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13/03/2024 | FRANCE | N°22/09924

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 13 mars 2024, 22/09924


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:



9ème chambre 1ère section

N° RG 22/09924

N° Portalis 352J-W-B7G-CXERW

N° MINUTE : 3

Contradictoire

Assignation du :
08 Juin 2022






JUGEMENT
rendu le 13 mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Y] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Me Véronique DUFFAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0052


DÉFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE


[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Philippe METAIS du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R030



C...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 22/09924

N° Portalis 352J-W-B7G-CXERW

N° MINUTE : 3

Contradictoire

Assignation du :
08 Juin 2022

JUGEMENT
rendu le 13 mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Y] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Me Véronique DUFFAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0052

DÉFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Philippe METAIS du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R030

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-présidente,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Monsieur Pierre-Louis MICHALAK, greffier lors des débats et de Madame Alise CONDAMINE-DUCREUX, greffière lors de la mise à disposition.
Décision du 13 Mars 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 22/09924 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXERW

DÉBATS

A l’audience du 07 février 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Cécile SOULARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE
Au cours des années 2008 à 2010, la société anonyme BNP Paribas Personal Finance a commercialisé un contrat de crédit immobilier libellé en devises étrangères et dénommé « Helvet Immo ». Dans le contrat de prêt « Helvet Immo », le franc suisse est la monnaie de compte et l’euro la monnaie de paiement.
Ces offres de crédit ont été proposées à des particuliers, principalement par l’intermédiaire de mandataires et en vue de l’achat de biens immobiliers à usage locatif ou de parts de sociétés immobilières.
M. [Y] [N] a accepté le 30 juin 2009 l’offre de crédit immobilier « Helvet Immo » portant sur une somme de 262 256,72 francs suisses (contre-valeur en euros : 173 565 euros) remboursables en euros sur 25 ans, soit jusqu’en 2034, selon un taux d’intérêt révisable, fixé initialement à 3,50% l’an. Les règlements mensuels s’élevaient, après une période initiale de différe partiel de 24 mois, à 947,55 euros.
Le montant libéré chez le notaire le jour de la signature de l’acte de prêt est de 171 000 euros.
Le 10 septembre 2019, la BNP Paribas Personal Finance a informé M. [N] que la durée résiduelle de son prêt était de 238 mois et prendrait fin le 10 juillet 2039.
A compter du 10 juillet 2020, le crédit a été converti en euros au montant de 177 684 euros, remboursable en 203 mensualités de 987,32 euros au taux d’intérêt fixe de 1%.
M. [N] a vendu le bien qui avait été acquis grâce au prêt Helvet Immo et a procédé à un remboursement anticipé modifiant la durée restante du prêt à 82 mois à compter du 11 janvier 2021.
Par acte d’huissier du 26 juillet 2022, M. [N] a fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal judiciaire de Paris.
A l’issue d’une information judiciaire, la société BNP Paribas Personal Finance a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de pratique commerciale trompeuse. Par jugement du 26 février 2020, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la société BNP Paribas Personal Finance pour pratique commerciale trompeuse et recel par personne morale du produit d’un délit. Le tribunal correctionnel l’a également condamnée à indemniser les parties civiles.
La cour d’appel de Paris a confirmé cette condamnation par arrêt du 28 novembre 2023.
Demandes de M. [N]
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 octobre 2023, M. [N] demande au tribunal de :
