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15/03/2024 | FRANCE | N°23/00010

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Surendettement, 15 mars 2024, 23/00010


PROCÉDURE DE SURENDETTEMENT
JUGEMENT
DU VENDREDI 15 MARS 2024

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS



Parvis du tribunal de Paris
75859 PARIS Cedex 17
Téléphone : 01.87.27.96.89
Télécopie : 01.87.27.96.15
Mél : surendettement.tj-paris@justice.fr

Surendettement

Références à rappeler
N° RG 23/00010 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYXJD

N° MINUTE :
24/00160

DEMANDEUR:
Société HSBC


DEFENDEUR:
[X] [K]


AUTRES PARTIES:
Société CREDIT LOGEMENT
Société BELLMAN
Société SOGEFINANCEME

NT
Société SCP LOUVION-LOUVION


DEMANDERESSE

SA CCF venant aux droits de la société HSBC
Service Surendettement
38 avenue Kleber
75116 PARIS
représentée par Me Bertrand LAR...

PROCÉDURE DE SURENDETTEMENT
JUGEMENT
DU VENDREDI 15 MARS 2024

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Parvis du tribunal de Paris
75859 PARIS Cedex 17
Téléphone : 01.87.27.96.89
Télécopie : 01.87.27.96.15
Mél : surendettement.tj-paris@justice.fr

Surendettement

Références à rappeler
N° RG 23/00010 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYXJD

N° MINUTE :
24/00160

DEMANDEUR:
Société HSBC

DEFENDEUR:
[X] [K]

AUTRES PARTIES:
Société CREDIT LOGEMENT
Société BELLMAN
Société SOGEFINANCEMENT
Société SCP LOUVION-LOUVION

DEMANDERESSE

SA CCF venant aux droits de la société HSBC
Service Surendettement
38 avenue Kleber
75116 PARIS
représentée par Me Bertrand LARONZE, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

DÉFENDEUR

Monsieur [X] [K]
10 RUE BOILEAU
75016 PARIS
représenté par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0625

AUTRES PARTIES

Société CREDIT LOGEMENT
50 bd Sebastopol
75155 PARIS CEDEX 03
non comparante

Société BELLMAN
Syndic de copropriété
34 av des Champs Elysées
75008 PARIS
non comparante

Société SOGEFINANCEMENT
Chez FRANFINANCE
53 rue du Port CS 90201
92724 NANTERRE CEDEX
non comparante

Société SCP LOUVION-LOUVION
7 rue sainte Anastase
75139 PARIS CEDEX 03
non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Déborah FORST

Greffière : Trécy VATI

DÉCISION :

réputée contradictoire, rendue en dernier ressort, et mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] [K] a bénéficié d'un premier dossier de surendettement pour lequel, par décision du 6 août 2020, des mesures imposées ont été établies à son égard, consistant en un rééchelonnement de ses créances sur une durée d'un mois, suivies d'un moratoire de 23 mois, au taux de 0%, subordonnées à la vente amiable d'un bien immobilier au prix du marché, évalué à 525 000 euros et à la liquidation de l'épargne pour un montant de 21500 euros. Ces mesures sont entrées en vigueur le 30 novembre 2020.

Il a déposé un nouveau dossier auprès de la commission de surendettement des particuliers de Paris (ci-après " la commission ") le 11 octobre 2022, qui a été déclaré recevable le 24 novembre 20022.

La décision de recevabilité a été notifiée le 2 décembre 2022 à la société HSBC Continental Europe, qui l'a contestée par courrier adressé à la commission le 16 décembre 2022. Aux termes de son courrier, la société HSCB Continental Europe soulève la mauvaise foi de Monsieur [X] [K] au motif qu'il n'a pas souhaité vendre son bien immobilier.

