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12/03/2024 | FRANCE | N°19/12342

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 12 mars 2024, 19/12342


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]


Expédition exécutoire délivrée le :
à Maître DONY

Copie certifiée conforme délivrée le :
à Maître CASSEL





8ème chambre
1ère section


N° RG 19/12342
N° Portalis 352J-W-B7D-CQ6NX


N° MINUTE :


Assignation du :
24 Septembre 2019








JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024

DEMANDEUR

Monsieur [J], [B], [T] [L] dit [W]
[Adresse 6]
[Localité 2] (SUISSE)

représenté par Maître Vincent DONY

, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1679


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] représenté par son syndic, le Cabinet TIFFENCOGE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]

Expédition exécutoire délivrée le :
à Maître DONY

Copie certifiée conforme délivrée le :
à Maître CASSEL

8ème chambre
1ère section

N° RG 19/12342
N° Portalis 352J-W-B7D-CQ6NX

N° MINUTE :

Assignation du :
24 Septembre 2019

JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024

DEMANDEUR

Monsieur [J], [B], [T] [L] dit [W]
[Adresse 6]
[Localité 2] (SUISSE)

représenté par Maître Vincent DONY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1679

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] représenté par son syndic, le Cabinet TIFFENCOGE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Hervé CASSEL de la SELAFA CABINET CASSEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0049

Décision du 12 Mars 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 19/12342 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ6NX

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente

assistés de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 10 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Laure BERNARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [T] [L], dit [W] (ci-après "M. [W]") est propriétaire d'un appartement au 9ème et dernier étage de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Se plaignant de désordres affectant son appartement, M. [W] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 19 avril 2013, a prononcé une mesure d'expertise judiciaire et commis Mme [M] à cette fin, laquelle a déposé son rapport le 19 mai 2014.

Par acte d'huissier délivré le 18 juin 2013, M. [W] a assigné, devant la juridiction de céans, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, représenté par son syndic en exercice, afin, principalement, de le voir condamner à faire réaliser les travaux nécessaires de remise en état pour remédier aux désordres.

Cette procédure, radiée le 6 novembre 2015, a fait l'objet d'un rétablissement à la demande de M. [W] le 13 mars 2017.

Par ordonnance du 23 novembre 2018, le juge de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

M. [W] a donc à nouveau assigné le syndicat des copropriétaires au fond devant la présente juridiction, par acte extrajudiciaire en date du 24 septembre 2019, afin d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices subséquents aux désordres dénoncés.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 février 2022, M. [W] demande au tribunal de :

"Déclarer M. [W] recevable et bien fondé en ses demandes,
Y faisant droit,
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3] au paiement à M. [W] de la somme de 61.295,72 euros outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 18 juin 2013, date de délivrance de l'assignation au fond.
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3] au paiement à M. [W] de la somme de 192.000 euros en réparation de son trouble de jouissance outre les intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2019,
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] au paiement à M. [W] de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] en tous les dépens, qui comprendront les frais d'expertise d'un montant de 5.579,89 euros, dont le recouvrement pourra être effectué directement par Me Vincent Dony, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile."

En substance, M. [W] se prévaut des conclusions du rapport d'expertise judiciaire pour solliciter l'engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires dans la survenance des désordres subis au sein de son lot, au visa de l'article 14 de loi du 10 juillet 1965, lesdits désordres trouvant leur origine, selon l'expert, dans l'état de dégradation des parties communes de l'immeuble que sont le toit terrasse, les évacuations dudit toit, ainsi que les terrasses à usage privatif.

Il sollicite la condamnation du syndicat des copropriétaires à l'indemniser des divers préjudices subséquents, dont celui matériel recouvrant les frais de remise en état des lieux, ainsi que celui de jouissance, le demandeur soutenant sur ce point ne pas avoir pu disposer de son lot à sa guise, ayant notamment été empêché de le mettre en location pendant près de six mois (durée d'exécution des travaux de remise en état) d'une part, et n'ayant pu faire un usage conforme des terrasses au regarde de leur état de vétusté, d'autre part.

Il souligne en outre l'attitude d'opposition systématique et déloyale du syndicat des copropriétaires à son encontre, celui-ci ayant toujours refusé, par voie amiable, de procéder au dédommagement de ses préjudices, alors qu'il affirme être à jour du paiement de ses charges de copropriété.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21 janvier 2022, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

"Vu les articles 2230 et suivants du code civil,

Vu l'article 389 du code de procédure civile,
Vu l'article 44 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
- Débouter M. [B] [T] [L], dit [W], de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause :
- Condamner M. [B] [T] [L], dit [W], à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [B] [T] [L], dit [W] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Hervé Cassel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile."

