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12/03/2024 | FRANCE | N°19/13070

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 12 mars 2024, 19/13070


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire délivrée le :
à Maître CHAUSSY

Copies certifiées conformes délivrées le :
à Maître SIMONIAN, à Maître NAKACHE et à Maître LAGRANGE





8ème chambre
1ère section


N° RG 19/13070
N° Portalis 352J-W-B7D-CRCUB


N° MINUTE :


Assignation du :
07 Octobre 2019







JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [Z] [S] [N] [U] épouse [X]
[Adresse 9]
[Localité 3]

repré

sentée par Maître Marie-Laetitia CHAUSSY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1063


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] représenté par son syndic, la société FIDUCIAIRE DISTRICT D...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire délivrée le :
à Maître CHAUSSY

Copies certifiées conformes délivrées le :
à Maître SIMONIAN, à Maître NAKACHE et à Maître LAGRANGE

8ème chambre
1ère section

N° RG 19/13070
N° Portalis 352J-W-B7D-CRCUB

N° MINUTE :

Assignation du :
07 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [Z] [S] [N] [U] épouse [X]
[Adresse 9]
[Localité 3]

représentée par Maître Marie-Laetitia CHAUSSY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1063

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] représenté par son syndic, la société FIDUCIAIRE DISTRICT DE [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Maître Georges SIMONIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0581

Société AXA FRANCE IARD, es qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Amandine LAGRANGE de l’AARPI FLORENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0549

Monsieur [V] [M]
[Adresse 5]
[Localité 8]

représenté par Maître Didier NAKACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0099

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente

assistés de Madame Delphine PROVOS-GABORIEAU, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 10 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Laure BERNARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Z] [U] épouse [X] (ci-après "Mme [U]") est propriétaire de deux logements (lots 58 et 64) situés aux 2ème et 3ème étages de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 11], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis et assuré auprès de la SA AXA France Iard (ci-après "la société AXA") depuis le 1er mars 2012.

M. [L] [M] est également propriétaire au sein de cet immeuble, d'un logement situé au 4ème étage, au-dessus du lot n°64 appartenant à Mme [U], depuis le 23 octobre 2009, et mis en location.

En raison de précédents désordres successifs au sein des lots de Mme [U] des opérations expertales ont donné lieu à deux rapports rendus par l'expert judiciaire M. [P] les 16 novembre 2007 et 26 octobre 2009.

A partir du mois de juin 2011, et alors qu'elle avait engagé des travaux de rénovation de ses lots, Mme [U] a dénoncé subir de nouveaux dégâts des eaux.

Par ordonnance du 19 mars 2015, une expertise judiciaire a été ordonnée, avec désignation de M. [Y] à cette fin, lequel a déposé son rapport le 26 janvier 2018.

Par acte d'huissier délivré le 07 octobre 2019, Mme [U] a assigné au fond, en ouverture de rapport précité de M. [Y], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, représenté par son syndic en exercice, ainsi que M. [M], aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Par acte du 04 février 2022, Mme [U] a assigné en intervention forcée la société AXA.

Les deux procédures ont été jointes.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 janvier 2023, Mme [U] demande au tribunal de :

"Vu le rapport d'expertise de M. [R] [Y] du 26 janvier 2018,
Vu les articles 3, 10-1 14, 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant la copropriété des immeubles bâtis,
Vu les articles 1240, 1241, 2224 du code civil,
Vu les articles 56, 74, 112, 115, 514, 695, 696 et 700 du code de procédure civile,
- Rejeter l'ensemble des demandes adverses formulées à l'encontre de Mme [Z] [U],
- Dire que Mme [U] est recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner in solidum ou selon la répartition estimée par le tribunal, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], AXA France IARD ès qualité d'assureur de l'immeuble et M. [M], à verser à Mme [U] :
le montant des travaux réalisés dans les logements du 2ème et 3ème étages pour simple remise en état et sans améliorations : 16.329,99 € TTC
l'indemniser de la totalité de son préjudice de jouissance par la perte des loyers et correspondant aux 5 désordres objet de l'expertise : 50.880 € TTC
lui rembourser toutes les charges de l'immeuble (logement du 3ème étage) : 13.331,07 €
lui rembourser tous les impôts fonciers (logement du 3ème étage) : 2.623 €
lui rembourser l'intégralité de l'assurance du bien (logement du 3ème étage)
lui rembourser ses frais de notaire (logement du 3ème étage) : 7.000 €
lui rembourser ses frais de mandataire immobilier (logement du 3ème étage) : 9.000 €
Coût du crédit (logement du 3ème étage) : 10.173,87 €
Coût de l'assurance (logement du 3ème étage) : 1.741,63 €
à lui rembourser le coût de son expert privé M. [T] : 2.460 € TTC
à l'indemniser d'une somme au titre de son préjudice moral : 50.000 €
- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir, compte tenu de l'ancienneté de l'affaire (désordres 2011 / expertise judiciaire 2015 / saisine TJ 2018) et de l'ampleur des frais engagés par Mme [U],
- Condamner in solidum tous succombants à Mme [U], une somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais de Conseil, et en sus les entiers dépens dont notamment la somme de 3.750 € réglée au titre de l'expertise judiciaire par Mme [U], ainsi que les constats d'huissier réalisés, avec distraction au profit de Maître Marie-Laetitia Chaussy, conformément à l'article 695 du code de procédure civile et suivants."

