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15/03/2024 | FRANCE | N°22/05369

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 15 mars 2024, 22/05369


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile


N° RG 22/05369

N° MINUTE :


CONDAMNE

Assignation du :
15 Décembre 2021
15 Mars 2022

LG







JUGEMENT
rendu le 15 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [N] [K]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA-VIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0074




DÉFENDEURS

Monsieur [

P] [W] es qualité de liquidateur de la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC
[Adresse 3]
GIBRALTAR

représenté par Maître Cécile ROUQUETTE TEROUANNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0098


C...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile


N° RG 22/05369

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
15 Décembre 2021
15 Mars 2022

LG

JUGEMENT
rendu le 15 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [N] [K]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA-VIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0074

DÉFENDEURS

Monsieur [P] [W] es qualité de liquidateur de la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC
[Adresse 3]
GIBRALTAR

représenté par Maître Cécile ROUQUETTE TEROUANNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0098

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE
[Localité 4]

non représentée

Décision du 15 Mars 2024
19ème chambre civile
N° RG 22/05369

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 02 Février 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 15 Mars 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 mai 2011, un accident de la circulation est survenu entre Monsieur [O] [J], assuré auprès de la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY LIMITED et Monsieur [N] [K], tous deux circulant à bord d’une motocyclette.

La société EURODOMMAGES, courtier d’assurance pour ENTERPRISE INSURANCE COMPANY LIMITED, société de droit étranger, a versé à Monsieur [K], une provision de 850 euros, ne contestant pas le droit à indemnisation.

Une expertise amiable contradictoire a été réalisée le 9 avril 2013, en présence de Monsieur [N] [K], assisté de son médecin-conseil, le docteur [I], mandaté par la GMF et le médecin-conseil du courtier d’assurance EURODOMMAGES, représentant la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY LIMITED, compagnie d’assurance de droit étranger.

Les deux médecins se sont ainsi accordés sur des conclusions médico-légales, rendues le 22 avril 2013.

Faute d’accord sur l’indemnisation, Monsieur [K] saisissait le juge des référés qui ordonnait une expertise par decision du 14 octobre 2019 et lui allouait une provision de 16 000 euros.

Le docteur [M] déposait son rapport le 7 novembre 2020 et concluait :
« 1. Perte de gains professionnels actuels
M [K] a été en arrêt de travail durant les périodes suivantes :
• Du 10 mai 2011 jusqu’au 2 octobre 2011,
• Du 9 mars 2012 au 8 avril 2012
2. Déficit Fonctionnel Temporaire
Le déficit fonctionnel temporaire a été total (DFT) à 100% durant les périodes d’hospitalisation à savoir les 13 mai 2011 et le 9 mars 2012. Entre ces périodes, le déficit fonctionnel temporaire est partiel (DFP) et se décline dans la chronologie suivante :
• Du 10 mai 2011 au 12 mai 2011 le DFP est de classe III (50%).
• Du 14 mai 2011 au 7 juin 2011, le DFP est de classe III (50
• Du 8 juin 2011 au 8 mars 2012, le DFP est de classe II (25%).
• Du 10 mars 2012 au 10 avril 2012, le DFP est de classe II (25%) :.
• Du 11 avril 2012 au 23 janvier 2013, le DFP est de classe I (10%)
3. Souffrances endurées
Les souffrances endurées sont évaluées à 3,5/7
4. Consolidation
La date de consolidation est fixée au 24 janvier 2013
5. Déficit Fonctionnel Permanent
Le déficit fonctionnel permanent est évalué à 8
6. Préjudice Esthétique
Le préjudice esthétique temporaire avant consolidation est évalué à 2/7.
Le préjudice esthétique définitif est évalué à 1,5/7 :
7. Préjudice d'agrément
Il existe un préjudice d’agrément puisque la victime est dans l’incapacité de reconstruire les avions et de pouvoir exercer cette passion qu’il avait au préalable.
8. Préjudice sexuel : Sans objet pour ce chapitre
9. Dépenses de santé futures
L’articulation radio carpienne du poignet droit de la victime présente des signes d’arthrose qui pour le moment semble bien tolérée. Il n’est pas exclu que cette arthrose se dégrade pouvant nécessiter un traitement médical ou dans les formes avancées un traitement chirurgical.
10. Frais de logement et/ou de véhicule adapté : Sans objet pour ce chapitre
11. Perte de gains professionnels futurs : Il n’y a pas de perte de gain professionnel futur
12. Incidence professionnelle
Le patient fait plus un travail intellectuel que manuel ce qui pour lui est assez frustrant. Il craint pour son avenir professionnel en cas de licenciement
13. Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : Sans objet pour ce chapitre
14. Assistance par tierce personne
L’aide humaine a été assurée par l’épouse de Monsieur [K]
• Du 10 mai 2011 au 12 mai 2011, lorsque le DFP est de classe III (50%), l’aide
humaine est évaluée à une heure par jour
• Du 14 mai 2011 au 7 juin 2011, lorsque le DFP est de classe III (50%), l’aide
humaine est évaluée à une heure par jour
• Du 8 juin 2011 au 8 mars 2012, lorsque le DFP est de classe II (25%), l’aide
humaine est évaluée à 3 heures par semaine
• Du 10 mars 2012 au 10 avril 2012, lorsque le DFP est de classe II (25%) : l’aide
humaine est évaluée à 3 heures par semaine
• Du 11 avril 2012 au 23 janvier 2013, lorsque le DFP est de classe I (10%),
aucune aide humaine est nécessaire durant cette période
À titre pérenne, l’état clinique du patient ne nécessite aucune aide humaine supplémentaire.
Enfin l’état de la victime ne nécessite pas son placement dans une structure spécialisée. »

