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12/03/2024 | FRANCE | N°20/09594

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 5ème chambre 1ère section, 12 mars 2024, 20/09594


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
3 Expéditions
exécutoires
- Me Jean-Eric CALLON
- Me Aurélie GEOFFROY
- Me Frédéric PINEAU
délivrées le :
+ 1 copie dossier




5ème chambre
1ère section


N° RG 20/09594
N° Portalis 352J-W-B7E-CS46V

N° MINUTE :




Assignation des :
23 et 29 septembre 2020









JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [L] [K], de nationalité française, demeurant [Adresse 5] à [Localité 7]

représ

enté par la SELARL CALLON AVOCAT & CONSEIL, représentée par Me Jean-Eric CALLON, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #R0273

DÉFENDERESSES

La société FOTOCARS [Localité 8], SAS in...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
3 Expéditions
exécutoires
- Me Jean-Eric CALLON
- Me Aurélie GEOFFROY
- Me Frédéric PINEAU
délivrées le :
+ 1 copie dossier

5ème chambre
1ère section

N° RG 20/09594
N° Portalis 352J-W-B7E-CS46V

N° MINUTE :

Assignation des :
23 et 29 septembre 2020

JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [L] [K], de nationalité française, demeurant [Adresse 5] à [Localité 7]

représenté par la SELARL CALLON AVOCAT & CONSEIL, représentée par Me Jean-Eric CALLON, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #R0273

DÉFENDERESSES

La société FOTOCARS [Localité 8], SAS inscrite au RCS de PARIS sous le n°528 649 866, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Aurélie GEOFFROY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2171 et par Me Thierry GUYARD, avocat plaidant, avocat au barreau d’ANGERS

Décision du 12 Mars 2024
5ème chambre 1ère section
N° RG 20/09594 - N° Portalis 352J-W-B7E-CS46V

La société AUTO BILAN [Localité 3], Société par Actions Simplifiée au capital de 4 000 euros, dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 3], immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 480 274 604, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

représentée par Me Frédéric PINEAU de l’AARPI PREMIERE LIGNE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #A845

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Thierry CASTAGNET, Premier Vice-Président Adjoint
Antoine de MAUPEOU, Premier Vice-Président Adjoint
Lise DUQUET, Vice-Présidente

assistés de Tiana ALAIN, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 22 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Thierry CASTAGNET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

______________________

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 février 2019, Monsieur [L] [K] a acquis auprès de la SAS FOTOCARS [Localité 8] un véhicule d’occasion de marque Porsche, type Boxster, immatriculé [Immatriculation 4] au prix de 18.000 euros. Le bon de commande mentionnait un kilométrage de 55.856 km.

Au moment de la vente, la société FOTOCARS [Localité 8] a produit un rapport de contrôle technique du 6 février 2019 ne faisant apparaître aucun défaut nécessitant une contre-visite.

Après 1.019 km parcourus, lors d’une opération d’entretien en date du 25 juillet 2019, le garage auquel Monsieur [K] avait confié le véhicule a constaté un bruit sur le train avant et sur les amortisseurs, ainsi qu’un suintement d’huile entre le moteur et la boîte de vitesses, outre une fuite sur la pompe à eau.

Une expertise amiable diligentée par l’assureur protection juridique de Monsieur [K] a mis en évidence divers désordres nécessitant des réparations chiffrées à 5.669,87 euros TTC. L’expertise a en outre mis en évidence que le moteur du véhicule n’était pas celui d’origine et qu’il avait été changé.

Le 17 avril 2020, la société FOTOCARS [Localité 8] a proposé le rachat du véhicule à un prix de 16.000 euros ou la réparation du véhicule, mais sans prise en charge des frais annexes, notamment les frais de remorquage de 1.982 euros TTC, ou encore les éventuels frais de garde, de sorte qu’aucun accord n’a pu intervenir.

C’est dans ces conditions, que par actes d’huissier de justice des 23 et 29 septembre 2020, Monsieur [L] [K] a fait assigner la SAS FOTOCARS [Localité 8] et la SASU AUTO BILAN [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 10.669,87 euros en réparation de son préjudice outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 5 octobre 2021, le juge de la mise en état, à la demande de Monsieur [K], a ordonné une expertise judiciaire et a désigné pour y procéder Monsieur [T] [H] avec mission d’usage.

