TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Pôle civil de proximité
â–
PCP JCP fond
N° RG 22/08611 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYJUP
N° MINUTE :
JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024
DEMANDERESSE
Madame [P] [R], demeurant [Adresse 2] - GRECE
représentée par Me Sophia TOLOUDI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2150
DÉFENDEURS
Monsieur [C] [O], demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Cédric JOBELOT de la SCP ZURFLUH-LEBATTEUX-SIZAIRE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P154
Monsieur [N] [O], demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Cédric JOBELOT de la SCP ZURFLUH-LEBATTEUX-SIZAIRE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P154
Madame [X] [S] épouse [O], demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Cédric JOBELOT de la SCP ZURFLUH-LEBATTEUX-SIZAIRE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P154
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 20 juin 2023, mise à disposition le 22 septembre 2023, prorogée au 15 mars 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/08611 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYJUP
EXPOSÉ DU LITIGE
Un bail a été conclu le 9 janvier 2020, à effet du 15 janvier 2020, entre Mme [P] [R] (le bailleur) et M. [C] [O] (le preneur), pour le logement situé : [Adresse 1] à [Localité 4] dans le [Localité 4].
M. [N] [O] et Mme [X] [S], épouse [O], se sont portés cautions solidaires, par acte du 9 janvier 2020.
M. [C] [O] a quitté l'appartement loué, le 30 juin 2021.
Vu l’assignation du 14 octobre 2022, à la demande de Mme [P] [R] à M. [C] [O], M. [N] [O] et Mme [X] [S], épouse [O] (les consorts [O]), par laquelle le tribunal judiciaire de Paris a été saisi aux fins de les condamner solidairement à lui payer les sommes de 14 744,80 € au titre des loyers et charges impayés, 7546,35 € en réparation du préjudice matériel subi, 5000 € en réparation de son préjudice moral, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Mme [P] [R] actualise ses demandes, à hauteur de 10 000 €, en réparation du préjudice moral subi et 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [C] [O], M. [N] [O] et Mme [X] [S], épouse [O] (les consorts [O]) soutiennent que le bailleur doit être débouté de ses demandes, notamment formées au titre de son préjudice matériel et moral et estiment, à titre subsidiaire, que les sommes dues, au titre des loyers et charges impayés, doivent être limitées à 11 712,80 €. Ils objectent qu’en raison d'un dysfonctionnement de l'ascenseur, M. [C] [O] n'avait plus la possibilité d'accéder à son appartement, entre les 21 janvier et 31 juin 2021.
À titre reconventionnel, ils sollicitent, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, 31 570 € de dommages-intérêts, de frais engagés pour les travaux, 17 600 € de dommages et intérêts, au titre de la responsabilité contractuelle, en remboursement des sommes réglées par M. [C] [O], pour le second appartement, qu’il a été contraint de louer et 5000 € de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral subi et du fait de la procédure abusive, engagée par la bailleresse.
Ils sollicitent également 3500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, et demandent que l'exécution provisoire soit écartée.
MOTIFS
1/ Sur les loyers et charges dus ;
Le paiement des loyers et charges, aux termes convenus dans le bail, est une obligation essentielle du locataire, qui résulte tant du bail signé le 9 janvier 2020, que de l’article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989.
L’article 6 du code de procédure civile précise que : « A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder ».
L’article 9 du code de procédure civile ajoute : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que : « Le bailleur est obligé : a) De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués ;
d) De ne pas s'opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée… »
M. [C] [O] évoque un dysfonctionnement de l'ascenseur ; pourtant, en dehors de deux incidents, des 20 mars et 4 avril 2021, dont la durée et l'intensité ne sont pas précisés ni établis, il ne prouve l'existence d'aucune difficulté de fonctionnement de cet ascenseur. Il doit donc bien ailleurs l'intégralité des loyers jusqu'à son départ le 30 juin 2021.
Si M. [C] [O] souffrait d'une maladie de la hanche qui limitait ses possibilités de déplacement pour accéder au 3ème étage, desservi par un ascenseur s'arrêtant à mi palier, ce qu’il ne pouvait ignorer, il lui appartenait de donner congé.
Pour ces raisons le bailleur n’a pas manqué à ses obligations ; M. [C] [O] est débouté de sa demande en paiement de 17 600 € de dommages et intérêts, en remboursement des sommes réglées pour le second appartement loué.
En revanche, en application de l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 : « Est réputée non écrite toute clause : … p) Qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d'expédition de la quittance … ».
Les frais de relance, à hauteur de 144 €, ne sont pas dus par M. [O].
Mme [R] est déboutée de cette demande en paiement.
Il résulte du décompte de Mme [R] (pièce n°5 « Situation du quittancement », entre les 14 janvier 2020 et 30 juin 2021), qui comprend les franchises de loyer des mois de janvier et février 2020, intégrées dans ce décompte, contrairement à ce que prétendent les consorts [O], que M. [C] [O] reste devoir, solidairement avec les cautions, 13 985,80 € (14 129,80 € – 144 €) à la date du 30 juin 2021 (juin 2021 inclus).
En outre la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (la TEOM) fait partie de la liste des charges récupérables par un propriétaire bailleur sur son locataire : le propriétaire, qui paie cette dépense, peut la répercuter sur le locataire.
La TEOM était de 410 € en 2020 et 205 € en 2021, au prorata de la durée d'occupation. Mais le bailleur à omis de déduire le montant du dépôt de garantie, à hauteur de 2600 €, qu'il convient de retirer des sommes dues.
