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12/03/2024 | FRANCE | N°21/08415

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 12 mars 2024, 21/08415


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème chambre civile

N° RG 21/08415

N° MINUTE :

Assignations des :
- 29 Avril 2021
- 09 Juin 2021

CONDAMNE

GCHABONAT




JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [I] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représenté par Maître Sabine DESCAMPS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0976 et par Maître Méhana MOUHOU, avocat au barreau de ROUEN, avocat plaidant

DÉFENDERESSES

La SOCIETE PACIFICA
[Adresse 8]
[Localité 6]r>
Représentée par Maître Patrice GAUD D’AGMC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0430

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème chambre civile

N° RG 21/08415

N° MINUTE :

Assignations des :
- 29 Avril 2021
- 09 Juin 2021

CONDAMNE

GCHABONAT

JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [I] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représenté par Maître Sabine DESCAMPS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0976 et par Maître Méhana MOUHOU, avocat au barreau de ROUEN, avocat plaidant

DÉFENDERESSES

La SOCIETE PACIFICA
[Adresse 8]
[Localité 6]

Représentée par Maître Patrice GAUD D’AGMC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0430

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]

Représenté par Maître Anne-Laure ARCHAMBAULT du Cabinet MATHIEU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0079

Madame [H] [U] [V] épouse [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]

Non représentée
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

Décision du 12 Mars 2024
19ème chambre civile
RG 21/08415

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Président de la formation

Madame Géraldine CHABONAT, Juge
Madame Mabé LE CHATELIER, Magistrate à titre temporaire
Assesseurs

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 07 Novembre 2023 présidée par Monsieur Olivier NOËL tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2024. Le 18 Janvier 2024, avis a été donné aux avocats que le délibéré serait prorogé au 30 Janvier 2024. Le 31 Janvier 2024, avis a été donné aux avocats que le délibéré serait prorogé au 12 Mars 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [T], fonctionnaire de police dans l’exercice de ses fonctions, âgé de 41 ans (pour être né le [Date naissance 3] 1973), a été victime le 28 mars 2015 d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule conduit par Madame [V], assurée auprès de la société PACIFICA, laquelle ne conteste pas le droit à indemnisation.

Il a été pris en charge par les services du SAMU qui l’ont alors placé en coma artificiel et transféré vers le service des urgences du CHU de [Localité 10].

Le certificat médical initial descriptif des blessures fait état d’une plaie occipitale, un hématome de la paupière supérieure droite et une otorragie droite.

Le traumatisme occipital, avec un score de Glasgow à 14, et une agitation ont nécessité une intubation.

Secondairement dans le service, grâce à la réalisation d’un body scanner, il a été constaté :

« A l’étage en céphalique : hématome sous dural aigu frontal gauche de 4 mm d’épaisseur associé à une lame d’hémorragie sous acranienne, contusion oedémato-hémorragique frontale gauche ; absence d’engagement ; fracture pariéto-occipito-temporale avec embarrure périatale droite ; fracture du rocher extra-labyrinthique droit compliqué d’une thrombose du sinus latéral droit ;
A l’étage thoracique : lame d’épanchement pleural bilatérale avec trouble ventilatoire en regard »

Il convient de préciser que Monsieur [T] a été maintenu en sédation profonde (coma artificiel) du jour de l’accident jusqu’au 18 avril 2015 soit près de trois semaines.

Par ordonnance en date du 10 mars 2016, le juge des référés du Tribunal de DIEPPE a désigné en qualité d'expert le Docteur [J].

L’expert a déposé son rapport le 10 novembre 2016, estimé que Monsieur [T] n’était pas consolidé, qu’il était nécessaire de revoir ce dernier en juin 2017.

Il convient de préciser à ce stade que sur le plan professionnel, Monsieur [T] a bénéficié d’un arrêt de travail du 29 mars au 27 septembre 2015 avant une reprise à temps complet en poste adapté, avec un travail purement administratif.

Cependant, en juillet 2016, un temps partiel thérapeutique a été instauré jusqu’au 28 novembre 2018, date à laquelle ce dernier a de nouveau été placé en arrêt de travail et n’a jamais repris son activité professionnelle jusqu’à sa mise à la retraite pour invalidité le 1er avril 2021.

Par jugement du 17 octobre 2018, le Tribunal correctionnel de DIEPPE, statuant sur intérêts civils a ordonné une nouvelle expertise médicale et redésigné le Dr [J] pour y procéder.

Aux termes de son rapport déposé le 28 avril 2020, l’expert a constaté que l’anosmie et l’agueusie, les acouphènes ainsi que le syndrome frontal et dépressif étaient en lien direct avec l’accident et imputables à ce dernier.