A titre liminaire, Mme [U] affirme être recevable à agir, soutenant que la prétendue nullité de l'acte d'assignation allégué en défense est une exception devant être soulevée avant toute défense au fond et que tel n'a pas été le cas, d'une part, qu'il n'y a pas de contradiction des moyens en droit dès lors qu'elle se prévaut, à l'égard du syndicat des copropriétaires, des dispositions de l'article 14 de loi du 10 juillet 1965, d'autre part, et qu'en toute hypothèse il y a eu régularisation par conclusions postérieures à l'assignation, enfin.

Sur le fond, Mme [U] se prévaut des conclusions du rapport d'expertise judiciaire de M. [Y] pour solliciter l'engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires, au visa de l'article 14 de loi du 10 juillet 1965, d'une part, et de M. [M] au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, d'autre part, dans la survenance des sinistres subis au sein de ses lots depuis juin 2011.

Elle propose de répartir les responsabilités sur l'intégralité des désordres à hauteur de :

- 75 % pour le syndicat, qui a manqué à son obligation et à ses missions et alors qu'il était accompagné par un professionnel dans la gestion de l'immeuble (le syndic),
- 25 % pour M. [M], qui a délibérément laissé la situation s'aggraver concernant ses propres dégradations et de ce fait a occasionné des dommages supplémentaires qui auraient pu être évités.

Elle argue en outre de ce que les dégâts des eaux sont successifs et constituent un seul et même désordre continu, et s'estime fondée à réclamer la condamnation des parties défenderesses à indemniser in solidum l'ensemble de ses préjudices.

Elle sollicite notamment d'être indemnisée du préjudice de jouissance qu'elle estime avoir subi, du fait de l'absence de possibilité de jouir comme elle le souhaitait de l'appartement du 3ème étage, initialement acquis en vue de le mettre en location,

ce qui n'a pu être envisagé qu'après réalisation des travaux de remise en état intervenus le 22 mars 2017. Elle prétend également avoir subi un préjudice moral consistant en les tracasseries administratives et les coûts subséquents aux diverses procédures.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 02 avril 2023, M. [M] demande au tribunal de :

"Vu le rapport d'expertise judiciaire ;
Vu les pièces versées au débat ;
- Juger que la responsabilité de M. [M] ne saurait excéder 25 % ;
- Juger le syndicat des copropriétaires responsable pour ce qui concerne le désordre constaté en partie commune,
- Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Subsidiairement,
- Réduire les montants des préjudices à de plus justes proportions ;
- Débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. [M] ;
- Condamner tout succombant à payer à M. [M] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens."

M. [M] sollicite que soit retenu le partage de responsabilité proposé par l'expert, et estime ne pas pouvoir se voir imputer au-delà de 25% des dommages subis.

Il critique les sommes réclamées par Mme [U] à titre indemnitaire, dans leur principe et leur montant.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 mars 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

"Vu les rapports d'expertise judiciaire de M. [P],
Vu le rapport d'expertise judiciaire de M. [Y],
Vu la loi du 10 juillet 1965 en son article 14,
Vu les dispositions des articles 1101 et 1103 du code civil,
Vu les articles L.114-1 et suivant du code des assurances,
- Rejeter l'ensemble des demandes de Mme [U] comme irrecevable, fondé sur le cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles,
Subsidiairement sur le fond,
- Dire Mme [U] mal fondée en ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires,
- Débouter Mme [U] de ses demandes de condamnation fondées sur une carence dans la gestion du syndicat des copropriétaires [Adresse 1],
Très subsidiairement, si par impossible le syndicat des copropriétaires [Adresse 1] était condamné à indemniser Mme [U],
- Rejeter la demande de condamnation in solidum sur le fondement de l'article 1310 du code civil,
- Limiter la demande de condamnation du syndicat des copropriétaires [Adresse 1] à de plus justes proportions comme ressortant du seul désordre du 18 mars 2017 réparé le 20 mars 2017,
- Débouter Mme [U] de ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires [Adresse 1] pour perte de jouissance,
- Condamner M. [M] à garantir le syndicat des copropriétaires [Adresse 1] de toute condamnation qui pourrait être prononcée sur le fondement de l'article 1317 du code civil,
- Accorder au syndicat des copropriétaires le bénéfice de la garantie de sa compagnie d'assurances AXA France IARD pour toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
- Condamner tout succombant à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 2.000 € de dommages et intérêts pour perturbation de sa comptabilité,
- Condamner tout succombant à rembourser les frais d'expertise judiciaire de l'intervention non seulement de M. [Y] mais également des deux interventions de M. [W] [P],
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie,
- Condamner tout succombant à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Georges Simonian, Avocat aux offres de droit et ce, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile".

Le syndicat des copropriétaires soutient à titre liminaire que Mme [U] est irrecevable à agir dès lors qu'elle n'a pas fondé son acte d'assignation en droit, ce qui est un motif d'annulation au visa de l'article 56 du code de procédure civile, d'une part, et qu'elle a, à tort, fondé ses demandes sur le cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles, ce qui équivaut à un défaut de fondement, d'autre part.