Le syndicat des copropriétaires conteste l'engagement de sa responsabilité dans la survenance des désordres ayant eu pour origine les terrasses de l'appartement de M. [W], soulignant que la copropriété a en 2007 sciemment laissé le soin à chaque copropriétaire d'assumer les frais d'étanchéité de ces terrasses, parties privatives, et des gardes corps, d'une part, outre que l'expert n'a pas conclu au rôle causal de l'étanchéité desdites terrasses dans le sinistre dénoncé, d'autre part.

Il conteste également sa responsabilité s'agissant du prétendu défaut d'étanchéité du toit-terrasse de l'immeuble, relevant que l'expert a seulement indiqué la nécessité de procéder dans les " années venir " à la réfection du toit-terrasse et à la vérification des descentes d'au pluviales, "sans urgence", lesdits travaux n'ayant pu être menés à bien en raison de la carence du demandeur dans le paiement de ses charges de copropriété.

Le syndicat des copropriétaires conclut au rejet des prétentions indemnitaires de M. [W], les estimant infondés tant dans leur principe que dans leur quantum, soulignant notamment que certains frais dont il est réclamée le remboursement concernent des parties privatives, d'une part, et que le lot du demandeur est toujours resté habitable nonobstant les désordres dénoncés, d'autre part.

Enfin, le syndicat des copropriétaires souligne la mauvaise foi du demandeur, arguant l'attitude procédurière de ce dernier et contestant, pour sa part, une quelconque prétendue opposition injustifiée à une solution amiable.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 avril 2022.

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par le syndicat des copropriétaires a été rejetée par ordonnance du 17 octobre 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 10 janvier 2024, a été mise en délibéré au 12 mars suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes principale en indemnisation

Sur la matérialité des désordres

Il est à noter que l'appartement de M. [W], qui occupe tout le dernier étage de l'immeuble, dispose d'une terrasse côté [Adresse 5], sur toute la longueur de la façade côté séjour, ainsi que de deux terrasses côté rue [Localité 7].

Au cours des opérations expertales, l'expert a relevé (pages 7 et suivantes du rapport) :

- au niveau de la terrasse côté [Adresse 5] : la dégradation des supports, la présence de végétaux et de mousse entre les joints, l'éclatement des dalles ;
- au niveau de la terrasse côté [Localité 7] 1: la dégradation des joints des seuils au droite de ladite terrasse, avec présence de terre et de mousse dans les joints ;
- à l'intérieur du lot : la dégradation des peintures au droit des portes fenêtres en partie basse, au droit des seuils [Localité 7] 1, des désordres en plafond et mur cuisine sous la terrasse de l'immeuble, au droit de la chute EP, des désordres au niveau du plafond de la salle de bains sous la toiture terrasse de l'immeuble au droit des cheminées, des désordres au niveau du coffrage du radiateur partie basse du mur au droit des colonnes montantes de chauffage et des alimentations privatives de chauffage entre radiateurs, ainsi enfin qu'un ancien dégât des eaux en chambre-salle de bains côté terrasse [Localité 7] 2.

Sur l'origine des désordres et les responsabilités engagées

L'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au litige, dispose en son dernier alinéa que le syndicat "est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires."

La responsabilité qui pèse sur le syndicat des copropriétaires en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 est une responsabilité objective. Le syndicat ne peut s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une force majeure ou d'une faute de la victime ou d'un tiers. Pour une exonération totale, la faute de la victime ou du tiers doit avoir causé l'entier dommage.

Le règlement de copropriété, qui a valeur contractuelle, détermine la destination des parties tant privatives que communes ainsi que les conditions de leur jouissance.

Aux termes de l'article 2 de loi du 10 juillet 1965, "Sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé.
Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire."

En application de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires. Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes, notamment, le gros œuvre des bâtiments et tout élément incorporé dans les parties communes. Si elle sert de toiture au bâtiment, la terrasse est en principe une partie commune, la toiture étant comprise dans le gros-œuvre.

L'article 9 du code de procédure civile dispose que "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."

Sur ce,

L'expert retient, s'agissant des désordres relevés au niveau de la salle de bains et de la cuisine du bien de M. [W], qu'"il a été identifié des sources d'infiltrations au droit de ces désordres en provenance directe des défauts d'étanchéité visibles à l'œil nu en terrasse non accessible sise au-dessus de l'appartement de M. [W] et des pénétrations des DEP dans les murs de maçonnerie de façades.
Ces désordres ont pour origine la vétusté des étanchéités déjà reprises à de multiples occasions. Les désordres constatés restent néanmoins très localisés et n'ont qu'une incidence esthétique sur les ouvrages d'embellissements, ne remettant pas en cause l'usage des lieux".

