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15/03/2024 | FRANCE | N°22/05633

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 22/05633


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/05633 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXPHK

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
Société [Localité 2] HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 1]
non comparante, représentée par Me Catherine HENNEQUIN, de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de

PARIS

DÉFENDEUR
Monsieur [X] [P], demeurant [Adresse 4]
comparant, assisté de Me Bettina DORFMANN, avocat au barreau de PARIS



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/05633 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXPHK

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
Société [Localité 2] HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 1]
non comparante, représentée par Me Catherine HENNEQUIN, de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR
Monsieur [X] [P], demeurant [Adresse 4]
comparant, assisté de Me Bettina DORFMANN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffier lors de l’audience et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé du délibéré

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 janvier 2023
Délibéré au 31 mars 2023, prorogé au 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/05633 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXPHK

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 24 septembre 1996, l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE [Localité 2] aujourd'hui dénommé [Localité 2] HABITAT - OPH a donné à bail à Madame [K] [S] un appartement à usage d'habitation de type F3 situé [Adresse 4] à [Localité 3] moyennant un loyer mensuel hors charges de 2 367,91 francs.

Madame [K] [S] est décédée le 2 mai 2021 à [Localité 5] (Algérie).

Par courrier du 6 janvier 2022, [Localité 2] HABITAT - OPH a rejeté la demande de transfert du bail de Monsieur [X] [P], fils de la locataire, estimant qu'il ne justifiait pas d'une communauté de vie avec sa mère au moins un an avant le décès et lui a demandé de libérer 1'appartement sous un mois. Le 21 février 2022, Monsieur [X] [P] a été mis en demeure de quitter immédiatement les lieux.

Par acte d'huissier de justice du 1er juillet 2022, [Localité 2] HABITAT - OPH a assigné Monsieur [X] [P] devant le juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire de Paris, aux fins d'obtenir son expulsion sans délai et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer majoré de 30 % augmenté des taxes et charges diverses, soit la somme de 622,33 euros, ainsi qu'à celle de 6 747,64 euros au titre de l'arriéré locatif, outre 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

À l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle l'affaire a été retenue, [Localité 2] HABITAT - OPH, représenté par son conseil, a réitéré les termes de son assignation, actualisé sa créance à la somme de 10 657,82 euros selon décompte du 14 janvier 2023, terme de décembre 2022 inclus et a conclu au rejet des demandes adverses.

À l'appui de ses prétentions, [Localité 2] HABITAT - OPH soutient que Monsieur [X] [P] ne remplit aucune des conditions pour obtenir le transfert du bail, alors que sa mère vivait en Algérie depuis plusieurs années, qu'il ne justifie pas pouvoir prétendre à l'attribution d'un logement HLM et qu'il occupe seul un logement de trois pièces. Il considère dès lors que le bail s'est trouvé résilié de plein droit à la suite du décès de la locataire et que le défendeur occupe donc le logement sans droit ni titre. Enfin, il s'oppose à l'octroi de délais de paiement en l'absence de paiement et de revenus suffisants pour respecter un échéancier.

Monsieur [X] [P], assisté par son conseil, a sollicité le débouté des demandes et le transfert du bail à son profit, l'octroi de délais de paiement de 100 euros par mois pour s'acquitter de sa dette et la condamnation de [Localité 2] HABITAT - OPH à verser à son avocat la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [X] [P] fait valoir qu'il s'est installé en novembre 2018 chez sa mère, qui est partie en Algérie en mars 2021 où elle est décédée deux mois plus tard et estime dès lors que la condition de cohabitation est remplie. À titre subsidiaire, il affirme que l'hospitalisation en urgence de sa mère en Algérie caractérise un abandon du domicile dans la mesure où elle n'avait pas l'intention de rester vivre là-bas. Il prétend remplir les conditions d'attribution d'un logement social compte tenu de ses ressources et estime qu'ayant la garde partagée de ses trois enfants, le logement est adapté à la taille du ménage. Il indique enfin qu'il devrait prochainement être embauché et être ainsi en mesure de régler sa dette.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l'assignation et aux conclusions en défense visées à l'audience pour un plus ample des moyens des parties à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 31 mars 2023 puis a été prorogée à plusieurs reprises pour être définitive rendue ce jour.

Dûment autorisé, Monsieur [X] [P] a par note reçue au greffe le 13 février 2023 produit une copie du contrat de travail à durée indéterminée qu’il a signé le 1er février précédent avec la société GENNEVILLIERS HABITAT.

Par une seconde note du 3 septembre 2023, il a produit son nouveau contrat de travail à durée indéterminée signé le 7 juillet 2023 avec la société 1001 VIES HABITAT, sa fiche de paye de juillet 2023 et une copie de son acte de mariage du 21 septembre 2020 avec Madame [J] [B].

MOTIFS
Sur le transfert du bail

Il résulte des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 que le décès du locataire entraîne de plein droit la résiliation du bail, mais que, toutefois, le descendant du preneur, tiers au contrat de bail, peut en devenir bénéficiaire de plein droit, indépendamment de la volonté du bailleur. Cette conséquence demeure toutefois attachée au décès du preneur ou au fait qu'il ait abandonné le logement loué et que le descendant du preneur ait vécu dans ce logement durant l'année qui a précédé le décès ou l'abandon de domicile.

En application de l'article 40 I de la même loi, pour les logements appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, l'article 14 leur est applicable à condition que le bénéficiaire du transfert ou de la continuation du contrat remplisse les conditions d'attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage.

