La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2024 | FRANCE | N°22/09879

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 1ère section, 14 mars 2024, 22/09879


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me GREFFE #E617




3ème chambre
1ère section

N° RG 22/09879
N° Portalis 352J-W-B7G-CXTUF

N° MINUTE :

Assignation du :
10 août 2022










JUGEMENT
rendu le 14 mars 2024



DEMANDERESSE

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617


DÉFENDEUR

Monsieur [W] [H] [C]
[A

dresse 5]
[Localité 2] (RUSSIE)

Défaillant













Décision du 14 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/09879 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXTUF

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me GREFFE #E617

3ème chambre
1ère section

N° RG 22/09879
N° Portalis 352J-W-B7G-CXTUF

N° MINUTE :

Assignation du :
10 août 2022

JUGEMENT
rendu le 14 mars 2024

DEMANDERESSE

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDEUR

Monsieur [W] [H] [C]
[Adresse 5]
[Localité 2] (RUSSIE)

Défaillant

Décision du 14 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/09879 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXTUF

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 20 novembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné à l’avocat que la décision serait rendue le 14 mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Gaïatrend est spécialisée dans la conception et la fabrication de cigarettes électroniques et de liquides pour cigarettes électroniques.
Elle est titulaire de la marque verbale de l’Union européenne n°014504261 “Alfaliquid” déposée le 25 août 2015 et enregistrée le 30 décembre 2015, pour désigner notamment en classe 34 des “liquides et e-liquides pour (...) Cigarettes électroniques, (...) chichas électroniques”.
Une marque semi-figurative a été déposée à l’EUIPO par M. [W] [H] [C] le 26 juin 2020, sous le n° 018262467:

La société Gaïatrend a formé opposition. Par décision définitive du 21 février 2022, l’EUIPO a estimé qu’il existe un risque de confusion entre les signes “Alfaliquid” et cette marque.
La même démarche a été accomplie par devant la chambre de recours de l’office espagnol et le Higher Board turc pour refuser à l’enregistrement la marque suivante :

Entre temps, au mois de mars 2021, la société Gaïatrend a constaté qu’une société Royal Distribution TDN offrait à la vente et commercialisait sur son site internet www.mistersmoke.com, plusieurs modèles de chichas et accessoires sous le signe “Alpha Hookah” et a fait dresser un procès-verbal de constat par un commissaire de justice le 24 mars 2021.
Par une lettre du 16 avril 2021, la société Gaïatrend l’a mise en demeure de cesser l’exploitation de cette marque litigieuse et de lui communiquer le nom de son fournisseur.
Constatant la persistance des faits dénoncés, la société Gaïatrend a fait procéder, le 20 juillet 2022, à une saisie-contrefaçon au siège de la société Royal Distribution TDN. Des factures de son fournisseur, M. [W] [H] [C], ont été remises, dans le cadre de ces opérations, au commissaire de justice instrumentaire.
C’est dans ce contexte que par acte d’huissier de justice du 10 août 2022, la société Gaïatrend a fait assigner M. [W] [H] [C] et la société Royal Distribution TDN devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque.
Par une ordonnance rendue le 30 mars 2023, le juge de la mise en état a constaté le désistement partiel d’instance et d’action de la société Gaïatrend à l’égard de la société Royal Distribution TDN .
Dans son assignation valant dernières conclusions, la société Gaïatrend demande au tribunal, au visa des articles L. 717-1, L. 717-2, L. 716-4-9, L. 716-4-1 du code de propriété intellectuelle, du Livre VII du même code et de l’article 1240 du code civil, de : Interdire à M. [W] [H] [C], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, d’importer, d’exporter, de faire fabriquer, de fabriquer, d’offrir à la vente et/ou de commercialiser sur le territoire de l’Union européenne des chichas et accessoires pour chichas marqués « ALPHA HOOKAH »; Ordonner sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, à compter du 8 ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, que les produits contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux et détruits aux frais de M. [W] [H] [C]; Condamner M.[W] [H] [C] à lui verser: - la somme provisionnelle de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront communiqués;
- subsidiairement, la somme provisionnelle de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre et résultant des mêmes faits que ceux invoqués au titre de la contrefaçon, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront communiqués.
Ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux, revues ou tout autre support de son choix et aux frais de M. [W] [H] [C] sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 5.000 euros HT. Condamner M. [W] [H] [C] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ce compris les frais d’huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat et de saisie-contrefaçon précités.
La société Gaïatrend rappelle tout d’abord que sa marque « ALFALIQUID » est très fortement distinctive, appliquée aux divers produits qu’elle désigne, en particulier les liquides pour cigarettes électroniques et chichas électroniques, comme énoncé dans la décision du tribunal judiciaire de Paris du 16 octobre 2020 et dans une décision de l’EUIPO du 21 février 2022. Elle ajoute que le caractère distinctif de sa marque est renforcé par sa notoriété.
Procédant à une comparaison des signes, dont elle relève la forte similarité, elle estime que le risque de confusion, mis en exergue par un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 16 octobre 2020 et celle de l’EUIPO du 21 février 2022, est caractérisé. Elle relève que tant l’utilisation des éléments verbaux que ceux figuratifs de la marque doivent être pris en compte pour cette appréciation. Elle conclut que la similitude des signes est établie tant d’un point de vue intellectuel (les termes « ALFA » et « ALPHA » font référence à la lettre grecque alpha), que phonétique (les termes « ALFA » et « ALPHA » sont identiques et dominants et les termes « LIQUID » et « HOOKAH » sont descriptifs), que visuel (même structure, à savoir la lettre grecque alpha suivie d’un terme descriptif).