L’expert, après réception de plusieurs Dires des parties et ayant constaté que les parties « campaient sur leurs positions » respectives, a déposé son rapport définitif le 28 avril 2020 et a conclu ainsi que suit :

Déficit fonctionnel temporaire :
DFTT du 29 mars 2015 au 10 juillet 2015 et le 24 septembre 2017
DFTP à 75 % du 11 juillet 2015 au 28 septembre 2015
DFTP à 50 % du 29 septembre 2015 au 28 janvier 2020
Consolidation au 28 janvier 2020 (46 ans)
Déficit Fonctionnel Permanent à 50 %
Préjudices professionnels : Inaptitude professionnelle définitive en lien avec le dommage.
Des souffrances endurées à 4,5/7 ;
Préjudice esthétique temporaire à 3/7 (non repris dans les conclusions définitives car conclusions non contestées) ;
Préjudice d’agrément : l’arrêt des activités sportives et de loisirs est en grande partie en lien avec la dépression. D’un point de vue physique, elles sont possibles avec adaptation (non repris dans les conclusions définitives car conclusions non contestées) ;
Préjudice sexuel : Trouble de la libido. (Monsieur [T] indique subir une altération de la libido entrainant l’absence de vie sexuelle. La relation de couple est fortement altérée depuis l’accident survenu).
Sur la tierce personne temporaire :
Passage d’une infirmière à domicile trois fois 10 minutes pour la surveillance du diabète et vérification de la prise du traitement 7 jours/7 depuis la date de la prescription du traitement par insuline. Etant précisé que le diabète n’est pas en lien avec l’accident.
1 heure par jour de de tierce personne non spécialisée sur la période de DFTP à 75 % soit du 11 juillet 2015 au 28 septembre 2015 (dans le corps de l’expertise mais non repris dans les conclusions expertales).Durant la période de DFT à 50% mais la victime était en activité professionnelle du 29 novembre 2018 jusqu’au 28 novembre 2018, 3 heures par semaines étaient requisesDurant la période du 28 novembre 2018 jusqu’à la date de la consolidation : 10 minutes 3 fois par jour de tierce personne spécialisée pour la surveillance du diabète et vérification de la prise du traitement 7 jours sur 7Une heure par jour (7jours sur 7) de tierce personne non spécialisée pour la stimulation pour la réalisation des gestes de la vie courante 3 heures par semaine de tierce personne de transport (hors déplacements médicaux pris en charge par l’assurance maladie) Sur la tierce personne permanente :
Tierce personne spécialisée :10 minutes 3 fois par jour pour la surveillance du diabète et vérification de la prise de traitement 7 jours sur 7 (non en lien avec l’accident)
Tierce personne non spécialisée
10 h par semaine
***

Par exploits d'huissier en date des 29 avril et 9 juin 2021 suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 10 mars 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [I] [T] sollicite du tribunal :

• Condamner solidairement Madame [V] épouse [S] et son assureur, la compagnie PACIFICA à payer à Monsieur [T] les sommes de :
➢ Dépenses de santé actuelles : 117.66 €,
➢ Frais divers : 2 909.00 €,
➢ Pertes de Gains actuels : 22 820.56 €,
➢ Besoins en tierce personne temporaire : 14 788 €,
➢ Déficit fonctionnel temporaire total : 2 730 €,
➢ Déficit fonctionnel temporaire partiel : 20 579 €,
➢ Souffrances endurées : 30 000 €,
➢ Préjudice esthétique temporaire : 5 000 €,
➢ Tierce personne future : 509 654.88 €,
➢ Pertes de gains professionnelles futurs :
à titre principal : 348 182.31 € avant imputation de la créance de l’Agent judiciaire (637 068.92 €), soit un reliquat de la créance de l’Agent judiciaire de 288 886.61 € à imputer sur le poste Incidence professionnelle, à titre subsidiaire : 288 409.92 € avant imputation de la créance de l’Agent judiciaire (637 068.92 €), soit un reliquat de la créance de l’Agent judiciaire de 348 659 € à imputer sur le poste Incidence professionnelle, ➢ Incidence professionnelle :
A titre principal la somme de 297 840.00 € avant déduction du reliquat de la créance de l’Agent judiciaire (288 861.61 €), soit un reliquat de 8 953.39 € revenant à Monsieur [T] A titre subsidiaire, la somme de 297 840.00 € avant déduction du reliquat de la créance de l’Agent judiciaire (348 659 €), soit un reliquat de la créance de l’Agent judiciaire de 50.819.00 € à imputer sur le poste Déficit fonctionnel permanent, ➢ Déficit fonctionnel Permanent :
A titre principal, la somme de 162 000.00 €, A titre subsidiaire, la somme de 162 000 € avant déduction du reliquat de la créance de l’Agent judiciaire (50 819.00 €), soit un reliquat de 111 181.00 € revenant à Monsieur [T], ➢ Préjudice sexuel : 25 000 euros,
➢ Préjudice d’agrément : 20 000 euros,
➢ Préjudice esthétique définitif : 1000 euros ;