L'ensemble des parties a été convoqué par lettre recommandée avec avis de réception à l'audience du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris du 15 mai 2023. Des renvois ont été ordonnés à la demande des parties à l'audience du 14 septembre 2023, déplacée à l'audience du 21 septembre 2023, et à l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle l'affaire a été retenue.

La société HSBC, qui avait comparu à l'audience du 15 mai 2023, n'a pas comparu à l'audience du 26 octobre 2023. Elle avait adressé un courrier à la juridiction le 27 mars 2023, dont copie avait été adressée par lettre recommandée avec avis de réception à Monsieur [X] [K], qui avait signé l'accusé de réception. Aux termes de ce courrier, elle a détaillé ses créances, à savoir la somme de 99711,71 euros au titre d'un prêt immobilier n° FRHBFR032-020935-611, la somme de -7 euros au titre d'un compte courant personnel n° 30056-00032-000320003986 et la somme de 50,53 euros au titre d'un compte courant personnel joint n° 30056-00032-00320003999.

Monsieur [X] [K] a été représenté à l'audience par son avocat, qui a déposé des conclusions écrites aux termes desquelles il a demandé :
-de débouter la société HSBC Continental Europe et l'ensemble des créanciers de leurs demandes ;
-de rejeter la créance de la société HSBC Continental Europe pour cause de prescription ;
-de juger qu’il se trouve de bonne foi ;
-de renvoyer son dossier de surendettement à la commission pour l'élaboration d'un plan de surendettement.

Au soutien de sa demande tendant à déclarer la créance de la société HSBC prescrite, Monsieur [X] [K] a exposé, sur le fondement des articles 2221 du code civil, et L 218-2 du code de la consommation, que les impayés dataient a minima du mois de juin 2020, de sorte qu'un délai de deux ans s'était écoulé sans aucune mesure d'exécution, ce qui avait entraîné l'acquisition de la prescription au mois de juin 2022, faute pour le créancier d'avoir fait délivrer un commandement de payer ou une assignation.

Il a indiqué se trouver de bonne foi, conformément aux dispositions de l'article L711-1 du code de la consommation, et a souligné que celle-ci était présumée et devait être appréciée souplement au regard d'un faisceau d'indices au jour où le juge statue. Il a exposé ne pas avoir aggravé son endettement, et soutenu avoir respecté l'ensemble des préconisations de la commission, expliquant vouloir bénéficier d'un échelonnement de ses dettes afin de pouvoir conserver son bien immobilier. Il a contesté avoir dissimulé la créance de la société HSBC Continental Europe, et a soutenu avoir même alerté, par courrier recommandé du 4 février 2021, sur l'absence de prise en compte de ce prêt alors qu'il l'avait déclaré auprès de la commission de surendettement. Il a contesté en outre avoir dissimulé son activité, celle-ci apparaissant dans la décision de recevabilité de la commission du 24 novembre 2022, et a estimé ne pas avoir à communiquer les comptes de la société dont il est le président. S'agissant de son bien immobilier, il a fait valoir qu'il l'avait acquis à l'aide de plusieurs prêts, et que celui-ci procédait d'une indivision avec sa compagne et constituait sa résidence principale. Il a considéré que la création de la société qu'il présidait et dont il tirait désormais des salaires, après avoir subi un licenciement, le mettait en mesure de solliciter la conservation de son bien immobilier grâce à un échelonnement de ses dettes, conformément à l'article L 733-4 2e du code de la consommation. Il a estimé que la conservation de sa résidence principale lui évitait d'accroître inutilement son insolvabilité, dans la mesure où celle-ci entraînerait la recherche d'un nouveau logement et d'un loyer afférent. Il en a conclu que dans sa situation, un rééchelonnement de ses dettes sur 11 ans pourrait être respecté, compte tenu d'indemnités perçues dans le cadre de la procédure de licenciement à hauteur de 36 000 euros.

La SCP Louvion-Louvion a été représentée à l'audience, et a confirmé le montant de la dette telle que mentionnée dans le dossier de surendettement, précisant qu'aucun paiement de celle-ci n'était intervenue.