« DECLARER Monsieur [Y] [N] recevable et bien fondé en ses demandes ;
- DECLARER recevable Monsieur [Y] [N] en sa demande de dommages et intérêts sur le fondement du manquement de la SA BNP Paribas Personal Finance à son obligation d’information car justifiant d’un intérêt à agir ;
- DECLARER recevable Monsieur [Y] [N] en sa demande sur le fondement du manquement de la SA BNP Paribas Personal Finance à son obligation d’information car non prescrite ;
- DECLARER recevable Monsieur [Y] [N] en sa demande sur le fondement du caractère abusif des clauses relatives à la variation du taux d’intérêt car justifiant d’un intérêt à agir ;
- DECLARER non prescrite l’action en restitution en conséquence du caractère abusif des clauses du prêt Helvet Immo ;
En conséquence,
- DECLARER que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a manqué à son obligation d’information ;
- DECLARER que les clauses n°1 à 5 (clause implicite d’indexation) de l’offre de prêt du 17 juin 2009 souscrite par Monsieur [Y] [N] forment ensemble un mécanisme implicite d’indexation du prêt de prêt sur le franc suisse ;
- DECLARER que les clauses n°6 à 8 (clause de variation du taux d’intérêt) de l’offre de prêt du 17 juin 2009 souscrite par Monsieur [Y] [N] sont abusives en ce qu’elles ne sont ni claires ni intelligibles ;
- DECLARER que les clauses 1 à 8 de l’offre de prêt du 17 juin 2009 sont réputées non écrites ;
En conséquence,
- DECLARER que la faute commise par la Société BNP Paribas Personal Finance au titre du manquement au devoir d’information a causé un préjudice à Monsieur [Y] [N] ;
- DECLARER que le prêt souscrit par Monsieur [Y] [N] suivant offre de prêt du 17 juin 2009 ne peut subsister sans ces clauses abusives ;
- DECLARER que le prêt souscrit par Monsieur [Y] [N] suivant offre de prêt 17 juin 2009 est anéanti de manière rétroactive ;
- ORDONNER la compensation entre les créances réciproques de Monsieur [Y] [N] et de la Société BNP Paribas Personal Finance ;
- CONDAMNER la Société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Monsieur [Y] [N] la somme 230.813,50 € actualisée sera augmentée des frais de tenue de compte d’un montant annuel de 40,00 € et des frais de change de 2565,00 €, dont il convient de déduire la somme de 171.000,00 € correspondant à la créance de restitution de la Société BNP Paribas Personal Finance.
- CONDAMNER la Société BNP Paribas Personal Finance à verser à Monsieur [Y] [N] la somme de 12.322,12 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la perte d’une chance ;
- DEBOUTER la Société BNP Paribas Personal Finance de l’intégralité de ses demandes plus amples ou contraires ;
- CONDAMNER la Société BNP Paribas Personal Finance à verser à Monsieur Monsieur [Y] [N] la somme de 20.000 € en réparation du préjudice moral ;
- CONDAMNER la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à Monsieur Monsieur [Y] [N] la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- LA CONDAMNER aux entiers dépens ».
Demandes de la BNP Paribas Personal Finance
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 janvier 2024, la BNP Paribas Personal Finance demande au tribunal de :
« Sur les demandes formées par Monsieur [N] tendant à l’annulation du contrat de prêt Helvet Immo sur le fondement du droit des clauses abusives
- Donner acte à BNP Paribas Personal Finance de ce qu’elle renonce à contester la demande d’annulation du contrat de prêt Helvet immo ;
- Ordonner l’annulation du contrat de prêt de Monsieur [N] ;
- En conséquence, juger que les parties sont remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant de contracter, comme si le contrat de prêt n’avait jamais existé ;
- Ordonner la restitution par Monsieur [N] :
▪ de la contrevaleur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial, soit la somme de 171.000,00 euros ;
▪ de la somme de 59.607,57 euros versée par BNP Paribas Personal Finance en exécution du Jugement pénal rendu le 26 février 2020 par la 13ème chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris et de l’Arrêt pénal rendu le 28 novembre 2023 par le Pôle 2 - chambre 12 des appels correctionnels de la Cour d’appel de Paris, en réparation du préjudice financier correspondant à la neutralisation du risque de change ;