Sur le fond, le syndicat des copropriétaires conteste l'engagement de sa responsabilité dans la survenance des infiltrations dénoncées par la demanderesse au sein de ses lots à compter du mois de juin 2011 et soutient qu'elles ont pour unique cause le défaut d'entretien et de conformité de l'étanchéité du logement de M. [M], et rappelle qu'il a toujours fait réaliser, en temps utile, les travaux réparatoires préconisés par les différents experts judiciaires intervenus.

Il sollicite, subsidiairement, que sa responsabilité soit limitée à une imputabilité de 5%, prétendant que seul le désordre du 18 mars 2017 peut être mis à sa charge, désordre dont l'origine a été réparée seulement trois jours après, et conteste en toute hypothèse le bien-fondé de la demande de Mme [U] d'une condamnation in solidum des défendeurs en réparation, les sinistre subis par cette dernière étant distincts et ne constituant pas un seul et même dommage ; à défaut il sollicite d'être intégralement garanti par M. [M].

Le syndicat des copropriétaires critique également le quantum des prétentions indemnitaires de Mme [U], qu'il estime excessif et infondé.

Enfin, le syndicat des copropriétaires sollicite le bénéfice de la garantie de son assureur, dont il soutient que ses conditions sont réunies, et conteste les moyens de défense allégués par celui-ci tenant au défaut d'aléa et au défaut d'entretien de l'immeuble.

A titre reconventionnel, le syndicat des copropriétaires réclame le paiement d'une somme de 2.00 euros de dommages-intérêts pour "perturbation de sa comptabilité" ainsi que le remboursement des frais d'expertise judiciaire subséquents à l'intervention de M. [Y] et de M. [P].

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 mars 2023, la société AXA demande au tribunal de :

"Vu l'article 367 du code de procédure civile,
Vu les articles L.114-1, L.112-6, L.121-15 et L.124-1-1 du code des assurances,
Vu l'article 1108 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre liminaire,
- Prononcer la jonction des affaires n°19/13070 et n°21/15602,
A titre principal,
- Juger que le sinistre est survenu antérieurement à la souscription par le syndicat des copropriétaires du contrat n°5277812604 auprès d'AXA France IARD, et que la garantie d'AXA n'est donc pas mobilisable,
- Juger que le défaut d'entretien des parties communes, imputable au syndicat des copropriétaires, a fait disparaître l'aléa,
En conséquence,
- Mettre hors de cause la société AXA France IARD et débouter toute partie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société AXA France IARD,
A titre subsidiaire,
Dans l'hypothèse où le tribunal considérerait qu'AXA France IARD doit sa garantie,
- Juger que la garantie ne s'exerce que dans les termes, limites et plafond de garantie et de franchise,
- Juger que le syndicat des copropriétaires n'est pas responsable des désordres affectant les logements de Mme [U],
- Débouter toute partie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société AXA France IARD.
A titre très subsidiaire,
Dans l'hypothèse où la responsabilité du syndicat des copropriétaires serait retenue,
- Limiter la condamnation du syndicat des copropriétaires et de son assureur, AXA France IARD, à 5% des sommes allouées à Mme [U],
- Rejeter la demande formulée par Mme [U] au titre des travaux de réfection, à titre subsidiaire réserver ce poste de préjudice ; à titre très subsidiaire limiter part de responsabilité du syndicat des copropriétaires et de son assureur, AXA France IARD à 5% de la somme allouée,
- Rejeter la demande formulée par Mme [U] au titre du préjudice de jouissance, à titre subsidiaire réserver ce poste de préjudice ; à titre très subsidiaire limiter part de responsabilité du syndicat des copropriétaires et de son assureur, AXA France IARD à 5% de la somme allouée,


- Rejeter les demandes formulées par Mme [U] au titre des charges de copropriété, des taxes foncières, des frais d'assurance, des coûts de crédits, des frais de notaires, des frais de mandataires immobiliers, des frais d'expertise privée et du préjudice moral,
- Débouter toutes autres demandes, fins et conclusions telles que formulées contre AXA France IARD, es qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 10],
En toute hypothèse,
- Constater que l'exécution provisoire de droit n'est pas compatible avec la nature de l'affaire et en conséquence, écarter l'exécution provisoire,
- Condamner toute partie succombante à verser à AXA France IARD la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- Rejeter toute autre demande formulée à l'encontre d'AXA France IARD".

La société AXA conteste devoir sa garantie, excipant d'un défaut d'aléa en raison de l'antériorité du sinistre, le contrat souscrit par l'assuré étant à effet au 1er mars 2012, d'une part, et d'un défaut d'entretien de l'immeuble incombant au syndicat des copropriétaires objet d'une clause d'exclusion de garantie, d'autre part.

A titre subsidiaire, la société AXA conclut à l'absence de responsabilité du syndicat des copropriétaires dans la survenance des sinistres dénoncés par Mme [U], affirmant que ceux ci trouvent leur origine dans la défectuosité des parties privatives de M. [M], et sollicite à titre très subsidiaire un partage de responsabilité en faveur de son assuré, ce dernier ne pouvant se voir mettre à sa charge une part supérieure à 5%.

Enfin, la société AXA conteste les chefs de préjudices dont Mme [U] demande réparation, les estimant infondés dans leur principe et/ou dans leur quantum.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 avril 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 10 janvier 2024, a été mise en délibéré au 12 mars suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il doit être rappelé à titre liminaire que la demande de jonction formée par la société AXA aux termes de se dernières écritures est sans objet dès lors que le juge de la mise en état y a déjà procédé.

