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12/03/2024 | FRANCE | N°19/00780

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 12 mars 2024, 19/00780


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
à Maître BAROUSSE et à Maître LAUNEY

Copie certifiée conforme délivrée le :
à Maître ISTRIA





8ème chambre
1ère section


N° RG 19/00780
N° Portalis 352J-W-B7D-COXMC


N° MINUTE :


Assignation du :
04 Janvier 2019








JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024

DEMANDERESSE

Société PRADA RETAIL FRANCE, représentée par Monsieur [T] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]


représentée par Maître Anne-Laure ISTRIA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0260


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaire du [Adresse 1] - [Localité 3] représenté par son syndic en exercice, la ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
à Maître BAROUSSE et à Maître LAUNEY

Copie certifiée conforme délivrée le :
à Maître ISTRIA

8ème chambre
1ère section


N° RG 19/00780
N° Portalis 352J-W-B7D-COXMC

N° MINUTE :

Assignation du :
04 Janvier 2019

JUGEMENT
rendu le 12 Mars 2024

DEMANDERESSE

Société PRADA RETAIL FRANCE, représentée par Monsieur [T] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Anne-Laure ISTRIA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0260

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaire du [Adresse 1] - [Localité 3] représenté par son syndic en exercice, la société CGA Copro
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Rémi BAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2156

Décision du 12 Mars 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 19/00780 - N° Portalis 352J-W-B7D-COXMC

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.C.I. [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Stéphane LAUNEY de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, vestiaire #P0133

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

assistée de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats et, de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience du 10 Janvier 2024
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

La SCI [Adresse 1] (ci-après "la SCI Matignon") et la SAS Prada Retail France (ci-après "la société Prada") sont copropriétaires de plusieurs lots au sein de cet immeuble.

La société Prada est également locataire d'autres lots au sein du même immeuble.

Lors l'assemblée générale des copropriétaires le 25 octobre 2018, une résolution n°25 tendant à permettre "l'accès libre à l'immeuble de 9.00 à 19.00 du lundi au vendredi" a été rejetée.

Par acte d'huissier du 4 janvier 2019, la société Prada a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, représenté par son syndic en exercice, afin d'obtenir l'annulation de ladite résolution, objet de la présente procédure.

Par acte du même jour du 4 janvier 2019, la société Prada a également saisi le juge des référés afin d'obtenir la suspension de la résolution n°25 de l'assemblée générale du 25 octobre 2018 précitée et le retrait du dispositif de fermeture de l'immeuble sous astreinte.

Une mesure de médiation a été décidée par le juge des référés, au cours de laquelle la société Prada et le syndicat des copropriétaires ont trouvé un point d'accord devant être approuvé par le conseil syndical au plus tard le 22 mai 2019, ce qui n'a pas été le cas.

Lors de l'assemblée générale extraordinaire tenue le 25 septembre 2019, convoquée à l'initiative de la société Prada, une résolution n°2 a été adoptée, tendant à l'approbation de l'accord précité, non approuvé par le conseil syndical.

Suivant exploit délivré le 29 novembre 2019, la SCI Matignon et la SCI MJ Matignon, autre copropriétaire au sein de l'immeuble, ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] en annulation de la résolution n° 2 précitée, pour violation des règles de majorité, objet de la procédure RG n°19/14246.

Dans le cadre de cette procédure, par ordonnance du 07 juillet 2022, le juge de la mise en état a reçu l'intervention volontaire de la société Prada et a ordonné un sursis à statuer "jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne dans la procédure distribuée devant la 8ème chambre 1ère section du tribunal judiciaire de Paris enregistrée sous le n°RG 19/00780".

Dans la présente procédure, la SCI Matignon est intervenue volontairement à la procédure par conclusions signifiées le 11 octobre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 03 février 2023, la société Prada demande au tribunal de :

"Vu l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu le règlement de copropriété en date du 16 janvier 1964,
- Juger la société Prada recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
Ce faisant,
- Rejeter la demande du syndicat des copropriétaires tendant à voir écarter des débats l'accord de médiation en date du 21 mai 2019,
- Juger que le dispositif de fermeture de l'immeuble situé [Adresse 1] - [Localité 3], mis en place par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, sur le fondement de la résolution n°25 de l'assemblée générale en date du 25 octobre 2018, constitue une violation du règlement de copropriété en date du 16 janvier 1964,