L’expert a rempli sa mission et déposé son rapport.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 août 2022, Monsieur [K] demande au tribunal de:

- Condamner in solidum les sociétés FOTOCARS [Localité 8] et AUTO BILAN [Localité 3] à lui verser la somme totale de 15.269,87 euros à parfaire de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation avec anatocisme, à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés et subsidiairement sur le fondement de la garantie légale de conformité et encore plus subsidiairement sur le fondement de la réticence dolosive ;
- Débouter la société FOTOCARS et la société AUTO BILAN [Localité 3] de l’ensemble de leurs demandes ;
- Confirmer l’exécution provisoire ;
- Condamner in solidum la société FOTOCARS [Localité 8] et la société AUTO BILAN [Localité 3] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les dépens de la procédure d’incident ainsi que les frais et honoraires de l’expert judiciaire.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [K] fait valoir pour l’essentiel, à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du code civil, qu’il résulte du rapport d’expertise judiciaire que le véhicule présentait bien un vice préexistant à la vente, de nature à le rendre impropre à son usage et qui ne pouvait être décelé avant la vente. Il ajoute qu’outre les défauts de fonctionnement nécessitant des réparations chiffrées à 5.669,87 euros, l’expertise a mis en évidence que le moteur avait été changé de sorte que le véhicule n’avait pas un kilométrage réel correspondant à celui porté sur les documents contractuels. Il explique que l’expert a en outre retenu des frais de remise en route de 1.500 euros qui s’ajoutent au coût des réparations et qu’il subit également un préjudice de jouissance qui doit être chiffré à 450 euros par mois pour l’immobilisation du véhicule.

A titre subsidiaire, Monsieur [K] forme les mêmes demandes sur le fondement de la garantie légale de conformité des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation en faisant valoir que le véhicule qui lui a été vendu était affecté de défauts ne permettant pas un usage normal.

Encore plus subsidiairement, il considère que le vendeur professionnel ne pouvait ignorer que le moteur du véhicule avait été changé et que, dès lors, celui-ci ne présentait pas les caractéristiques mentionnées sur le bon de commande.

Il estime que la société AUTO BILAN [Localité 3] a également engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil en établissant un rapport de contrôle technique sur lequel les défauts évidents constatés par le garagiste, puis par l’expert dans le cadre de l’expertise amiable puis par l’expert judiciaire n’apparaissent pas.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 août 2022, la SASU AUTO BILAN [Localité 3] demande au tribunal de (ne sont ici reprises que les prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile à l’exclusion des demandent tendant à voir “déclarer”, “dire” ou “juger” qui constituent des moyens improprement inclus dans le dispositif des conclusions) :

- Débouter Monsieur [L] [K] de l’ensemble de ses demandes à son encontre ;
- Rejeter la demande de garantie formulée à titre subsidiaire par la société FOTOCARS ;
- Condamner Monsieur [L] [K] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de la procédure abusive ;
- Condamner Monsieur [L] [K] à lui verser une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
- Condamner la société FOTOCARS à lui verser une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
- Condamner Monsieur [L] [K] aux dépens.

A l’appui, elle fait essentiellement valoir que sa responsabilité ne peut être retenue dans la mesure où l’expert a relevé que les opérations de contrôles réalisées dans le cadre du contrôle technique ne pouvaient pas détecter les désordres constatés, puisque cela nécessitait soit des travaux spécifiques, soit des démontages non prévus dans le cadre d’un contrôle technique.

En outre, elle considère que Monsieur [K] ne prouve pas l’existence des vices allégués à savoir le bruit sur le train avant, le bruit sur les amortisseurs ainsi qu’un suintement de l’huile entre le moteur et la boîte antérieurement à son achat le 15 février 2019 et au contrôle technique réalisé le 6 février 2019.

Elle fait observer que l’expertise judiciaire a permis de révéler le remplacement du moteur du véhicule, intervenu antérieurement à la vente, ce qui peut expliquer l’usure avancée des pièces mais que conformément aux conclusions de l’expert judiciaire, ce changement de moteur était indécelable par elle au moment du contrôle technique.