En outre, aux termes de l'article 768 du code de procédure civile, tel que modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicables aux instances en cours à cette date : "Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées."

Si en l'espèce le syndicat des copropriétaires se prévaut, dna le corps de ses dernières écritures, de la nullité de l'acte d'assignation délivrée par Mme [U], il ne forme aux termes du dispositif desdites écritures aucune prétention à ce titre, de sorte que le tribunal n'en est pas saisi.

De même, s'il excipe de l'irrecevabilité des demandes de Mme [U] au motif de l'application du principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, force est de constater qu'aux termes de ses dernière écritures, les seules devant être examinées par le tribunal, la demanderesse vise les articles 14 de loi du 10 juillet 1965 et 1240 du code civil, sans aucun référence aux articles relatifs à la responsabilité.

Le moyen d'irrecevabilité de ce chef allégué par le syndicat des copropriétaires sera donc écarté.

Sur les demandes de "dire" et de "juger"

Il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais sont la reprise des arguments développés dans les écritures des parties.

Sur la matérialité des désordres, leur(s) causes et les responsabilités

Sur la matérialité des désordres

Rappelons à titre liminaire que Mme [U] a assigné les parties défenderesses en ouverture du rapport d'expertise judiciaire de M. [Y] daté du 26 janvier 2018 et forme des prétentions indemnitaires circonscrites aux préjudices qu'elle estime avoir subi depuis le mois de juin 2011, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se référer aux précédentes mesures expertales.

Il ressort de l'examen des pièces versées au débat, et notamment du rapport d'expertise judiciaire précité de 2018, que cinq désordres ont été subis par Mme [U] au sein de son lot, à compter du mois de juin 2011, dont la matérialité n'est pas contestée.

Ils sont ainsi décrits par l'expert judiciaire (pages 12 à 14 et pages 29 à 31 du rapport) :

- désordre n°1 daté du 15 juin 2011 : écoulement en provenance du 4ème étage, avec des désordres relevés sur le plafond et le plancher du 3ème étage (traces d'infiltrations)
- désordre n°2 daté du 24 septembre 2013 : fuite localisée au 4ème étage sur la canalisation le long du mur séparatif du palier ; constats de désordres (saturation d'humidité) au 2ème étage dans les WC et sur le mur de la cuisine ainsi qu'au 3ème étage où l'appartement est toujours en travaux (traces de coulures, traces humides dans les WC) ; au 4ème étage constats du mauvais état du jointoiement du receveur de douche et de la faïence ; la façade côté courette est fortement tâchée entre le 2ème et le 4ème étage ;
- désordre n°3 du 12 septembre 2014 : fuite sur branchement de la machine à laver située dans la salle de bains du lot du 4ème étage avec un raccordement non-adapté, une stagnation d'eau au sol qui provoque des infiltrations
- désordre n°4 daté du 06 février 2015 : infiltrations depuis l'étage supérieur dans les sanitaires des logements du 2ème et du 3ème étage ;
- désordre n°5 daté du 18 mars 2017 (en cours d'expertise) : infiltrations depuis l'étage supérieur dans les sanitaires des logements du 2ème et du 3ème étage.

Sur leur(s) cause(s) et les responsabilités

Selon l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes et il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. La responsabilité de plein droit du syndicat est donc susceptible d'être engagée en présence de dommages causés aux copropriétaires ayant pour origine les parties communes, indépendamment de toute faute.

La démonstration d'un dommage ayant pour origine les parties communes est la condition nécessaire mais suffisante pour justifier l'engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur ce fondement. Le syndicat des copropriétaires ne peut s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'il n'a commis aucune faute.

La responsabilité qui pèse sur le syndicat des copropriétaires en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 est une responsabilité objective. Le syndicat ne peut s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une force majeure ou d'une faute de la victime ou d'un tiers. Pour une exonération totale, la faute de la victime ou du tiers doit avoir causé l'entier dommage.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."

Chacun des responsables d'un même dommage doit par principe être condamné à le réparer en son entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

Sur ce,

S'appuyant sur les constats faits durant les visites sur site ainsi que sur les interventions techniques de sociétés spécialisées, dont notamment la société Aquanef et la société 2F, l'expert judiciaire M. [Y] retient, en page 31 de son rapport, que "les désordres semblent avoir deux origines distinctes :