• Condamner à titre principal la Société PACIFICA au doublement du taux d’intérêt légal à compter du 25 novembre 2015 et jusqu’à la date de la décision à intervenir pour absence d’offre sur le fondement des articles L211-9 et L211-13 du code des assurances,

• Condamner à titre subsidiaire la Société PACIFICA au doublement du taux d’intérêt légal à compter du 25 septembre 2020 et jusqu’à la date de la décision à intervenir pour absence d’offre sur le fondement des articles L211-9 et L211-13 du code des assurances,

• Condamner la Société PACIFICA au paiement des intérêts moratoires en application des dispositions de l’art 1343-2 du Code civil,

• Condamner solidairement Madame [V], épouse [S], et son assureur, la compagnie PACIFICA à payer à Monsieur [T] la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

• Ordonner l’exécution provisoire compte tenu de l’ancienneté de l’accident.

***

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 18 janvier 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société PACIFICA sollicite du tribunal :

Allouer à Monsieur [I] [T] la somme de 392.301,38 €.

Allouer à l’agent judiciaire de l’état la somme de 787.752,98 €.

Prononcer toute condamnation en deniers ou quittances.

Limiter l’exécution provisoire du jugement à intervenir à hauteur des indemnités offertes par
PACIFICA.

Débouter Monsieur [I] [T] et l’agent judiciaire de l’état de toute autre demande.

***

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 1er septembre 2022, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’Agent Judiciaire de l’Etat (ci-après AJE) sollicite du tribunal :

- Condamner la société PACIFICA à payer à l’agent judiciaire de l’Etat, au titre de sa créance définitive du chef de Monsieur [T], après déduction de la somme déjà versée de 238 381,88 euros, la somme de 729 068,30 €, avec intérêt au taux légal à compter de la date de signification des présentes conclusions,

- Condamner la société PACIFICA à payer à l’agent judiciaire de l’Etat les sommes que celui-ci sera amené à prendre en charge à l'avenir, au titre des dépenses de santé futures,

- Dire que le préjudice de l’Etat s’imputerait sur les sommes allouées à Monsieur [T] au titre de l’assistance tierce personne si ce dernier se voyait concéder une majoration tierce personne à l'avenir,

- Condamner la société PACIFICA au paiement à l'agent judiciaire de l'Etat de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société PACIFICA aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Me Sandrine BOURDAIS, avocat aux offres de droit.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2023.

L’examen de l’affaire a été retenu à l’audience du 7 novembre 2023.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2024, puis prorogée au 30 janvier 2024, puis au 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

La loi du 5 juillet 1985 dispose notamment, que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, une telle faute ayant pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages.

Ainsi, le droit à indemnisation du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'est pas apprécié en fonction du comportement de l'autre automobiliste impliqué.

Le droit de Monsieur [T] à l’indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l’accident de la circulation survenu le 28 mars 2015 n’est pas contesté et résulte des articles 1 et 2 de la loi du 5 juillet 1985 relative aux victimes d’accidents de la circulation, ainsi que de l’article L124-3 du code des assurances permettant une action directe contre l’assureur.

Sur l'évaluation du préjudice

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [T] âgé de 41 ans et exerçant la profession de fonctionnaire de police lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Il sera utilisé le barème de capitalisation du BCRIV 2021 tel que proposé par la société PACIFICA et accepté par Monsieur [T].

– PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé actuelles

Aux termes du relevé de créance, les prestations en nature versées par l’AJE se sont élevées à la somme de 140.806,09 €.

Il convient donc de condamner PACIFICA à verser la somme de 140 806,09 € à l’AJE ;

Par ailleurs, la créance de l’AJE s’élevant à la somme de 967.450,18 €, le montant résiduel qui a vocation à s’imputer sur les postes des pertes de gains professionnels actuelles, futures, de l’incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, s’élève à 826.644,09 € (967 450,18 – 140 806,09).

Monsieur [T] sollicite l’allocation de la somme de 117,66 € au titre des dépenses de santé restées à sa charge.
La société PACIFICA s’y oppose au motif que la somme réclamée correspond à des frais d’ambulance.

Force est de constater que Monsieur [T] verse aux débats un bordereau d’envoi du secrétariat général de l’administration du Ministère de l’Intérieur, lequel fait état de ce que ces frais ne peuvent être réglés en l’absence de bon médical de transport et qu’une pharmacie n’est pas considérée comme un établissement de soins post-opératoires, de sorte qu’elle ne donne ainsi pas droit au remboursement des frais de transport conformément au code de la sécurité sociale.

Par conséquent, il y a lieu de débouter Monsieur [T] de sa demande.