Il en conclut (page 25 du rapport) qu'il convient de retenir l'entière responsabilité du syndicat des copropriétaires pour ces désordres, "au motif du manque d'entretien d'ouvrages vétustes des parties communes de l'immeuble que sont les étanchéités, les descentes EP et leur traversée dans la maçonnerie, lesquels désordres auraient dû faire l'objet de réparations immédiates afin de ne pas aggraver les désordres dans les parties privatives et les planchers de l'immeuble."

Il s'en déduit que la responsabilité du syndicat des copropriétaires doit être engagée, en application de l'article 14 de loi du 10 juillet 1965, dans la survenance des désordres ayant affecté la salle de bains et la cuisine de l'appartement de M. [W], trouvant leur origine dans les parties communes de l'immeuble.

En revanche, et d'une part, concernant les désordres au niveau du coffrage du radiateur partie basse du mur au droit des colonnes montantes de chauffage et des alimentations privatives de chauffage entre radiateurs, l'expert retient (page 19 du rapport), l'expert indique qu'ils résultent "vraisemblablement de la vétusté des tuyauteries de chauffage", et souligne qu'il ne s'agit pas d'un sinistre visé par l'assignation et entrant dans sa mission.

Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner si, pour ces séries de désordres, il y a lieu de retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires, ce d'autant plus qu'il n'est pas établi avec certitude de lien de causalité avec certains des désordres dénoncés par M. [W].

Il en est de même s'agissant de l'ancien dégât des eaux relevé en chambre-salle de bains côté terrasse [Localité 7] 2, dont il l'origine ni la cause n'ont pas été davantage établies.

D'autre part, s'agissant de la terrasse du lot de M. [W] située [Adresse 5], l'expert mentionne (page 18 du rapport) qu'il n'a été constaté aucune infiltration, nonobstant sa vétusté, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la retenir comme cause du sinistre, le fait qu'elle soit qualifiée de "dangereuse" par l'expert étant inopérant.

Enfin, concernant la terrasse côté [Localité 7], l'expert indique que "les désordres (présence de mousse et de terre dans les joints maçonnés de la façade au droit des baies vitrées) identifiés au droit des baies vitrées situées côté terrasse [Localité 7] proviennent d'un défaut de réalisation desdits joints ou d'un défaut d'entretien, qu'ils sont minimes et ne touchent que ponctuellement les ouvrages d'embellissements au droit".

Sur ce point, les parties s'opposent sur le caractère privatif ou commun de cette terrasse, et partant sur la responsabilité à retenir.

L'emploi par l'expert du terme "terrasse à usage privatif"pour désigner cette terrasse du lot de M. [W] est inopérant, le tribunal n'étant pas lié par cette appréciation factuelle de l'expert.

Le règlement de copropriété, tel que versé au débat, ne contient aucune disposition spécifique, tant dans la description du lot que dans celle des parties communes ou privatives, permettant de considérer, comme le prétend le demandeur, cette terrasse située côté [Localité 7] de "partie commune à jouissance privative".

Ce règlement dispose que "les parties privatives sont celles affectées à l'usage exclusif de chaque copropriétaire et qui sont incluses à l'intérieur de son lot.
Elles comprennent notamment, les revêtements des sols, (…),les fenêtres avec leurs volets roulants ou persiennes, les garde-corps métalliques des fenêtres et balcons, toutes les canalisations intérieures (…) et d'une façon générale tout ce qui est inclus à l'intérieur des locaux. (…) La présente désignation n'est qu'énonciative et non limitative".

Il précise à l'inverse que les parties communes de groupe "comprennent, notamment :

a) la totalité du sol bâti et non bâti,
b) les locaux mis à la disposition du concierge (…)
c) l'usage des parties du sol non bâti, jardinets, cour, jardin,
d) les entrées, la rampe d'accès, l'allée cochère et le dégagement des garages,
e) les canalisations
(…)