Les autres parties, bien que régulièrement convoquées n'ont pas comparu à cette audience, n'ont pas été représentées et n'ont pu être dispensées de comparution faute de justifier de l'expédition aux autres parties, au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception, d'un courrier exposant leurs moyens.

La décision a été mise en délibéré au 22 décembre 2023.

Par courrier du 21 novembre 2023, la société HSBC a sollicité la réouverture des débats.

Par mention au dossier, une réouverture des débats a été ordonnée à l'audience du 18 janvier 2024 et l'ensemble des parties a de nouveau été convoqué.

La SA CCF, indiquant venir aux droits de la société HSBC Continental Europe, et représentée à l'audience par son conseil, a déposé des conclusions écrites aux termes desquelles elle a demandé :
-de déclarer le recours formé par la société HSBC Continental Europe, aux droits de laquelle vient la SA CCF, du 12 décembre 2022 recevable ;
-à titre principal de :
-déclarer Monsieur [X] [K] de mauvaise foi ;
-de le déclarer irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement ;
-de déclarer irrecevables ou à tout le moins infondées les demandes formées par Monsieur [X] [K] ;
-de débouter Monsieur [X] [K] de ses demandes ;
-à titre subsidiaire :
-de renvoyer le dossier devant la commission de surendettement des particuliers de Paris pour l'élaboration d'un plan conventionnel ou l'adoption de mesures imposées ;
-de déclarer irrecevables ou à tout le moins infondées les demandes de Monsieur [X] [K] ;
-de débouter Monsieur [X] [K] de ses demandes ;
-de débouter Monsieur [X] [K] de l'ensemble de ses demandes ;
-de condamner Monsieur [X] [K] à lui verser la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-de condamner Monsieur [X] [K] aux dépens.

Dans ses écritures, elle a contesté à titre liminaire que sa créance était prescrite, soutenant que le juridiction n'était saisie que de la contestation de la décision de recevabilité de la commission de surendettement, et que la procédure de vérification de créance aurait lieu ultérieurement.

Au soutien de sa demande tendant à faire déclarer Monsieur [X] [K] de mauvaise foi, la SA CCF a soutenu, sur le fondement de l'article L711-1 du code de la consommation, que celle-ci se trouvait établie par l'absence de déclaration de l'intégralité sommes dont il était redevable à l'égard de la société HSBC Continental Europe. Elle a exposé en premier lieu que Monsieur [X] [K] n'avait déclaré aucune dette immobilière concernant la société HSBC Continental Europe alors que le prêt " Modeliz ", d'un montant de 144 400 euros, demeurait impayé à hauteur de 99711,71 euros. Au surplus, elle a soutenu que le courrier du 4 février 2021 ne saurait permettre d'établir sa bonne foi, dès lors qu'il concernait le premier dossier de surendettement de l'intéressé. Elle a ainsi soutenu que Monsieur [X] [K] s'était abstenu de déclarer l'intégralité de son passif. Elle a fait valoir en second lieu que le débiteur avait créé, en janvier 2018, une société dénommée Tagmachem, dont il était le président, et que s'il avait déclaré les revenus que lui procurait cette société, il n'avait en revanche pas déclaré la valeur des parts sociales de cette société à l'actif de son dossier de surendettement. En troisième lieu, elle a soutenu que Monsieur [X] [K] s'abstenait de s'expliquer sur ses différentes dettes immobilières. En quatrième lieu, elle a estimé que le débiteur se trouvait de mauvaise foi dès lors qu'il avait refusé de vendre son bien immobilier dans le cadre de son premier dossier de surendettement, alors que son patrimoine lui permettait de désintéresser l'ensemble de ses créanciers.