Elle se défend d’avoir commis une faute quelconque en s’appuyant sur les conclusions de l’expertise judiciaire qui retient :
- qu'il n'existait pas de dissymétrie lors du contrôle technique concernant les amortisseurs,
- que le moteur n'est pas d'origine et a été remplacé à une date incertaine,
- qu'une révision aurait été nécessaire au moment de sa vente,
- qu’il n’est pas anormal de constater une légère fuite du liquide de refroidissement au niveau de la pompe à eau ;
- qu’il est normal que les butées d'amortisseurs soient fatiguées au regard de l'âge duvéhicule ;
- que le véhicule n'est pas impropre à la circulation, de sorte qu'il n'était pas utile d'immobiliser le véhicule malgré la fuite du liquide de refroidissement ;
- que les opérations de contrôle réalisées dans le cadre du contrôle technique ne pouvaient pas détecter les désordres constatés.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, la SAS FOTOCARS [Localité 8] demande au tribunal de (ne sont ici reprises que les prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile à l’exclusion des demandent tendant à voir “déclarer” , “dire” ou “juger” qui constituent des moyens improprement inclus dans le dispositif des conclusions) :

- Débouter Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
- Débouter Monsieur [K] de sa demande relative à son prétendu préjudice de jouissance;
- Débouter Monsieur [K] de sa demande relative à de prétendus travaux de remise en route de son véhicule à hauteur de 1.500 euros ;
- Limiter les condamnations de la concluante au titre des travaux de reprise à de plus justes proportions ;
- Condamner la société AUTO BILAN [Localité 3] à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre;
A titre reconventionnel :
- Condamner Monsieur [K] à lui verser 2.000 euros au regard du caractère abusif de sa procédure ;
En tout état de cause,
- Condamner Monsieur [K] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [K] aux dépens.

A l’appui, elle fait essentiellement valoir que ni le rapport d’expertise amiable, ni même le rapport d’expertise judiciaire ne permettent de retenir l’existence d’un vice caché puisqu’il ressort que les dysfonctionnements constatés sont consécutifs à l’usure des pièces liée à l’âge du véhicule et au kilométrage. Elle insiste sur le fait que dès lors que les désordres sont liés à l’ancienneté et l’usure du véhicule, aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre sur le fondement de l’article 1641 du code civil.

Elle estime par ailleurs que Monsieur [K] ne rapporte pas la preuve que les vices allégués sont antérieurs à la vente.

Elle considère en outre qu’aucun défaut d’entretien ne peut lui être reproché à moins de se livrer à des suppositions puisque l’expert a lui-même relevé qu’il ne disposait d’aucun élément lui permettant de connaître l’entretien réalisé sur le véhicule à l’exception de deux entretiens réalisés dans le réseau Porsche. Elle rappelle aussi que l’expert précise qu’elle a elle-même acquis le véhicule litigieux de la concession Porsche de [Localité 6] quelques jours avant sa revente à Monsieur [K].

Elle estime que Monsieur [K] ne démontre pas non plus que le véhicule serait impropre à son usage du fait des défauts allégués.

Elle affirme que le reproche formulé par Monsieur [K] et relatif au changement du moteur dont il n’aurait pas été informé n’est pas fondé puisqu’en toute hypothèse, il n’existe aucun désordre en lien avec le moteur.

Elle expose que si l’action fondée sur les vices cachés ne peut prospérer, il en est de même de celle fondée sur la garantie légale de conformité dans la mesure où les défauts allégués ne sont dus qu’à l’âge du véhicule et à son usure puisqu’il était âgé de presque 18 ans lors de la vente et que celui-ci est donc conforme à ce que Monsieur [K] était en droit d’attendre. Elle ajoute que le véhicule a été vendu à un prix bas par rapport au marché et elle conteste sur ce point la cote produite par le demandeur qui, selon elle, ne reflète pas l’état du marché.

Elle se défend également d’avoir commis un quelconque dol tenant au défaut d’information sur le changement du moteur dans la mesure où le moteur est conforme à celui d’origine et qu’il fonctionne parfaitement de telle sorte qu’il n’existe pas de préjudice consécutif.
Elle rappelle que le dol suppose une intention frauduleuse et soutient que sa qualité de professionnelle ne saurait présumer sa volonté de tromper son client.
Elle affirme qu’elle n’avait elle-même aucun moyen de savoir que le moteur avait été changé.

