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15/03/2024 | FRANCE | N°22/05340

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 22/05340


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pierre SIROT
Me Ola KATEB

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/05340 - N° Portalis 352J-W-B7D-CXLQ4

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
Défendeur à l’opposition
BANQUE CIC OUEST
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Pierre SIROT, avocat au barreau de NANTES

DÉFEN

DERESSE
Demanderesse à l’opposition
Madame [Y] [T]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Ola KATEB, avocat au barreau de MELUN
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pierre SIROT
Me Ola KATEB

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/05340 - N° Portalis 352J-W-B7D-CXLQ4

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
Défendeur à l’opposition
BANQUE CIC OUEST
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Pierre SIROT, avocat au barreau de NANTES

DÉFENDERESSE
Demanderesse à l’opposition
Madame [Y] [T]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Ola KATEB, avocat au barreau de MELUN
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/031353 du 02/12/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffier lors de l’audience et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé du délibéré

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 mai 2023
Délibéré au 5 septembre 2023, prorogé au 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, juge des contentieux de la protection, assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/05340 - N° Portalis 352J-W-B7D-CXLQ4

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 mai 2018, Madame [Y] [T] a ouvert un compte de dépôt dans les livres de la BANQUE CIC OUEST.

Par courrier du 5 septembre 2018 la BANQUE CIC OUEST a mis en demeure Madame [Y] [T] de régulariser la situation débitrice de son compte. Cette mise en demeure, renouvelée le 21 septembre suivant, est restée vaine.

Sur requête de la BANQUE CIC OUEST, le juge du tribunal d'instance de Paris 17ème arrondissement a rendu une ordonnance le 3 juillet 2019 enjoignant à Madame [Y] [T] de payer la somme de 8 844,70 euros au titre du solde débiteur de son compte avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019.

Cette ordonnance a été signifiée le 23 juillet 2019 à Madame [Y] [T] qui a formé opposition le 20 août suivant.

Madame [Y] [T] a également formé opposition le 12 novembre 2020 à l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire, qui lui a été signifiée à étude le 25 octobre précédent.

Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception à l'audience du 21 mai 2021 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris.

Après plusieurs renvois à la demande d'au moins une des parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 17 mai 2023.

À cette date, la BANQUE CIC OUEST, représentée par son conseil, a sollicité le rejet des demandes de Madame [Y] [T] et sa condamnation à payer la somme de 8 937,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ainsi qu'à celle de 1 000 euros en application de l'article 700 et aux dépens.

La nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux ont été mis dans le débat d'office, sans que la demanderesse ne présente d'observations supplémentaires sur ces points.

Madame [Y] [T], représentée par son conseil, a conclu au rejet des demandes de la banque et à sa condamnation à payer la somme de 1 500 euros en indemnisation de son préjudice pour manquement à son devoir de conseil et de vigilance, subsidiairement à l'octroi de délais de paiement et en tout état de cause à sa condamnation à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties visées à l'audience pour l'exposé des moyens à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2023 puis a été prorogée à ce jour.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'opposition

Aux termes de l'article 1416 du code de procédure civile, l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance. Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

L'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée à personne à Madame [Y] [T] le 23 juillet 2019.

L'opposition a été formée dans le délai réglementaire et doit donc être déclarée recevable.

Il convient de statuer à nouveau sur les demandes de la BANQUE CIC OUEST, le présent jugement se substituant à l'ordonnance d'injonction de payer en application de l'article 1420 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L'article R.632-1du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire.

Il convient dès lors d'examiner outre les moyens soulevés par Madame [Y] [T] l'éventuelle forclusion de l'action du prêteur et la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

- Sur la forclusion

Aux termes des dispositions de l'article R.312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.

S'agissant d'un découvert en compte, cet événement est caractérisé par le dépassement, au sens du 13° de l'article L.311-1 (découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue), non régularisé à l'issue du délai de 3 mois de l'article L.312-93.

En l'espèce, il résulte de l'historique du compte bancaire que le compte s'est trouvé en position débitrice le 25 juin 2018 (- 6 719,65 euros) et que ce découvert non autorisé n'a ensuite pas été régularisé de sorte que la demande effectuée le 23 juillet 2019 (date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer n'est pas atteinte par la forclusion.

- Sur l'exigibilité de la créance

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

En l'espèce, Madame [Y] [T] reconnaît avoir ouvert un compte de dépôt auprès de la BANQUE CIC OUEST mais conteste l'exigibilité des sommes réclamées.

Elle se prévaut d'abord du dépôt d'une demande de surendettement mais n'en justifie pas (seul est produit la preuve du dépôt d'une lettre recommandée à la Banque de France le 10 mai 2023, mais ni l'accusé de réception, ni la demande en elle-même) et en tout état de cause l'éventuelle recevabilité d'une demande de surendettement emporte la suspension et l'interdiction des procédures d'exécution forcée mais n'interdit pas un créancier d'obtenir un titre exécutoire afin de sécuriser sa créance, l'exécution du titre étant seulement différée pendant la durée du plan

Elle prétend par ailleurs avoir été victime de pressions psychologiques et d'abus de confiance de la part d'un dénommé [N] [I] qui aurait déposé plusieurs chèques sans provision sur son compte et utilisé sa carte bancaire.

Cependant, outre le fait qu'elle ne justifie pas des suites réservées à sa plainte déposée le 29 mars 2019, Madame [Y] [T] a reconnu devant les services de police avoir ouvert le compte litigieux à la demande de Monsieur [N] [I] et lui avoir remis sa carte bancaire ainsi que divers documents (carte identité, carte vitale etc.) pour ouvrir d'autres comptes et ce contre rémunération.

