La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2024 | FRANCE | N°23/58797

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 11 mars 2024, 23/58797


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


â– 





N° RG 23/58797 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3HV3

AS M N° : 12

Assignation du :
20 Novembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 11 mars 2024



par Marie-Hélène PENOT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSE

S.C.I. TISSOIRE8
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Jean-franÃ

§ois FAOU, avocat au barreau de PARIS - #C1256


DEFENDERESSE

S.A.R.L. PASTA’CO
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Me Delphine MARATRAY-BACCUZAT, avocat au barreau de P...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

â– 


N° RG 23/58797 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3HV3

AS M N° : 12

Assignation du :
20 Novembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 11 mars 2024

par Marie-Hélène PENOT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDERESSE

S.C.I. TISSOIRE8
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Jean-françois FAOU, avocat au barreau de PARIS - #C1256

DEFENDERESSE

S.A.R.L. PASTA’CO
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Me Delphine MARATRAY-BACCUZAT, avocat au barreau de PARIS - #B1066

DÉBATS

A l’audience du 07 Février 2024, tenue publiquement, présidée par Marie-Hélène PENOT, Juge, assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte du 21 avril 2022, la société civile immobilière TISSOIRE8 a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée PASTA'CO des locaux situés [Adresse 3], moyennant un loyer annuel en principal de 22800 euros, hors charges et hors taxes, payable d'avance à une fréquence trimestrielle.

Par acte d'huissier délivré le 28 juin 2023, le bailleur a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire, d'une part de payer la somme de 6574,04 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 22 juin 2023, augmentée du coût de l'acte, d'autre part de justifier de l'assurance imposée par les stipulations du bail.

Par exploit d'huissier délivré le 20 novembre 2023, la société TISSOIRE8 a fait assigner la société PASTA'CO devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé, aux fins de voir
-constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;
-ordonner l'expulsion de la société PASTA'CO et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est,
-ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée ;
-condamner la société PASTA'CO à payer à la société TISSOIRE8 la somme provisionnelle de 12916,25 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois de novembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance du commandement ;
-condamner la société PASTA'CO au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du loyer augmenté des charges, jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l'expulsion du défendeur ;
-condamner la société PASTA'CO au paiement d'une somme de 1800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût du commandement.

A l'audience du 7 février 2024, la société TISSOIRE8, par l'intermédiaire de son conseil, maintient les prétentions de son exploit introductif d'instance et les moyens qui y sont contenus, en actualisant à 14 664,91 euros le quantum de sa demande de provision. Elle précise ne pas s'opposer à la demande reconventionnelle tendant à l'octroi de délais de paiement.

Aux termes de ses conclusions oralement soutenues, la société PASTA'CO sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire et le bénéfice de délais de paiement.

L'état des privilèges et publications ne mentionne aucun créancier inscrit sur le fonds de commerce.

Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l'exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation introductive d'instance et aux écritures déposées et développées oralement à l'audience.

MOTIFS

- Sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes

L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail et la résiliation de droit d'un bail.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le bailleur, au titre d'un bail commercial, demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d'une clause contenue à l'acte à cet effet, à condition que :
- le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
- le bailleur soit, de toute évidence, en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
- la clause résolutoire soit dénuée d'ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.

En l'espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

Le bail comprend une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou d'inexécution d'une clause quelconque du contrat et un mois après la délivrance d'un commandement de payer demeuré infructueux.

Il n'est soulevé aucune contestation quant aux conditions de délivrance et quant aux mentions du commandement de payer, lequel porte sur la somme de 6574,04 correspondant à l'arriéré de loyer et charges incluant l'échéance du deuxième trimestre 2023.

Les causes de ce commandement n'ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.

Il n'est pas davantage soulevé de contestation quant aux conditions de délivrance et aux mentions du commandement d'avoir à justifier de l'assurance garantissant les lieux loués, qui se réfère à une obligation à laquelle la société PASTA'CO ne conteste pas être assujettie en application du bail.

La société défenderesse ne justifie pas avoir satisfait à l'injonction du bailleur et lui avoir transmis une attestation d'assurance dans le mois.

Sur la demande de provision au titre de l'arriéré locatif

L'article 835 alinéa 2 du Code de procédure dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.

Aux termes de l'article 1353 du Code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon le décompte versé aux débats, dont le quantum n'est pas contesté par la preneuse, le solde de la dette s'élève à la somme de 14664,91 euros au 7 février 2024, ce montant incluant l'échéance de loyer afférente au premier trimestre 2024 après déduction du paiement de 2125 euros opéré dans les jours précédant l'audience.