- Ordonner la restitution par la BNP Paribas Personal Finance de toutes les sommes perçues au titre du prêt, soit la somme de 255.562,06 euros au 31 décembre 2023, sauf à parfaire ;
- Ordonner la compensation entre les restitutions réciproques à opérer ;
- Ordonner le maintien des inscriptions hypothécaires sur le bien immobilier objet financé par le prêt jusqu’au parfait remboursement par Monsieur [N] des sommes dues au titre des restitutions ;
Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement du préjudice moral
A titre principal,
o Juger que Monsieur [N] ne souffre d’aucun préjudice et débouter ce dernier de sa demande au titre du préjudice moral qu’il prétend subir ;
A titre subsidiaire,
o Déduire des dommages et intérêts versés au titre du préjudice moral les sommes versées par BNP Paribas Personal Finance en exécution du Jugement pénal rendu le 26 février 2020 par la 13ème chambre correctionnelle 1 du Tribunal judiciaire de Paris à titre provisoire et de l’Arrêt pénal rendu le 28 novembre 2023 par le Pôle 2 - chambre 12 des appels correctionnels de la Cour d’appel de Paris ;
Sur la demande fondée sur le manquement de BNP Paribas Personal Finance à son obligation d’information
A titre principal,
o Juger que Monsieur [N] est privé d’intérêt à agir dans la mesure où BNP Paribas Personal Finance renonce à contester sa demande d’annulation du contrat de prêt sur le fondement des clauses abusives ;
o Juger que la demande de Monsieur [N] est prescrite ;
o En conséquence, juger que la demande sur le fondement du manquement de BNP Paribas Personal Finance à son obligation d’information est irrecevable ;
A titre subsidiaire,
o Juger que les stipulations de l’Offre de prêt et ses annexes fournissent à Monsieur [N] des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses du prêt Helvet Immo sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte ;
o En conséquence, juger que la demande de Monsieur [N] sur le fondement du manquement de BNP Paribas Personal Finance à son obligation d’information est mal fondée ;
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal jugeait que BNP Paribas Personal Finance a manqué à son obligation d’information,
o Juger que seule la perte de chance de ne pas contracter peut être indemnisée ;
o Juger que Monsieur [N] ne démontre pas qu’il aurait bénéficié de conditions plus favorables en souscrivant un autre type de prêt ;
o Juger que Monsieur [N] ne démontre ainsi pas l’existence d’un préjudice indemnisable ;
o Débouter Monsieur [N] de sa demande de condamnation de BNP Paribas Personal Finance au paiements de dommages et intérêts ;
En tout état de cause
o Débouter Monsieur [N] de l’intégralité de ses demandes ;
o Juger que l’exécution provisoire n’est pas compatible avec la nature de l’affaire ;
o Débouter Monsieur [N] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et, en tout état de cause, tenir compte du fait que BNP Paribas Personal Finance renonce à contester la demande d’annulation du contrat de prêt Helvet immo et renonce à toute demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
o Le condamner aux entiers dépens. »
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes et de leurs défenses.
Le juge de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire par ordonnance du 24 janvier 2024 et fixé l’affaire pour être plaidée à l’audience tenue en juge rapporteur du 7 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur les demandes relatives aux clauses abusives
1.1. Moyens et arguments des parties
M. [N] fait valoir que le contrat de prêt comporte une clause d’indexation implicite au sens des articles L.111-1 et L.112-2 du code monétaire et financier. Il observe que la clause d’indexation implicite résulte de la combinaison des clauses n°1 à 5 du prêt, dès lors que la monnaie de compte et la monnaie de paiement étaient différentes.
Il soutient que cette clause d’indexation ne porte pas sur le prix mais constitue l’objet principal du contrat en ce qu’il s’agit d’une prestation essentielle, l’indexation sur la parité euro/franc suisses servant au calcul des remboursements du prêt et de son amortissement.