Elle souligne également la similarité entre les produits e-liquides pour chichas et cigarettes électroniques qu’elle commercialise et les accessoires pour chichas vendus par la société défenderesse et fournis par M. [C]. Elle ajoute que ces produits s’adressent tous à un même public de fumeurs.

A titre subsidiaire, la société demanderesse invoque des faits de parasitisme et de concurrence déloyale, les agissements dénoncés au titre de la contrefaçon témoignant, selon elle, d’une volonté de créer un risque de confusion entre les produits litigieux et d’une volonté, de la part de la société Royal Distribution TDN, de se placer dans le sillage de sa propre société et de bénéficier de ses investissements.

S’agissant enfin du préjudice qu’elle estime avoir subi, la société Gaïatrend énonce que les opérations de saisie-contrefaçon n’ont pas permis de déterminer l’importance de la masse contrefaisante. Elle note que les actes de contrefaçon commis ont contribué à banaliser sa marque et ont nui à son image, du fait notamment de l’association de ses articles avec des produits du tabac.

Bien que régulièrement assigné en Russie en application de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, le 12 août 2022, M. [W] [H] [C] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2023.

Décision du 14 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/09879 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXTUF

MOTIFS

Sur la contrefaçon de la marque verbale de l’Union européenne n°014504261 “Alfaliquid”

Aux termes des dispositions de l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque […].

Aux termes des dispositions de l’article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle, la violation de l’article 9 du règlement précité sur la marque de l'Union européenne constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur.
La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le risque de confusion dépend de plusieurs critères interdépendants, dont le degré de similitude entre les produits ou services et les signes en cause, la connaissance de la marque sur le marché, mais aussi le degré de distinctivité de cette marque, le risque de confusion étant d'autant plus grand que celle-ci était plus distinctive, et inversement (voir par exemple CJCE, 29 septembre 1998, Lloyd Schuhfabrik, C-342-97, points 19 et 20 ; plus récemment, s'agissant du caractère distinctif, CJUE, 18 juin 2020, Primart, C-702/18 P, point 51).
En l’espèce, par un procès-verbal dressé le 24 mars 2021, Me [X], huissier de justice à [Localité 4], a constaté, à la demande de la société Gaïatrend, la présence, sur le site internet www.mistersmoke.com de la société Royal Distribution TDN, l’offre à la vente de modèles de chichas sous le signe .

Il ressort par ailleurs du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Me [D] le 20 juillet 2022, dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon autorisées au siège social de la société Royal Distribution, que M. [B], gérant de la société, a indiqué que les produits “Alpha Hookah” viennent d’un fournisseur russe, le nom de M. [C] apparaissant sur des factures.
Décision du 14 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/09879 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXTUF

S’agissant du public pertinent, il s’agit d’un public d’attention moyenne, raisonnablement attentif, utilisateur de cigarettes et de chichas électroniques, le concept de vapotage étant largement connu et le consommateur disposant d’une offre de produits variée sur le marché.
Par ailleurs, les produits litigieux, qui sont des chichas électroniques, sont pour partie identiques aux produits visés à l'enregistrement de la marque de la société Gaïatrend en classe 34 à savoir les “chichas électroniques” et à tout le moins similaires pour ce qui concerne les “liquides et e-liquides pour (...) Cigarettes électroniques, (...)”.
Le signe antérieur dont se prévaut la société Gaïatrend est constitué d’un groupe nominal composé des termes “Alfa” et “Liquid” qui sont acollés. Le signe litigieux, semi-figuratif, est, quant à lui, composé du terme “Alpha” suivi d’un second mot “Hookah”, ainsi qu’une expression écrite en police plus petite “Enjoy your Hookah” et d’un élément figuratif de type ésotérique, représentant un oeil stylisé dans un triangle, entouré de rayons et qui pourrrait signifier l’oeil de la providence.
Il sera d’emblée observé que si l’élément figuratif ainsi représenté apparaît arbitraire comme n’ayant aucun lien particulier avec les produits qu’il désigne, il est constant que le public pertinent aura tendance à davantage retenir l’élément verbal “Alpha Hookah”, facilement prononçable, qu’un élément figuratif qui, comme en l’espèce, a une vertu principalement décorative. Il ne sera pas davantage attiré spécialement par la mention “enjoy your hookah”, qui s’apparente à un slogan publicitaire non distinctif.
Les deux signes en litige “Alfaliquid” et “Alpha Hookah” apparaissent donc déterminants dans l’analyse. N’étant pas identiques, il convient de rechercher s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné, au regard des similitudes présentes entre les signes et les produits litigieux. Cette appréciation des signes s’effectue au regard des similitudes visuelles, auditives ou conceptuelles, tout en prenant en considération les éléments distinctifs des marques litigieuses.
A ce titre, s’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, si la lettre de l’alphabet grec “Alpha” est connue du public, son association aux produits de la classe 34, les liquides et e-liquides pour cigarettes et chichas électroniques, relève d’un choix arbitraire. Le second terme accolé, “Liquid”, renvoie de manière claire à une caractéristique des produits cités en classe 34 en particulier les e-liquid pour cigarettes. Son caractère évocateur le rend donc faiblement distinctif. Dès lors, le terme “Alfa”, de surcroît positionné en amorce du signe ce qui retient davantage l’attention du public pertinent, permet de retenir le caractère distinctif du signe “Alphaliquid” par rapport aux produits qu’il désigne, sans qu’il ne soit nécessaire de caractériser sa notoriété.
Cette analyse est transposable s’agissant du signe litigieux “Alpha Hookah”. Le terme d’accroche fait référence de manière similaire à la lettre grecque Alpha, dont le caractère arbitraire est démontré s’agissant des produits de la classe 34 et le mot “Hookah”, de langue anglaise, qui se traduit comme pipe à chicha ou pipe pour fumer du tabac, est évocateur voire descriptif du produit considéré et ne peut à ce titre, retenir de manière déterminante l’attention du consommateur.
Dès lors, sur le plan visuel, la marque de la demanderesse se compose des mots “Alfa” et “Liquid”, qui sont acollés et ne forment donc qu’un seul mot. Le signe litigieux est quant à lui composé de la marque “Alpha” suivi d’un second mot “Hookah”, l’expression“Enjoy your hookah” et l’élément figuratif ayant été précédemment examinés comme non déterminants dans l’analyse des signes. La différence visuelle entre les lettres “F” et “Ph” , en lettre capitales, est trop ténue pour créer une perception d’ensemble différente entre les deux mots qui, se prononçant de la même manière, peuvent être aisément assimilés par le public pertinent. Les signes en litige diffèrent visuellement par l’adjonction de “liquid” s’agissant de la marque antérieure et de “hookah” pour le signe discuté. La proximité visuelle est donc relative.
D’un point de vue phonétique ensuite, tant l’élément central permettant la distinctivité de la marque dont la protection est revendiquée que celle litigieuse, “Alfa” ou “Alpha”, se prononcent de la même manière. Il y a donc une certaine similitude sur le plan auditive, concernant l’amorce des signe, le reste des signes étant différent. La proximité phonétique est également relative, étant toutefois souligné qu’elle porte sur l’élément d’attaque déterminant.
Enfin, concernant la comparaison conceptuelle, les deux termes principaux renvoient à la lettre de l’alphabet grec, dont la forte distinctivité a été mise en exergue, le terme étant combiné à un second mot beaucoup plus évocateur voire descriptif du produit. La similitude conceptuelle entre les deux signes est plus forte.
Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier des procès-verbaux de constat précités, que M. [C] fournit des chichas sous la marque discutée qui sont ensuite commercialisées sur internet. La proximité relative des signes en présence sur les plans visuels et phonétiques est largement compensée à la fois par la grande similitude des syllabes d’accroche qui emporte la distinctivité des signes, et par l’identité de produits concernés ou à tout le moins leur très grande similitude. De fait, le public pertinent pourra aisément attribuer une origine commune aux produits. Le risque de confusion est de ce fait caractérisé.
En fournissant ces produits sous le signe “Alpha Hookah”, M. [C] a donc commis des actes de contrefaçon de la marque dont est titulaire la société Gaïatrend.
Les autres prétentions, formées à titre subsidiaire, sont sans objet compte-tenu de l’admission des demandes à titre principal.
Sur les mesures de réparation de la contrefaçon

Selon l’article L.717-2 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne.
L’article L. 716-4-10 du même code dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

