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15/03/2024 | FRANCE | N°22/05023

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 15 mars 2024, 22/05023


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/05023 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXJAA

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
S.C.I. ÖM TWO, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Danièle ABYAD DARLIGUIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2407


DÉFENDERESSE
Madame [F] [R], demeurant

[Adresse 2]
représentée par Me Géraldine GIORNO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0940



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protect...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/05023 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXJAA

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
S.C.I. ÖM TWO, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Danièle ABYAD DARLIGUIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2407

DÉFENDERESSE
Madame [F] [R], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Géraldine GIORNO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0940

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 mai 2023, mise à disposition le 5 septembre 2023, prorogée le 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/05023 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXJAA

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er juin 1978, Madame [D] [M] a donné à bail à Madame [F] [R] un appartement à usage d'habitation de 17,60 m² situé [Adresse 2]) moyennant un loyer mensuel de 850 francs.

Le bail a été conclu pour une durée d'un an au visa de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948 qui a été abrogé par la loi du 23 décembre 1986.

Par jugement du 20 mars 1984 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris le 21 mai 1987, le tribunal d'instance du 6ème arrondissement de Paris saisi par Madame [F] [R] d'une demande de fixation du loyer a dit que le bail était soumis aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948.

Par acte d'huissier de justice du 9 novembre 2021, la SCI ÖM TWO, venant aux droits de Madame [D] [M], a engagé une procédure en résiliation judiciaire du bail dont elle a été déboutée par jugement du 26 août 2022 et à l'encontre duquel elle a interjeté appel.

Parallèlement, la bailleresse, estimant manifestement sous-évalué le loyer principal mensuel s'élevant la somme de 205 euros (soit 11,65 euros/m² de surface habitable) a par acte d'huissier de justice du 22 décembre 2021, proposé à la locataire, en application de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 et de l'article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989, un renouvellement du bail, sous réserve de la procédure en cours, à effet au 24 juin 2022 pour une durée de six années, moyennant un loyer mensuel réévalué de 396 euros hors charges (soit 22,50 euros/m² de surface habitable, l'augmentation étant mise en œuvre par sixièmes échelonnés.

La locataire n'ayant pas accepté cette proposition, la bailleresse a saisi la commission de conciliation laquelle lors de sa séance du 12 mai 2022 a pris acte de l'existence d'un débat sur le fond concernant la sortie de la loi du 1er septembre 1948 au sujet duquel elle n'est pas habilitée à se prononcer.

Par acte d'huissier de justice du 15 juin 2022, la SCI ÖM TWO a fait assigner Madame [F] [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir fixer à 396 euros par mois le loyer en principal du bail renouvelé à compter du 24 juin 2022 selon la procédure de majoration progressive et de la condamner au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

L'affaire a fait l'objet d'un renvoi pour permettre aux parties de se mettre en état.

À l'audience du 17 mai 2023, la société ÖM TWO, représentée par son conseil, a réitéré les termes de son assignation, sauf à préciser que le montant du nouveau loyer devra être indexé conformément aux stipulations du bail initial et a conclu au rejet des demandes adverses.

Au soutien de ses prétentions, la société ÖM TWO fait valoir que la loi du 23 décembre 1986 ayant abrogé l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948, le bail conclu pour une durée d'un an et arrivé à terme le 1er juin 1979 est désormais soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989.

Elle estime que Madame [F] [R] ne peut se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel du 21 mai 1987 pour soutenir que le bail serait toujours soumis à la loi du 1er septembre 1948 faute d'avoir sollicité sa mise en conformité comme prévu par l'article 24 de la loi du 21 juillet 1994 qui exclut tout retour à la loi ancienne.

Elle considère dès lors en application de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 et de l'article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 être en droit de solliciter la réévaluation du loyer lequel est inférieur au loyer de référence minoré.

Enfin elle prétend que sa locataire n'est pas fondée à contester le montant proposé dans la mesure où elle ne produit aucun loyer de référence comme elle en a pourtant l'obligation et que le logement a fait l'objet de travaux de rénovation et de mise aux normes de l'électricité.

Madame [F] [R], représentée par son conseil, a sollicité le débouté des demandes de la SCI ÖM TWO, subsidiairement l'autorisation de payer l'augmentation du loyer à raison d'un tiers de loyer annuel et l'octroi d'un délai de 36 mois pour s'acquitter de sa dette, et en tout état de cause la condamnation de la bailleresse à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, Madame [F] [R] fait valoir que les conditions pour l'établissement d'un bail en vertu de l'article 3 sexies ne sont pas remplies en l'absence d'un précédent bail de sorte que la location est restée soumise aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948 ainsi que l'a jugé le tribunal d'instance puis la cour d'appel.