M. [N] affirme que cette clause revêt un caractère abusif, au sens des dispositions des articles L.132-1 et suivants du code de la consommation, devenus L.212-1 et suivants, en ce qu’elle n’est ni claire ni compréhensible. A cet égard, il rappelle que la Cour de justice de l’Union européenne a, par deux arrêts du 10 juin 2021, examiné la clause d’indexation litigieuse au regard du droit des clauses abusives. Il observe que la Cour a ensuite confirmé la portée de ces décisions dans une ordonnance du 24 mars 2022.
Il affirme qu’en considération des critères d’appréciation fixés par la Cour de justice de l’Union européenne, la clause d’indexation ne satisfait pas à l’exigence de transparence puisque le mécanisme d’indexation résulte de la combinaison de plusieurs clauses figurant sur plusieurs pages, et qu’il n’est mentionné aucun avertissement sur le risque engendré par l’application de cette clause.
M. [N] relève notamment que l’expression risque de change n’apparaît nulle part alors qu’un paragraphe est consacré à l’opération de change afin « d’attirer l’attention du consommateur ».
Il ajoute que l’information relative au fonctionnement concret de la clause d’indexation est défaillante dans le contrat et les documents commerciaux.
M. [N] expose ensuite que la clause d’indexation crée un déséquilibre significatif en ce qu’elle fait supporter au seul emprunteur un risque de change illimité et disproportionné. Il remarque que la clause d’indexation peut conduire à une augmentation du capital restant dû, lequel peut dépasser considérablement la somme initialement empruntée, les échéances payées ne couvrant que le montant des intérêts conventionnels.
Il ajoute que le mécanisme de conversion évoqué par la banque est insuffisant à pallier le déséquilibre né de la clause d’indexation puisqu’il est enserré dans des délais contraints. Il conteste également que le risque de change ainsi mis à sa charge ait pu être compensé par un taux avantageux.
La BNP Paribas Personal Finance renonce à contester la demande d’annulation du prêt sur le fondement des clauses abusives et ne soulève plus à ce titre aucune fin de non-recevoir.
Elle conteste en revanche le montant des restitutions et fait valoir que M. [N] doit restituer le montant du préjudice financier qui lui a été alloué par l’arrêt pénal, soit la somme de 59 607,57 euros. Elle se prévaut d’un accord transactionnel conclu entre CLCV et BNP Paribas Personal Finance en application duquel la banque a adressé à tous les emprunteurs une lettre proposant l’annulation de leur prêt et établissant un décompte des restitutions réciproques. Elle souligne qu’en application de cet accord, le préjudice financier alloué par le juge pénal est déduit des sommes dues par la banque.
1.2. Sur le caractère abusif des clauses n°1 à 5 du contrat de prêt
M. [N] soutient que neuf clauses stipulées au contrat de prêt seraient abusives, dont les clauses “description de votre crédit”, “financement de votre crédit”, “ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit”, “opérations de change” et “remboursement de votre crédit”, dénommées par l’emprunteur les clauses n°1 à 5 et dont il n’est pas contesté qu’elles constituent, ensemble, une clause implicite d’indexation.
1.2.1. Sur le caractère clair et compréhensible de la clause implicite d’indexation
En vertu de l’article L.132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n°93/13/CE du 5 avril 1993, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat.
L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Il en résulte que lorsqu’une clause définit l’objet principal du contrat, elle échappe au mécanisme des clauses abusives, à condition d’être rédigée de façon claire et compréhensible.
Définissent l’objet principal du contrat les clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci.
En l’espèce, il est acquis aux débats que les cinq clauses litigieuses définissent l’objet principal du contrat puisqu’elles décrivent l’obligation principale de l’emprunteur.
