultés posées par la locataire, et ce dans la perspective de la visite de l'architecte de sécurité en début d'année 2023.

Par courrier du 10 avril 2022, Madame [D] [L] veuve [U] [O] a demandé la réalisation des travaux de réfection de son logement outre mise aux normes du WC et point d'eau du palier pour équipement de toilette alimenté en eau chaude et froide, en rappelant son accord pour une convention d'occupation temporaire pendant ces travaux. Elle a fait établir un constat de l'état des lieux loués par huissier le 17 juillet 2022.

Par acte de commissaire de justice du 3 janvier 2023, Madame [D] [L] veuve [U] [O] a assigné la SCI DU [Adresse 4] devant le tribunal judiciaire sur le fondement des articles 1103, 1719, 1720, 1244 du code civil, l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le décret du 30 janvier 2022, le règlement sanitaire départemental de la Ville de [Localité 6] aux fins de :
- constater la carence de la SCI DU [Adresse 4] qui n'a pris aucune mesure concrète de remise en état en dépit des injonctions de la Mairie de [Localité 6],
- l'autoriser à suspendre le paiement des loyers et ce à compter du jugement à intervenir, jusqu'à parfaite réalisation des travaux permettant la mise à disposition d'un logement décent,
- condamner la SCI DU [Adresse 4], sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir, à faire réaliser les travaux de nature à supprimer définitivement les désordres affectant le logement donné à bail décrits dans le rapport du STH et le constat d'huissier du 18 juillet 2022, à savoir notamment :
- absence de chauffage,
- absence d'installation sanitaire conforme,
- absence d'installation sanitaire conforme,
- absence de cuisine dotée d'eau chaude,
- électricité dangereuse et absence d'éclairage suffisant,
- fenêtres non isolantes,
- fuites et fissures,
- mise aux normes du WC et point d'eau sur le palier
- condamner la SCI DU [Adresse 4], sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir, à mettre à disposition un relogement temporaire, avec signature de convention d'occupation précaire, pendant la durée des travaux, et ce aux mêmes conditions financières que celles relatives au bail d'origine,
- condamner la SCI DU [Adresse 4] à lui payer la somme de 33 000 euros à parfaire au titre du trouble de jouissance subis par la locataire,
- ordonner l'exécution provisoire.

L'affaire a été renvoyée devant le juge des contentieux de la protection par application de l'article 82-1 du code de procédure civile à l'audience du 4 septembre 1023, sans opposition des parties et a été retenue à cette date.

Madame [D] [L] veuve [U] [O] s’en est rapportée à ses conclusions écrites auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et a demandé de :
- constater la carence de la SCI DU [Adresse 4] qui n'a pris aucune mesure concrète de remise en état en dépit des injonctions de la Mairie de [Localité 6],
- l'autoriser à suspendre le paiement des loyers et ce à compter du jugement à intervenir, jusqu'à parfaite réalisation des travaux permettant la mise à disposition d'un logement décent,
- condamner la SCI DU [Adresse 4], sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir, à faire réaliser les travaux de nature à supprimer définitivement les désordres affectant le logement donné à bail décrits dans le rapport du service technique de l’habitat de la Ville de [Localité 6] et le constat d'huissier du 18 juillet 2022, à savoir notamment :
- absence de chauffage,
- absence d'installation sanitaire conforme,
- absence de cuisine dotée d'eau chaude,
- électricité dangereuse et absence d'éclairage suffisant,
- fenêtres non isolantes,
- fuites et fissures,
- mise aux normes du WC et point d'eau sur le palier,
- condamner la SCI DU [Adresse 4], sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir, à mettre à disposition un relogement temporaire, avec signature de convention d'occupation précaire, pendant la durée des travaux, et ce aux mêmes conditions financières que celles relatives au bail d'origine,
- condamner la SCI DU [Adresse 4] à lui payer la somme de 33 000 euros à parfaire au titre du trouble de jouissance subis,
- ordonner l'exécution provisoire.