Sur la demande de Monsieur [X] [K] tendant à écarter l'obligation de vendre son bien immobilier, elle a indiqué qu'une telle demande était irrecevable à ce stade de la procédure qui n'a pour objet que la contestation de la recevabilité de la procédure de surendettement. Elle a soutenu qu'en tout état de cause, elle ne saurait prospérer dès lors que l'intéressé avait refusé de vendre son bien immobilier au cours de la première procédure, qu'il disposait de revenus mensuels de 11 214 euros et a déclaré environ 100 000 euros de revenus annuels pour l'année 2022, et qu'il n'aurait ainsi aucune difficulté à se reloger.

En réponse, Monsieur [X] [K], assisté par son conseil, a indiqué avoir déposé un deuxième dossier de surendettement dans le but d'éviter de vendre son bien immobilier. Il a estimé qu'aucun élément n'avait conduit à l'interruption de la prescription de la créance du demandeur. S'agissant de la mauvaise foi invoquée par le demandeur, il a précisé avoir accompli des démarches pendant deux ans afin de procéder à la vente du bien immobilier, constituées par la conclusion de mandats de vente avec plusieurs agences. Il a fait valoir que sa compagne n'était pas d'accord pour vendre le bien, et qu'il n'avait lui-même pas contesté la décision de la commission faute d'avoir été bien conseillé au cours de son premier dossier. S'agissant de sa société, il a confirmé que la SAS dont il était le président avait été créée en janvier 2018.

Monsieur [X] [K] a été autorisé à transmettre, par note en délibéré avant le 2 février 2024 les mandats de vente conclus pendant le premier dossier de surendettement.

A l'issue de débats, la décision a été mise en délibéré au 15 mars 2024.

Monsieur [X] [K] a transmis, par l'intermédiaire de son conseil, une note en délibéré le 22 janvier 2024 dans laquelle il a joint un mandat de vente daté du 28 mai 2022 pour le bien se trouvant 10 rue Boileau 75016 Paris au prix de 1 400 000 euros et pour une durée de 24 mois.

Par note du 23 janvier 203, à laquelle la SA CCF a répondu que l'absence de volonté réelle de vendre l'immeuble était établie par le fait qu'un seul mandat de vente a été conclu, et par son ancienneté, celui-ci étant daté du 28 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours

En application de l'article R.722-1 du code de la consommation, la décision de recevabilité est notifiée, notamment, au débiteur et aux créanciers, et les parties disposent de quinze jours à compter de sa notification pour la contester devant le juge des contentieux de la protection. Cette contestation se forme par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au secrétariat de la commission et indique les nom, prénoms et adresse de son auteur, la recommandation contestée ainsi que les motifs de la contestation, et est signée par ce dernier.

En l'espèce, la société HSBC, aux droits de laquelle vient la SA CCF, a contesté la décision de la commission du 24 novembre 2022 par courrier adressé à la commission le 16 décembre 2022, soit dans le délai de 15 jours à compter de la notification qui lui avait été faite le 2 décembre 2022.

Dès lors, son recours doit être déclaré recevable.

Sur la demande tendant à déclarer la créance de la société HSBC prescrite

Monsieur [X] [K] soutient que la créance de la société HSBC est prescrite conformément à l'article L218-2 du code de la consommation qui prévoit que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.

Si l'état détaillé des dettes ayant vocation à donner lieu à un éventuel recours en vérification de créances n'a pas encore été établi par la commission à ce stade, celle-ci n'ayant dressé qu'un état des dettes à titre provisoire, de sorte qu'une demande de vérification de créance ne peut prospérer, la prescription de l'action de la SA CCF, venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, doit néanmoins être examinée dès lors qu'en cas de prescription acquise, la partie demanderesse, n'étant plus créancière, ne dispose plus du droit d'agir dans le cadre de la procédure de surendettement à l'égard du débiteur. Il convient en conséquence d'examiner la demande formée par Monsieur [X] [K] à ce titre.