S’agissant de l’appréciation du caractère clair et compréhensible de ces clauses, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, par deux arrêts en date du 10 juin 2021, que l’article 4, §2 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.
Elle a rappelé, aux termes de ces arrêts, que l’exigence de transparence doit être comprise comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur les plans formel et grammatical, mais également qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret de cette clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières, ce qui implique notamment que le contrat doit exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause concernée fait référence, ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses.
La charge de la preuve du caractère clair et compréhensible des clauses concernées incombe au professionnel.
En l’espèce, est discutée l’intelligibilité des clauses n°1 à 5 du prêt en ce qu’elles ne comporteraient pas d’avertissement suffisant sur les risques engendrés par le mécanisme financier qu’elles contiennent.
La clause « Remboursement de votre crédit » explique que l'amortissement du prêt peut être plus ou moins rapide selon l'évolution du taux de change, tout en indiquant que le crédit peut être allongé d'une période de 5 ans pour permettre le remboursement du solde restant dû. Toutefois, en évoquant uniquement le ralentissement de l'amortissement du capital du prêt, le contrat n'explicite pas le risque d'augmentation de la dette résultant de l'augmentation du capital restant dû. À aucun moment, les clauses n°1 à 5 n'évoquent ce risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû et du risque corrélatif d'une augmentation de la dette qui n'est pas limitée.
Il ne saurait être attendu d'un consommateur raisonnablement attentif et avisé qu'il comprenne le risque d'augmentation du capital restant dû à la lecture des clauses expliquant le fonctionnement du mécanisme de change.
L'emprunteur peut d'autant moins être alerté sur ce risque que la banque a joint au contrat de crédit un tableau d'amortissement en précisant seulement « Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change » dans la clause « Opérations de change ».
Or, il n'est pas précisé que ce tableau d'amortissement est purement théorique puisque la part d'intérêts et de capital amorti variera nécessairement à chaque échéance. Ainsi, le risque d'accroissement de l’endettement n'était pas explicité, pas plus que son caractère illimité, l’emprunteur ne pouvait dès lors évaluer le risque d'endettement résultant de la signature de ce contrat de crédit.
Sur l'évolution de la parité euros/francs suisses, la banque reconnaît avoir commercialisé le prêt en faisant valoir la stabilité historique du taux de change euro/franc suisse. Il lui appartenait, en sa qualité de professionnel, d'envisager et d'informer le consommateur de toutes les évolutions possibles de cette parité, en particulier des risques encourus en cas de dépréciation significative de l’euro.
En outre, l’expression « risque de change » n’est jamais employée dans l’offre de prêt alors que, lorsque le risque de change inhérent au contrat se réalise, cela a pour conséquence, non seulement une augmentation de la durée du prêt de cinq années maximum mais, si le paiement de la mensualité fixe sur cette période complémentaire ne suffit pas à apurer le prêt, la mensualité est alors déplafonnée. La banque ne justifie pas d'une information utile du consommateur sur ce point, en particulier en cas de forte dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.
Il en résulte que les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse ne sont pas mis en relief ni suffisamment explicités aux termes du contrat et dans les documents annexes communiqués à M. [N]. Par conséquent, l’emprunteur ne peut envisager concrètement l’incidence économique, potentiellement significative d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s’exposer, le cas échéant.
Par conséquent, ces clauses ne constituent pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation précité.
Il convient, dès lors, d’examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l’emprunteur.