A titre liminaire, il importe de rappeler que les différents chefs de préjudice listés par l’article précité doivent être considérés distinctement et non cumulativement pour permettre un dédommagement fondé sur une base objective et l’octroi d’une réparation adaptée au préjudice subi du fait de l’atteinte. De ce fait, la demanderesse ne peut, comme elle le fait, solliciter des dommages-intérêts en cumulant les divers postes de préjudice.
En l’espèce, la contrefaçon étant caractérisée, il sera tout d’abord fait droit aux mesures d'interdiction selon les modalités exposées au dispositif de la présente décision ainsi qu’à la demande de rappel des produits, dans les modalités citées au présent dispositif. En application des articles 125 2. et 126 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 relatif à la marque de l’ Union Européenne, la procédure ayant été portée devant le tribunal sur le territoire duquel l’un des défendeurs mais également le demandeur a son domicile, la mesure d’interdiction prononcée est pan-européenne.
S’agissant de la réparation du préjudice, la demanderesse apporte la preuve de la commercialisation des produits litigeux sous le signe “Alpha Hooka”, notamment par son procès-verbal du 24 mars 2021, les opérations de saisie-contrefaçon du 20 juillet 2022 ayant permis d’établir, au moyen des déclarations du gérant de la société Royal distribution étayées par les factures produites sur les lieux, que le fournisseur de ces chichas et de leurs accessoires est M. [C]. A cette occasion, l’huissier de justice a procèdé à un inventaire des stocks désignés par le gérant et a recencé 164 cartons portant le signe litigieux.
Un second procès-verbal de constat daté du 15 juin 2022, constate également la commercialisation des chichas sous le signe litigieux sur d’autres sites internet tels que El-badia.com, espace-chicha.fr, chichashoponline.fr par exemple.
La société Gaïatrend évoque en premier lieu un préjudice économique constitué par le bénéfice réalisé par le contrefacteur étant souligné que les factures (juillet 2019 - sept 2020) remises à l’huissier de justice lors des opérations de saisie-contrefaçon permettent d’établir que les produits sont vendus par M. [C] à la société Royal Distribution entre 80 et 155 euros l’unité et que les commandes ont porté, pour la période considérée, sur 938 unités, sans que la marge ne soit précisée.
S’agissant en second lieu du préjudice moral invoqué, la commercialisation des produits “Alpha Hookah” contribue à la banalisation et à la dilution de sa marque “Alfaliquid”, alors qu’elle ambitionne d’être associée aux produits substitutifs au tabac de qualité et a obtenu les certifications HACCP et AFNOR.
Le préjudice de la société Gaïatrend peut donc être évalué, à titre provisionnel, à la somme de 50 000 euros, comprenant la demande au titre du préjudice moral.
Afin que la réparation du préjudice subi par la société Gaïatrend soit intégrale et compte-tenu de la nature des produits désignés et du risque de confusion mis en exergue, il y a lieu d’accéder à la demande de publication judiciaire sur le fondement de l’article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle dans les conditions prévues au dispositif de la présente décision.
Enfin, s’agissant de la communication de pièces comptables, il ressort de la lecture de l’assignation que la société Gaïatrend “s’est réservé la possibilité de solliciter leur communication sous astreinte” “à défaut de recevoir les documents lors des premiers échanges d’écritures et de pièces”, tant et si bien qu’il y a lieu de considérer que la société n’a pas saisi le tribunal d’une prétention sur le fondement de l’article 4 du code de procédure civile sur ce point.
Sur les autres demandes

M. [W] [H] [C], qui succombe, est condamné aux dépens de l’instance qui incluent les frais de saisie-contrefaçon.
Supportant les dépens, il sera condamné à payer à la société Gaïatrend la somme de 7 000 eurosau titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui inclut les frais exposés pour les procès-verbaux de constat.
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire rendue en premier ressort,

LE TRIBUNAL 

Fait interdiction à M. [W] [H] [C] de faire usage sur le territoire de l’Union européenne du signe “ALPHA HOOKAH” ou de tout autre signe reproduisant ou imitant la marque verbale française “ALFALIQUID” n°014504261 appartenant à la société Gaïatrend, à quelque titre et sous quelque forme, support, que ce soit pour des produits identiques ou similaires aux chichas électroniques et à leurs accessoires sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai d’un an;

Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte,

Ordonne le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux et leur destruction aux frais de M. [W] [H] [C];

Condamne M. [W] [H] [C] à payer à la société Gaïatrend la somme provisionnelle de 50 000 euros (cinquante mille) à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre;

Ordonne la publication du jugement à intervenir dans trois journaux, revues ou tout autre support au choix de la société Gaïatrend, aux frais de M. [W] [H] [C] sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 3.000 euros HT.

Condamne M. [W] [H] [C] aux entiers dépens de la procédure en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

Condamne M. [W] [H] [C] à payer à la société Gaïatrend la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ce compris les frais d’huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat;

rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 14 mars 2024

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Caroline REBOUL Anne-Claire LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/09879
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.09879 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award