1/ désordres sous la salle d'eau du 4ème étage : infiltration d'eau par absence de sol en parfait état d'étanchéité sous les pièces d'eau. La première déclaration de DDE a fait l'objet d'une réparation non pérenne (mais qui a néanmoins duré 2 ans) et il a fallu un dégât des eaux accidentel en 2014 pour mettre à jour ce défaut de l'appartement de M. [M] au 4ème étage.
Ce sinistre récurent (désordres 1 et 3) a été signalé et réparé une première fois en 2011, puis en 2014 et en 2015. Le dernier signalement porte :
au niveau du mitigeur de douche,
au niveau de l'étanchéité de la porte de douche,
au niveau du siphon de douche.
(…)
2/ infiltrations d'eau à partir des WC communs et du WC du 4ème étage, désordres 2, 4 et 5
Les fuites constatées proviennent des alimentations en eau du logement du 4ème étage et éventuellement d'absence de sol en parfait état d'étanchéité, mais pas seulement.
L'écoulement d'eau à partir du WC commun du 3ème/4ème étage est dû à une fissure ancienne du coude de raccordement d'EU sur la colonne fonte et à un défaut d'étanchéité de la paillasse autour du WC à la turque imputable à la copropriété permettant un écoulement sur le mur de façade et sur le mur de refend contre les WC privatifs.
Ce désordre n'a été constaté qu'en fin d'expertise, mais il alimente le désordre de façade et l'humidité dans le mur du WC du 2ème et 3ème étage chez Mme [U] depuis certainement plusieurs années en complément des désordres relevés dans les parties privatives chez M. [M] dont les fuites actives ont été réparées très rapidement. (…)."

Sur ce point, il est à noter que la société 2F, missionnée en cours d'expertise par le syndic de l'immeuble pour une recherche de fuite au niveau des WC à la turque du 3ème étage que "l'eau s'infiltre depuis plusieurs années depuis le plafond du dessous. (…) Nous avons également décelé une fuite importante au niveau de la paillasse en carrelage en périphérie du WC qui n'est plus étanche. A chaque projection d'eau l'eau s'infiltre dans le plancher. A la suite de nos investigations nous confirmons à ce jour que la paillasse et l'évacuation WC turque ne sont plus étanches."

L'expert judiciaire conclut en ces termes (pages 35 et 36 du rapport) :

"Les désordres constatés en cours d'expertise sont, soit la continuation des désordres non réglés, soit de nouveaux désordres qui ont pu être réglés pendant l'expertise. A ce jour, il n'existe plus de désordres et le logement du 3ème étage est achevé.
Désordres 1 : fuite autour de la douche imputable uniquement à M. [M] en absence des anciens locataires dans la cause, nécessitant la reprise du plancher et du plafond.
Désordre 2 : fuite sur un robinet d'arrêt imputable au locataire au titre de l'entretien (…)
Désordre 3 : débordement de la machine à laver du locataire accentué par l'absence d'un sol en parfait état d'étanchéité à imputer au locataire prioritairement et partiellement au propriétaire. (…)
Désordre 4 : désordre entre le logement du 3ème et du 2ème étage. Pourrait être imputable à la fuite sur la colonne EU des sanitaires communs (…).
Désordre 5 : nouvelle fuite sur le robinet d'arrêt du WC du 4ème étage complété par une fuite sur la colonne EU raccord avec l'évacuation côté gauche de la colonne. Imputable prioritairement au syndicat des copropriétaires et partiellement à M. [M]".

Concernant d'abord l'engagement de la responsabilité de M. [M], il ressort des éléments précités qu'une grande partie des désordres subis par Mme [U] au sein de ses lots ont trouvé leur origine dans le défaut d'étanchéité de la salle d'eau de l'intéressé, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas.

Il doit être souligné que nonobstant les désordres dénoncés dès 2011, M. [M] n'a pas réglé dans un délai raisonnable les difficultés et ce nonobstant, notamment, une lettre de sommation émanant du syndic de l'immeuble du 24 septembre 2014 lui réclamant la mise en conformité de ses installations sanitaires.

Cette attitude d'inertie fautive constitue une faute délictuelle de M. [M] dans la gestion de son bien, qui engage sa responsabilité dans la survenance des sinistres subis par Mme [U] dans ses lots.

Concernant ensuite la responsabilité du syndicat des copropriétaires, il s'évince de la lecture combinée des explications techniques précitées que les désordres litigieux trouvent également, pour partie, leur origine dans la vétusté et l'absence d'étanchéité des WC communs de l'immeuble et dans la présence d'une fissure ancienne du coude de raccordement d'EU sur la colonne fonte, dont la qualité de partie commune n'est pas contestée.

S'il s'oppose à ces constats, le syndicat des copropriétaires ne produit au débat aucune pièce technique suffisamment probante de nature à contredire les conclusions de la mesure expertale.

Le fait que cette situation de dégradation ait été découverte en fin de mission expertale ne signifie pas pour autant qu'il n'était pas préexistant et n'a pas pu concourir à la réalisation des sinistres antérieurs,

au moins en partie, la société 2F indiquant dans son rapport de recherche de fuite daté du 09 juin 2016 précité (en cours d'expertise judiciaire) que "l'eau s'infiltre depuis plusieurs années depuis le plafond du dessous."

Ces éléments sont constitutifs d'un défaut d'entretien des parties communes qui entraîne l'engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires, en application de l'article 14 de loi du 10 juillet 1965 précité.

En conclusion, sont retenues les responsabilités de M. [M] et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause dans la survenance des désordres subis par Mme [U] au sein de ses lots entre les mois de juin 2011 et mars 2017, date du dernier désordre dénoncé, étant rappelé qu'aucun désordre n'était encore à déplorer à la fin des opérations expertales.

Etant co-responsables du préjudice, ils seront condamnés in solidum à le réparer, le partage de responsabilités n'ayant lieu qu'entre eux.

Eu égard à l'importance du sinistre, aux causes des désordres, et au rôle de chacune des parties responsables, il convient de fixer la ventilation de l'imputabilité du sinistre comme suit :

50% à la charge de M. [M],
50% à la charge du syndicat des copropriétaires.