- Juger que le dispositif de fermeture de l'immeuble situé [Adresse 1] - [Localité 3], mis en place par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, sur le fondement de la résolution n°25 de l'assemblée générale en date du 25 octobre 2018, constitue une violation de l'article 26 c) de la loi du 10 juillet 1965,
- Prononcer la nullité de la résolution n°25 de l'assemblée générale des copropriétaires en date du 25 octobre 2018,
- Condamner le syndicat des copropriétaires à faire retirer le dispositif de fermeture de l'immeuble situé [Adresse 1] - [Localité 3], sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, suivant le délai d'un mois après la notification de la décision à intervenir,
- Débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,
- Débouter la SCI [Adresse 1] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause :
- Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] - [Localité 3] à payer à la société Prada la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] - [Localité 3] aux entiers dépens."

A titre liminaire, en réponse au moyen adverse tendant à voir écarter des débats l'accord trouvé entre elle-même et le syndicat des copropriétaires au cours de la médiation prononcée dans le cadre de la procédure de référé, la société Prada l'estime dénué de pertinence dès lors que ledit accord a été validé par l'assemblée générale du 25 septembre 2019 et qu'il a été produit pour la clarté des débats.

Sur le fond, au soutien de sa demande principale en annulation de la résolution n°25 de l'assemblée générale du 25 octobre 2018, la société Prada se prévaut de la violation des articles 24 et 26 c) de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au moment de l'assemblée litigieuse.

Elle prétend ainsi que la résolution querellée est irrégulière en ce qu'elle aurait dû faire l'objet de deux votes distincts, le premier portant autorisation des travaux affectant les parties communes et destinés à améliorer la sécurité des personnes et des biens au moyen d'un dispositif de fermeture, et le second devant déterminer les périodes d'ouverture de l'immeuble, pour permettre l'exercice des activités prévues au sein de la copropriété.

Elle prétend également que le rejet de cette résolution constitue un trouble manifestement illicite dès lors qu'elle porte atteinte aux modalités d'exploitation de son activité exercée au sein de l'immeuble, empêchant un accès par l'entrée principale de l'immeuble à ses salariés, ainsi qu'une violation des dispositions du règlement de copropriété, qui prévoit une destination mixte, d'habitation et de bureau, dudit immeuble, d'une part, ainsi qu'une utilisation libre de l'entrée principale, de l'escalier principal et de l'ascenseur, d'autre part.

Elle critique le fait d'avoir été destinataire d'une quantité minimale de badges d'accès et de ce que désormais, ses salariés doivent emprunter l'entrée et l'escalier de service, les obligeant à passer par les caves, ce qu'elle qualifie "d'utilisation indécente des lieux" et empêche une jouissance paisible des lots dont elle est locataire.

Elle soutient enfin que, contrairement à ce qu'affirment les parties adverses, aucune autorisation n'a été donnée par le syndicat des copropriétaires pour la mise en place d'un système de double fermeture de l'immeuble, avec accès limité par badge et interphone, ce qui est irrégulier, ce d'autant plus qu'aucun horaire d'ouverture n'a été précisé.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 11 avril 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

"Ecarter la pièce n° 9 produite par la société Prada et toutes mentions dans ses écritures relatives à un accord de médiation ;
- Débouter la société Prada Retail France de toutes ses demandes ;
- Condamner la société Prada Retail France à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Prada Retail France aux entiers dépens."

Le syndicat des copropriétaires sollicite en premier lieu que soit écarté des débats l'accord de médiation produit par la société Prada, arguant de la caducité dudit accord en l'absence d'approbation par le conseil syndical.

Il conteste en second lieu, sur le fond, les motifs allégués par la société Prada pour l'annulation de la résolution querellée.

Il prétend ainsi et d'une part que le système de fermeture de l'immeuble et d'accès par code et badges était préexistant à ladite résolution, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de faire un vote portant sur des travaux éventuels ni sur la nécessité d'horaires d'ouverture.

Il prétend d'autre part que la fermeture d'un immeuble étant désormais la règle, dans un souci de protection accrue des personnes et des biens, aucun vote sur ce point n'était obligatoire ni nécessaire.

