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15/03/2024 | FRANCE | N°22/07685

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 22/07685


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/07685 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYBHY

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
Madame [C] [Z], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Juliette KARBOWSKI-RECOULES, avocat au barreau de PARIS


DÉFENDERESSE
S.D.C. [Adresse 1]
représentée par le Cabinet ABEILLE IMMO

BILIER (SYNDIC)



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/07685 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYBHY

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
Madame [C] [Z], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Juliette KARBOWSKI-RECOULES, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDERESSE
S.D.C. [Adresse 1]
représentée par le Cabinet ABEILLE IMMOBILIER (SYNDIC)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 janvier 2023, mise à disposition le 31 mars 2023, prorogée le 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/07685 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYBHY

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [C] [Z] est propriétaire du lot n°34 dans un immeuble situé [Adresse 1]), soumis au statut de la copropriété.

Par acte de commissaire de justice du 21 septembre 2022, Madame [C] [Z] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble représenté par son syndic devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en remboursement de charges locatives.

À l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle l'affaire a été retenue, Madame [C] [Z], représentée par son conseil sollicite la condamnation du syndicat des copropriétaires au paiement des sommes suivantes :
- 317 euros au titre des charges d'eau payées pour 2016,
- 620,40 euros au titre des charges d'eau payées pour 2017,
- 9 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle conteste le montant des charges d'eau au motif que l'appartement a été inoccupé jusqu'en 2020 et que leur facturation procède donc d'une erreur. Elle reproche également au syndic de faire preuve depuis plusieurs années d'hostilité à son égard.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, représenté par son syndic, demande de déclarer Madame [C] [Z] irrecevable en sa demande de remboursement au titre des charges d'eau de l'année 2016, de la débouter de ses autres prétentions et de la condamner à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Il fait valoir que les demandes sont pour partie prescrites et que Madame [C] [Z] ne rapporte pas la preuve d'un dysfonctionnement de son compteur individuel d'eau. Il soutient par ailleurs qu'aucune faute de gestion n'est établie et que les demandes formées à son encontre sont mal dirigées.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures visées à l'audience conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 31 mars 2023 puis a été prorogée à ce jour.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera relevé que la présente procédure ne relève pas de la compétence du juge des contentieux de la protection, dont les attributions sont limitativement énumérées aux articles L.213-4-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire, mais du tribunal judiciaire et à Paris, s’agissant d’une demande portant sur un montant inférieur à 10 000 euros, du pôle civil de proximité, mais le syndicat des copropriétaires n’a pas soulevé l’incompétence de la présente juridiction.

Sur la demande en répétition d'indu

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application des articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans sa version issue de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, et 2224 du code civil, les actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'action formée par un copropriétaire contre un syndicat de copropriétaires en remboursement de charges indûment payées est une action personnelle née de l'application de la loi et, comme telle, est soumise au délai de prescription de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires soutient que le décompte annuel de répartition des charges payées au cours de l'exercice 2016 ayant été adressé à Madame [C] [Z] le 10 mars 2017 et son assignation ayant été délivrée le 21 septembre 2022, sa demande de remboursement des charges d'eau au titre de l'exercice 2016 est prescrite.

Toutefois, l'article 42 précité a été modifié par la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) et sa rédaction antérieure prévoyait un délai de prescription de 10 ans.

En vertu de l'article 2222 du code civil, la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Ainsi, lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure.

Au cas d’espèce, la loi ELAN étant entrée en vigueur le 25 novembre 2018, Madame [C] [Z] disposait d'un délai jusqu'au 25 novembre 2023 pour contester les charges d'eau au titre de l'exercice 2016.

Il s'ensuit que sa demande de remboursement n'est pas prescrite.

En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires sera rejetée.

Sur le fond

Selon les articles 1302 et 1302-1 du code civil, tout paiement suppose une dette; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Selon l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement communs en fonction de l'utilité que ces services et équipements présentent à l'égard de chaque lot, ainsi qu'aux charges relatives à la conservation, l'entretien et l'administration des parties communes, au prorata des tantièmes afférents à leur lot.

Selon l'article 14-1 de la même loi, pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et des équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel et les copropriétaires paient au syndicat des provisions égales au quart du budget voté sauf modalités différentes adoptées par l'assemblée générale?; cette provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l'assemblée générale.