La SCI DU [Adresse 4] s’en est rapportée à ses conclusions écrites auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et a demandé de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'engage à procéder à la mise aux normes de l'installation électrique, à assurer le fonctionnement normal et l'étanchéité des menuiseries extérieures, à la mise en place d'un système de ventilation et d'aération et à l'équipement d'un appareil de production d'eau chaude du logement donné à bail, et ce dans le délai de 3 mois à compter de la signification du jugement,
- dire n'avoir lieu à astreinte,
- débouter Madame [D] [L] veuve [U] [O] de toutes ses autres demandes relatives aux travaux,
- débouter Madame [D] [L] veuve [U] [O] de sa demande de relogement provisoire pendant l'exécution des travaux,
- limiter à la somme maximale de 2 000 euros l'indemnisation susceptible d'être allouée à Madame [D] [L] veuve [U] [O] pour le trouble de jouissance subi,
- débouter Madame [D] [L] veuve [U] [O] de toutes prétentions contraires,
- statuer ce que de droit sur les dépens.

La décision a été mis en délibéré par mise à disposition au greffe au 16 novembre 2023 appui a été prorogée à ce jour.

Par note reçue au greffe le 5 septembre 2023, la SCI DU [Adresse 4] a adressé une copie de la pièce d'identité du concierge de l’immeuble pour compléter son attestation.

En réponse, par note reçue au greffe le 22 septembre 2023, Madame [D] [L] veuve [U] [O] a exposé que l'attestation n'était pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et a communiqué des pièces sur sa situation personnelle.

Par lettre reçue au greffe le 29 septembre suivant, la SCI DU [Adresse 4] a demandé de voir déclarer irrecevables ces pièces, non autorisées en délibéré.

MOTIFS

Sur le contradictoire et la note en délibéré

Il résulte des débats à l'audience que la SCI DU [Adresse 4] a été autorisée à produire avant le 8 septembre 2023 la pièce d'identité du gardien et que Madame [D] [L] veuve [U] [O] pouvait adresser des observations sur cette pièce avant le 30 septembre 2023.

Par conséquent, cette pièce d'identité est acquise aux débats ainsi que les observations afférentes, mais en application de l'article 16 du code de procédure civile, il convient d'écarter des débats toute autre pièce reçue en délibéré, qui n'a pas été autorisée.

Sur la nature du bail et l'obligation de délivrance d'un logement décent

Le bail est soumis à la loi du 1er septembre 1948, sans signification de congé avec droit au maintien dans les lieux de l'occupant de bonne foi de l'article 4 de la loi.

Le bailleur est soumis à une obligation de délivrance d'un logement décent en application des articles 1719 du code civil, 6 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret n° 2002-810 du 30 janvier 2002.

Il est donc tenu de cette obligation pendant toute la durée du bail, sans nécessité de mise en demeure préalable du locataire, s'agissant d'une obligation légale continue.

En cas d'indécence des lieux loués soumis à la loi du 1er septembre 1948, il est possible au locataire de demander en justice des travaux de mise en conformité en application de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989. En effet cette disposition est applicable aux baux en cours en vertu de l'article 41-1 de la loi du 6 juillet 1989, introduit par la loi SRU du 13 décembre 2000, depuis l'entrée en vigueur du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002.

L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose :
"Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d'énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Un décret en Conseil d'Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée.

Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d’État pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l'exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques".

Le décret du 30/01/2002 dispose en son article 2 :
"Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation (…),
2. Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. (…),
3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage,
4. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires,
5. Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement,
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements,
7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R.111-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre".

L'article 3 du décret dispose également :
"Le logement comporte les éléments d'équipement et de confort suivants :
1. Une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d'alimentation en énergie et d'évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. (…),
2. Une installation d'alimentation en eau potable assurant à l'intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisant pour l'utilisation normale de ses locataires,
3. Des installations d'évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;
4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d'alimentation en eau chaude et froide et à une installation d'évacuation des eaux usées ;
5. Une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l'intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d'une évacuation des eaux usées. L'installation sanitaire d'un logement d'une seule pièce peut être limitée à un w.-c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ;
6. Un réseau électrique permettant l'éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne".

Madame [D] [L] veuve [U] [O] est bien fondée à solliciter l'exécution de travaux de mise en conformité du logement loué compte-tenu des constatations du service technique de l'habitat de la Ville de [Localité 6] du 11 octobre 2021 :
- une installation électrique vétuste et insuffisamment protégée,
- une fenêtre de la chambre gauche et de la cuisine qui ne ferme pas,
- une humidité de condensation provoquant l'apparition de moisissures, en raison de l'absence d'extracteur d'air et d'entrées d'air permanentes dans le logement,
- une absence d'appareil de production d'eau chaude,
- des infiltrations d'eau pluviales dans la pièce principale.