g) les fosses sceptiques (…)
h) les plantations et décorations florales des jardinets et aménagements présents et futurs de la cour,
i) les clôtures en maçonnerie, ou métalliques (…) limitant la propriété,
j) les droits et obligations résultant du contrat de cour commune (…).
cette énumération est purement énonciative et non limitative ",
et que les parties communes de l'immeuble comprennent notamment :
a) les gros murs de façade et de refend,
b) les cages d'escaliers et halls d'entrée,
c) les dégagements des chambres des domestiques au rez-de-chaussée (…),
d) l'ossature et les planchers en béton armé,
f) les ornements de façade,
g) les conduits et têtes de cheminées, les conduits d'évacuation des gaz brûlés,
h) les colonnes de chutes et d'écoulement des eaux pluviales et ménagères,
i) les trémies verticales d'alimentation en gaz et électricité (…),
j) les vide ordures (...)
k) les dégagements des caves,
l) les ascenseurs avec leur cage et machinerie,
m) les garages à bicyclette et voitures d'enfants,
n) la chaufferie (…),
o) le local et le suppresseur (…),
Enfin, toutes les parties déclarées par la loi et par l'usage".

Il s'évince de la lecture combinée de ces dispositions issues du règlement de copropriété que la terrasse litigieuse ne fait pas partie des éléments cités comme étant des parties communes, et il n'est pas établi qu'elles auraient été ultérieurement, déclarées comme telles par l'assemblée générale des copropriétaires.

Il doit également tenir compte du fait que cette terrasse n'est accessible que depuis l'appartement de M. [W] et est destiné à son usage exclusif, celui-ci ne se prévalant ni ne justifiant de l'existence d'un autre accès, au profit des autres copropriétaires.

Par conséquent, ladite terrasse litigieuse doit être qualifiée de partie privatice, ce qui exclut dès lors la possibilité de retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires, le défaut de réalisation et/ou d'entretien des joints relevé par l'expert résultant de la seule responsabilité de M. [W], en sa qualité de propriétaire.

En conclusion, la responsabilité du syndicat des copropriétaires sera retenue uniquement concernant la survenance des désordres ayant affecté la salle de bains et la cuisine du bien de M. [W], tels que constatés par l'expert et trouvant leur origine dans l'état fuyard de la toiture terrasse.

Sur la réparation des préjudices

Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des désordres indemnise celui qui les a subis de l'intégralité de ces préjudices.

Il appartient au juge d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe (ex. : Civ. 3ème, 25 janvier 2006, n° 04-20.726).

Au titre du préjudice matériel, M. [W] sollicite le remboursement de frais de remise en état de son appartement.

Compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, seuls les frais de remise en état des lieux atteints par les désordres trouvant leur origine dans l'état fuyard de la toiture terrasse peuvent ouvrir droit à réparation.

Ainsi, il convient de retenir les sommes de 2.365 euros, concernant la remise en état du plafond de la salle de bains, et de 990 euros, concernant le plafond de la cuisine, outre celle de 800 euros correspondant aux frais de remplacement de la descente d'eaux pluviales, l'expert ayant en cours d'expertise donné son accord pour ce remplacement "aux frais avancés du demandeur".

En revanche, en l'absence d'élément permettant de retenir que ces désordres trouvent leur origine dans l'aspect fuyard de la toiture terrasse, il ne sera pas fait droit à la demande de remboursement des frais de remise en état des mur de la chambre située côté [Localité 7].

Il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux demandes de remboursement de M. [W] des frais de remise en état des terrasses et des gardes corps, qui sont des parties privatives en application des dispositions du règlement de copropriété précité.

Il doit en outre être relevé sur ce point que lors de l'assemblée générale de février 2007, dont le procès-verbal n'est que partiellement communiqué au débat, l'autorisation avait été donnée aux copropriétaires de faire réaliser les travaux d'étanchéité des balcons et terrasses à leurs frais.

Si, en page 23 de son rapport, l'expert estime que "M. [W] est bien fondé à demander remboursement sous 5 ans par la copropriété des sommes engagées au titre des rebections des parties privatives", cette appréciation ne lie pas le tribunal, et force est de constater que le demandeur ne justifie, ni en droit ni en fait, du bien fondé de sa demande à ce titre.

Concernant les frais de remplacement des tuyauteries de chauffage, chiffrés à la somme de 4.950 euros, il doit être rappelé que la défectuosité de certains de ces tuyaux, bien que relevé par l'expert, n'entrait pas dans sa mission et qu'il ne ressort pas de ses constatations un lien de causalité certain avec les désordres dénoncés par M. [W].

En outre, l'expert avait également relevé qu'il convenait de distinguer les canalisations parties communes et celles privatives, d'une part, et que toutes n'étaient pas fuyardes, d'autre part.

Or la facture produite au débat concernant ce poste de dépense fait état d'une intervention pour "remplacement de l'ensemble des tuyauteries horizontales de chauffage",

ce qui ne permet pas au tribunal de déterminer si ladite intervention a concerné uniquement des parties privatives ou aussi communes, fuyardes ou saines.