Selon l'article 8 de la même loi, un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance.

Le règlement de copropriété de l'immeuble stipule que les propriétaires d'appartements ou locaux dans lesquels se trouve un compteur divisionnaire d'eau paieront leur consommation suivant relevé de ce compteur divisionnaire ainsi que les frais de location, entretien et relevés trimestriels du compteur (pages 41 et 42).

En vertu des dispositions conjuguées des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, il appartient au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité.

En l'espèce, Madame [C] [Z] établit par la production de ses factures d'électricité révélant une consommation inférieure à 1 kWh par jour que son appartement n'a sans contestation possible pas été habité en 2016 et 2017. Il est donc étonnant que sur cette période elle ait pu consommer de l'eau pour les prix respectifs de 317 euros et 620,40 euros.

Il ressort par ailleurs des propres écritures du syndic qu'à raison d'importantes fuites d'eau ayant généré "40 000 euros de réparations cumulées au cours des deux dernières années", la copropriété a décidé de procéder à la réfection intégrale de l'installation d'alimentation d'eau de l'immeuble, les travaux votés lors de l'assemblée générale du 27 février 2017 ayant été achevés en 2018.

Or, il résulte de l'examen des relevés de répartition de charges versés aux débats que depuis la fin de ces travaux, les charges d'eau facturées à Madame [C] [Z] ont été considérablement réduites puisque s'élevant respectivement à 7,02 euros en 2018, 6,51 euros en 2019 et 6,59 euros en 2020.

Madame [C] [Z] démontre ainsi suffisamment que le montant facturé en 2016 et 2017 pour sa consommation d'eau est manifestement erroné et le syndicat des copropriétaires ne produit aucun élément de nature à justifier du caractère certain liquide et exigible sa créance.

Il y a lieu en conséquence de faire droit à sa demande en répétition d'indu pour la somme de de 937,40 euros.

Sur les dommages et intérêts

Aux termes de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable de plein droit des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires peut également être engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil en vertu duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Il appartient dans ce cas au copropriétaire de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Enfin, les obligations du syndic de copropriété sont listées et décrites aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

En l'espèce, Madame [C] [Z] allègue d'un préjudice moral à raison de diverses fautes commises par le syndicat des copropriétaires à qui elle reproche de faire preuve d'hostilité à son égard.

Cependant l’affirmation d'un défaut d'entretien des parties communes, notamment des caves qui se seraient effondrées, n'est pas établie.

Elle ne justifie pas plus des dégradations au niveau du mur de sa salle de bains ou dans sa cuisine à la suite des travaux votés par la copropriété.

La réalité des menaces et intimidations dont elle aurait fait l'objet de la part du président du conseil syndical ne ressort que de sa main courante, c'est-à-dire de ses propres déclarations.

Le retard pris dans la fourniture des clés de la boîte aux lettres, des codes d'entrée et des badges de l'immeuble relève de la gestion courante de la copropriété et donc de la seule responsabilité du syndic.

Le refus d'inscrire à l'ordre du jour des assemblées générales ses demandes formulées par courrier du 2 septembre 2022 n'est pas démontré en l'absence de production des procès-verbaux correspondants.

Enfin, il n'était justifié d'aucun préjudice indépendant du retard apporté à sa demande de remboursement des charges d'eau.

Il y a lieu en conséquence de débouter Madame [C] [Z] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner le syndicat des copropriétaires à payer à Madame [C] [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

Compte tenu de la solution donnée au litige, il y a lieu sur le fondement de cet article de dispenser Madame [C] [Z] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure.

Enfin, l'exécution provisoire est de droit et sera rappelée.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1]), représenté par son syndic, le cabinet ABEILLE IMMOBILIER à verser à Madame [C] [Z] la somme de 937,40 euros en remboursement des charges d'eau indues,

DÉBOUTE Madame [C] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1]), représenté par son syndic, le cabinet ABEILLE IMMOBILIER à verser à Madame [C] [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT qu'en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 Madame [C] [Z] sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1]), représenté par son syndic, le cabinet ABEILLE IMMOBILIER aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la greffière susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024

Le greffier Le Juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/07685
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.07685 ?
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