De plus le constat d'huissier établi le 18 juillet 2022 a été communiqué contradictoirement aux débats et peut être discuté par les parties.

La SCI DU [Adresse 4] ne conteste pas les causes d'indécence du logement ainsi constatées mais soutient que toutes les demandes de Madame [D] [L] veuve [U] [O] ne sont pas fondées, quand elle sollicite réaliser les travaux de nature à supprimer définitivement les désordres affectant le logement donné à bail décrits dans le rapport du service technique de la Ville de [Localité 6] et le constat d'huissier du 18 juillet 2022, à savoir notamment :
- absence de chauffage,
- absence d'installation sanitaire conforme,
- absence de cuisine dotée d'eau chaude,
- électricité dangereuse et absence d'éclairage suffisant,
- fenêtres non isolantes,
- fuites et fissures,
- mise aux normes aux normes du WC et point d'eau sur le palier.

La SCI DU [Adresse 4] reconnaît devoir exécuter la mise aux normes de l'installation électrique, les travaux pour assurer le fonctionnement normal et l'étanchéité des menuiseries extérieures, pour la mise en place d'un système de ventilation et d'aération et l'équipement d'un appareil de production d'eau chaude du logement donné à bail, et ce dans le délai de 3 mois à compter de la signification du jugement

Or, compte-tenu des termes du décret précité, il est nécessaire que le logement réponde à plusieurs critères, pour exécuter les obligations suivantes :

1- le clos et le couvert, avec un gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. De même les fenêtres présentent une étanchéité à l'air suffisante.

En conséquence, les travaux exécutés par l'entreprise JIGAL selon facture du 7 décembre 2021 n° 21/12014 sur la couverture et les cheminées en toiture ont permis d'éviter des infiltrations dans le logement.

Il demeure à rendre étanche les menuiseries extérieures, qui selon le constat du service technique de l'habitat de la ville de [Localité 6] et le constat d'huissier qui le corrobore sont dans un état de vétusté avancé, car en bois, gonflées avec peintures craquelées, simple vitrage et tablettes abîmées.

Or, le locataire n'a pas à supporter les conséquences de la vétusté en vertu de l'article 1720 du code civil, puisque le preneur doit pendant la durée du bail faire toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives, et notamment les grosses réparations pour assurer le clos et le couvert.

Leur remplacement s'avère nécessaire pour permettre la pose de nouvelles fenêtres avec au moins un simple vitrage, ou pour amélioration de la performance énergétique du logement un double vitrage (étant observé que pour une reconduction tacite intervenue depuis 25 août 2022, le loyer du logement de catégorie F ou G au sens de l'article L.173-1-1 du code de la construction et de l'habitation, ne peut être augmenté), la reconnaissance de travaux à faire, par la SCI DU [Adresse 4] sur ce point, étant insuffisante et équivoque.

2- Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement.

À cet égard, les travaux de pose de chauffage sont nécessaires, le logement en étant dépourvu selon le constat d'huissier. De même la vérification de la sécurité et la fiabilité de l'alimentation en gaz doit être effectuée si elle est utilisée pour les réseaux de chauffage ou production d'eau chaude. A défaut, elle sera mise hors service avec contrôle de la sécurité dans le logement.

Il convient de condamner la SCI DU [Adresse 4] à installer également un système de production d'eau chaude, et à effectuer les travaux de mise aux normes de l'installation électrique qui est vétuste (goulottes ouvertes, absence de prise de terre, compteur non conforme aux normes), comme elle en convient.

3- Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.

Par conséquent, il convient de condamner la SCI DU [Adresse 4] à effectuer des travaux de pose de système de ventilation adapté au logement par pose d'une VMC et d'entrées d'air permanentes dans le logement (eu égard également aux normes pour l'utilisation du gaz, si elle est conservée).

4- Une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w-c, séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l'intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d'une évacuation des eaux usées. L'installation sanitaire d'un logement d'une seule pièce peut être limitée à un w.c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible.