En l'espèce, Monsieur [X] [K] verse un courrier du 4 février 2021 adressé par lettre recommandée à la banque de France aux termes de laquelle il expose que le prêt immobilier n° FRHBFR032-020935-611 contracté le 4 mars 2006 auprès de la société HSBC n'a pas été repris dans la comptabilisation de ses dettes, alors qu'il a été repris dans l'état des créances du 8 novembre 2018. Cet élément est à lui seul insuffisant pour déterminer le premier incident de paiement non régularisé dont il se prévaut, étant précisé que Monsieur [X] [K] ne verse aucun autre élément à l'appui de sa demande, et notamment le contrat et l'historique des sommes qu'il a versées afin de déterminer un premier incident de paiement non régularisé antérieur au mois de juin 2020. Le courrier du 4 février 2021, par lequel Monsieur [X] [K] reconnaît sa créance constitue en revanche un acte interruptif de la prescription, et a ainsi fait repartir le délai de prescription pour une nouvelle durée de deux ans. La prescription biennale n'était ainsi pas acquise lors du dépôt de son nouveau dossier de surendettement, ni de la décision de recevabilité du 24 novembre 2022. Il en résulte que la prescription biennale n'est pas acquise, et que la demande de Monsieur [X] [K] tendant à constater que la prescription est acquise à l'égard de la société HSBC Continental Europe, aux droits de laquelle vient la SA CCF, sera rejetée.

Sur la bonne foi de Monsieur [X] [K]

Selon l'article L. 711-1 alinéa 1 du code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.

Il résulte de l'article 2274 du Code civil que la bonne foi se présume et qu'il appartient à celui qui se prévaut de la mauvaise foi d'en rapporter la preuve.

Une simple erreur, négligence ou légèreté blâmable du débiteur sont des comportements insuffisants pour retenir la mauvaise foi qui suppose des actes volontaires manifestant la conscience de celui-ci de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits de ses créanciers, soit pendant la phase d'endettement, soit au moment de la saisine de la commission de surendettement ou au cours de la procédure.

Le juge apprécie la bonne foi au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis au jour où il statue.

En droit, ni l'existence d'une dette, ni même son augmentation en cours de procédure ne saurait, en soi, constituer le débiteur de mauvaise foi. En revanche, le comportement délibéré du débiteur qui s'arroge unilatéralement le droit de ne pas payer ses dettes en espérant que la procédure de surendettement lui permette d'obtenir à terme l'effacement de sa dette peut caractériser une absence de bonne foi. Tel est le cas du débiteur qui n'a pas réglé sa dette ou qui a aggravé son endettement en continuant à ne pas les régler postérieurement à la décision de recevabilité, alors qu'il disposait ne serait-ce que partiellement de ressources pour le faire.

Pour être retenus, les faits constitutifs de la mauvaise foi doivent être en rapport direct avec la situation de surendettement.

Il convient en l'espèce d'examiner chacun des moyens soulevés par la SA CCF à l'appui de sa demande tendant à déclarer Monsieur [X] [K] au bénéfice de la procédure de surendettement sur le fondement de la mauvaise foi.

En premier lieu, la SA CCF soutient que l'intéressé a omis de déclarer l'ensemble de son passif. S'il résulte du courrier du 4 février 2021 adressé à la commission que Monsieur [X] [K] a fait état du prêt immobilier n° FRHBFR032-020935-611 contracté le 4 mars 2006 auprès de la société HSBC, et qu'il demande à ce que ce prêt soit comptabilisé dans ses dettes, il convient de relever que ce courrier a été transmis à l'occasion du premier dossier de surendettement de l'intéressé. Or, il revient au débiteur de faire état de l'ensemble de son passif auprès de la commission à chaque nouveau dépôt. En l'espèce, la déclaration de surendettement datée du 20 septembre 2022 et déposée le 11 octobre 2022 par Monsieur [X] [K] ne détaille aucune dette, mais les précédentes mesures ont été jointes par l'intéressé, et il a indiqué dans le courrier d'accompagnement avoir surligné les dettes dont il s'était déjà acquitté. Le prêt numéro FRHBFR032-020935-611 d'un montant initial de 144 400 euros contracté le 4 mars 2006 auprès de la société HSBC, et dont la SA CCF indique que Monsieur [X] [K] reste à devoir 97911,71 euros, n'y figure pas et le débiteur s'est abstenu de préciser que celle-ci devait également être intégrée à son passif. Or, comme indiqué précédemment, cette dette n'était pas prescrite, de sorte qu'il lui revenait de la déclarer, ce qu'il a omis de faire. Force est donc de constater qu'il n'a pas déclaré l'ensemble de son passif à la commission lors du dépôt de son nouveau dossier.