Les parties n’étant pas parvenues à trouver une issue amiable, par actes d’huissier en date du 15 décembre 2021 et du 15 mars 2022, Monsieur [N] [K] a fait assigner Monsieur [P] [W] en qualité de liquidateur de la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Val d’Oise aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Dans leurs dernières conclusions reçues par voie électronique le 13 février 2023, Monsieur [K] demande au tribunal de :
- Condamner la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC à indemniser les préjudices subis par Monsieur [K] à la suite de l’accident du 10 mai 2011,
- Fixer les préjudices de Monsieur [K] de la manière suivante :
3 120 euros au titre du besoin d’assistance par tierce personne,
50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle,
73 731 euros au titre de l’incidence professionnelle,
3 252, 15 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
8 000 euros au titre des souffrances endurées,
8 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
50 000 euros au titre du préjudice d’agrément.
- Dire que le montant de l’indemnisation qui lui sera allouée produira des intérêts au double du taux légal à compter du 11 août 2011 et jusqu’au jour du jugement devenu définitif et que ces intérêts seront capitalisés annuellement conformément à l’article 1343-2 du code civil,
- Condamner la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC à payer à Monsieur [K] une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC aux entiers dépens, incluant les frais d’expertise judiciaire et les dépens de référé,
- Dire que l’exécution provisoire est de droit conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions reçues par voie électronique le 12 mai 2023, Monsieur [P] [W] en qualité de liquidateur de la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC demande au tribunal de :
Liquider le préjudice subi par Monsieur [K] à la somme totale de 50.487,6 € répartie de la manière suivante : Tierce personne temporaire : 2.496 € ;
Incidence professionnelle : 15.000 € ;
Déficit fonctionnel temporaire : 2.591,6 € ;
Souffrances endurées : 8.000 € ;
Déficit fonctionnel permanent : 8.400 € ;
Préjudice esthétique temporaire : 500 €
Préjudice esthétique permanent : 1.500 €
Préjudice d’agrément : 12.000 € ;
Débouter Monsieur [K] de sa demande au titre du doublement du taux d’intérêts ; Débouter Monsieur [K] du surplus de ses demandes ; Juger que les créances de tiers payeurs s’imputeront sur les préjudices soumis à recours ; Prononcer toute condamnation, en deniers et quittances (16.850 € déjà versés) ou déduction faite des provisions et indemnités réglées à Monsieur [K] et aux tiers payeurs ; Juger n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ou subsidiairement diminuer la demande à de plus justes proportions ; Statuer ce que de droit sur les dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure, il sera référé à leurs écritures pour le surplus.