Sur la réparation des préjudices

Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des désordres indemnise celui qui les a subis de l'intégralité de ces préjudices, à les supposer établis.

Il appartient au juge d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe (ex. : Civ. 3ème, 25 janvier 2006, n° 04-20.726).

Sur ce,

Aux termes de s es dernières écritures, Mme [U] sollicite le bénéfice des sommes suivantes :

- 16.329,99 € TTC au titre du montant des travaux réalisés dans les logements du 2ème et 3ème étages,
- 50.880 € en réparation de son préjudice de jouissance par la perte des loyers, soit 795 € de loyer hors charges perdu sur une durée de 5 ans et 4 mois (du 15 juin 2011 au 12 avril 2017, date de revente du bien),
- 13.331,07 € au titre du remboursement de toutes les charges de l'immeuble (logement du 3ème étage),
- 2.623 € au titre du remboursement de tous les impôts fonciers (logement du 3ème étage), et de l'intégralité de l'assurance du bien (logement du 3ème étage),
- 7.000 € de remboursement de ses frais de notaire (logement du 3ème étage),

- 9.000 € de remboursement de ses frais de mandataire immobilier (logement du 3ème étage),
- 10.173,87 € couvrant le coût du crédit (logement du 3ème étage),
- 1.741,63 € au titre du coût de l'assurance (logement du 3ème étage),
- 2.460 € TTC en remboursement du coût de son expert privé M. [T],
- 50.000 € au titre de son préjudice moral.

S'agissant du préjudice matériel, l'expert judiciaire a retenu une somme de 7.441,37 euros, concernant le logement du 3ème étage, en précisant que "concernant les travaux du 2ème étage, les travaux de peintures et protection seront pris en compte, et devraient être pris en charge par l'assurance de la copropriété et par celle du locataire du 3ème étage ou du 4ème étage".

Il mentionne également, en page 35, que " désordre 2 : (…) ce sinistre a été indemnisé par l'assurance du locataire. Mais seule une partie de l'indemnité a été utilisée pour la remise en état".

Mme [U] réclame la somme globale de 16.329,99 €, couvrant :

facture ADLR du 13/03/2007 : 3.534,25 € TTC
facture SBP du 15/02/2013 : 2.071,95 € TTC
facture SBP du 11/04/2013 : 1.173,79 € TTC
facture ACTION BATI RENOV du 27/01/2017 : 1.419 € TTC
facture ACTION BATI RENOV du 15/02/2017 : 4.181 € TTC
facture MMR BATIMENT du 22/03/2017 : 3.948 € TTC

Or, et d'une part, il n'y a pas lieu de prendre en compte la facture datée du 13 mars 2007, d'un montant de 3.534,25 € dès lors que les désordres objets du litige ont commencé en juin 2011, Mme [U] affirmant dans ses écritures "faire remonter ses demandes qu'à compter des désordres évoqués et objets du rapport d'expertise judiciaire ouvert dans le cadre de la présente saisine", soit celui de M. [Y].

En outre et d'autre part, il ne sera pas non tenu compte de la facture du 15 février 2013 d'un montant de 2.071,95 €, ladite facture étant libellé au nom de M. [X] et Mme [U] ne prétendant ni ne justifiant s'en être personnellement acquittée.

Il en sera de même, et pour le même motif, de la facture du 11 avril 2013, d'un montant de 1.173,79€, libellée au nom du syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause.

Il convient dès lors d'accorder à Mme [U], en réparation de son préjudice matériel, la somme de 9.548 euros, correspondant au surplus des factures précitées, justifiées.

S'agissant de la demande indemnitaire formée au titre du préjudice de jouissance, l'expert judiciaire a relevé sur ce point (pages 33 et 34) que "Mme [U] évoque un préjudice financier depuis la date de déclaration du 1er sinistre le 15 juin 2011, soit 67 mois pour un montant mensuel de 795 €, soit 53.265 € (…).
L'expert estime que cette date ne devrait pas être retenue car, d'une part,

les premiers sinistres ont été réparés et les travaux permettant de rendre l'appartement habitable pouvaient reprendre, et d'autre part, le vrai sinistre déclencheur de la procédure est celui du 12 septembre 2014 qui a stoppé les travaux toujours en cours dans l'appartement. Aussi, la durée d'immobilisation à retenir serait de 29 mois au maximum, soit 23.055 € (…).
L'expert rappelle que des travaux de rénovation étaient en cours au moment de la première déclaration de dégât des eaux en 2011 et que le logement n'était pas loué (…) ; le report des travaux de finition n'est pas à imputer au propriétaire ou au locataire du 4ème étage et qu'à partir du 4 juin 2012 jusqu'au 12 septembre 2014, aucun préjudice ne peut être évoque par le demandeur.
L'expert est d'accord pour dire qu'un préjudice éventuel peut être réclamé pour la période du 20 juin 2011 au 4 juin 2012 sot 12 mois à 795 € = 9.540 € pour le 1er sinistre".
Si Mme [U] conteste ces conclusions expertales, elle ne produit au débat aucune pièce de nature à les contredire ; au demeurant et en toute hypothèse, il doit être retenu que les lieux n'étaient ni loués ni en état de l'être au moment de la survenance du premier désordre en juin 2011, et que les travaux de réfection ont pris du retard en raison des désordres successifs d'autre part.
Par conséquent le préjudice de jouissance dont Mme [U] peut se prévaloir n'est pas une perte de loyers stricto sensu mais la perte de chance de pouvoir mettre en location son bien plus rapidement.