Dans ces conditions, M. [W] ne saurait utilement venir réclamer le remboursement de frais qu'il a engagé volontairement, concernant des travaux portant notamment sur des parties communes ce qu'il ne pouvait, et sans qu'un lien de causalité certain avec tout ou partie du sinistre occasionné chez lui n'ait été démontré.

Par conséquent sa demande en paiement de ce chef sera rejetée.

M. [W] sollicite également la condamnation du syndicat des copropriétaires à prendre en charge la somme globale de 2.221,19 euros au titre des frais de suivi des travaux (facture de la SAS JB Partners du 22 février 2014, d'un montant de 1.080 euros), et des honoraires de l'architecte de la SAS Saretec (facture du 28 octobre 2013, d'un montant de 1.114,19 euros).

Or il n'est pas justifié en quoi l'engagement de ces frais, décidé unilatéralement par le demandeur, était utile et nécessaire, alors que les opérations expertales étaient alors en cours au moment de l'intervention de chacune de ces sociétés.

Par conséquent, il ne saurait être fait droit à la demande en paiement de ce chef.

Enfin, la demande tendant à la prise en charge du coût du déménagement et d'entreposage des meubles de M. [W] durant la période des travaux sera également rejetée dès lors qu'il n'est pas établi que ce déménagement a été rendu obligatoire par les travaux à effectuer, l'expert relevant d'ailleurs qu'une simple protection adéquate des meubles dans le cadre de travaux réalisés par des professionnels est suffisant ; cette demande ne saurait donc davantage aboutir.

Au total il est donc alloué à M. [W] au titre du préjudice matériel la somme globale de (2.365 + 990 + 800) 4.155 euros.

Concernant la demande indemnitaire pour préjudice de jouissance, que M. [W] chiffre à la somme de 192.000 euros, il doit être relevé d'une part que ce préjudice ne saurait être constitué d'une perte de loyers ou à minima d'une perte de chance de pouvoir mettre en location le bien, le demandeur reconnaissant lui-même dans ses écritures ne pas avoir fait une quelconque démarche en ce sens.

Il doit également être tenu compte du fait que les désordres dénoncés, circonscrits, n'ont jamais rendu l'appartement inhabitable, comme relevé par l'expert judiciaire, et ce même pendant la période de travaux de remise en état.
Bien qu'il le soutienne, M. [W] ne justifie pas en quoi le caractère de "dangerosité" de la terrasse située côté [Adresse 5], l'a empêché de disposer, ne serait-ce que partiellement, de son bien.

Compte tenu de ces éléments, ainsi que l'ampleur très limitée des désordres pour la survenance desquels le syndicat des copropriétaires est tenu responsable, le tribunal estime que le préjudice de jouissance subi par M. [W], entre le mois d'octobre 2012, date de leur première constatation, et le 19 mai 2014, la date du dépôt du rapport d'expertise soit 19 mois, doit être quantifié à une somme mensuelle de 200 euros.

Enfin, si M. [W] se prévaut d'une attitude d'opposition systématique et d'une mauvaise foi du syndicat des copropriétaires, cet élément contextuel, à le supposer avéré, ne pourrait ouvrir droit qu'à réparation d'un préjudice moral, ce qui n'est pas réclamé, fût-ce à titre subsidiaire.

Il convient dès lors d'accorder à M. [W] la somme de (200 x 19) 3.800 euros, en réparation de son préjudice de jouissance, le surplus injustifié devant être rejeté.

Les sommes allouées à M. [W] en réparation de ses préjudices porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, compte tenu de leur caractère indemnitaire.

Sur les demandes accessoires

Partie succombante au litige, le syndicat des copropriétaires doit être condamné aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 5.579,89 euros, et dont distraction au profit de Me Dony.

Il doit également être condamné à verser à M. [W] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La nature et l'ancienneté du litige commandent d'ordonner l'exécution provisoire.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, à payer à M. [B] [T] [L], dit [W] les sommes suivantes, portant intérêts au taux légal à compter du présent jugement :

- 4.155 euros au titre du préjudice matériel,
- 3.800 euros au titre du préjudice de jouissance,

REJETTE le surplus des demandes en paiement de M. [B] [T] [L], dit [W],

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, à payer à M. [B] [T] [L], dit [W] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

PRONONCE l'exécution provisoire de la présente décision,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, et dont distraction au profit de Me Vincent Dony,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 12 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/12342
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;19.12342 ?
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