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14/03/2024 | FRANCE | N°23/06649

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 14 mars 2024, 23/06649


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître OUADI
Madame [G]
Monsieur [S]
Madame [V]


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître BARRE

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/06649 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2TEL

N° MINUTE :
4 JCP






JUGEMENT
rendu le jeudi 14 mars 2024

DEMANDERESSE
Etablissement public L’AGENCE DE GESTION ET DE RECOUVREMENT DES AVOIRS SAISIS ET CONFISQUES,
dont le siège social est sis [Adresse 3

]

représenté par Maître, BARRE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P141

DÉFENDEURS
Madame [D] [G],
non comparante, ni représentée
Madame [J] [Y], décédée
Monsieur [X] ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître OUADI
Madame [G]
Monsieur [S]
Madame [V]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître BARRE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/06649 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2TEL

N° MINUTE :
4 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 14 mars 2024

DEMANDERESSE
Etablissement public L’AGENCE DE GESTION ET DE RECOUVREMENT DES AVOIRS SAISIS ET CONFISQUES,
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représenté par Maître, BARRE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P141

DÉFENDEURS
Madame [D] [G],
non comparante, ni représentée
Madame [J] [Y], décédée
Monsieur [X] [S],
non comparant, ni représenté
Madame [L] [V],
non comparante, ni représentée
Madame [M] [O],
représentée par Maître OUADI, avocat au barreau de Paris, vestiaire D202

demeurant tous au [Adresse 1]

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection
assistée d’Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 janvier 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 14 mars 2024 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 14 mars 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/06649 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2TEL

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 17 juin 2019, le tribunal correctionnel de PARIS a condamné M. [X] [S] de divers chefs et a ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation d’un ensemble immobilier situé [Adresse 1] cadastré section FA numéro [Cadastre 2] lots 1 et 2, jugement confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 septembre 2021. La chambre criminelle de la cour de cassation par arrêt du 7 septembre 2022 a rejeté le pourvoi de M. [X] [S].

Cette décision est devenue définitive et la mutation immobilière au profit de l'Etat en résultant a fait l'objet d'une publication au service de la publicité foncière de [Localité 4] le 16 septembre 2022.

En application de l'article 707-1 du code de procédure pénale, l'Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (l'AGRASC) est en charge de l'exécution de la décision de confiscation et de la gestion de l’immeuble confisqué au nom de l’Etat

Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2022, l’AGRASC a fait signifier la lettre de notification de la confiscation aux occupants de l’immeuble à savoir M. [X] [S], Mme [D] [G], Mme [J] [Y], Mme [L] [V] et Mme [M] [O].

En l'absence de départ spontané, sommation de quitter les lieux avant le 1er juillet 2023 leur était signifiée par acte de commissaire de justice du 20 février 2023.

Par actes de commissaire de justice du 26 juillet 2023, l'AGRASC a assigné M. [X] [S], Mme [D] [G], Mme [J] [Y], Mme [L] [V] et Mme [M] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
constater qu’ils sont occupants sans droit ni titre de l’immeuble, ordonner leur expulsion immédiate et sans délai ainsi que de tout occupant de leur chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte définitive de 1000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ; supprimer les délais fixés par les articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;ordonner la séquestration du mobilier,les condamner in solidum à payer à l'AGRASC les sommes suivantes :une indemnité d'occupation mensuelle de 48.000 euros à compter du 7 septembre 2022, date de la confiscation définitive et jusqu'à la libération effective des lieux ;5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civileles entiers dépens de l'instance.
Appelée à l’audience du 27 octobre 2023, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 17 janvier 2024.

Mme [J] [Y] serait décédée.

À l’audience, l'AGRASC, representée par son conseil qui a déposé un récapitulatif actualisé de ses demandes :
se désiste de ses demandes à l’égard de Mme [J] [Y],s’agissant de Mme [D] [G] :se désiste de sa demande aux fins d’expulsion,maintient la demande au titre de l’indemnité d’occupation entre le 7 septembre 2022 et le 7 septembre 2023 (date de remise des clés) d’un montant total de 379.080 euros, s’agissant de M. [X] [S] :se désiste de sa demande aux fins d’expulsion,maintient la demande au titre de l’indemnité d’occupation entre le 7 septembre 2022 et le 7 septembre 2023 (date de remise des clés) d’un montant total de 79.560 euros, s’agissant de Mme [L] [V] :se désiste de sa demande aux fins d’expulsion,maintient la demande au titre de l’indemnité d’occupation entre le 7 septembre 2022 et le 18 octobre 2023 selon PV d’un montant total de 29.439 euros, s’agissant de Mme [M] [O] :maintient sa demande aux fins d’expulsion sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ainsi que ses demandes subséquentes,maintient sa demande au titre de l’indemnité d’occupation depuis le 7 septembre 2022 et jusqu’à libération effective des lieux d’un montant mensuel de 2.340 euros, leur condamnation au paiement chacun de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le contrat de prêt à usage produit par Mme [M] [O], s’agissant d’un acte sous seing privé n’ayant pas date certaine, lui est inopposable, que le prêt à usage est personnel et ne se transmet pas aux ayants cause du prêteur et au nouveau propriétaire.

Mme [M] [O], représentée par son conseil qui a déposé des conclusions, demande :
le rejet des demandes de l’AGRASC, sa condamnation au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
Elle soutient que M. [X] [S] a acquis, sous couvert de différentes sociétés, différents biens immobiliers dont l’immeuble objet de la présente procédure, que par acte du 10 octobre 2016 la société AL JINANE représentée par M [U] [S], son fils, lui a consenti un prêt à usage portant sur un appartement d’une superficie de 63.93 m2 au sein de cet immeuble, que ce contrat est opposable à l’Etat français en application de l’article 1743 du code civil.