- Frais divers

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité.

En l’espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de 2.909,00 € au titre des honoraires du Docteur [W], son médecin-conseil et ceux de Madame [K], son ergothérapeute qui l’ont tous les deux assistée lors des opérations d’expertise, ce que la compagnie PACIFICA accepte.

Par conséquent, il y a lieu d’entériner l’accord des parties et de condamner PACIFICA à verser à Monsieur [T] la somme de 2.909 €.

- Assistance tierce personne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

Avant consolidation
En l’espèce, l’expert a retenu un besoin en aide humaine en distinguant 2 périodes :

A raison d’une heure par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire à 75% soit du 11 juillet 2015 au 28 septembre 2015.

Puis pendant le déficit fonctionnel temporaire à 50% soit du 29 septembre 2015 au 28 novembre 2018 : 3 heures par semaine étaient requises.

Du 28 novembre 2018 au 28 janvier 2020 à hauteur de :

10 minutes 3 fois par jour de tierce personne spécialisée pour la surveillance du diabète et vérification de la prise du traitement 7 jours sur 7Une heure par jour (7jours sur 7) de tierce personne non spécialisée pour la stimulation pour la réalisation des gestes de la vie courante 3 heures par semaine de tierce personne de transport (hors déplacements médicaux pris en charge par l’assurance maladie)
Monsieur [T] sollicite la somme de 14.788 € sur la base d’un taux horaire de 18 €, PACIFICA offre de verser la somme de 19.572 €.

dates
17,00 €
/ heure
nbre heures
nbre heures

TOTAL
début de période
11/07/2015

par jour
par semaine

s/ 365 jours / an
fin de période
28/09/2015
80
jours
1,00

1 360,00 €

fin de période
28/11/2018
1 157
jours

3,00
8 429,57 €

fin de période
28/01/2020
426
jours

10,00
10 345,71 €
20 135,29 €

Toutefois, celle-ci étant supérieure à celle sollicitée par le demandeur, il y a lieu de condamner la compagnie PACIFICA à verser à Monsieur [T] la somme de 14.788 €, somme réclamée par ce dernier au titre des besoins en tierce personne avant consolidation.

Après consolidation
L’expert a estimé le besoin en tierce personne spécialisée à 10 minutes par jour pour la surveillance du diabète et 10 h par semaine pour la tierce personne non spécialisée soit 13,5 heures au total (10 h + 3,5 h pour la prise du traitement).

Monsieur [T] sollicite d’être indemnisé selon un coût horaire de 18 € capitalisé sur la base d’un temps annuel de 412 jours pour tenir compte des congés payés et jours fériés et ce, au moyen du barème du BCRIV 2021 barème (proposé par PACIFICA) soit la somme de 509.654,88 €.

La compagnie d’assurance PACIFICA offre d’indemniser Monsieur [T] à hauteur de 295.899,80 € sur la base d’un coût horaire de 16 € et estime que les besoins d’assistance pour délivrer l’insuline n’ont pas à être pris en compte au motif qu’il ne s’agit pas d’une conséquence de l’accident et qu’il serait plus approprié que ce dernier fasse appel à un professionnel de santé comme le souligne l’expert.

Cependant, les séquelles neurocognitives et psychologiques dont souffre Monsieur [T] rendent nécessaires l’intervention d’un tiers dans le contrôle de la glycémie et la prise du traitement.

A cet égard, l’expert a consigné dans son rapport qu’en l’absence de son épouse, Monsieur [T] s’alimente de manière aléatoire en fonction des aliments présents sans tenir compte de son diabète et que ce dernier ne pensait pas systématiquement à contrôler sa glycémie. Il précise qu’il « serait plus approprié d’avoir recours à un professionnel de santé ».

Dès lors il sera retenu un besoin en tierce personne de 10h par semaine, les 3 heures et demi par semaine sollicitées étant pris en charge dans le cadre du diabète de Monsieur [T] qui n’est pas la conséquence de l’accident.

Par ailleurs, il convient de retenir un coût horaire de 17 € et sur la base de 52 semaines, les entreprises d’aide à la personne comprenant déjà dans leur tarif le paiement des congés et jours fériés de leur personnel.

Dès lors, le calcul est le suivant :

10 h x 52 semaines x 17 = 8 840 €

Arrérages échus du 29 janvier 2020 au 31 décembre 2023 (soit 204 semaines)

10h x 204 semaines x 17 € = 34 680 €

Arrérages à échoir à compter du 1er janvier 2023

8 840 x 31.26 (euro de rente viagère pour un homme de 50 ans à cette date) = 276 338,40 €

Par conséquent, il y a lieu de condamner la société PACIFICA à verser à Monsieur [T] la somme de 311 018,40 € (34.680 + 276 338,40 €).

