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15/03/2024 | FRANCE | N°22/09970

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 22/09970


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/09970 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYV7Z

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
E.P.I.C. [Localité 3] HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Catherine HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483


DÉFENDEUR
Monsieur [E] [

V] [G], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Emilie VERGNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0409


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/09970 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYV7Z

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
E.P.I.C. [Localité 3] HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Catherine HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483

DÉFENDEUR
Monsieur [E] [V] [G], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Emilie VERGNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0409

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffier lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 septembre 202, mise à disposition le 16 novembre 2023, prorogée le 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/09970 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYV7Z

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 26 janvier 1977, l'OFFICE PUBLIC D'HABITATION À LOYER MODÉRÉ DE LA VILLE DE [Localité 3] (OPAC de [Localité 3]), désormais dénommé [Localité 3] HABITAT- OPH a donné à bail à Monsieur [X] [N] et à Madame [P] [V] épouse [N] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2] à [Localité 4] moyennant un loyer mensuel de 690 francs.

Par avenant du 18 juin 1985, le bail a été établi au seul nom de Madame [P] [V] épouse [N].

Madame [P] [V] épouse [N] est décédée le 28 février 2021.

Par courrier du 31 mars 2021, Monsieur [E] [V] [G], frère de la locataire, a sollicité le transfert du bail à son profit.

Par courrier du 6 janvier 2022, [Localité 3] HABITAT-OPH lui a répondu que les conditions réglementaires d'un transfert du bail n'étaient pas remplies et lui a demandé de libérer l'appartement dans un délai de trois mois.

Par acte de commissaire de justice du 16 décembre 2022, [Localité 3] HABITAT-OPH a fait assigner Monsieur [E] [V] [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
- constater la résiliation de plein droit du bail au jour du décès de la locataire,
- ordonner l'expulsion de Monsieur [E] [V] [G] avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique,
- condamner Monsieur [E] [V] [G] à payer à compter du 28 février 2021 une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges, soit actuellement la somme de 430,64 euros,
- condamner Monsieur [E] [V] [G] à payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au soutien de ses demandes, [Localité 3] HABITAT- OPH fait valoir que le contrat de location est résilié de plein droit par le décès de la locataire en application des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 et que Monsieur [E] [V] [G] ne justifie pas des conditions légales pour obtenir le transfert du bail à son profit.

À l'audience du 4 septembre 2023 à laquelle l'affaire a été retenue, [Localité 3] HABITAT- OPH, représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.

Monsieur [E] [V] [G], représenté par son conseil, a conclu au débouté des demandes et à l'existence d'un bail verbal, subsidiairement à l'octroi d'un délai de deux ans pour quitter les lieux, ainsi qu’à la condamnation de [Localité 3] HABITAT-OPH au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l'assignation et aux conclusions en défense visées à l'audience pour l'exposé des moyens des parties à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 16 novembre 2023 puis a été prorogée à ce jour.

MOTIFS

Sur la résiliation du bail d'habitation et ses conséquences

Il résulte de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 que lors du décès du locataire, le contrat de location est résilié de plein droit à défaut de personnes remplissant les conditions du transfert.

A cet égard il résulte de l'article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 que lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil, aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès, au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité, aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès, cette liste étant limitative. A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire.

S'agissant d'un logement HLM, en application de l'article 40 de loi du 6 juillet 1989 précitée, ce transfert est soumis à deux autres conditions cumulatives : d'une part, le demandeur au transfert doit remplir les conditions d'attribution des logements HLM, et d'autre part, le logement doit être adapté à la taille de son ménage. Toutefois les conditions de ressources et d'adaptation du logement à la taille du ménage ne sont pas requises envers le conjoint, le partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ou le concubin notoire et, lorsqu'ils vivaient effectivement avec le locataire depuis plus d'un an, les ascendants, les personnes présentant un handicap au sens de l'article L.114 du code de l'action sociale et des familles et les personnes de plus de soixante-cinq ans.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame [P] [V] épouse [N] est décédée et que Monsieur [E] [V] [G], qui occupe le logement litigieux, est le frère de la locataire décédée.

Or, en tant que frère de la locataire en titre, il ne justifie aucunement remplir les conditions précitées pour se voir transférer le bail, ce que d'ailleurs il ne conteste pas et il ne prétend pas plus avoir été à la charge de sa sœur, alors qu'en 2020, c'est-à-dire un an avant de décès de la locataire, il déclarait un revenu avant abattement de 3 574 euros par mois en moyenne.

Monsieur [E] [V] [G] n'est par ailleurs pas fondé à invoquer l'existence d'un bail verbal avec [Localité 3] HABITAT-OPH, alors que pour qu'un bail verbal puisse être regardé comme valable, il est nécessaire que la partie bailleresse ait consenti à son établissement.