Or, il résulte des dispositions de l'article L.133-16 et L.133-19 IV du code monétaire et financier que le titulaire d'une carte bancaire supporte les pertes occasionnées par l'utilisation frauduleuse qu'il fait de sa carte ou si l'utilisation frauduleuse de celle-ci par un tiers résulte d'une négligence grave dans la préservation de ses données de sécurité personnalisées un.

Il s'ensuit que Madame [Y] [T] a commis, si ce n'est une infraction pénale, en tout cas une négligence fautive et un manquement grave à son obligation de vigilance et qu'elle est dès lors mal fondée à contester l'exigibilité de la créance à son encontre.

- Sur la déchéance du droit aux intérêts

Aux termes de l'article L.312-92 du code de la consommation, lorsqu'un dépassement significatif se prolonge au-delà d'un mois, le prêteur informe l'emprunteur, sans délai, par écrit ou sur un autre support durable du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables.

En l'espèce, l'historique du compte fait apparaître un dépassement qui s'est prolongé au-delà d'un mois. Il y a lieu de considérer que le dépassement est significatif, le montant du découvert s'étant aggravé jusqu'à atteindre la somme de 8 938,70 euros au 14 septembre 2018. Or, le prêteur ne justifie pas de l'envoi au consommateur de l'information exigées par l'article. L. 312-92.

En application de l'article L.341-9 du code de la consommation, la déchéance intégrale du droit aux intérêts doit donc être prononcée et le prêteur ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature, applicables au titre du dépassement.

- Sur le montant de la créance

Conformément à l'article L.341-9 du code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts et frais réglés à tort.

La créance de la BANQUE CIC OUEST s'établit donc comme suit :
- solde débiteur du compte à sa clôture : 8 938,70 euros,
- à déduire intérêts, frais, commissions et autres accessoires de toute nature applicables au dépassement : 151,80 euros.

En conséquence, il convient de condamner Madame [Y] [T] au paiement de la somme de 8 786,90 euros, sous réserve des versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte.

Les intérêts au taux légal seront dus à compter du présent jugement et non majorés.

En effet il convient d'assurer le caractère effectif et dissuasif de la déchéance du droit aux intérêts, dans la mesure où il résulte des pièces du dossier que les montant susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont il aurait pu bénéficier s'il avait respecté ses obligations (Cf. CJUE, 27 mars 2014, C-565/12).

Sur les délais de paiement

En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En l'espèce, Madame [Y] [T] déclare percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), être mère d'une fille de deux ans et avoir déposé un dossier de surendettement. Elle n’apparaît dès lors pas en capacité de régler sa dette de façon échelonnée.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de délais de paiement.

Sur les dommages et intérêts

Il a été rappelé que sur les découverts en compte, le prêteur est tenu d'informer l'emprunteur, sans délai, par écrit ou sur un autre support durable, du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables. Ce devoir d'information est sanctionné comme indiqué par la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

La déchéance du droit aux intérêts n'est pas exclusive de l'allocation de dommages-intérêts en cas d'existence d'un préjudice subsistant au remboursement des intérêts contractuels en lien avec la faute commise, mais l'emprunteur doit alors justifier de l'existence de ce préjudice distinct de l'application des intérêts et des frais par la banque.

À ce titre, il résulte de l'article 1231-1 du code civil que le banquier est tenu à un devoir vigilance qui l'oblige à relever les anomalies apparentes notamment dans le fonctionnement du compte bancaire de ses clients.

En l'espèce, Madame [Y] [T] impute à la BANQUE CIC OUEST un manquement à son devoir de conseil et de vigilance.

Cependant, contrairement à ce qu'elle affirme, aucune autorisation de découvert ne lui a été accordée. Quant aux "mouvements suspects" qu'elle reproche à la banque de ne pas avoir remarqués, il y a lieu de relever que la relation contractuelle a été brève (à peine plus de trois mois entre la date d'ouverture du compte et la mise en demeure de payer préalable à sa clôture) et que seules deux opérations concentrées sur un laps de temps très court (paiement CB du 25 juin 2018 de 7 800 euros et retour sur chèque impayé du 2 juillet 2018 de 2 050 euros) ont conduit à la situation débitrice du compte, Madame [Y] [T] étant particulièrement malvenue de reprocher à la banque un manque de vigilance dont elle s'est totalement départie.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Madame [Y] [T], partie perdante, sera condamnée aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui comprendront le coût de la procédure d'injonction de payer.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la BANQUE CIC OUEST les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 500 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE RECEVABLE l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 4 janvier 2022 formée par Madame [Y] [T] et statuant à nouveau :

RAPPELLE que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer,

DÉCLARE RECEVABLE la demande en paiement de la BANQUE CIC OUEST,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la BANQUE CIC OUEST au titre du découvert en compte n°[XXXXXXXXXX03] de Madame [Y] [T],

CONDAMNE Madame [Y] [T] à verser à la BANQUE CIC OUEST la somme de 8 786,90 euros avec intérêts à taux légal non majoré à compter du prononcé de la présente décision,

RAPPELLE que les paiements intervenus postérieurement au décompte viendront s'imputer sur les condamnations ci-dessus prononcées,

DÉBOUTE Madame [Y] [T] de sa demande de dommages et intérêts,

DÉBOUTE Madame [Y] [T] de sa demande de délais de paiement

CONDAMNE Madame [Y] [T] à verser à la BANQUE CIC OUEST la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE Madame [Y] [T] aux dépens comme visé dans la motivation,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024

La Greffière Le Juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/05340
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.05340 ?
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