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation, à savoir jusqu'au 28 janvier 2020.

En l’espèce, Monsieur [T] sollicite une somme de 22.850,56 € tandis que la société PACIFICA offre de lui verser la somme de 18.508,08 €.

Au soutien de sa demande, Monsieur [T] précise qu’il est devenu Brigadier de police en 2016 et qu’au vu de son avis d’imposition 2014, son revenu annuel s’est élevé à 29.500 € revalorisé à compter de l’année 2016 à la somme de 30 444 €, revenu qu’il convient de retenir comme revenu de référence.

Monsieur [T] affirme ainsi qu’à ce titre l’avancement en grade se réalise à l’ancienneté et que par voie de conséquence, en considération de la période comprise entre le 28 mars 2015 et le 28 janvier 2020, il y a lieu d’affecter des augmentations lors de chaque passage d’échelon. Il opère ensuite une revalorisation sur la base du SMIC horaire brut établi par l’INSEE.

Cependant, force est de constater que Monsieur [T] ne verse aux débats pour unique élément qu’un document sur papier à en-tête « Unité SGP Police » intitulé « Province sans indemnité de résidence, traitement au 1er janvier 2022 », lequel n’est pas suffisant pour établir l’évolution de traitement qui aurait été le sien.

Or il est constant que Monsieur [T] n’était pas rémunéré en fonction du taux horaire du SMIC.
Or selon l’INSEE « Entre 1996 et 2022, le salaire net moyen en équivalent temps plein des salariés du secteur privé a augmenté de 14,1 %, en euros constants (c’est-à-dire corrigé de l’inflation), soit +0,5 % par an en moyenne. Le salaire des ouvriers a progressé de 16,3 % sur cette période, soit plus rapidement que celui des autres catégories socioprofessionnelles (+11,2 % pour les employés, +3,4 % pour les cadres et +2,4 % pour les professions intermédiaires). Les salaires d’une partie des employés et des ouvriers, notamment les moins qualifiés, sont proches du Smic. De ce fait, ils peuvent bénéficier de ses revalorisations, directement ou par un effet de diffusion, au travers notamment d’accords de branches. Les salaires des cadres sont quant à eux davantage sensibles aux chocs conjoncturels, car ils intègrent une part variable liée à la performance individuelle ou collective, en général plus forte que pour les autres catégories socioprofessionnelles.
Sur une période plus récente, entre la crise économique de 2008-2009 et 2021, le salaire net en équivalent temps plein a augmenté en moyenne de 5,8 % en euros constants dans le privé, soit une hausse de 0,5 % en moyenne par an. Sur la même période, il a augmenté de 1,6 % dans la fonction publique, soit +0,1 % en moyenne par an. »
C’est ainsi qu’il ne sera pas fait droit à la revalorisation du salaire de référence sollicité par Monsieur [I] [T] ;
Dès lors, sur la base de son revenu de référence au vu de son avis d’imposition 2014 (29.500 €) et de ses avis d’imposition de 2015 à 2020, la perte de gains doit être calculée comme suit :

- 2015 : 29.500 € – 28.904 (revenu effectivement perçu) = 596 €

- 2016 : 29.500 € – 25.864 € = 3.636 €

- 2017 : 29.500 € - 25.246 € = 4.254 €

- 2018 : 29.500 € - 24.368 € = 5.132 €

- 2019 : 29.500 € – 24.803 € = 4.697 €

En 2020, Monsieur [T] a perçu la somme de 26.983 €, le calcul est donc le suivant :

29.500 € /365 jours x 28 jours = 2.263,01 € - (26.983 €/365 jours x 28 jours = 2.069.92 €) soit une perte de 193,08 €.

Dès lors, la perte totale s’élève à 18.508,08 € (596 € + 3.636 € + 4.254 € + 5.132 € + 4.697 € + 193,08 € = 18.508,08 €).

Cependant, il convient de déduire de cette somme, les traitements et indemnités versées par l’AJE pendant ses périodes d’indisponibilités liées à l’accident soit la somme de 58.843,60 € dont s’est acquitté ce dernier.

Par conséquent, il ne revient à Monsieur [T] aucune somme au titre de sa perte de gains professionnels actuelle.

Il convient de préciser qu’ainsi qu’il a été jugé ci-avant, le montant résiduel de la créance de l’AJE était de 826.644,09 €.

Dès lors, le reliquat de la créance de l’AJE qui a vocation à s’imputer sur les postes de perte de gains professionnels future, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent s’élève à 767 800,49 € (826.644,09 € - 58 843,60 €).

- Perte de gains professionnels future

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Monsieur [T] n’a pas pu reprendre postérieurement à sa consolidation son activité professionnelle de fonctionnaire de police et ce dans un premier temps jusqu’à la perception d’une rente d’invalidité à compter du 1er avril 2021.

