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14/03/2024 | FRANCE | N°24/00050

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 14 mars 2024, 24/00050


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 14/03/2024
à : Maitre Eric GILLERON
Maitre Bernard-claude LEFEBVRE

Copie exécutoire délivrée
le : 14/03/2024
à : Maître Marion GREGOIRE

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/00050
N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYR

N° MINUTE : 9/2024







ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 14 mars 2024


DEMANDERESSE

Madame [D] [O] [X], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Marion GREGOIRE de la SELE

URL MARION GREGOIRE AVOCAT, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #R0041

DÉFENDEURS

S.A. CREDIT AGRICOLE IDF, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représenté par ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 14/03/2024
à : Maitre Eric GILLERON
Maitre Bernard-claude LEFEBVRE

Copie exécutoire délivrée
le : 14/03/2024
à : Maître Marion GREGOIRE

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/00050
N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYR

N° MINUTE : 9/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 14 mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [D] [O] [X], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Marion GREGOIRE de la SELEURL MARION GREGOIRE AVOCAT, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #R0041

DÉFENDEURS

S.A. CREDIT AGRICOLE IDF, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représenté par Maitre Eric GILLERON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0220
S.A. AXA BANQUE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maitre Bernard-claude LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0031

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Delphine VANHOVE, Greffière,

DATE DES DÉBATS

Audience publique du 01 février 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 14 mars 2024 par Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Delphine VANHOVE, Greffière
Décision du 14 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/00050 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYR

EXPOSÉ DU LITIGE

Pour financier l'acquisition de deux immobiliers situés [Adresse 2] (91), Madame [D] [O] [X] a souscrit, selon offre préalable acceptée le 08 mars 2017, un premier emprunt immobilier n° 00001003225 auprès du CRÉDIT AGRICOLE ILE-DE-FRANCE pour un montant de 129 563 euros remboursable au taux de 1,65% en 240 échéances mensuelles de 634,18 euros chacune, hors assurance.

Elle a souscrit un second emprunt auprès de la société AXA BANQUE référencé n°6995497 pour un montant de 335 000 euros remboursable aux taux de 2,05% en 300 échéances mensuelles de 1486,71 euros chacune.

Par acte de commissaire de justice en date du 22 décembre 2023, elle a fait assigner le CRÉDIT AGRICOLE ILE-DE-FRANCE et la société AXA BANQUE devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la suspension du remboursement des échéances desdits prêts pendant vingt-quatre mois sans que les sommes restant dues au titre de ces emprunts ne porte intérêt durant cette période et sans que cette suspension n'entraîne son fichage au FICP.

À l'audience du 01 février 2024, Madame [D] [O] [X], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.

Elle expose qu'elle a appris, à l'occasion d'un contrôle fiscal dont elle a fait l'objet, que les deux biens immobiliers qu'elle avait acquis grâce aux emprunts souscrits avaient été vendus les 27 novembre 2020 et 23 mars 2021 par l'intermédiaire de l'office notarial Philippe BERNOS sans y avoir consenti prétendant ainsi avoir été victime d'une escroquerie. Elle indique avoir déposé plainte et fait savoir qu'une information judiciaire est en cours à LILLE concernant ces faits. Elle mentionne également avoir saisi le tribunal judiciaire d'EVRY aux fins d'annulation des ventes litigieuses, la date de plaidoirie étant fixée au 17 mai 2024. Elle soutient que les perspectives de résolution de ce litige sont éloignées et qu'elle n'est pas en capacité de poursuivre le remboursement des crédits en cours alors que ses charges mensuelles, qu'elle estime à 5 325,67 euros sont supérieures à ses ressources de l'ordre de 4 746 euros par mois, qu'elle doit entretenir ses biens dont elle n'a pas la libre disposition mais dont elle continue cependant de percevoir les loyers, et qu'elle rembourse à hauteur de 500 euros par mois une dette fiscale de 100 000 euros. Elle précise enfin qu'elle fait l'objet d'une procédure d'expulsion de son logement. C'est ainsi qu'elle sollicite, au visa des articles L 314-20 du code de la consommation et 834 du code de procédure civile, la suspension du remboursement de ces crédits pendant deux ans arguant de l'urgence de la situation.

Le CRÉDIT AGRICOLE ILE-DE-FRANCE, représenté par son conseil, a déposé des conclusions soutenues oralement et aux termes desquelles il sollicite :
- à titre principal, le débouté de Madame [D] [O] [X] de sa demande de suspension des échéances du prêt qu'il lui a consenti,
- à titre subsidiaire, la suspension des échéances pendant une durée maximale de 6 mois à compter de la signification de la présente ordonnance, avec maintien des intérêts au taux contractuel
- la condamnation de Madame [D] [O] [X] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il expose que la situation financière de Madame [D] [O] [X] ne justifie pas la suspension du remboursement des échéances du crédit consenti en ce qu'elle a perçu, selon avis d'imposition sur ses revenus 2022 une somme de 50 696 euros au titre de ses salaires, de 9 600 euros titre de ses revenus locatifs et de 7 560 euros au titre de ses revenus fonciers soit un total de 5 654 euros par mois en moyenne, somme qui demeure supérieure au montant des charges invoquées. Il l’a dit en outre particulièrement mal-fondée à demander la suspension des échéances de ses crédits alors qu'il n'appartient pas à l'établissement prêteur d'assumer les conséquences de la situation fiscale de l'emprunteuse. Subsidiairement, le CRÉDIT AGRICOLE ILE-DE-FRANCE sollicite que les délais accordés ne soient pas supérieurs à six mois compte-tenu de l'audience à intervenir le 17 mai 2024 concernant l'éventuelle nullité de la vente. Enfin, il rappelle que le taux d'intérêt de 1,64% du crédit consenti est particulièrement faible et que Madame [D] [O] [X] doit être déboutée de sa demande de dire que les sommes dues ne porteront pas intérêts pendant éventuelle suspension.