Le syndicat des copropriétaires rappelle en outre que la société Prada exerce, au sein de l'immeuble, une activité de bureaux et soutient qu'il n'est porté aucune atteinte à ses modalités d'exercice, les salariés ayant toujours un accès à l'immeuble par la porte de service, librement ouverte sans badge ni vigik, et que la fermeture de l'entrée principale est conforme aux termes du règlement de copropriété qui distingue, à dessein, l'utilisation de l'entrée principale et celle de service pour limiter les allers et venues dans le hall principal et préserver le standing de l'immeuble.

Enfin, il soulève que même s'il était fait droit à la demande d'annulation de la résolution n°25, cela n'entraînerait pas automatiquement un libre accès à l'immeuble, le système d'accès par code et badges restant en fonctionnement, de sorte qu'un nouveau vote sur des modalités d'ouverture de la porte principale devrait se tenir.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, la SCI Matignon demande au tribunal de :

"Recevoir la SCI [Adresse 1] en son intervention volontaire ;
- Rejeter la demande en nullité formée par Prada à l'encontre de la délibération n°25 de l'assemblée générale des copropriétaires du 25 octobre 2018".

La SCI Matignon reprend en substance les mêmes arguments que ceux avancés par le syndicat des copropriétaires.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 juin 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 10 janvier 2024, a été mise en délibéré au 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de "juger"

Il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais sont la reprise des arguments développés dans les écritures des parties.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la SCI Matignon

L'article 66 du code de procédure civile dispose que constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsqu'elle émane du tiers, l'intervention est volontaire.

L'article 325 du même code précité dispose en outre que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Sur ce,

Il convient de recevoir la SCI Matignon en son intervention volontaire, dont la recevabilité ne fait l'objet d'aucune contestation par les autres parties.

Sur la demande d'écarter des débats la pièce n° 9 produite par la société Prada

L'article 131-14 du code de procédure civile énonce que "les constatations du médiateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d'une autre instance".

Sur ce,

La pièce litigieuse n°9, produite aux débats par la société Prada, intitulée " accord de médiation " a été rédigée à l'issue d'une mesure de médiation prononcée dans le cadre d'une procédure de référé, distincte de celle objet du présent jugement.

Pour autant, force est de constater qu'elle ne contient aucune constatation faite par le médiateur au cours de la mesure, ni aucune déclaration qu'il a pu recueillir durant sa mission.

Elle consiste uniquement à mettre par écrit les points sur lesquels la société Prada et le syndicat des copropriétaires avaient trouvé un accord, dans le but de les soumettre à la validation du conseil syndical.

Il n'est pas contesté que la teneur de ce document a d'ailleurs, effectivement, été soumise aux membres du conseil syndical puis dans un second temps au syndicat des copropriétaires.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats et la demande du syndicat des copropriétaires à ce titre sera rejetée.

Sur la demande principale en annulation de la résolution n°25 de l'assemblée générale du 25 octobre 2018

L'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au litige, prévoit que "Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés, s'il n'en est autrement ordonné par la loi.
II.-Sont notamment approuvés dans les conditions de majorité prévues au I :
a) Les travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble ainsi qu'à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l'immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d'assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d'équipement définies par les dispositions prises pour l'application de l'article 1er de la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l'amélioration de l'habitat ; (...)".

L'article 26 c) de la loi du 10 juillet 1965 précitée, dans sa rédaction applicable au litige, disposait en outre que "Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :
(...)

c) Les modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles. En cas de fermeture totale de l'immeuble, celle-ci doit être compatible avec l'exercice d'une activité autorisée par le règlement de copropriété ; (...)".

L'article 17 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises en assemblée générale.

L'assemblée générale a l'obligation d'émettre un vote séparé sur chacune des questions figurant à l'ordre du jour ; un seul vote bloqué sur plusieurs des questions inscrites est nul, en vertu du principe de l'autonomie des décisions et de la spécificité des majorités.

L'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 dispose notamment qu'au sein d'une copropriété, le "règlement conventionnel de copropriété détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance (...)".

Il précise en son alinéa 2 que ce règlement de copropriété "ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation".

Sur ce,

La résolution querellée était libellée ainsi, aux termes du procès-verbal produit au débat :
"25. Accès libre à l'immeuble
article 26, majorité en nombre et 2/3 des voix
L'accès libre à l'immeuble doit être voté à la double majorité de l'article 26. En l'absence de vote affirmatif, la porte d'entrée devra rester fermée et l'accès à l'immeuble devra se faire par code et badge.

