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14/03/2024 | FRANCE | N°24/00046

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 14 mars 2024, 24/00046


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 14/03/2024
à : Maitre Malik FARAJALLAH
Maitre Yasmine SADFI

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/00046
N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYC

N° MINUTE : 8/2024


ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 14 mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [N] [W] veuve [P], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maitre Malik FARAJALLAH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0722


DÉFENDEURS<

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Monsieur [Z] [P], demeurant [Adresse 1]
Madame [T] [J] épouse [P], demeurant [Adresse 1]

représentés par Maitre Yasmine SADFI, avocate au barreau de PARIS, ves...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 14/03/2024
à : Maitre Malik FARAJALLAH
Maitre Yasmine SADFI

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/00046
N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYC

N° MINUTE : 8/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 14 mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [N] [W] veuve [P], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maitre Malik FARAJALLAH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0722

DÉFENDEURS

Monsieur [Z] [P], demeurant [Adresse 1]
Madame [T] [J] épouse [P], demeurant [Adresse 1]

représentés par Maitre Yasmine SADFI, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #E2229

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Delphine VANHOVE, Greffière,

DATE DES DÉBATS

Audience publique du 01 février 2024

ORDONNANCE

contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 14 mars 2024 par Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Delphine VANHOVE, Greffière

Décision du 14 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/00046 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYC

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 28 février 1982, l'Office Public d'Habitations à Loyer Modéré de la ville de [Localité 4] devenu OPAC de [Localité 4] puis [Localité 4] HABITAT – OPH a donné à bail à Monsieur [P] un appartement de quatre pièces situé [Adresse 1] qu'il occupait avec son épouse avant que le couple ne divorce le 30 juin 2016. Par avenant en date du 31 janvier 2017, le contrat a été établi au seul nom de Madame [N] [W], veuve [P].

A compter du 15 juillet 2023, son fils, Monsieur [Z] [P], est venu s'installer chez elle avec son épouse, Madame [T] [J], ép. [P] et leurs trois enfants.

Par acte de commissaire de justice en date du 14 décembre 2023, Madame [N] [W], veuve [P] a fait assigner Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé afin d'obtenir :
leur expulsion ainsi que celle de tout occupant de leur chef de son appartement situé [Adresse 1] avec, le cas échéant, le concours de la force publique,leur condamnation à lui verser une indemnité d'occupation égale à la moitié du loyer courant soit 287 euros par mois, à compter de la décision à intervenir et jusqu'à leur départ effectif des lieux,leur condamnation à lui verser une somme provisionnelle de 1000 euros en réparation du préjudice moral qui lui ont causé,leur condamnation lui verser une somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
A l'audience du 1er février 2024, Madame [N] [W], veuve [P], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.

Elle expose, au visa de l'article 835 du code de procédure civile que l'occupation des lieux par son fils et sa famille constitue un trouble manifestement illicite en ce que ces derniers ne respectent pas le contrat moral qu'ils ont passé ensemble à savoir, de s’occuper d'elle étant âgée et handicapée en échange de leur hébergement à titre gratuit. Au contraire, elle indique être victime de violence de la part de Monsieur [Z] [P] et de Madame [N] [W], veuve [P], avoir déposé une main-courante le 23 octobre 2023 puis deux plaintes les 03 novembre 2023 et 11 novembre 2023. Elle produit en outre une attestation de sa fille dont elle indique qu'elle a été témoin des insultes proférées par son fils à son encontre. Par ailleurs, elle précise que son fils avait demandé à [Localité 4] HABITAT – OPH de faire modifier le bail pour y être ajouté mais que le bailleur a refusé et qu'il ne saurait ainsi se prévaloir des dispositions de la loi de 1948 pour bénéficier du maintien dans les lieux puisque le bail est régi, du fait de la signature d'un avenant le 31 janvier 2017, par la loi du 6 juillet 1989. C'est ainsi qu'elle se dit bien-fondée à solliciter leur expulsion et la réparation de son préjudice moral.

Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P], représentés, ont déposé des conclusions soutenues oralement au titre desquelles ils sollicitent :
à titre principal, le débouté de Madame [N] [W], veuve [P] de toutes ses demandes,à titre subsidiaire, le renvoi au fond du dossier,à titre encore plus subsidiaire, l'octroi d'un délai de 18 mois pour quitter les lieux à compter de la décision à intervenir,en tout état de cause,la condamnation de Madame [N] [W], veuve [P] à leur payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,sa condamnation à payer leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Décision du 14 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/00046 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYC

Ils ne contestent pas avoir quitté leur appartement de [Localité 3] (93) au printemps 2023 pour emménager chez la mère de Monsieur [Z] [P] afin de lui venir en aide au quotidien. Ils indiquent que Madame [N] [W], veuve [P] a fait les démarches nécessaires auprès de [Localité 4] HABITAT – OPH pour faire attribuer le titre d'occupant à son fils, ce qui lui a été reconnu le 20 juin 2023 aux termes d'un courrier du bailleur et que dès lors, il disposent d'un titre d'occupation faisant échec à la demande d'expulsion de Madame [N] [W], veuve [P] dont elle ne pourra qu'être déboutée ou sur laquelle il conviendra, a minima, de statuer au fond eu égard aux contestations sérieuses qu'ils forment.
En outre, s'ils ne contestent pas non plus que les relations se sont rapidement dégradées avec Madame [N] [W], veuve [P], ils indiquent que c'est de son fait et qu'elle s'est soudainement montrée hostile à leur égard ce qui a conduit son épouse à déposer plainte le 07 novembre 2023 pour harcèlement moral. Dès lors, ils nient tout préjudice moral qu'ils pourraient lui avoir causé indiquant au contraire que leur installation chez Madame [N] [W], veuve [P] a représenté un sacrifice pour leur vie de famille et s'estimant eux-mêmes victime d'une faute de la requérante, laquelle devra être condamnée à leur verser des dommages et intérêts.
A titre très subsidiaire, Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P] sollicitent des délais pour quitter le logement compte tenu de leurs situation familiale et de la nécessité de trouver un logement adapté à la taille de leur ménage.