Du 29 janvier 2020 au 1er avril 2021

Il convient de rappeler comme indiqué ci-dessus que le salaire de référence de Monsieur [T] s’élève à 29.500 € soit 80,82 € par jour (29.500/365).

Monsieur [T] aurait ainsi dû percevoir la somme de 34.590,96 €.

Au cours de cette période, l’AJE a maintenu sa rémunération à hauteur de 32.305,82 € et lui a versé une allocation temporaire d’invalidité de 14.420,99 € de sorte que Monsieur [T] n’a subi aucune perte.

Du 1er avril 2021 jusqu’à la mise à la retraite à l’âge de 57 ans soit jusqu’au 3 septembre 2030

A compter du 1er avril 2021 jusqu’à la date de mise à la retraite, le préjudice de droit commun de Monsieur [T], calculé selon le BCRIV 2021 est le suivant :

29.500 € x 9,802 (euro de rente pour un homme âgé de 47 ans à 57 ans) = 289.159 €.

La créance de droit commun au titre de ce poste de préjudice s’élève à 323.749,96 € (34.590,96 € + 289.159 €).

Par ailleurs, la créance de l’AJE, au titre de ce poste de préjudice, est de 693 928,80 € :
Maintien de la rémunération (32 305,82 €)Allocation temporaire d’invalidité (14.420,99 €)Capital représentatif de la pension prématurée (68.341,39 €)Capital représentatif de la rente viagère d’invalidité (578.860,60 €)
Par conséquent, il ne revient aucune somme à Monsieur [T].

Il convient de préciser qu’ainsi qu’il a été jugé ci-avant, le montant résiduel de la créance de l’AJE était de 767 800,49 €.

Dès lors, le reliquat de la créance de l’AJE qui a vocation à s’imputer sur les postes de l’incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent s’élève à 444 050,53 € (767 800,49 €- 323 749,96 €)

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

En l'espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de 297.840 € avant déduction de la créance de l’AJE.

Monsieur [T] fait valoir qu’il subit une perte de chance de pouvoir exercer une activité rémunératrice à compter de l’âge de la retraite de la Police soit 57 ans et ce jusqu’à l’âge de 65 ans.

A ce titre, il soutient qu’il aurait pu avoir une activité représentant une rémunération de 2 000 € par mois et considère que cette perte de chance peut s’évaluer à 80% ce qui, capitalisé représente une somme de 147 840 €.

Monsieur [T] soutient également qu’il subirait une « anomalie sociale » induite par la perte de son emploi et l’impossibilité de trouver un autre emploi qu’il évalue à la somme de 100 000 €.

Enfin Monsieur [T] estime que la survenance de l’accident a occasionné une perte de chance promotionnelle par le passage de concours, d’examens internes ainsi qu’au mérite et sollicite l’allocation d’une somme de 50 000 € à ce titre.

PACIFICA fait valoir que Monsieur [T] ne communique aucune pièce à l’appui de sa demande et n’indique pas vers quelle autre activité professionnelle il envisageait de se tourner.

Par ailleurs, s’agissant de « l’anomalie sociale » invoquée, PACIFICA estime que cette demande n’est pas justifiée, le taux de DFP fixé à 50% ne le privant pas d’activités ni de contacts sociaux et qu’il n’est pas anormal de ne pas travailler lorsque l’on a fait valoir ses droits à la retraite.

Enfin, PACIFICA relève que Monsieur [T] n’apporte pas d’élément permettant d’établir qu’il avait l’intention de passer des concours à 42 ans (à la date de l’accident) ou même qu’il avait suivi des formations.

En conséquence, PACIFICA offre au titre de l’incidence professionnelle une somme de 30 000 €

Cependant, l’expert [J], aux termes de son rapport, a indiqué que Monsieur [T], du fait de sa mise à la retraite anticipée, se sentait inutile.

Par ailleurs il convient de tenir compte des pertes de droits à la retraite qu’il a subi du fait de l’accident.

A ce titre, au 1er avril 2021, il n’avait acquis que 90/168 trimestre de droit à pension et qu’il est tout à fait concevable que Monsieur [T] ait continué son activité au-delà de 52 ans.

Il y a lieu d’allouer à Monsieur [T] une somme de 150 000 € au titre de l’incidence professionnelle.

Cependant, il convient de rappeler que la créance résiduelle de l’AJE telle que calculée au titre des autres postes professionnels s’élève à 444 050,53 €.

Par conséquent, il ne revient aucune somme à Monsieur [T].

Dès lors, le reliquat de la créance de l’AJE qui s’imputera sur le déficit fonctionnel permanent s’élève à 294 050,53 € (444 050,53 € - 150.000 €).