Il est procédé au vote de la résolution suivante sur la clé 01 Charges générales :

Résolution :
L'assemblée générale permet l'accès libre à l'immeuble de 9 :00 à 19:00 du lundi au vendredi

Ont participé au vote 11 copropriétaire(s) présent(s) ou représenté(s) sur 15, représentant 8483/10031 tantièmes.

Mise aux voix, cette résolution a donné lieu au vote suivant :
3725/10031Votes POUR2/15
4103/10031Votes CONTRE8/15
655/10031Votes ABSTENTION1/15

Cette résolution est rejetée à la majorité de l'article 26."

Sur le moyen allégué par la société Prada tenant à la nécessité prétendument non-respectée d'un double vote portant d'une part sur les travaux de fermeture de l'immeuble et d'autre part sur les modalités d'accès, il doit être relevé que la résolution querellée avait un objet unique, les modalités horaires d'ouverture de l'immeuble,

sans que soit en outre soumis en même temps, au même vote, la question d'éventuels travaux éventuellement subséquents.

Il doit en outre être relevé qu'il ressort des éléments au débat que le dispositif de fermeture de l'entrée principale de l'immeuble, par digicode et badge, était préexistant au vote de cette résolution.

De même, s'il s'évince d'un mail du syndic de l'immeuble du 17 décembre 2018 que le rejet de la résolution critiquée rend nécessaire l'installation " d'un digicode avec pass " au niveau de l'entrée de service, et que ces travaux auraient dû faire l'objet d'un vote, à la majorité de l'article 24, il ne peut être considéré que cette question était incluse dans la résolution précitée, dont les termes sont clairs et dépourvus d'ambiguïté quant à son objet.

Par conséquent ce premier moyen ne saurait être retenu.

S'agissant de la prétendue violation du règlement de copropriété, il est constant que ledit règlement prévoit une destination mixte de l'immeuble, à usage d'habitation, de bureau et de commerce.

La société Prada exerce une activité de bureaux au sein de l'immeuble, y ayant installé son siège social ; or la fermeture des accès, principal et de service, par un système de digicode/interphone et de badge, ne constitue pas une atteinte à cette destination, les salariés de la société demanderesse disposant d'un accès libre à leurs locaux par le biais de l'escalier de service, non-contesté, d'une part, et pouvant par le biais de l'interphone, procéder à l'ouverture à distance de la porte principale pour des tiers clients notamment, d'autre part.

Le règlement de copropriété prévoit en outre, en son article 5, que "l'entrée principale, l'escalier principal et son ascenseur ne peuvent être utilisés que par des copropriétaires ou locataires de l'immeuble, leur famille, les directeurs et chefs de service des entreprises commerciales locataires, les personnes et leur clients qui viennent leur rendre visite.
Les domestiques, les employés subalternes des entreprises commerciales, les livreurs, etc... ne pourront utiliser que l'entrée de service et les escaliers de service."

Or, il n'est pas contesté que la société Prada, en sa double qualité de copropriétaire et de locataire de locaux au sein de l'immeuble, bénéficie d'un accès par l'escalier principal, ses cadres dirigeants s'étant vus attribuer trois badges, conformément aux dispositions précitées du règlement de copropriété.
En revanche, il est logique que ses salariés, qui ne sont ni copropriétaires ni locataires stricto sensu des locaux et ne peuvent davantage être classés dans l'une ou l'autre des catégories pour lesquelles le règlement prévoit un accès par l'entrée principale, bénéficient uniquement d'un accès par l'entrée de service, ce d'autant plus au vu de leur nombre important (80).

Cette organisation, prévue clairement par le règlement de copropriété dont la société Prada n'a pu qu'avoir connaissance, a pour but de préserver les copropriétaires et habitants de l'immeuble de trop nombreux allers-venues et d'une présence excessive de tiers à la copropriété, en journée, ce qui est une préoccupation légitime, en préservation de laquelle le dispositif de fermeture querellé a notamment été mis en place.

Aucune violation du règlement de copropriété ne saurait dès lors être retenue.