1.2.2. Sur l’existence d’un déséquilibre significatif
La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, dans les deux arrêts précités du 10 juin 2021, que l’article 3, §1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.
Elle a rappelé, en ce qui concerne l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, qu’il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés à l’article 3, §1, ainsi qu’à l’article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive.
En l’espèce, ainsi que cela a été précédemment retenu, le contrat de prêt expose l’emprunteur à un risque financier du fait de la parité des monnaies de compte et de paiement mais sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période éventuelle de remboursement.
S’il existe un risque de change qui pèse également sur la banque, il doit toutefois être relevé que cette dernière ne supporte que l’aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu’il n’existe de mesure entre l’accroissement significatif du capital à rembourser pour l’emprunteur et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros selon le cours du change au moment de chaque paiement.
Il s’en déduit que la société BNP Paribas Personal Finance ne pouvait s’attendre, si l’emprunteur avait été normalement informé du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles, à ce qu’il accepte le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.
La possibilité de convertir le prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les trois ou cinq ans (clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et la possibilité de rembourser le prêt de façon anticipée à tout moment (clause « Remboursement anticipé ») ne peuvent avoir le même effet qu’un plafond.
En effet, outre le fait que le contrat est en principe exécuté en dehors des levées d’option, ces options ne sont pas nécessairement de nature à effacer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice. En outre, la première de ces options ne peut être exercée que lors de la survenance d'échéances précises, étant ajouté qu'elle met à la charge de l'emprunteur le paiement de frais de conversion et de frais de change. Quant à la seconde option, son exercice dépend des capacités financières de l’emprunteur.
Il en résulte que la clauses n°1 à 5 créent un déséquilibre significatif en faveur de l’emprunteur. Par conséquent, elles seront déclarées abusives.
1.3. Sur l’annulation du contrat de prêt
L’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que « Les clauses abusives sont réputées non écrites. […] Les dispositions du présent article sont d’ordre public ». Elles sont donc privées de tout effet pour l’avenir, mais également de manière rétroactive, dès l’origine du contrat dès lors qu’elles ne lient pas le consommateur.
Ce même texte ajoute que « Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses.».
La constatation du caractère abusif d’une clause, qui est donc réputée non écrite, implique que le consommateur soit replacé dans la situation de droit et de fait dans laquelle il se serait trouvé en son absence. Si le contrat peut subsister sans ladite clause, celle-ci est simplement privée d'effet ab initio. Si, au contraire, le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, il doit être anéanti dans son entier.
En l’espèce, les clauses n°1 à 5 reconnues abusives doivent être réputées non-écrites et M. [N] doit se retrouver dans la même situation que si ces clauses n’avaient jamais existé.
Or, il est acquis aux débats que lesdites clauses constituent l’objet principal du contrat. En outre, leur lecture et analyse révèlent qu’elles forment un tout indivisible. Les modalités de remboursement stipulées au contrat et les opérations de change y nécessaires n’étant pas maintenues, alors que le montant du prêt est en francs suisses, l’entièreté du prêt est affectée.
En conséquence, le contrat de crédit consenti par la société BNP Paribas Personal Finance à M. [N] sera déclaré anéanti de manière rétroactive.
Il en résulte que l’examen du caractère abusif des clauses sur les intérêts, y compris l’intérêt à agir de ce chef de l’emprunteur, d’une part, et de la clause de reconnaissance de la réception de certaines informations, d’autre part, n’est pas nécessaire à la solution du litige. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le caractère abusif des autres clauses n° 6 à 9.
1.4. Sur les restitutions
L’anéantissement rétroactif du contrat de prêt emporte remise en état des parties, qui sont replacées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles ne l’avaient pas conclu. Il a donc lieu d’opérer une compensation entre les créances de restitution réciproques suivantes:
-la créance de la banque, correspondant au montant du capital emprunté en euros,
-la créance de l’emprunteur, correspondant à l’ensemble des versements qu’il a effectués en euros.
M. [N] devra donc restituer à la banque la contre-valeur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial rappelé par le contrat. Il s’agit en effet de la somme perçue par l’emprunteur lors du déblocage des fonds.
Au vu des mentions du contrat de prêt, M. [N] a emprunté la somme de 171 000 euros.
Du côté de l’emprunteur, la créance de restitution à son profit correspond à l’ensemble des versements qu’il a effectués auprès de la banque, durant l’exécution du contrat de prêt.
Sur ce point, la société BNP Paribas Personal Finance précise que M. [N] lui a versé la somme totale de 255 562,06 euros au 31 décembre 2023.
Cette somme n'est pas utilement contestée par M. [N], alors qu'il supporte la charge de la preuve de ces paiements.
Après compensation entre ces deux créances réciproques, il en résulte un solde de 84 562,06 euros en faveur de M. [N].
Cependant, M. [N] limite sa demande à la somme de 230 813,50 euros, à laquelle il ajoute des frais de tenue de compte d’un montant annuel de 40,00 euros, soit 560 euros ainsi que des frais de change de 2 565 euros, et dont il déduit la somme de 171 000 euros.
M. [N] a laissé au tribunal le soin d’effectuer le calcul du total qui s’élève donc à la somme de 62 938,50 euros.
Le tribunal ne pourra donc allouer à M. [N] une somme supérieure à 62 938,50 euros.
La société BNP Paribas Personal Finance soutient que ce quantum devrait être diminué de la somme de 59 607,57 euros allouée à M. [N] en réparation de son préjudice financier par la cour d’appel, dans son arrêt du 28 novembre 2023.
Cependant, les restitutions réciproques ordonnées par la présente décision résultent de l’annulation rétroactive du contrat et sont dénuées de lien avec la réparation d'un préjudice financier auquel elle a procédé le juge pénal. Par conséquent, la société BNP Paribas Personal Finance sera déboutée de sa demande à ce titre.
La société BNP Paribas Personal Finance sera donc condamnée à payer à M. [N] la somme de 62 938,50 euros.