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Monsieur [T] sollicite, aux termes du dispositif de ses écritures sur la base d’un taux journalier de 26 €, la somme de 2.730 € au titre du déficit fonctionnel temporaire total et la somme de 20.579 € au titre du déficit fonctionnel partiel soit la somme totale de 23.309 €.

La société PACIFICA offre quant à elle de lui verser la somme de 23.912,50 €.

Il y a lieu de faire droit à la demande et fixer l’indemnisation à 23.309 €.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis, s’agissant notamment d’une hospitalisation de plusieurs semaines en réanimation suivi d’une longue période de rééducation, associées à la survenue d’une dépression sévère nécessitant un traitement psychotrope lourd.

L’expert les a cotées à 4,5/7 ce qui justifie l'allocation de la somme de 20.000 €.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

En l’espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de 5.000 € tandis que PACIFICA formule une offre à hauteur de 500 €.

L’expert a fixé ce poste de préjudice à 3/7 au regard du déficit moteur des deux membres supérieurs, d’une escarre occipitale ainsi que d’une plaie suturée que présentait Monsieur [T] à la sortie du service de réanimation soit pendant une période de 6 mois.

Par conséquent, ce préjudice sera justement indemnisé par l’allocation de la somme de 800 €.

- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

En l’espèce, l’expert a fixé le déficit fonctionnel permanent à 50% compte-tenu des séquelles relevées à savoir le syndrome frontal, les troubles de l’humeur persistant, les séquelles auditives et acouphènes ainsi que l’anosmie.

Monsieur [T] sollicite la somme de 162.000 € sur la base d’un point d’incapacité fixé à 3.240 € pour un homme âgé à la date de la consolidation de 46 ans, ce qu’accepte la société PACIFICA et l’AJE.

Cependant, après déduction du reliquat de la créance de l’AJE de 294 050,53 € il ne revient aucune somme à Monsieur [T].

Dès lors, le reliquat de la créance de l’AJE qui s’impute sur le déficit fonctionnel permanent s’élève à 132 050,53 € (294 050,53 € - 162.000 €).

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

En l’espèce, l’expert a fixé le préjudice esthétique permanent à 0,5/7 en lien avec les cicatrices.
Monsieur [T] sollicite d’être indemnisé à hauteur de 1.000 €, demande acceptée par PACIFICA.

Par conséquent, il y a lieu d’entériner l’accord des parties et de condamner PACIFICA à verser à Monsieur [T] la somme de 1.000 €.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir, exercée antérieurement à l’accident et également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités, sous réserve de la production de pièces le justifiant.

En l'espèce, Monsieur [T] sollicite la somme de 20.000 € tandis que PACIFICA s’oppose à toute indemnisation de ce poste de préjudice au motif que celui-ci ne serait pas constitué.

Il est constant que l’expert a conclu que l’arrêt des activités sportives et de loisirs était en grande partie en lien avec la dépression dont souffre Monsieur [T] et que d’un point de vue physique, elles étaient possibles avec réadaptation.

Il est également constant qu’en sa qualité de fonctionnaire de police, Monsieur [T] devait garder une excellente condition physique et qu’à ce titre l’expert a consigné dans son rapport que ce dernier faisait du sport en famille, des sorties, aimait aller au cinéma et qu’il pratiquait notamment le tir sportif en club.

Cependant, force est de constater que Monsieur [T] ne verse aucune pièce le justifiant à l’appui de sa demande.

Par conséquent, il y a lieu de le débouter de sa demande.

- Préjudice sexuel

La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel, perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir.

Monsieur [T] sollicite la somme de 25.000 € tandis que PACIFICA entend indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 10.000 €.

En l’espèce, l’expert a conclu que Monsieur [T] présentait une altération de la libido entraînant l’absence de vie sexuelle et que la relation de couple s’est fortement dégradée depuis la survenance de l’accident.

Cependant, le demandeur est toujours en pleine capacité physique pour réaliser l’acte sexuel.

Par conséquent, l’offre de la compagnie PACIFICA est satisfactoire et il y convient de la condamner à verser à Monsieur [T] la somme de 10.000 €.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois suivant l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L'offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

A l’appui de demande, Monsieur [T] soutient que la société PACIFICA a fait une offre provisionnelle le 25 janvier 2016, soit plus de 8 mois après la date de l’accident et que cette offre serait insuffisante.

A titre subsidiaire, Monsieur [T] fait grief à la société PACIFICA de ne pas avoir adressé une offre définitive avant le 25 septembre 2020 soit 5 mois après la date de la consolidation.

En l’espèce, l’accident a eu lieu le 28 mars 2015.

Cependant, la société PACIFICA n’en a été informée par son assurée (Madame [V]) par téléphone que le 11 juillet 2021.