Bien que régulièrement assignée, la CPAM du Val d’Oise n’a pas constitué avocat. La décision sera donc réputée contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2023. L’affaire a été plaidée le 2 février 2024 et mise en délibéré au 15 mars 2024.

MOTIFS

SUR LE DROIT À INDEMNISATION
La loi du 5 juillet 1985 dispose que les victimes d’un accident de la circulation, non conducteurs d’un véhicule terrestre à moteur, ont droit à l'indemnisation des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies, sauf lorsqu’elles ont commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident ou qu’elles ont volontairement recherché le dommage qu’elles subissent.

En l’espèce, le droit à indemnisation de Monsieur [K] à raison du préjudice subi en raison de l’accident survenu le 10 mai 2011 n’est pas contesté et résulte des articles 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985 relative aux victimes d’accidents de la circulation, ainsi que de l’article L124-3 du code des assurances permettant une action directe contre l’assureur.

La société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC, mise dans la cause par l’intermédiaire de son liquidateur, sera donc condamnée à l’indemniser en totalité.

SUR L'ÉVALUATION DU PRÉJUDICE DE MADAME [L]
Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [K], né le [Date naissance 2] 1969 et technicien de maintenance en aéronautique lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

– PREJUDICES PATRIMONIAUX

-Assistance par tierce personne avant consolidation

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l’espèce, l’expert a fixé le besoin d’assistance par une tierce personne avant consolidation de la manière suivante :

Monsieur [K] sollicite une indemnisation de 3120 euros sur la base d’un taux horaire de 20 euros, tandis que le défendeur offre la somme de 2496 euros sur la base d’un taux horaire de 6 euros, les parties s’accordant sur le nombre d’heures à indemniser de 156 heures.

Il convient de retenir un taux horaire de 18 euros, adapté à la situation du requérant, soit une somme totale pouvant être évaluée à 2 808 euros (18eurosx156 heures).

Il sera en conséquence alloué la somme de 2 808 euros.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

En l'espèce, Monsieur [K] sollicite la somme de 50 000 euros au titre de l’incidence professionnelle faisant valoir qu’en raison de ses séquelles, il a dû se réorienter vers un poste plus administratif et moins manuel.

Il est proposé 15 000 euros.

Or, le rapport d’expertise relève que : « Le patient fait plus un travail intellectuel que manuel ce qui pour lui est assez frustrant. Il craint pour son avenir professionnel en cas de licenciement”.

Le requérant produit, par ailleurs, plusieurs avis de la médecine du travail faisant état d’une reprise progressive à mi-temps thérapeutique, puis à temps complet. Il est relevé des restrictions physiques, notamment sur le dernier avis “Apte à la reprise sans manutention manuelle ou gestes techniques de la main droite”. Il n’est en revanche produit aucune pièce precise sur l’évolution du périmètre de son poste ou ses craintes à raison d’un licenciement.

Au regard de ces éléments, les séquelles de l’accident dont a été victime Monsieur [K] ont une incidence sur sa sphère professionnelle et en particulier :
- Sur le plan de la pénibilité et de la fatigabilité au travail,
- De la contrainte d’assurer des tâches moins valorisantes et différentes,
- De sa dévalorisation sur le marché du travail au vu des éléments précités.

Or ces données doivent être appréciée au regard de l’âge de la victime, soit 43 ans lors de la consolidation de son état.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 25 000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

Par ailleurs, Monsieur [K] sollicite une somme de 73 731 euros au titre d’un préjudice économique lié à un projet personnel de construction d’un prototype d’avion léger. La somme demandée correspond, selon lui, aux fonds investis, alors qu’il ne pourra plus jamais finaliser l’avion.

Le défendeur s’y oppose, considérant que ce préjudice relève d’un préjudice d’agrément.