S'agissant des moyens tenant à une violation de l'article 26 c) de loi du 10 juillet 1965 et du prétendu trouble illicite causé aux modalités d'exploitation de son activité par la société Prada, rappelons que la disposition susvisée pose comme principe la fermeture d'un immeuble en copropriété, avec possibilité ensuite pour le syndicat des copropriétaires de prévoir, en assemblée générale, des modalités d'accès à l'immeuble pour permettre le respect de sa destination et donc notamment l'exercice d'activités professionnelles en son sein.

Or, si l'assemblée générale a, de façon souveraine, rejeté la proposition d'une libre ouverture de l'entrée principale selon des horaires classiques de bureaux en semaine, cela n'a pas eu pour conséquence une fermeture totale et définitive dudit immeuble dès lors que son accès est resté possible, la première porte principale étant librement ouverte, d'une part, la seconde porte principale pouvant s'ouvrir à distance par le biais du badge, pour ceux qui en disposent, ou par l'activation de l'interphone, pour les autres, d'autre part, et l'entrée de service étant au demeurant librement accessible sur une large plage horaire en semaine, enfin.

Si la société Prada s'offusque de ce que ses salariés doivent passer par cette entrée de service, qu'elle qualifie "d'indécente", elle succombe à le caractériser, le procès-verbal de constat d'huissier versé au débat sur ce point, daté du 27 décembre 2018, montrant que ladite entrée est située à proximité directe de celle principale, qu'elle est donc facile d'accès, que les couloirs devant être traversés sont dans un état correct, sans aucun élément d'insalubrité manifeste.

Les quelques éléments de vétusté et/ou de saleté relevés (carrelage tâché/cassé à certains endroits, sol poussiéreux et présentant parfois des traces de fêlure) peuvent être portés à la connaissance du syndic et du syndicat des copropriétaires pour envisager la question d'une rénovation, en tout ou partie, dudit escalier, et d'un meilleur nettoyage des lieux, mais ne constituent pas, comme le prétend la société Prada, des conditions d'accès "indignes" pour quelque personne que ce soit.

Il en est de même du fait, relevé par l'huissier, de devoir passer devant le local poubelles de l'immeuble pour accéder aux locaux de la société Prada, ce qui en outre est une configuration relativement usuelle au sein des immeubles parisiens, s'agissant des lots situés en rez-de-chaussée ou sur cour.

Enfin, la présence d'un échafaudage au sein de la cour de l'immeuble, s'il peut complexifier l'accès aux locaux de la société Prada situés en fond de cour, ne saurait pour autant être retenue comme constituant un trouble illicite à l'exercice par cette dernière de son activité dès lors que cette installation, à vocation temporaire, s'explique par la nécessité de conduire des travaux d'ampleur, dans l'intérêt collectif des copropriétaires et doit donc être supporté le temps de réalisation de ces travaux.

Enfin, le moyen tenant au caractère illicite de la fermeture de l'immeuble ne saurait davantage prospérer dès lors que comme déjà mentionné, le principe posé par l'article 26 c) de loi du 10 juillet 1965 est celui de la fermeture d'un immeuble, et n'a donc pas à faire l'objet d'une autorisation préalable du syndicat des copropriétaires.

Ainsi, la société Prada succombe à établir en quoi la résolution querellée devrait être annulée, ne se prévalant d'aucun moyen utile à cette fin.

Par conséquent, elle doit être déboutée de sa demande tendant à l'annulation de la résolution n°25 de l'assemblée générale du 25 octobre 2018.

Sa demande additionnelle tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires à faire retirer le dispositif de fermeture litigieux, outre qu'elle n'est motivée ni en fait ni en droit, devient sans objet et sera donc également rejetée.

Sur les demandes accessoires

Succombant en sa prétention principale, la société Prada doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La nature et l'ancienneté du litige commandent d'ordonner l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

RECOIT la SCI [Adresse 1] en son intervention volontaire,

REJETTE la demande formée par le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] à [Localité 3] tendant à voir écarter des débats la pièce n°9 versée par la SAS Prada Retail France,

DEBOUTE la SAS Prada Retail France de l'ensemble de ses prétentions,

CONDAMNE la SAS Prada Retail France à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice, une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Prada Retail France aux dépens,

PRONONCE l'exécution provisoire de la présente décision,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes,

Fait et jugé à Paris le 12 Mars 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/00780
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;19.00780 ?
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