C’est donc seulement à compter de cette date que la société PACIFICA a pu identifier la victime (à savoir Monsieur [T]) et retrouver son adresse. Elle lui a adressé le questionnaire médical le 27 juillet 2015 lequel lui a été retourné accompagné des pièces médicales les 19 aout 2015 et 21 août 2015.

Le 24 septembre 2015, la société PACIFICA a reçu la procédure d'accident.

Le 21 décembre 2015, la société PACIFICA a adressé à Monsieur [T] une offre d’indemnité provisionnelle, lequel a accepté cette dernière le 25 janvier 2016.

Dès lors, la société PACIFICA a donc fait une offre provisionnelle dans le délai de 8 mois courant à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de l’accident, laquelle ne peut être considérée comme insuffisante, PACIFICA n’étant pas informée des préjudices patrimoniaux puisque Monsieur [T] n’était pas consolidé.

A ce titre, la société PACIFICA a versé des provisions sur les postes de déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent.

Le 18 janvier 2017, la société PACIFICA a adressé à Monsieur [T] une seconde offre d’indemnisation que ce dernier a acceptée le 2 février 2017.

Le 28 avril 2020, l’expert a déposé son rapport définitif aux termes duquel il a fixé la consolidation au 28 janvier 2020.

Le 7 mai 2020 suite au dépôt de ce rapport, la société PACIFICA a adressé une offre qu’elle a réitérée par lettre officielle de son Conseil en date du 7 juillet 2020 restée sans réponse.

Or, aux termes de l’article R.211-31 du code des assurances, si, dans un délai de six semaines à compter de la présentation de la correspondance aux termes de laquelle des renseignements doivent être adressés et que l'assureur n'a reçu aucune réponse ou qu'une réponse incomplète, le délai est suspendu à compter de l'expiration du délai de six semaines et jusqu'à la réception des renseignements demandés.

Le 10 juillet 2020, PACIFICA a proposé de régler une provision complémentaire de 50.000 €, ce que Monsieur [T] a accepté.

Le 24 août 2020, la société PACIFICA a formulé une offre définitive par courrier recommandé qui n’a pas été retiré par Monsieur [T].

Dès lors, cette offre a donc bien été formulée dans le délai de 5 mois courant à compter de la date à laquelle la société PACIFICA a été informée de la consolidation, offre qui ne peut être qualifiée de tardive dans la mesure où le délai d’offre était suspendu du fait de la non-réponse aux lettres en date des 7 mai 2020 et 7 juillet 2020.

A cet égard, cette offre portait sur l’ensemble des chefs de préjudices et ne peut être qualifiée de manifestement insuffisante.

Par conséquent, il y a lieu de débouter Monsieur [T] de sa demande.

Sur les demandes de l’Agent judiciaire de l’état

Ainsi qu’il a été rappelé, le montant total de la créance de l’AJE s’élève à la somme de 967.450,18 € provisions non déduites.

Le Tribunal fera donc droit à cette demande en deniers ou quittance, provisions non déduites.

Sur l’article 700 et les dépens

Il y a lieu de condamner la société PACIFICA à verser à Monsieur [T] la somme de 2.000 € ainsi que la somme de 1.000 € à l’AJE au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société PACIFICA sera également condamnée aux dépens qui pourront être recouvrés directement par les avocats en la cause pour ceux dont ils ont fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [I] [T] des suites de l’accident de la circulation survenu le 28 mars 2015 est entier ;

CONDAMNE la société PACIFICA à payer à Monsieur [I] [T] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation des préjudices suivants :
Frais divers : 2.909,00 €Tierce personne temporaire : 14.788 €Tierce personne viagère : 311.018,40 €Déficit fonctionnel temporaire : 23.309 €Souffrances endurées : 20.000 €Préjudice esthétique temporaire : 800 €Préjudice esthétique permanent : 1.000 €Préjudice sexuel : 10.000 € ;
DIT que les sommes octroyées à Monsieur [I] [T] au titre des pertes de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent s’imputent sur la créance de l’AJE ;

DÉBOUTE Monsieur [I] [T] de ses demandes au titre des dépenses de santé actuelles et au titre du préjudice d’agrément ;

DÉBOUTE Monsieur [I] [T] de sa demande formulée tendant à ce que la société PACIFICA soit condamnée à payer les intérêts au double du taux de l'intérêt légal pour absence d’offre ;

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du Code civil ;

CONDAMNE la société PACIFICA à verser à Monsieur [I] [T] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société PACIFICA à verser à l’Agent judiciaire de l’Etat, en deniers ou quittances, provisions non déduites, la somme de 967.450,18 € ;

CONDAMNE la société PACIFICA à verser à l’Agent Judiciaire de l’Etat la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société PACIFICA aux entiers dépens ;

DIT que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 12 Mars 2024.

La GreffièreLe Président

Erell GUILLOUËTOlivier NOËL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/08415
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;21.08415 ?
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