S'agissant, en second lieu, de son activité professionnelle, il résulte de la motivation du moratoire prononcé le 6 août 2020 et versé aux débats que Monsieur [X] [K] se trouvait au chômage et que ses ressources étaient composées du RSA. Il était par ailleurs précisé, dans la motivation du moratoire, qu'il lui revenait de déposer un nouveau dossier en cas de changement significatif de sa situation. Selon la pièce numéro 12 produite par la SA CCF, Monsieur [X] [K] est le président de la SAS Tagmachem. Le débiteur a bien déclaré cette activité lors du dépôt de son second dossier, et il résulte de l'état descriptif de situation dressé par la commission le 20 décembre 2022 qu'il est salarié de cette société en CDI et perçoit 8714 euros de salaire, outre 2500 euros de revenus mobiliers. Monsieur [X] [K] a donc été transparent sur sa situation financière lors du dépôt de son second dossier de surendettement, quand bien même il ne verse pas les comptes de la société. Néanmoins, il résulte de cette même pièce numéro 12 produite par la SA CCF que cette activité a débuté en 2018 et l'avis d'impôt 2023 sur le revenu 2022 mentionne qu'il a perçu au cours de cette année 99599 euros de salaire annuel. Il résulte ainsi de ce dernier élément que sa situation s'était largement améliorée pendant l'année 2022, soit au cours du moratoire. Or, le débiteur a attendu la fin du moratoire, qui expirait le 30 novembre 2022, pour déposer un nouveau dossier le 11 octobre 2022, alors même que ses ressources, qui avaient largement augmenté en 2022, étaient de nature à lui permettre de dégager une capacité de remboursement.

En troisième lieu, la SA CCF fait grief à Monsieur [X] [K] d'avoir différentes dettes immobilières. La seule présence de plusieurs dettes immobilières à son dossier de surendettement n'est toutefois pas un motif, en soi, de nature à caractériser la mauvaise foi de l'intéressé.

En dernier lieu, il résulte des précédentes mesures que le débiteur avait l'obligation de vendre son bien immobilier situé 10 rue Boileau 75016 Paris, et dont sa part dans l'indivision était évaluée à la somme de 525 000 euros. La vente n'est pas intervenue dans le temps du moratoire, que l'intéressé n'avait, en tout état de cause, pas contesté. Monsieur [X] [K] soutient que sa compagne, avec qui le bien est en indivision, a retiré son accord pour la vente du bien. Il n'en justifie toutefois aucunement. Au surplus, s'il indique à l'audience avoir conclu plusieurs mandats de vente au cours du moratoire, il n'en produit qu'un seul, daté du 28 mai 2022, soit six mois seulement avant l'expiration du moratoire. Il ne justifie ainsi d'aucune diligence pour procéder à la vente de son bien immobilier au cours des dix-huit premiers mois du moratoire dont il avait bénéficié, et dont le but était précisément de permettre la vente de ce bien immobilier afin de désintéresser ses créanciers. Ainsi, en s'abstenant d'accomplir des démarches adéquates afin de procéder à la vente de son bien immobilier pendant le moratoire, Monsieur [X] [K] n'a pas respecté les précédents mesures. Cette situation est d'autant plus problématique que selon l'état descriptif de situation transmis par la commission le 24 novembre 2022, son endettement est évalué à la somme de 483 736,39 euros. Aussi, la vente du bien immobilier était de nature à totalement désintéresser ses créanciers. Force est donc de constater que le maintien de sa situation de surendettement à l'occasion du second dossier ne résulte que de sa carence à procéder à la vente de ce bien pendant la quasi-totalité des précédentes mesures.