Aussi la société PASTA'CO sera-t-elle condamnée à verser à la société TISSOIRE8 la somme de 14664,91 euros à titre provisionnel.

Sur la demande de délais de paiement

L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années.

Aux termes de l'article L145-41 alinéa second, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En application de ces dispositions, le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire, quel que soit le motif invoqué comme manquement du preneur à ses obligations.

En l'espèce, la société PASTA'CO sollicite de se voir autoriser à apurer sa dette dans un délai de vingt-quatre mois ; la bailleresse précise s'en rapporte quant à cette demande.

En premier lieu, il est relevé que le commandement de payer a été délivré après le défaut de paiement d'une unique échéance de loyers. De surcroît, il ressort du décompte manuellement et conjointement actualisé par les parties que plusieurs paiements partiels ont été réalisés en cours d'instance, démontrant la sincérité des efforts entrepris par la locataire.

Par ailleurs, la société bailleresse ne fait état d'aucun élément de nature à démontrer que l'octroi de délais de paiement serait de nature à lui porter gravement préjudice, pas davantage qu'elle n'argumente sa position tendant au rejet de toute demande de délais de paiement.

Dès lors, la demande de délai de paiement peut être accueillie et les effets de la clause résolutoire seront suspendus durant le délai accordé.

Il sera parallèlement accordé à la société preneuse un délai d'un mois pour justifier auprès du bailleur d'une assurance garantissant le local loué.

A défaut de respect de ces délais, la clause résolutoire reprendra son plein effet. L'expulsion du preneur sera ordonnée, et le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Le cas échéant, l'indemnité d'occupation à titre provisionnel sera égale au montant du dernier loyer tel qu'il résulterait de la poursuite du contrat outre les charges, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés.

Sur les mesures accessoires

L'article 491 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L'article 696 dudit code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Succombant, la société PASTA'CO doit supporter la charge des dépens conformément aux dispositions sus-visées.

L'article 700 du Code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, 2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.

Condamnée aux dépens, la société PASTA'CO sera tenue au paiement d'une somme que l'équité commande de limiter à 1000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par la société demanderesse.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,

Constatons la réunion des conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 28 juillet 2023 à minuit, par l'effet du commandement de payer délivré le 28 juin 2023 ;

Condamnons par provision la société PASTA'CO à payer à la société TISSOIRE8 la somme de 14664,91 euros à valoir sur les loyers, charges et accessoires arrêtés au 7 février 2024 (premier trimestre 2024 inclus) ;

Suspendons rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire, sous la condition que la société PASTA'CO verse à la société TISSOIRE8 la somme de quatorze mille six cent soixante-quatre euros et quatre-vingt-onze centimes (14664,91 euros) selon les modalités suivantes :
-un versement de deux mille cent vingt-cinq euros (2125 euros) au plus tard le 5 mars 2024 ;
-vingt-trois versements mensuels d'un montant de cinq cent vingt-trois euros (523 euros) suivis d'un versement du solde, chaque paiement devant intervenir au plus tard le 10 de chaque mois à partir du mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

Constatons la réunion des conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 28 juillet 2023 à minuit, par l'effet du commandement de justifier d'une assurance délivré le 28 juin 2023 ;

Suspendons rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire, sous la condition que la société PASTA'CO justifie auprès de la société TISSOIRE8 de la souscription d'une assurance garantissant les locaux au plus tard dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

Disons qu'à défaut de respect des délais accordés ou à défaut de paiement à bonne date des échéances de loyers, charges et accessoires courants, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception :
- l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,
- les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,
- la clause résolutoire produira son plein et entier effet,
- il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à l'expulsion de la société PASTA'CO des lieux loués qu'elle occupe [Adresse 3] et de tous occupants de son chef,
- la société PASTA'CO devra payer à la société TISSOIRE8, à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, une somme égale au montant du loyer résultant du bail, sans majoration, outre les charges, taxes et accessoires, à compter de la date de prise d'effet de la clause résolutoire et jusqu'à la libération effective des lieux par l'expulsion des occupants ou la remise des clés ;
- le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera réglé par les dispositions du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamnons la société PASTA'CO aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement délivré le 28 juin 2023 ;

Condamnons la société PASTA'CO à payer à la société TISSOIRE8 la somme de mille euros (1000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons toutes les autres demandes des parties ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 11 mars 2024

Le Greffier,Le Président,

Anne-Sophie MORELMarie-Hélène PENOT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/58797
Date de la décision : 11/03/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée en référé avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-11;23.58797 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award