Les pièces 9 et 10 produites le jour de l'audience par Madame [N] [W], veuve [P] ont été écartées des débats à la demande de Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P] avec accord de la requérante.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur la demande d'expulsion et de condamnation à une indemnité d'occupation

L'article 835 du code de procédure civile dispose que «le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite».

Il est constant que l'appréciation du caractère manifestement illicite d'un trouble et la prescription des mesures nécessaires pour y mettre fin relèvent du pouvoir souverain du juge des référés et que la mesure choisie ne doit tendre qu'à faire cesser le trouble manifestement illicite.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la seule titulaire du bail portant sur l’appartement situé [Adresse 1] est Madame [N] [W], veuve [P].

Pour s’opposer à la demande d'expulsion que cette dernière forme à leur encontre, les défendeurs avancent que Monsieur [Z] [P] a été reconnu par [Localité 4] HABITAT – OPH comme occupant du logement.

Toutefois, il est constant que l'occupation d'un logement, si longue soit elle et bien que tolérée, ne vaut pas bail, comme le rappelle [Localité 4] HABITAT – OPH aux termes de son courrier du 20 juin 2023 qui indique «  qu'un hébergement ne créé pas de cotitularité légale sur un contrat de location ».
Décision du 14 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/00046 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3VYC

Dès lors, Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P] ne sauraient se prévaloir de cette occupation factuelle du logement, que personne ne conteste au demeurant, pour s'opposer à leur qualification d'occupant sans droit ni titre et faire échec à la demande d’expulsion.

Ainsi, il convient de déterminer si l'occupation par Monsieur [Z] [P], Madame [T] [J], ép. [P] et leurs enfants du domicile de Madame [N] [W], veuve [P] constitue un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée leur expulsion.

Il est constant que les défendeurs se sont établis chez Madame [N] [W], veuve [P] en vertu de ce que cette dernière qualifie elle-même, aux termes de l'assignation qu'elle leur a fait délivrer, d'un « contrat moral » même s'il ressort des pièces produites qu'elle a pu dire auparavant qu'il s'étaient imposés.

Madame [N] [W], veuve [P] entend rapporter la preuve de la mauvaise exécution de ce contrat en alléguant des violences, injures et pressions à son égard de la part de Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P] et en produisant, pour étayer ces propos, deux plaintes déposées les 3 novembre et 11 novembre 2023, ainsi qu'une attestation de sa fille qui indique avoir été témoin des injures proférées par Monsieur [Z] [P] à son encontre à une occasion.

Or Madame [N] [W], veuve [P] et Monsieur [Z] [P] contestent toute forme de violence, se disent eux-mêmes victimes, produisent également trois plaintes notamment pour des faits de harcèlement à l'encontre de Madame [T] [J] ép. [P] et un certain nombre d'attestations de membre de la famille et de leur ancien voisinage corroborant leurs déclarations. Enfin, ils justifient de leurs démarches pour obtenir un logement antérieurement à la date de délivrance de l'assignation.

Ces pièces font obstacle à la caractérisation, avec l'évidence requise en référé, d'un trouble manifestement illicite résultant d'une faute dans l'exécution du contrat moral conclu entre les parties.

Il ne saurait donc y avoir lieu à référé s'agissant de la demande d'expulsion formée par Madame [N] [W], veuve [P]. Elle en sera déboutée, ainsi que de sa demande subséquente en condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation et renvoyée à mieux se pourvoir devant le juge du fond.

Sur la demande de condamnation au versement d'une somme provisionnelle de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral

Il résulte de de l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. 

En l'espèce, Madame [N] [W], veuve [P] n'établit pas avec l'évidence requise en référé qu'elle subit un préjudice moral devant être réparé du fait des violences commises par son fils et sa belle-fille dont la preuve n'est pas rapportée.

Elle sera ainsi déboutée de cette demande et renvoyée à mieux se pourvoir devant le juge du fond.

Sur la demande reconventionnelle formée par Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P] en réparation de leur préjudice moral

De même, Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P] échouent à rapporter avec l’évidence requise en référé la preuve des violences alléguées à leur encontre, dont Madame [N] [W], veuve [P] serait coupable.

Ils seront déboutés de leur demande reconventionnelle et renvoyés à mieux se pourvoir devant le juge du fond.

Sur les demandes accessoires

Madame [N] [W], veuve [P], partie perdante, sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Au vu de la décision rendue, les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DISONS n'y avoir lieu à référé tant sur les demandes de Madame [N] [W], veuve [P] que sur les demandes reconventionnelles formées par Monsieur [Z] [P] et Madame [T] [J], ép. [P],

DÉBOUTONS, par conséquent, les parties de l'ensemble de leurs demandes,

RENVOYONS les parties à se pourvoir au fond,

DÉBOUTONS les parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles,

LAISSONS les dépens à la charge de Madame [N] [W], veuve [P] ;

RAPPELONS que l'exécution provisoire est de droit ;

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La greffièreLa juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 24/00046
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Dit n'y avoir lieu à prendre une mesure en raison du défaut de pouvoir

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;24.00046 ?
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