Elle conteste enfin le chiffrage des travaux de réparation en considérant que certaines opérations comme le remplacement des bobines et des bougies chiffré à 901,44 euros relèvent de l’entretien courant. Elle s’oppose aussi à la demande au titre du préjudice de jouissance dans la mesure où l’expert a indiqué que l’immobilisation du véhicule n’était pas nécessaire et que Monsieur [K] ne justifie pas avoir été dans l’obligation de louer un véhicule de remplacement.

Enfin, elle sollicite la garantie de la société AUTO BILAN [Localité 3] sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil à titre principal ou sur celui de l’article 1240 du même code en considérant qu’il appartenait à cette dernière de préciser expressément dans le cadre de son contrôle technique l’état du véhicule au niveau des freins, des suspensions et des éventuelles pertes de liquide, ce qui aurait permis à Monsieur [K] de connaître parfaitement l’état du véhicule litigieux.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie aux conclusions des parties pour un exposé plus complet de leurs prétentions et moyens.

La clôture a été prononcée le 24 avril 2023, et les plaidoiries ont été fixées à l’audience du 22 janvier 2024.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été informées de ce que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale fondée sur la garantie des vices cachés

Selon l’article 1641 du code civil : “Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus”.

En l’espèce, selon bon de commande du 14 février 2019, Monsieur [L] [K] a acquis un véhicule Porsche de type Boxster mis en circulation le 1er avril 2001 et affichant 55.856 km.

Il ressort de l’expertise judiciaire que l’expert a constaté lors de l’examen statique du véhicule les défauts suivants :
- les silent blocks et soufflets des trains roulant sont usés,
- les absorbants de coupelles d’amortisseurs sont secs et usés,
- du liquide de refroidissement est présent autour de la pompe à eau,
- une fuite du liquide de refroidissement est visible,
- le sous-moteur est gras,
- les amortisseurs sont corrodés,
- les butées d’amortisseur sont usées,
- le neiman est dysfonctionnant,
- les éléments moteurs sont légèrement corrodés.

Lors de l’examen dynamique, l’expert n’a relevé aucun dysfonctionnement majeur.

Ainsi, si l’expert relève :
que les défauts dont se plaint le demandeur sont avérés,
que ceux-ci sont à rapprocher d’une usure normale du véhicule relative aux temps,
que le véhicule est dans un bon état de conservations,
que son état est cohérent avec sa date de mise en circulation,
qu’il est conforme à ce que l’on est en droit d’attendre d’un véhicule de cette ancienneté,
que les désordres ne le rendent pas impropre à l’usage auquel il est destiné.

Il apparaît en conséquence que si le véhicule présentait quelques désordres qualifiés de normaux par l’expert pour un véhicule de 18 ans d’âge, et si celui-ci aurait dû faire l’objet avant la vente d’une opération d’entretien qui n’a pas été réalisée, les défauts constatés ne présentent toutefois
pas la gravité nécessaire prévue par l’article 1641 du code civil pour fonder l’action estimatoire engagée par Monsieur [K].

Celle-ci sera donc rejetée.

Sur la demande subsidiaire au titre de la garantie légale de conformité

Il est constant que la société FOTOCARS [Localité 8] est un vendeur professionnel, et il n’est pas contesté que Monsieur [K] ait acquis le véhicule en qualité de consommateur de sorte que les dispositions des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation sont applicables au litige dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021.

Selon l’article L.217-4 ancien, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant au moment de la délivrance.

Aux termes de l’article L.217-5, le bien est conforme au contrat :
“1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant:
- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.”

En l’espèce, le bon de commande signé par Monsieur [K] porte sur un véhicule affichant un kilométrage garanti de 55.856 Km. En matière automobile, un kilométrage annoncé permet à l’acheteur de connaître l’état d’usure potentiel du moteur qui est directement corrélé au nombre de kilomètres parcourus depuis la première mise en circulation. En outre, le caractère garanti du kilométrage qui résulte de la mention portée sur le bon de commande engage le vendeur.

L’expertise judiciaire a mis en évidence que le moteur avait été changé sans que l’expert ait pu déterminer à quel moment et dans quelles conditions de sorte qu’il est impossible de connaître le kilométrage réel du moteur.