2. Sur le manquement à l’obligation d’information
2.1. Sur le défaut d’intérêt à agir
La société BNP Paribas Personal Finance soulève le défaut d’intérêt à agir au titre du manquement à l’obligation d’information renforcée. Elle soutient qu’en présence d’un contrat anéanti rétroactivement, celui qui entend obtenir une condamnation à des dommages et intérêts ne peut invoquer des manquements contractuels pour engager la responsabilité de son contractant.
Toutefois, l’existence du droit invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès.
Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir sera rejetée.
2.2. Sur la prescription
M. [N] estime, contrairement à la banque qui retient comme point de départ du délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil la date de la souscription du contrat, que ce point de départ doit être fixé à compter du moment où est reconnu le caractère abusif des clauses et où il a été en situation d’exercer son action.
Il rappelle que le manquement de la banque à son devoir d’information et de mise en garde est lié en l’espèce au caractère abusif de la clause litigieuse puisqu'il est reproché à la banque d’avoir proposé la souscription d’un contrat comportant une clause manifestement abusive et créant un déséquilibre significatif, sans information concrète et loyale des emprunteurs.
Il en déduit que l’action liée au manquement au devoir d’information est ainsi liée à celle visant à voir reconnaître le caractère abusif de la clause, de sorte qu'elle ne peut pas être jugée prescrite indépendamment de celle principale relative au constat du caractère abusif.
L'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information et de mise en garde portant sur le fonctionnement concret de clauses d'un prêt libellé en devise étrangère, remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu une connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement.
En effet, c'est uniquement à compter de cette date que l’emprunteur a acquis une connaissance effective et concrète du dommage, constitué par la perte de chance d’éviter le risque de pertes financières significatives en raison d’une dégradation de la parité monétaire conjuguée au mécanisme financier de remboursement, provoquant ou pas sa défaillance temporaire ou définitive.
Seules des explications précises, complètes et pédagogiques, le cas échéant, illustrées de simulations, peuvent caractériser une connaissance par l’emprunteur du fonctionnement concret du mécanisme financier susceptible de surenchérir le coût global de l’emprunt et, partant, du dommage qu’il subit.
À défaut de telles explications données au jour de la conclusion du contrat, il appartient au banquier qui se prévaut de la prescription prévue par l’article 2224 du code civil de rapporter la preuve de la date à laquelle les emprunteurs ont pu acquérir une telle connaissance du dommage subi.
Or, la BNP Paribas Personal Finance se contente de fixer le point de départ de la prescription au jour de la souscription du contrat sans préciser comment, à cette date, l’emprunteur pouvait avoir connaissance du risque de pertes financières liées à la dégradation de la parité monétaire conjuguée au mécanisme financier de remboursement.
Le point de départ de l’action en responsabilité de M. [N] au titre d'un manquement à l'obligation d'information et de mise en garde ne peut dès lors qu'être fixé qu'à la date à laquelle ces clauses ont été jugées abusives.
Cette action n'est donc pas irrecevable pour cause de prescription.
2.3. Sur la responsabilité de la BNP Paribas Personal Finance pour manquement à son devoir d’information
M. [N] soutient que la banque aurait dû lui fournir une information pertinente sur les incidences des fluctuations du taux de change qui est au cœur du mécanisme du prêt et sur les conséquences sur son amortissement.
M. [N] estime son préjudice de perte de chance à la somme de 12 322,12 euros correspondant au surcoût généré par la conversion du prêt en francs suisses.
Le BNP Paribas Personal Finance estime avoir suffisamment informer l’emprunteur sur le fonctionnement du prêt et considère que M. [N] ne rapporte pas la preuve que la perte de chance de ne pas contracter soit sérieuse et irrémédiable.
Le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde est constitué par la perte de chance d’éviter les conséquences économiques négatives des clauses d'un prêt libellé en devise étrangère, remboursable en euros, et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte.