M. [X] [S], Mme [D] [G] et Mme [L] [V] bien que régulièrement cités à domicile ne sont ni présents ni représentés.

L'affaire a été mise en délibéré au 14 mars 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur la demande, le juge n'y faisant droit que s'il l'estime recevable, régulière et bien fondée.

Sur la demande d’expulsion de Mme [M] [O]

A l’appui de sa demande tendant à voir opposable à l’AGRASC le contrat de prêt dont elle se dit bénéficiaire, Mme [M] [O] produit pour seule pièce un contrat de prêt à usage conclu entre elle et M. [U] [S], représentant la société AL JINANE SA, portant sur un ensemble de 63.93 m2 situé[Adresse 1] pour une durée de 40 ans à compter du 12 octobre 1996.
Elle soutient que ce contrat est opposable à l’Etat en application de l’article 1743 du code civil.

Il convient de relever que l’article 1743 du code civil, relatif au contrat de bail, porte sur la vente d’une chose louée. Il est en conséquence inapplicable en l’espèce.

Par ailleurs, Mme [M] [O], outre ses allégations, ne justifie pas de ce que M. [U] [S] avait qualité pour conclure ce contrat au nom de ladite société (étant précisé qu’il ressort du jugement du tribunal correctionnel que cette société, propriétaire du bien, était un prête-nom de M. [X] [S]).

Le contrat de prêt est en conséquence inopposable à la demanderesse.

Dépourvue de tout autre titre, Mme [M] [O] sera déclarée occupante sans droit ni titre de l’immeuble litigieux et son expulsion sera ordonnée. Le recours à la force publique étant une mesure suffisante pour contraindre l’occupant à quitter les lieux, la demande d'assortir l'expulsion d'une astreinte sera rejetée.

Sur les délais pour quitter les lieux

L'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7.
Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.

Conformément à l'article L.412-6 du même code, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille. Toutefois, le juge peut supprimer le bénéfice du sursis prévu au premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les lieux par voie de fait. 
En l'espèce, les éléments versés au dossier sont insuffisants pour démontrer que Mme [M] [O] a commis une voie de fait pour entrer dans le logement qu'elle occupe de façon illicite de sorte qu'il n'apparaît pas justifié que les délais prévus par les dispositions susvisées, soient supprimés.
La demande de l’AGRASC sera en consequence rejetée.

Sur les indemnités d'occupation

L’AGRASC fixe l’indemnité d’occupation à la somme de 39 euros/m2 et expose que Mme [G] occupait deux logements de 450 et 360 m2, M. [X] [S] un appartement et un bureau de 98 et 72 m2, Mme [L] [V] un appartement de 60m2 et Mme [M] [O] un appartement de 60m2.

Elle produit un avis de la direction régionale des finances publiques de [Localité 4] et d’Ile de France du 27 juin 2023 évaluant la valeur locative à la somme de 39 euros/m2.

Il est établi (procès-verbaux de constat de commissaire de justice) que des clés ont été remises par le cousin de Mme [G] le 7 septembre 2023 concernant un appartement, bureaux et deux duplex, que l’état des lieux de sortie concernant l’appartement de Mme [L] [V] (un F3) a été effectué le 18 octobre 2023.

L’AGRASC produit un métrage des biens.

Mme [M] [O] a reconnu occuper un logement de 63m2.

Les demandes de l’AGRASC en fixation de l’indemnité d’occupation sont en conséquence justifiées et il y a lieu d’y faire droit selon les modalités précisées au présent dispositif.

Sur les mesures accessoires

M. [X] [S], Mme [D] [G], Mme [L] [V] et Mme [M] [O] seront condamnés in solidum aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Ils seront en outre condamnés à payer chacun la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection du pôle civil de proximité, statuant après débats en audience publique, par jugement prononcé par mise à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DECLARE Mme [M] [O] occupante sans droit ni titre de l’immeuble situé [Adresse 1] cadastré section FA numéro [Cadastre 2], lots n°1 et 2 ;

ORDONNE, à défaut de départ volontaire, l'expulsion de Mme [M] [O] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, si nécessaire, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L.412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, et R.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

REJETTE la demande de l’AGRASC aux fins d’astreinte,

REJETTE la demande de l’AGRASC en suppression des délais prévus aux articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

CONDAMNE Mme [D] [G] à payer à l’AGRASC une indemnité d’occupation d’un montant total de 379.080 euros pour la période d’occupation du 7 septembre 2022 au 7 septembre 2023,

CONDAMNE M. [X] [S] à payer à l’AGRASC une indemnité d’occupation d’un montant total de 79.560 euros pour la période d’occupation du 7 septembre 2022 au 7 septembre 2023,
CONDAMNE Mme [L] [V] à payer à l’AGRASC une indemnité d’occupation d’un montant total de 29.439 euros pour la période d’occupation du 7 septembre 2022 au 18 octobre 2023,

CONDAMNE Mme [M] [O] à payer à l’AGRASC une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 2.340 euros à compter du 7 septembre 2022 et jusqu'à complète libération des lieux se matérialisant par remise des clés ou procès-verbal d’expulsion,

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE in solidum M. [X] [S], Mme [D] [G], Mme [L] [V] et Mme [M] [O] aux dépens,

CONDAMNE M. [X] [S], Mme [D] [G], Mme [L] [V] et Mme [M] [O] à payer chacun la somme de 1000 euros à l'AGRASC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/06649
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;23.06649 ?
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