Il est donc de ce seul fait établi que le véhicule vendu à Monsieur [K] ne correspond pas à la description du contrat.

Selon l’article L.217-10 du code de la consommation, si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, ce qui est le cas en l’espèce, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.

Par ailleurs, la société FOTOCARS est mal fondée à soutenir qu’elle ne pouvait pas déceler le changement de moteur puisque ce constat résulte du simple examen comparé des numéros de série du moteur et du châssis ce qui constitue une vérification élémentaire pour un professionnel de la vente automobile.

En l’espèce, le montant de la réduction du prix peut être calculé sur la base du montant des réparations nécessaires chiffrées par l’expert, soit la somme de 5.500 euros outre celle de 1.500 euros au titre des frais de remise en route.

En revanche, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande concernant le préjudice de jouissance, l’expert ayant retenu que les défauts constatés ne rendaient pas le véhicule impropre à son usage, et ne justifiaient pas son immobilisation.

La SAS FOTOCARS sera donc condamnée au paiement de la somme de 7.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 23 septembre 2020, les intérêts dus pour une année entière produisant à leur tour intérêts.

Sur la demande à l’égard de la société de contrôle technique

Les opérations de contrôle incombant au contrôleur technique sont détérminées par l’annexe I de l’arrêté du 18 juin 1991.

La vérification de la conformité du véhicule aux éléments du contrat ne rentre pas dans les opérations imposées par ladite annexe étant par ailleurs observé que le contrôleur qui n’a pas vocation à se faire communiquer les pièces contractuelles n’a aucune raison de vérifier cette conformité. L’échange du moteur, s’il constitue une non-conformité au contrat, n’est pas pour autant un défaut technique devant être relevé par le contrôleur.

Dans ces conditions, Monsieur [K] sera débouté de sa demande à l’égard de la SASU AUTO BILAN [Localité 3].

Pour les mêmes raisons, la SAS FOTOCARS [Localité 8] sera déboutée de sa demande de garantie.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

La SAS FOTOCARS qui succombe sera nécessairement déboutée de sa demande à ce titre.

S’agissant de la demande de la SASU AUTOBILAN [Localité 3], aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile “celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés”.

Toutefois, le droit d’agir en justice est un droit fondamental qui ne peut ouvrir droit à des dommages et intérêts que dans la mesure où il dégénère en abus caractérisé par la malice, la mauvaise foi ou l’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, la demande de Monsieur [K] ne présente pas l’un des critères définis ci-dessus de sorte que la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Selon l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

En l’espèce, la SAS FOTOCARS [Localité 8] qui succombe sera tenue aux dépens incluant les frais de l’expertise judiciaire.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce aucune considération tirée de l’équité n’impose de laisser à la charge de Monsieur [K] et de la SASU AUTOBILAN [Localité 3] la totalité des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de la présente instance.

En conséquence, la SAS FOTOCARS [Localité 8] sera condamnée à payer à Monsieur [K] la somme de 4.000 euros et à la SASU AUTO BILAN [Localité 3] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de plein droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, aucune circonstance particulière ne justifie que l’exécution provisoire soit écartée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, et en premier ressort ;

CONDAMNE la SAS FOTOCARS [Localité 8] à payer à Monsieur [L] [K] la somme de 7.000 euros à titre du remboursement d’une partie du prix de vente du véhicule avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 23 septembre 2020 ;

DIT que les intérêts dus pour une année entière produiront à leur tour intérêts ;

DEBOUTE Monsieur [L] [K] du surplus de ses demandes ;

DEBOUTE Monsieur [L] [K] et la SAS FOTOCARS [Localité 8] de leur demande à l’égard de la SASU AUTO BILAN [Localité 3] ;

DEBOUTE la SAS FOTOCARS [Localité 8] et la SASU AUTO BILAN [Localité 3] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la SAS FOTOCARS [Localité 8] à payer 4.000 euros à Monsieur [L] [K] et 1.000 euros à la SASU AUTO BILAN [Localité 3] par application de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SAS FOTOCARS aux dépens lesquels incluront ceux de l’incident du 5 octobre 2021 ainsi que les frais de l’expertise judiciaire.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir lieu de l’écarter.

Fait et jugé à Paris le 12 Mars 2024

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 5ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/09594
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;20.09594 ?
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