C'est à tort que la banque soutient avoir respecté ces obligations, en ce que les stipulations de l'offre de prêt ont fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte.
En effet, il a été précédemment retenu que les clauses n°1 à 5 ne constituaient pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Il en résulte que si M. [N] avait été mieux informé par la banque des risques de perte financière associées au prêt « Helvet Immo », il aurait pu conclure un prêt en euros à taux fixe ne comprenant pas de risque de change.
Le préjudice de perte de chance ainsi subi sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros.
3. Sur le préjudice moral
La BNP Paribas Personal Finance soutient que M. [N] est dépourvu d’intérêt à agir pour la demande qu’il forme au titre du préjudice moral dès lors qu’il en a obtenu réparation par le juge pénal, pour un montant de 5 000 euros.
En vertu de l’article 1382 du code civil, dans sa version applicable au litige, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, il est jugé qu’en acceptant l’offre de prêt émise par la société BNP Paribas Personal Finance, M. [N] s’est exposé à un risque de change qu’il n’aurait pas accepté si la banque avait respecté l’exigence de transparence et avait exposé clairement et concrètement le mécanisme financier en cause.
N’ayant pas été mis en mesure d’évaluer les conséquences de ce mécanisme financier sur ses obligations financières, il a nécessairement subi un préjudice moral, caractérisé par l’imprévisibilité de sa situation pécuniaire.
Ce dommage sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 5 000 euros.
Cependant, il ne justifie pas de l’existence d’un préjudice moral distinct de celui indemnisé dans le cadre de son action civile devant la cour d’appel à hauteur de la somme de 5 000 euros, de sorte qu’il sera débouté de sa demande à ce titre.
4. Sur le maintien de l’inscription hypothécaire
La demande formée par la banque tendant à voir prononcer le maintien de l’inscription hypothécaire jusqu’au paiement par l’emprunteur des sommes dues au titre des restitutions est sans objet, dès lors qu’aucune demande de mainlevée de l’inscription ne lui est opposée.
5. Sur les frais du procès
L’article 695 du code de procédure civile énumère les frais du procès qui entrent dans la catégorie des dépens. Il est de principe que les dépens sont à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Partie perdante au procès, la BNP Paribas Personal Finance sera condamnée au paiement des entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée à payer à M. [N] la somme de 5 000 euros afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens qu’il a dû exposer afin d’assurer la défense judiciaire de ses intérêts, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
6. Sur l’exécution provisoire
Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge peut toutefois écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire, conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile.
Aucune circonstance du présent litige n’impose d’écarter l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
DIT que les clauses n°1 à 5 du contrat de prêt Helvet Immo du 30 juin 2009 intitulées « Description de votre crédit », « Financement de votre crédit », « Ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit », « Opérations de change » et « Remboursement de votre crédit », sont abusives et réputées non écrites ;
PRONONCE l’anéantissement rétroactif de ce contrat ;
CONDAMNE en conséquence la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Y] [N], la somme de 62 938,50 euros, arrêtée au 31 décembre 2023 ;
DIT recevable l'action de M. [Y] [N] à raison du manquement de la banque à son devoir d’information et de mise en garde ;
CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Y] [N] la somme de 10 000 euros, en réparation de son préjudice subi à la suite de ce manquement ;
REJETTE la demande de M. [Y] [N] au titre de son préjudice moral ;
CONDAMNE la société anonyme BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Y] [N] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société anonyme BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 13 mars 2024.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/09924
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-13;22.09924 ?
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