La société AXA BANQUE, représentée par son conseil, a également déposé des conclusions aux termes desquelles elle sollicite :
- à titre principal, le débouté de Madame [D] [O] [X] en sa demande de suspension des échéances du prêt qu'elle lui a consenti
- à titre subsidiaire, la suspension pendant une durée maximale de 12 mois.

Elle fait valoir que Madame [D] [O] [X] dispose de revenus confortables, supérieurs aux charges auxquelles elle doit faire face, qu'au surplus, elle continue de percevoir les loyers des biens immobiliers dont elle indique qu'ils sont vendus et qu'en tout état de cause, il sera bientôt statué sur l'éventuelle nullité de la vente de ces biens et qu'elle pourra alors en disposer librement.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de suspension des échéances des crédits

Il résulte de l'article 834 du code de procédure civile que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article L.314-20 du code de la consommation, l'exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues aux articles 1343-5 et suivants du code civil. L'ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt. En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut, cependant, surseoir à statuer sur ces modalités jusqu'au terme du délai de suspension.

L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.

Décision du 14 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/00050 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYR

Il résulte des pièces produites que Madame [D] [O] [X] a souscrit courant 2017 auprès du CRÉDIT AGRICOLE ILE-DE-FRANCE et de la société AXA BANQUE deux prêts immobiliers destinés à lui permettre deux biens immobiliers dont il n'est pas contesté qu'elle les a mis en location et qu'elle perçoit toujours les loyers.

Son avis d'imposition sur les revenus 2022 laisse ainsi apparaître un revenu brut global de 57 986 euros composé de ses salaires, pour un montant de 45 626 euros, de ses revenus locatifs pour un montant de 4 800 euros après abattement et de ses revenus fonciers nets pour une somme de 7 560 euros soit en moyenne 4 832,16 euros par mois.

Or elle atteste de charges mensuelles de 5 325,67 euros, hors remboursement de la dette fiscale dont elle fait état à hauteur de 500 euros par mois.

De plus, elle justifie de la procédure d'expulsion en cours à son encontre, démontrant ainsi ses difficultés à régler son loyer.

Il est donc incontestable que Madame [D] [O] [X] rencontre des difficultés financières et que le montant de ses charges est supérieur à celui de ses revenus, sans même considérer la dette fiscale dont elle est redevable.

La situation de Madame [D] [O] [X] n'est cependant pas totalement obérée, compte-tenu de l'audience à venir le 17 mai 2024 dont l'issue lui permettra soit de récupérer les fruits de la vente des deux biens immobiliers si celle-ci est validée, soit de récupérer ses biens et d'en disposer entièrement si elle est annulée.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande formée par Madame [D] [O] [X] de voir suspendre pendant une durée de 12 mois les mensualités des prêts litigieux à compter du premier impayé non régularisé et, à défaut, à compter de la présente décision, à l'exception des cotisations d'assurance qui devront continuer à être réglées.

En application de l'article L.314-20 du code de la consommation, durant ce délai, les sommes dues ne produiront pas intérêt.

À l'expiration des délais consentis, les contrats reprendront leurs effets, sans pénalité.

Sur les mesures accessoires

Les dépens resteront à la charge de Madame [D] [O] [X], compte tenu de la nature de sa demande.

En l'absence de toute demande en ce sens, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire est de droit et sera rappelée.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais dès à présent et par provision, vu l'urgence,

AUTORISONS la suspension pendant douze mois des obligations de Madame [D] [O] [X] découlant du crédit immobilier n° 00001003225 souscrit auprès du CRÉDIT AGRICOLE ILE-DE-FRANCE pour l'acquisition des biens immobiliers situés [Adresse 2] (91), et ce à compter du premier impayé non régularisé et à défaut à compter de la présente décision,

AUTORISONS la suspension pendant douze mois des obligations de Madame [D] [O] [X] découlant du crédit immobilier n°6995497 souscrit auprès de AXA BANQUE pour l'acquisition des biens immobiliers situés [Adresse 2] (91), et ce à compter du premier impayé non régularisé et à défaut à compter de la présente décision,

ORDONNONS que les échéances ainsi reportées ne produiront pas d'intérêts pendant toute la durée de la suspension, soit pendant douze mois,

DISONS que Madame [D] [O] [X] devra continuer de s'acquitter des échéances de l'assurance des crédits,

DÉBOUTONS CRÉDIT AGRICOLE ILE-DE-FRANCE et la société AXA BANQUE de leurs demandes,

RAPPELONS que la présente décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par la présente décision,

RAPPELONS que cette suspension judiciairement autorisée ne constitue pas un incident de paiement donnant lieu à inscription au FICP,

DÉBOUTONS les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

LAISSONS à la charge de Madame [D] [O] [X] les dépens de l'instance,

DISONS n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile

RAPPELONS que Madame [D] [O] [X] devra notifier la présente ordonnance aux prêteurs,

RAPPELONS que la présente ordonnance est assortie de plein droit de l'exécution provisoire,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits, et signée par la Juge et la Greffière susnommées.

La Greffière, La juge des contentieux de la protection,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 24/00050
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;24.00050 ?
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