Dans ces conditions, le préjudice indemnisable à ce titre ne saurait recouvrir la totalité des loyers sur les périodes retenues par l'expert mais doit être fixé à 40% dudit loyer, soit 318 euros x 41 mois = 13.038 euros.

Les demandes en paiement formées par Mme [U] au titre des "frais liés au bien", à savoir le logement du 3ème étage seront rejetées en ce qu'il s'agit de postes de dépenses subséquents, pour une partie (coût du crédit bancaire, frais de mandat immobilier et frais de notaire), à l'acte d'acquisition dudit lot qu'elle a librement contracté, et pour l'autre partie (charges de l'immeuble, impôts fonciers, assurance) inhérents à sa qualité de propriétaire foncière, les sommes étant dues quelque soit l'état du bien auquel elles se réfèrent, et leur paiement par celle-ci ne saurait être considéré comme un préjudice causé par la survenance des désordres objets du présent litige.

Le coût de l'expert privé M. [T], relève des frais pouvant être réclamés au titre des demandes accessoires, et sera examiné supra.

Enfin, si Mme [U] se prévaut d'un préjudice moral causé par les tracas de la procédure, elle succombe à démontrer que ledit préjudice, à le supposer avéré, dépasse celui réparé par l'octroi d'une indemnité au titre des frais irrépétibles, de sorte que sa demande indemnitaire à ce titre doit être rejetée.

En conclusion, il est alloué à Mme [U], à titre indemnitaire, les sommes de :

- 9.548 au titre du préjudice matériel,
- 13.038 au titre du préjudice de jouissance,

au paiement desquelles M. [M] et le syndicat des copropriétaires seront condamnés in solidum.

Le surplus des sommes réclamées à titre indemnitaire, injustifié, sera rejeté.

Sur les recours en garantie

Un co-débiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut, comme le co-débiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que pour les parts et portion de chacun d'eux, donc sans solidarité.

Aucune condamnation in solidum ne sera donc prononcée au stade de la contribution à la dette.

Sur ce,

Compte tenu des développements précédents, il convient de faire droit à la demande de garantie formée par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de M. [M], et ce à hauteur de sa part d'imputabilité dans le sinistre soit 50%.

Sur les demandes de condamnation in solidum et l'appel en garantie à l'encontre de la société AXA assureur du syndicat des copropriétaires

Aux termes de l'ancien 1134 du code civil, le contrat litigieux ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article 1353 alinéa 1 du code civil dispose que "celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver".

Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ; à l'inverse il revient à l'assureur de prouver l'exclusion ou la déchéance de garantie qu'il allègue.

Sur les griefs tirés de l'antériorité du sinistre et du défaut d'aléa

L'article L.124-5 du code des assurances prévoit que "La garantie est, selon le choix des parties, déclenchée par le fait dommageable, soit par la réclamation.
(…)
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. (…)"

En matière de garantie "dégât des eaux", l'assureur est tenu à garantie dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat (notamment en ce sens Civ. 3ème, 14 octobre 2014, n°13-18604).

Le contrat d'assurances est par essence un contrat aléatoire, c'est-à-dire une convention réciproque dont les effets dépendent d'un événement incertain.

Sur ce,

Il n'est pas contesté que le syndicat des copropriétaires a souscrit auprès de la société AXA une police d'assurance à effet au 1er mars 2012.

Or il ressort des éléments au débat que si la responsabilité du syndicat des copropriétaires est retenue dans la survenance des désordres subis par Mme [U], elle ne l'est pas de manière totale dès lors qu'il ne lui est imputé que 50% desdits désordres, d'une part, et que comme relevé par l'expert judiciaire cela se rapporte aux désordres 2, 4 et 5 soit des désordres survenus après la souscription de la police d'assurance dont il est sollicité l'application.

Le grief allégué de l'antériorité du sinistre doit donc être écarté.

Il doit en être de même s'agissant du grief tenant au défaut d'aléa dès lors que l'origine " parties communes " des désordres litigieux concerne les WC communs ainsi que le coude de raccordement d'EU sur la colonne fonte, soit des éléments qui n'avaient, avant les opérations expertales de M. [Y], pas posé de difficultés particulières, les rapports d'expertise judiciaire antérieurs versés au débat portant notamment sur l'état des planchers structures mais ne se rapportant pas aux causes du présent litige.

Par conséquent il ne saurait être retenu de défaut d'aléa.

Sur le grief tenant au défaut d'entretien

L'article L.113-1 du code des assurances mentionne que "Les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré."

Une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, à défaut, antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable. La charge de la preuve d'une prise de connaissance effective d'une telle clause par l'assuré incombe à l'assureur.

Sur ce,

La clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société AXA est ainsi rédigée (page 19 des conditions générales) :

"Ainsi n'entre ni dans l'objet ni dans la nature du contrat, l'assurance des dommages ou responsabilités ayant pour origine un défaut d'entretien ou de réparation incombant à l'assuré, caractérisé, et connu de lui".