Par conséquent, le refus de la SCI DU [Adresse 4] de procéder à la pose d'un équipement pour la toilette comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l'intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d'une évacuation des eaux usées, n'est pas fondé. De plus, le logement comprend une pièce principale, séparée de la cuisine par un mur de séparation, et en outre le bail stipule l'existence en plus de la chambre d'un logement de deux pièces et un petit débarras, si bien que le logement ne peut demeurer avec des WC extérieurs pour répondre aux normes de décence.

Il convient de condamner la SCI DU [Adresse 4] à exécuter des travaux de réalisation de salle d'eau et WC dans le logement, si bien que la demande de mise aux normes du WC sur palier devient sans objet.

L'ensemble des travaux doit être réalisé dans un délai maximum de 3 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte passé ce délai de 20 euros par jour de retard, sur une période de 2 mois.

Sur la demande de relogement pendant les travaux

La SCI DU [Adresse 4] soutient que les travaux peuvent être exécutés en présence de Madame [D] [L] veuve [U] [O], dans la mesure où elle les limite à ceux indiqués dans ses conclusions.

Or l'exécution de l'ensemble des travaux nécessaires qui touchent au gros œuvre, mais également à des réaménagements intérieurs pour la salle d'eau et WC nécessite à l'évidence que les locaux soient libres de toute occupation, sauf à en augmenter la durée et le coût en conséquence.

Cependant, en cas de travaux de mise en conformité, le bailleur n'est pas tenu de proposer un relogement au locataire, et le juge est seulement autorisé à statuer sur la réduction ou la suspension de paiement des loyers, avec ou sans consignation.

Madame [D] [L] veuve [U] [O] sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de suspension des loyers pendant les travaux

En application de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, applicable en cas d'indécence des lieux loués, le juge peut être saisi d'une demande de mise en conformité sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. Le juge détermine la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu'à l'exécution des travaux.

Il convient de prévoir la suspension de paiement des loyers de Madame [D] [L] veuve [U] [O] sans consignation, à compter de la signification du jugement et jusqu'à l'exécution de ceux-ci, soit la date de la facture des travaux exécutés de mise en conformité.

Sur la demande d'indemnisation du trouble de jouissance

En application de l'article 1719 du code civil, le bailleur est tenu d'indemniser le locataire du trouble de jouissance subi pendant le bail, en raison de l'indécence des lieux.

La prescription de trois ans de l'article 68 de la loi du 1er septembre 1948 ne trouve application que pour les actions en nullité et en répétition, notamment de loyers illicites, mais n'est pas applicable à l'action en indemnisation du trouble de jouissance subi.

La SCI DU [Adresse 4] est donc mal fondée à en invoquer l'application et seule la prescription quinquennale de droit commun est applicable à la demande indemnitaire de Madame [D] [L] veuve [U] [O] en vertu de l'article 2224 du code civil.

Elle est donc fondée en sa demande pour le préjudice subi depuis le 3 janvier 2018.

Madame [D] [L] veuve [U] [O] fait valoir son préjudice de jouissance résultant de l'état des lieux et de l'inhalation de salpêtre, cause d'insuffisance respiratoire, et son préjudice moral pour anxiété, pour demander une somme de 33 000 euros de dommages et intérêts.

Pour en demander la limitation à 30% du loyer, la bailleresse relève que le loyer est de 516,88 euros charges comprises par trimestre, que la locataire n'a pas totalement été privée du logement et qu'elle n'y réside plus en permanence depuis longtemps selon attestation du gardien. Elle ajoute qu'elle a refusé un relogement dans le logement remis à neuf proposé aux mêmes conditions, sans motif.

Le trouble de jouissance est ancien compte-tenu de la vétusté des lieux constatée et des conséquences en termes de moisissures, infiltrations, manque de chauffage.

Il a été proposé le 3 juillet 2020 un relogement qui permettait de mettre un terme au préjudice de jouissance, et la proposition a été précisée le 17 novembre 2020, comme le rappelle Madame [D] [L] veuve [U] [O] dans son courrier du 2 mars 2021.

Cependant le courrier du 17 novembre 2020 de la SCI DU [Adresse 4] n'a pas été versé aux débats, pour s'assurer que le projet de bail restait soumis à la loi de 1948, par dérogation aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, en vertu d'un accord transactionnel, pour continuation du bail en cours, comme l'indique la bailleresse dans le courrier initial du 3 juillet 2020.