Il appartient à celui qui prétend avoir droit au transfert du bail de prouver qu'il en remplit les conditions, notamment de communauté d'habitation pendant un an qui s'entend d'une cohabitation habituelle, effective et continue des lieux.

La notion d'abandon de domicile implique la volonté du preneur de quitter définitivement le logement sans aucune intention d'y revenir (départ irréversible des lieux) et un départ imposé, exclusif de toute concertation avec celui ou ceux qui restent dans les lieux (absence de départ préparé et organisé).

En l'espèce, [Localité 2] HABITAT-OPH affirme qu’au vu des éléments transmis par Monsieur [X] [P] dans le cadre de sa demande de transfert de bail, notamment du certificat de sa mère, de divers documents d'identité émanant du consulat d'Algérie et d'une ordonnance médicale (pièce 5), - ces documents étant de très mauvaise qualité et noircis et donc inexploitables (notamment le certificat de vie dont la date n'est pas visible) - que Madame [K] [S] "s'est installée en Algérie depuis plusieurs années" et "n'a pas occupé le logement [donné à bail] à titre de résidence principale au moins entre décembre 2020 et le 2 mai 2021", tandis que le défendeur prétend, sans produire le moindre document pour tenter de l'établir, que sa mère serait partie en Algérie "en mars 2021", c'est-à-dire en tout état de cause plusieurs semaines avant son décès intervenu le 2 mai 2021, de sorte que la condition de communauté d'habitation pendant un an n'est pas remplie.

Par ailleurs, Monsieur [X] [P] n'indique ni ne justifie de la date précise et des circonstances de son départ en Algérie, - et notamment ni son billet d'avion, ni la copie de son passeport tamponné, ni même le moindre témoignage ne sont versés aux débats -, de sorte qu'il ne peut affirmer que sa mère serait partie de façon brusque et de façon définitive et ne démontre donc pas que la locataire en titre aurait abandonné son logement.

Dès lors, les conditions du transfert du bail ne sont pas réunies, de sorte que ce dernier s'est trouvé résilié de plein droit à la date du décès locataire, Madame [K] [S], soit au 2 mai 2021.

Sur les conséquences de la résiliation du bail

- Sur l'expulsion

Monsieur [X] [P] étant sans droit ni titre depuis le 3 mai 2021, il convient d'ordonner leur expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de leur chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Aucune circonstance particulière de l'espèce ne justifie que le délai de deux mois prévu par les dispositions des articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution soit réduit ou supprimé, alors que les défendeurs remplissent a priori les conditions financières d'attribution d'un logement social. Il convient donc d'indiquer en conséquence que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à cette expulsion, avec le concours de la force publique.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l'application relève, en cas de difficulté de la compétence du juge de l'exécution.

- Sur la demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.

En l'espèce, Monsieur [X] [P] sera ainsi tenu au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi afin de compenser l'absence de restitution des lieux, en ce que rien de justifie de faire droit à la majoration de 30% sollicitée dès lors qu'il n'est pas discuté qu'à la date à laquelle l'affaire a été plaidée le défendeur remplissait les conditions d'attribution d'un logement HLM.

Le décompte produit fait état par ailleurs d'un arriéré locatif liquidé à 10 657,92 euros arrêté au 14 janvier 2023, décembre 2022 inclus, ayant commencé postérieurement au décès de sa mère.

En conséquence, Monsieur [X] [P] sera condamné au paiement de cette somme correspondant aux arriérés d'indemnité d'occupation échues entre le décès de la locataire et le 14 janvier 2023.

- Sur la demande de délais de paiement

En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En l'espèce, si Monsieur [X] [P] justifie avoir retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée, il n'a effectué aucun paiement depuis le décès de sa mère, soit au jour de l'audience depuis près de deux ans et la dette est importante.

Il sera par conséquent débouté de sa demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [X] [P], qui perd le procès, sera condamné aux dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de [Localité 2] HABITAT-PH les frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 800 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE la résiliation du contrat de bail liant l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE [Localité 2] aujourd'hui dénommé [Localité 2] HABITAT et Madame [K] [S] relativement au logement situé [Adresse 4] à [Localité 3] à la date du décès de la locataire le 2 mai 2021,

ORDONNE en conséquence à Monsieur [X] [P] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement,

DIT qu'à défaut pour Monsieur [X] [P] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, [Localité 2] HABITAT-OPH pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

DÉBOUTE [Localité 2] HABITAT-OPH de sa demande de suppression du délai prévu par les articles L.412-1 et L.412-2 du code des procédures civiles d'exécution,

RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNE Monsieur [X] [P] à verser à [Localité 2] HABITAT-OPH la somme de 10 657,92 euros (décompte arrêté au 14 janvier 2023, incluant la mensualité de décembre 2022), correspondant à l'arriéré d'indemnités d'occupation,

CONDAMNE Monsieur [X] [P] à verser à [Localité 2] HABITAT-OPH une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges (554,79 euros au14 janvier 2023), tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter de l'échéance de janvier 2023 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),

DÉBOUTE Monsieur [X] [P] de sa demande de délais de paiement,

CONDAMNE Monsieur [X] [P] à verser à [Localité 2] HABITAT-OPH la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE Monsieur [X] [P] aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024

Le Greffier Le Juge des contentieux de la protection.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/05633
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.05633 ?
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