Elle estime que les dispositions de la loi du 21 juillet 1994 dont se prévaut la SCI ÖM TWO ne s'appliquent pas dans la mesure où le logement ne relève pas d'un bail dérogatoire de l'article 3.

Elle affirme que même si la loi du 6 juillet 1989 devait s’appliquer, la bailleresse ne démontre pas que le loyer est manifestement sous-évalué, dans la mesure où le logement qui n'a fait l'objet d'aucuns travaux d'amélioration est vétuste et que les éléments de comparaison produits ne sont pas pertinents.

Enfin, elle justifie ses demandes subsidiaires d'augmentation du loyer par paliers et de délais de paiement en faisant état de sa situation financière modeste.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties visées à l'audience pour un plus ample exposé des moyens à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2023 puis a été prorogée à ce jour.
MOTIFS

Sur la demande de réévaluation du loyer

En application des dispositions des articles 17-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et de l'article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, lors du renouvellement du contrat de bail, une action en réévaluation du loyer peut être engagée dès lors que le loyer est inférieur au loyer de référence minoré tel que prévu dans le cas du dispositif d'encadrement des loyers en zone tendue, notamment à [Localité 3].

Dans ce cas, le bailleur peut proposer au locataire au moins six mois avant le terme du contrat un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables.

Encore faut-il cependant que le bail soit soumis aux dispositions de la loi° 89-462 du 6 juillet 1989 qui constituent le régime de droit commun des baux à usage d'habitation.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le bail d'origine signé le 1er juin 1978 par Madame [F] [R] pour une durée d'un an est soumis aux dispositions de l'article 3 sexies de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948.

Cet article, qui a été abrogé par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dispose : "à l'expiration du bail conclu dans les conditions prévues aux articles 3 bis (1° et 2°), 3 ter, 3 quater et 3 quinquies, ou au départ du locataire s'il intervient avant l'expiration du bail, le local n'est plus soumis aux dispositions de la présente loi".

Cependant, par jugement du 20 mars 1984, le tribunal d'instance du 6ème arrondissement de Paris a jugé que les conditions permettant de location basée sur l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948 n'étaient pas remplies et que la location est restée soumise aux dispositions générales de la loi de 1948. Cette décision a ensuite été confirmée par la cour d'appel de Paris le 21 mai 1987.

Selon l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a dès son prononcé l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

Aux termes de l'article 1351 ancien du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, devenu l'article 1355, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, la chose demandée est la même, à savoir la fixation du montant du loyer. Elle est fondée sur la même cause, le bail et elle oppose les mêmes parties, formée par elles et contre elles en la même qualité, Madame [F] [R] locataire d'une part, et Madame [D] [M] et son ayant cause à titre particulier la SCI ÖM TWO bailleresse d'autre part.

Il s'ensuit que la décision du tribunal d'instance du 20 mars 1984 confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 mai 1987 a autorité de la chose jugée et s'impose à la SCI ÖM TWO en ce qu'elle a dit que le bail restait soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948.

Enfin, il est exact que l'article 20 de la loi n°94-624 du 21 juillet 1994 interdit de se prévaloir des irrégularités d'un bail de l'article 3 sexies pour obtenir le retour de la loi du 1er septembre 1948 et que ces dispositions entrées en vigueur après l'arrêt de la cour d'appel de Paris sont d'application immédiate.

Mais ces dispositions qui concernent "les locaux faisant l'objet ou ayant fait l'objet d'un contrat de location conclu en vertu de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948" ne s'appliquent pas en l'espèce, puisque le tribunal d'instance ayant jugé que "les conditions permettant une location basée sur l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948 n'étant pas remplies", le bail litigieux est censé n'avoir jamais été soumis aux dispositions de l'article 3 sexies.

Il en résulte que le bail n'étant pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, la demande de réévaluation du loyer formulée par la bailleresse au visa de ce texte ne peut prospérer.

En conséquence, la SCI ÖM TWO sera déboutée de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

La SCI ÖM TWO, partie perdante, sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [F] [R] les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.

La somme de 1 500 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE la SCI ÖM TWO de ses demandes,

CONDAMNE la SCI ÖM TWO à verser à Madame [F] [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI ÖM TWO aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024

Le Greffier Le Juge des contentieux et de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/05023
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.05023 ?
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