Or, si la réalité du projet est démontrée, il n’y a lieu à l’indemniser au titre d’un préjudice professionnel s’agissant d’une activité extra-professionnelle personnelle. Le but commercial n’est, en effet, pas démontré.

Ce préjudice sera donc indemnisé au titre du préjudice d’agrément.

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Monsieur [K] sollicite la somme de 3 252,15 euros et le défendeur offre la somme de 2 591,60 euros, les parties s’opposant sur le taux à retenir pour un jour de déficit total.

L’expert retient plusieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel. :
• Du 10 mai 2011 au 12 mai 2011 le DFP est de classe III (50%).
• Du 14 mai 2011 au 7 juin 2011, le DFP est de classe III (50
• Du 8 juin 2011 au 8 mars 2012, le DFP est de classe II (25%).
• Du 10 mars 2012 au 10 avril 2012, le DFP est de classe II (25%)
• Du 11 avril 2012 au 23 janvier 2013, le DFP est de classe I (10%)

Sur la base d’une indemnisation de 27 euros par jour pour un déficit total, correspondant à la demande, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [K] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 3 252,15 euros (27x2joursx27x27 joursx50%+27x305x25%+27x287x10%).

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles ont été évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 par l’expert, qui a tenu de l’ensemble des circonstances de l’accident et de ses suites physiques et morales.

Le requérant sollicite la somme de 8 000 euros et il est offert la même somme.

Il sera donc entériné l’accord et alloué la somme de 8 000 euros.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne jusqu’à la date de consolidation.

En l'espèce, l’expert a relevé un tel préjudice coté à 2/7, lié au port d’une attelle durant trois semaines, mais également à une cicatrice.

Monsieur [K] sollicite une somme de 3 000 euros et il est offert 500 euros.

Dans ces conditions, il convient d'allouer une somme de 800 euros à ce titre.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

En l’espèce, il est sollicité la somme de 8 400 euros et offert la même somme.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 8% par l’expertise compte-tenu des diverses séquelles relevées, notamment au poignet et étant âgée de 43 ans à la consolidation, il sera entériné l’accord et il lui sera alloué une indemnité de 8 400 euros (1050x8).

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.

En l'espèce, il est coté à 1,5/7 par l'expert en raison de la cicatrice.

Monsieur [K] demande la somme de 2 000 euros et il est offert 1 500 euros

Dans ces conditions et en l’absence d’autre pièce, il convient d'allouer une somme de 1 500 euros à ce titre.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

En l'espèce, Monsieur [K] sollicite une indemnité de 50 000 euros au titre de sa passion de construction d’avion et le défendeur offre la somme de 12 000 euros.

Il convient également d’inclure dans ce poste la demande présentée au titre du préjudice économique, qui correspond à l’aspect matériel du projet de construction d’avion.

Or, le rapport d’expertise a relevé « Il existe un préjudice d’agrément puisque la victime est dans l’incapacité de reconstruire les avions et de pouvoir exercer cette passion qu’il avait au préalable. ».

Au regard de ces éléments, Monsieur [K] démontre l’existence d’une activité spécifique consistant en la construction d’avion, à laquelle il consacrait un temps très important et qu’il ne pourra plus poursuivre. En revanche, il ne démontre pas le préjudice économique, dont il demande l’indemnisation, puisqu’il se contente d’affirmer que le matériel ne serait ni revendable, ni récupérable.

Dans ces conditions, il sera alloué la somme de 25 000 euros.

SUR LE DOUBLEMENT DES INTERETS
Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois suivant l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L'offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

Enfin, l’article R 211-31 du même code indique que si, dans un délai de six semaines à compter de la présentation de la correspondance qui est prévue au premier alinéa de l'article L. 211-10 et par laquelle l'assureur demande les renseignements qui doivent lui être adressés conformément aux articles R. 211-37 ou R. 211-38, l'assureur n'a reçu aucune réponse ou qu'une réponse incomplète, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 211-9 est suspendu à compter de l'expiration du délai de six semaines et jusqu'à la réception des renseignements demandés.
Par ailleurs, l’article L. 622-28 du code de commerce prévoit que le cours des intérêts majorés cesse au jour de l’ouverture de la procédure collective.