Dès lors, le refus de Madame [D] [L] veuve [U] [O] de relogement, du fait de son refus de renoncer au bénéfice de la loi de 1948 pour son bail, n'est pas à l'origine de la persistance du trouble de jouissance subi.

Même si elle ne répond pas aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation du gardien est à considérer à titre de renseignement. Elle fait état de l'absence de Madame [D] [L] veuve [U] [O] dans les lieux loués depuis un an (soit depuis septembre 2022) et est en cohérence avec les éléments médicaux du certificat médical du 30/06/2021 faisant état de sa perte d'autonomie, confirmée dans le certificat pour une demande d'APA, avec besoin d'une assistance au quotidien.

L'indemnisation du trouble de jouissance sera accordée sur la base de 50% du loyer.

Sur la base du loyer de 459, 88 euros par trimestre, sur 20 trimestres, il convient de condamner la SCI DU [Adresse 4] à payer à Madame [D] [L] veuve [U] [O] la somme de 4 598,80 euros, arrondie à 4 599 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Au titre du préjudice moral, dans la mesure où des motifs de santé imposent que Madame [D] [L] veuve [U] [O] ne soit pas seule dans son logement, il convient de limiter l'indemnisation du préjudice moral lié à l'anxiété sur l'issue du litige, la perte de temps et de condamner la SCI DU [Adresse 4] à lui payer une somme de 800 euros de dommages et intérêts.

Sur l'exécution provisoire

L'exécution provisoire est de droit.

Sur les dépens

Il convient de condamner la SCI DU [Adresse 4] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DIT que la pièce d'identité du gardien est acquise aux débats ainsi que les observations afférentes,

ÉCARTE des débats toute autre pièce reçue en délibéré,

CONSTATE que le bail du 1er octobre 1985 est soumis la loi du 1er septembre 948 et impose une obligation de délivrance d'un logement décent en application des articles 1719 du code civil, 6 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret n°2002-810 du 30 janvier 2002,

CONSTATE que Madame [D] [L] veuve [U] [O] a mis fin aux infiltrations par réalisation des travaux sur toiture et cheminée,

CONDAMNE la SCI DU [Adresse 4] à faire réaliser les travaux suivants dans le délai maximum de 3 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte passé ce délai de 20 euros par jour de retard, sur une période de 2 mois :
- pose de nouvelles fenêtres avec au moins un simple vitrage ou pour amélioration de la performance énergétique du logement un double vitrage,
- pose de chauffage et vérification de la sécurité et la fiabilité de l'alimentation en gaz, si elle est utilisée pour les réseaux de chauffage ou production d'eau chaude. A défaut, elle sera mise hors service avec contrôle de la sécurité dans le logement,
- installation d'un système de production d'eau chaude,
- les travaux de mise aux normes de l'installation électrique,
- pose de système de ventilation adapté au logement par installation d'une VMC et d'entrées d'air permanentes dans le logement (eu égard également aux normes pour l'utilisation du gaz, si elle est conservée),
- travaux de réalisation de salle d'eau et WC dans le logement, si bien que la demande de mise aux normes du WC sur palier est sans objet,

ORDONNE la suspension du paiement des loyers par à Madame [D] [L] veuve [U] [O], à compter de la signification du jugement et jusqu'à la date de la facture des travaux exécutés de mise en conformité, sans consignation,

DÉBOUTE Madame [D] [L] veuve [U] [O] de sa demande de relogement pendant la durée des travaux, la bailleresse devant prévenir la locataire 15 jours à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception outre, lettre suivie ou mail avec accusé de réception, de la date de début de ceux-ci,

DIT que la demande d'indemnisation du trouble de jouissance est prescrite avant le 3 janvier 2018,

CONDAMNE la SCI DU [Adresse 4] à verser à Madame [D] [L] veuve [U] [O] la somme de 4 599 euros, au titre du trouble de jouissance entre le 3 janvier 2018 et le 3 janvier 2023, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

CONDAMNE la SCI DU [Adresse 4] à verser à Madame [D] [L] veuve [U] [O] la somme de 800 euros au titre du préjudice moral,

RAPPELLE l'exécution provisoire de droit,

CONDAMNE la SCI DU [Adresse 4] aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024

Le Greffier Le Juge des contentieux de la protection.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/00283
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;23.00283 ?
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