Or, la société AXA échoue à démontrer que le syndicat des copropriétaires connaissait, avant les opérations expertales, l'état de dégradation des parties communes (WC et colonne fonte EU) ayant été retenu comme l'une des causes des sinistres subis par Mme [U], et aurait néanmoins, de manière caractérisée, refusé une quelconque démarche d'entretien de l'immeuble.

Les rapports d'expertise judiciaire dont elle fait état dans ses conclusions sont ceux réalisés dans les années 2007-2009, qui se rapportent à des investigations portant sur des sinistres antérieurs à ceux objets du présent litige, d'une part, et aux termes desquelles il n'avait alors pas été mis en exergue un éventuel rôle causal des parties communes à l'origine des désordres dont le tribunal est saisi, d'autre part.

Faute pour l'assureur de rapporter la preuve qui lui incombe, sa garantie est due.

La société AXA est donc condamnée, in solidum avec son assuré, au paiement des sommes allouées à Mme [U] en indemnisation de ses préjudices ainsi qu'à garantir le syndicat des copropriétaires des condamnations en paiement prononcées à son encontre, en principal, intérêts, frais et dépens, dans les limites prévues par les conditions générales et particulières de sa police.

Sur les demandes reconventionnelles en paiement du syndicat des copropriétaires

Aux termes de l'article 768 du code de procédure civile, tel que modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicables aux instances en cours à cette date : "Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées."

L'article 9 du code de procédure civile dispose que "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."

Sur ce,

Si le syndicat des copropriétaires forme, dans le dispositif de ses écritures, une demande indemnitaire pour "perturbation de sa comptabilité", il ne justifie ni en droit ni en fait le bien-fondé de ladite demande, d'une part, et succombe à caractériser le prétendu préjudice dont il sollicite réparation, d'autre part.

Concernant les frais d'expertise judiciaire, le sort de ceux se rapportant à l'expertise réalisée par M. [Y] sera examinée dans le cadre des dépens.

La demande de remboursement des frais concernant les autres expertises judiciaires, confiées à M. [P], n'est pas davantage justifiée par le syndicat des copropriétaires, outre qu'en toute hypothèse ces expertises ne font pas l'objet de la présente instance.

Par conséquent les demandes reconventionnelles en paiement du syndicat des copropriétaires, infondées, seront rejetées.

Sur les demandes accessoires

L'article 695 du code de procédure civile dispose que "Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent :
1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l'administration des impôts à l'exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l'appui des prétentions des parties ;
2° Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
3° Les indemnités des témoins ;
4° La rémunération des techniciens ;
5° Les débours tarifés ;
6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
7° La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
8° Les frais occasionnés par la notification d'un acte à l'étranger ;
9°Les frais d'interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d'instruction effectuées à l'étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (UE) 2020/1783 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile et commerciale ;
10° Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072, 1171 et 1221 ;
11° La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l'article 388-1 du code civil ;
12° Les rémunérations et frais afférents aux mesures, enquêtes et examens requis en application des dispositions de l'article 1210-8".

Il résulte de l'article 695 du code de procédure civile que les dépens d'une instance n'incluent pas les frais de constat d'un huissier de justice non désigné à cet effet par décision de justice (Civ 2ème, 12 janvier 2017, n°16-10.123).

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur ce,

Parties succombantes au litige, M. [M] et le syndicat des copropriétaires seront condamnés in solidum aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire mais à l'exclusion du coût des constats d'huissier réalisés, et dont distraction au profit de Me Marie-Laetitia Chaussy.

Les mêmes parties seront également condamnées à verser à Mme [U] une somme globale de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais " d'expert privé " engagés par celle-ci.

La nature et l'ancienneté du litige commandent d'ordonner l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DECLARE Mme [Z] [U] épouse [X] recevable en ses prétentions,

DECLARE M. [V] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, responsables des dégât des eaux subi par Mme [Z] [U] épouse [X] au sein de ses lots sis dans l'immeuble précité, à compter du mois de juin 2011 et jusqu'au 26 janvier 2018,

DIT que dans leurs rapports entre eux, les responsabilités sont partagées de la manière suivante :

50 % à la charge de M. [V] [M],
50% à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice,

CONDAMNE M. [V] [M] à garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens, à hauteur de sa part d'imputabilité dans la survenance du sinistre soit 50%,

CONDAMNE la SA AXA France IARD à garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens, dans les limites prévues par les conditions générales et particulières de sa police,

CONDAMNE in solidum M. [V] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, lui-même in solidum avec son assureur la SA AXA France Iard, à payer à Mme [Z] [U] épouse [X], les sommes de :

- 9.548 au titre du préjudice matériel,
- 13.038 au titre du préjudice de jouissance,

REJETTE le surplus des prétentions indemnitaires de Mme [Z] [U] épouse [X],

REJETTE le surplus des demandes en garantie,

REJETTE les demandes reconventionnelles en paiement du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice,

CONDAMNE in solidum M. [V] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, à payer à Mme [Z] [U] épouse [X] une somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [V] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, seront condamnés in solidum aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire mais à l'exclusion du coût des constats d'huissier réalisés, et dont distraction au profit de Me Marie-Laetitia Chaussy,

PRONONCE l'exécution provisoire de la présente décision,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 12 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/13070
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;19.13070 ?
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