Ainsi, M. [C] [O], M. [N] [O] et Mme [X] [S], épouse [O], restent devoir 12 000,80 € (13 985,80 € + 410 € + 205 € - 2600 €) à Mme [R], au titre des loyers et charges impayés le 30 juin 2021 (juin 2021 inclus), somme au paiement de laquelle il convient de les condamner solidairement, avec intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2022, date de l'assignation.
2/ Sur les réparations locatives ;
Mme [R] sollicite 2801,70 € en remboursement des frais de changement de serrure et 4154,10 € au titre des réparations locatives, sommes qui correspondent aux factures qu'elle a payées à hauteur de 2798,40 € pour le remplacement de la serrure (pièce n° 33 de Mme [R]), et la remise à neuf de l'appartement (pièce n° 34 de Mme [R]).
Cette dernière n’est pas à la charge du preneur, au regard de l’état de sortie des lieux, qui ne révèle pas de dégradations majeures, en dehors du dépôt de la chasse d’eau (p7/11 de l’état des lieux de sortie et pièce n° 14 de Mme [R]) et du non fonctionnement d’une serrure 5 points, en raison de : « en position ouverte, pas de trou dans carrelage au sol pour permettre la fermeture et gonds grippés par la peinture » (p6/11 de l’état des lieux de sortie), qu’il a été nécessaire de changer.
Pour ces raisons, au vu des deux factures produites, et non pas seulement des devis, comme le preneur le prétend, à tort et de mauvaise foi, les consorts [O] sont condamnés à payer 2798,40 € pour le remplacement de la serrure (dès juillet 2011) et 374,55 €, pour la réparation de la chasse d’eau, soit une somme totale de 3172,95 € au titre des réparations locatives, avec intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2022, date de l'assignation.
En outre, Mme [R] sollicite le remboursement de 216 €, correspondant au coût de deux clés d'accès à la porte interphone (pièce n° 13 de Mme [R]) ; pourtant, l'état des lieux de sortie du 30 juin 2021 (pièce n° 4 de Mme [R], p2/11) ne mentionne pas l'existence d'autres clés, que les 3 clés en photo : une clé porte palière, une clé d'immeuble et une clé porte de service, qui ont toutes été rendues par M. [O]. L'état des lieux d'entrée (pièce n° 3 de Mme [R], p2/6) ne mentionne pas non plus l'existence de clés d'accès à la porte interphone, qui auraient été délivrées à M. [O]. Mme [R] est déboutée de cette demande en paiement.
3/ Sur les travaux effectués par M. [O] ;
Selon les termes du bail, il a été convenu que M. [O] ferait des travaux d'aménagement de la cuisine de la salle de bain, selon les devis qui auraient dû être joints au contrat de bail.
Le mandataire, indiquait dans un courriel du 19 décembre 2019, antérieur à la conclusion du contrat de bail : «… Il (M. [C] [O] ) souhaiterait emménager rapidement et réaliser les travaux dans la cuisine et la salle de bain moyennant une franchise d'un mois de loyer hors charges. J'attends vos instructions pour finaliser avec ces clients… »
Le bail du 9 janvier 2020 indique : « … Il a été convenu entre les deux parties que M. [C] [O] fera des travaux d'aménagement de la cuisine et salle de bain, selon les devis joints. La franchise de loyer hors charges sera applicable du 15 janvier au 28 février 2020.
Elle sera appliquée après la visite sur place d'une personne de l'Etude [T].
Il est convenu que les aménagements resteront acquis au propriétaire au départ du locataire… »
Contrairement à l'engagement des parties, aucun devis n'a été joint au contrat de bail et M. [C] [O] n'a pas non plus sollicité la visite de l'étude [T], avant de faire exécuter les travaux.
Il n'en reste pas moins que le bailleur a appliqué, sans discussion, la franchise de loyer prévue au contrat, situation qui manifeste son consentement à l'exécution des travaux, malgré l’absence de devis et de visite de son mandataire.
Le contrat de bail a prévu explicitement que les aménagements restent acquis au propriétaire au départ du locataire ; en application de cette stipulation du contrat, les consorts [O] sont déboutés de leur demande en paiement de 31 570 € de dommages-intérêts, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, correspondant aux frais engagés pour les travaux.
4/ Sur les autres demandes ;
L’article 1240 du code civil prévoit : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
L’exercice d’une action en justice constitue un droit, qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts, que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. Dès lors qu'il est fait principalement droit aux demandes Mme [R], son action ne peut être qualifiée d’abusive.
Les consorts [O] sont déboutés leur demande de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi et pour procédure abusive.
Mme [R], pour sa part, ne justifie de l’existence d’aucun préjudice propre, non réparé ; elle est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Ne sont pas soumises à l’exigence d’une motivation, les décisions qui relèvent du pouvoir discrétionnaire du juge, notamment l’allocation d’une somme pour frais irrépétibles.
Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/08611 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYJUP
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
CONDAMNE solidairement les consorts [O], à payer 12 000,80 € à Mme [R], au titre des loyers et charges impayés le 30 juin 2021 (juin 2021 inclus), avec intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2022 ;
CONDAMNE solidairement les consorts [O], à payer 3172,95 € à Mme [R], au titre des réparations locatives, avec intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2022 ;
DÉBOUTE les consorts [O] de leurs demandes de dommages intérêts ;
CONDAMNE solidairement les consorts [O] à payer 2000 € à Mme [R], en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Mme [R] de ses autres demandes ;
CONDAMNE solidairement les consorts [O] aux dépens ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit, pour toutes les affaires introduites après le 1er janvier 2020.
Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024
le Greffier le Président