Monsieur [X] [K] excipe du fait que le bien immobilier constitue sa résidence principale avec sa compagne et leurs deux enfants âgés de 20 et 22 ans, et qu'il a ainsi souhaité bénéficier d'un rééchelonnement de ses dettes à l'occasion de son second dossier afin de pouvoir le conserver.

Toutefois, le seul fait qu'il s'agisse de sa résidence principale n'est pas de nature, en soi, à faire obstacle au respect des mesures prévues par la commission le 6 août 2020 et entrées en vigueur le 30 novembre 2022, qu'il n'avait pas contestées, et au cours desquelles il n'a déposé aucun nouveau dossier afin de faire état d'un changement dans sa situation justifiant une modification des mesures.

Au surplus, au regard de la situation financière du débiteur, celui-ci ne justifie pas de la nécessité de conserver le bien immobilier où il réside afin d'éviter d'accroître son endettement. En effet, il convient de relever que d'une part, sa compagne devait recevoir une part du prix de vente au titre de sa part dans l'indivision, de sorte que la famille devait bénéficier, à l'issue des opérations de vente, d'un patrimoine leur permettant de se reloger à titre de propriétaire ou de locataire.

D'autre part, il résulte de l'état de situation financière dressé par la commission le 24 novembre 2022, que ses ressources sont désormais évaluées à 11 214 euros par mois (dont 2500 euros de revenus mobiliers et 8714 euros de salaire) et que ses charges sont évaluées à 4510 euros par mois (dont 2747 euros d'impôt, 433 euros de logement, 169 euros de forfait chauffage, 975 euros de forfait de base et 186 euros de forfait habitation), lui permettant de dégager une capacité de remboursement de 6 704 euros. Ainsi, et au regard de cette capacité de remboursement, Monsieur [X] [K] se trouvait en capacité de se reloger sans pour autant accroître son endettement.

Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [X] [K] ne justifie nullement de la nécessité d'avoir conservé le bien immobilier dans lequel il réside au cours du précédent moratoire, de sorte que le maintien de son endettement à l'occasion de son second dossier de surendettement procède du refus non justifié de vendre son bien.

Dès lors, il doit être déclaré de mauvaise foi et en conséquence, irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement.

Sur les accessoires

Monsieur [X] [K], succombant, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en dernier ressort, susceptible de pourvoi,

DÉCLARE recevable le recours formé par la société HSBC Continental Europe, aux droits de laquelle vient la SA CCF, à l'encontre de la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement des particuliers de Paris du 24 novembre 2022 ;

REJETTE la demande de Monsieur [X] [K] tendant à déclarer la créance de la société HSBC Continental Europe, aux droits de laquelle vient la SA CCF, prescrite ;

DÉCLARE Monsieur [X] [K] de mauvaise foi et par conséquent irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement ;

DIT que le dossier de Monsieur [X] [K] sera transmis à la commission de surendettement de Paris pour clôture de la procédure ;

DIT, que, par les soins du greffe de ce tribunal, la présente décision sera notifiée à Monsieur [X] [K] et aux créanciers par lettre recommandée avec avis de réception et que copie sera adressée par lettre simple à la commission de surendettement des particuliers de Paris ;

CONDAMNE Monsieur [X] [K] aux dépens ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de plein droit.

LA GREFFIÈRE LA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Surendettement
Numéro d'arrêt : 23/00010
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;23.00010 ?
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