En l’espèce, il est demandé de fixer le point de départ du doublement des intérêts légaux du 11 août 2011 jusqu’à la décision. Le défendeur s’y oppose. Il fait valoir que des offres ont été faites en 2012 et 2015 et que, par ailleurs, le jugement d’ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts.

Or, l’accident a eu lieu le 10 mai 2011. Il est justifié d’une offre provisionnelle avec versement d’indemnités en janvier 2012, de telle sorte que l’obligation de l’assureur à titre provisionnel a été respectée.

Par ailleurs, la consolidation de l’état de santé de la victime n’est intervenue qu’au-delà du délai de trois mois visé à l’article L211-9 du code des assurances. Le rapport médico-légal a amiable a été rendu le 9 avril 2013 ; une offre définitive devait alors être présentée dans un délai de cinq mois.

Cependant, si le défendeur fait d’état d’offres adressées à Monsieur [K] les 22 mai et 25 octobre 2013, il ne produit pas ces offres de telle sorte qu’il est impossible d’apprécier leur réalité ou, même si on retenait la mention ultérieure de leur existence comme permettant de les établir, leur caractère suffisant et complet. Or, une offre insuffisante ou incomplète équivaut à une absence d’offre. De plus, le courrier du 18 novembre 2014 n’est pas détaillé poste de préjudice par poste de préjudice, ce qui ne permet pas davantage d’apprécier le caractère suffisant et complet de l’offre ainsi faite.

Dès lors, le tribunal retient l’absence d’offre définitive de la part de l’assureur à compter du 10 septembre 2013.

Néanmoins, la sanction du doublement du taux de l’intérêt légal prévu à l’article L. 211-13 du code des assurances a la nature d’intérêts moratoires et ne constitue pas une créance indemnitaire. Dès lors, en application de cette sanction à l’assureur placé en liquidation judiciaire, le cours des intérêts majorés cesse au jour de l’ouverture de la procédure collective en vertu de l’article L. 622-28 du code de commerce.

En conséquence, il ne peut qu’être constaté que la sanction doit prendre fin à compter de l’ouverture de la liquidation judiciaire de l’assureur concerné au 1er juillet 2016, date retenue sur la base du courrier du 14 novembre 2018.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande de doublement des intérêts légaux sur le montant alloué par le présent jugement du 10 septembre 2013 au 1er juillet 2016.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Les intérêts au taux légal commenceront à courir à compter de la présente décision Il convient également de dire que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil.

Le défendeur, qui succombe en la présente instance, sera condamné aux dépens, ainsi qu’à la somme de 2 500 euros à Monsieur [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que l’exécution provisoire est de droit s’agissant d’une assignation postérieure au 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [N] [K] des suites de l’accident de la circulation survenu le 10 mai 2011 est entier ;

CONDAMNE la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC à payer à Monsieur [N] [K] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices :
- assistance tierce personne avant consolidation : 2 808 euros,
- incidence professionnelle : 25 000 euros,
- déficit fonctionnel temporaire : 3 252,15 euros,
- souffrances endurées : 8 000 euros,
- préjudice esthétique temporaire : 800 euros,
- déficit fonctionnel permanent : 8 400 euros,
- préjudice esthétique permanent : 1 500 euros,
- préjudice d’agrément incluant le préjudice économique : 25 000 euros,

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC à payer à Monsieur [N] [K] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l’indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et avant déduction des provisions versées, à compter du 10 septembre 2013 au 1er juillet 2016 ;

DÉCLARE le jugement commun à la CPAM du Val d’Oise ;

CONDAMNE la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC à payer à Monsieur [N] [K] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société ENTREPRISE INSURANCE COMPANY PLC aux dépens comprenant les frais d’expertise ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Fait et jugé à Paris le 15 Mars 2024

Le GreffierLa Présidente
Célestine BLIEZLaurence GIROUX


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/05369
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.05369 ?
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