Ainsi le fait que Monsieur [E] [V] [G] établisse occuper depuis plusieurs années le logement donné à bail à sa sœur et qu'ainsi son nom figure sur la boîte aux lettres ou qu'il ait eu des échanges réguliers par SMS avec le gardien d'immeuble ne peuvent à eux seuls constituer la preuve de la volonté du bailleur d'établir avec lui des relations contractuelles.

En effet, l'occupation matérielle des lieux n'a à elle seule de valeur probante que si elle s'accompagne de faits positifs manifestant la volonté expresse et non équivoque du propriétaire d'accepter une personne en qualité de locataire, étant rappelé que tel n'est pas le cas de l'acceptation par le bailleur de règlements de loyers par une personne autre que la locataire en titre.

Or, dès que [Localité 3] HABITAT-OPH a été informé du décès, il a écrit le 25 mars 2021 aux héritiers de la locataire pour les informer qu'ils ne pourraient se maintenir dans le logement que dans le cas d'un transfert de bail prévu par la loi du 6 juillet 1989 et qu'à défaut ils devaient faire connaître la date à laquelle le logement serait vidé de ses meubles et occupants.

Le demandeur fait par ailleurs observer que l'attribution des logements HLM est réglementée et relève de la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements (CALEOL) dans le respect du cadre réglementaire et de critères de priorité.

Dès lors, l'existence d'un bail verbal n'étant pas démontrée, ce chef de demande ne peut être retenu.

C'est tout aussi vainement que Monsieur [E] [V] [G] se prévaut des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 pour prétendre que [Localité 3] HABITAT-OPH aurait dû lui faire une proposition de relogement, dans la mesure où il est âgé de plus de 65 ans, alors que ces dispositions ne bénéficient qu'aux seuls locataires et ce uniquement dans le cadre de la délivrance d'un congé.

En conséquence, il y a lieu de constater que le bail s'est trouvé résilié à la date du décès de la locataire, Madame [P] [V] épouse [N], soit le 28 février 2021.

Monsieur [E] [V] [G] étant occupant sans droit ni titre depuis le 1er mars 2021, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il convient d'indiquer que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à cette expulsion, avec le concours de la force publique.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l'application relève, en cas de difficulté de la compétence du juge de l'exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.

En l'espèce, Monsieur [E] [V] [G] sera ainsi tenu au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er mars 2021 jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, soit en novembre 2022 la somme de 430,64 euros.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

En application des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut, même d'office, accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, si Monsieur [E] [V] [G] établi vivre dans le logement depuis plusieurs années, être âgé et rencontrer des problèmes de santé et avoir jusqu'à ce jour procédé au règlement de l'intégralité des indemnités d'occupation dues, il ne justifie d'aucune démarche de relogement, a de fait déjà bénéficié d’importants délais (plus de trois ans depuis le décès de sa sœur et deux ans depuis la date à laquelle l’état des lieux de sortie aurait dû être établi), perçoit des revenus confortables (42 897 euros avant abattement en 2020) bien supérieurs à ceux des personnes pouvant prétendre à un logement social et occupe seul un logement de cinq pièces principales qui pourrait être attribué à une famille dans le besoin.

Il bénéficiera en outre du délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux pour libérer le logement.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de lui accorder de délais supplémentaires, en plus des délais légaux.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [E] [V] [G], qui perd le procès, sera condamné aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il convient en équité de condamner Monsieur [E] [V] [G] à payer à [Localité 3] HABITAT- OPH, qui a dû exposer des frais pour obtenir un titre exécutoire, une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE la résiliation du contrat de bail liant [Localité 3] HABITAT- OPH et Madame [P] [V] épouse [N] relativement au logement situé [Adresse 2] à [Localité 4] à la date du décès de la locataire le 28 février 2021,

DÉBOUTE Monsieur [E] [V] [G] de sa demande de délais pour quitter les lieux,

ORDONNE à Monsieur [E] [V] [G] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement,

DIT qu'à défaut pour Monsieur [E] [V] [G] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, [Localité 3] HABITAT- OPH pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

CONDAMNE Monsieur [E] [V] [G] à verser à [Localité 3] HABITAT- OPH une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges (soit 430,64 euros en novembre 2022), tel qu'il aurait été si le contrat de bail s'était poursuivi à compter de l'échéance du 1er mars 2021 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),

CONDAMNE Monsieur [E] [V] [G] à verser à [Localité 3] HABITAT- OPH la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur [E] [V] [G] aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024

La Greffière, Le Juge des contentieux de la protection.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/09970
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.09970 ?
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