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11/03/2024 | FRANCE | N°23/08412

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 11 mars 2024, 23/08412


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 11/03/2024
à : Maitre Thomas GHIDINI


Copie exécutoire délivrée
le : 11/03/2024
à : Maitre Jean-jacques DUBOIS

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 23/08412
N° Portalis 352J-W-B7H-C3FTL

N° MINUTE : 1/2024


ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 11 mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [L] [E] épouse [G], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maitre Thomas GHIDINI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : #G0115>

DÉFENDERESSE

Madame [K] [S], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maitre Jean-jacques DUBOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0110


COMPOSI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 11/03/2024
à : Maitre Thomas GHIDINI

Copie exécutoire délivrée
le : 11/03/2024
à : Maitre Jean-jacques DUBOIS

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 23/08412
N° Portalis 352J-W-B7H-C3FTL

N° MINUTE : 1/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 11 mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [L] [E] épouse [G], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maitre Thomas GHIDINI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : #G0115

DÉFENDERESSE

Madame [K] [S], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maitre Jean-jacques DUBOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0110

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Françoise THUBERT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection
assistée de Delphine VANHOVE, Greffière,

DATE DES DÉBATS

Audience publique du 20 février 2024

ORDONNANCE

contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 11 mars 2024 par Françoise THUBERT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Delphine VANHOVE, Greffière

Décision du 11 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/08412 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3FTL

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 30/06/2005 à effet au 01/07/2005, Mme [G] [L] a donné à bail à usage d’habitation à Mme [S] [K] un appartement situé au [Adresse 2] pour une durée de 3 ans, moyennant un loyer de 850 euros et 134 euros de provisions sur charges.

Par acte d’huissier signifié le 05/05/2022, Mme [E] [L] épouse [G] a délivré congé pour le 30/06/2023 à minuit, à Mme [S] [K] aux fins de reprise du logement pour y loger sa fille Mme [G] [F], née le 20/08/1997 et demeurant [Adresse 1] à [Localité 6]. Il est précisé « le caractère réel et sérieux de cette décision de reprise vous est justifié par les éléments suivants : Mme [E] souhaite donner congé à Mme [S] dans le but d’installer sa fille dans l’appartement, puisqu’elle finit ses études de commerce à l’école [5] à [Localité 3] et vient s’installer à [Localité 7] pour travailler au sein de l’entreprise DASSAULT SYSTEMES en septembre 2022 ».

Le conseil de Mme [E] [L] épouse [G] a sollicité des dates pour visiter les lieux le 24/11/2022 et Mme [S] [K] y a répondu le 06/12/2022.

Par LRAR du 01/06/2023 non réclamée, Mme [S] [K] a exposé ne pouvoir trouver de logement dans l’immédiat et a fait part de son âge et ses ressources, indiquant que le bailleur devait lui proposer un relogement adapté.

Elle a le 16/06/2023 adressé copie de ce courrier par mail à Mme [E] [L] épouse [G].

Des échanges ont eu lieu entre Mme [S] [K] et le conseil de Mme [E] [L] épouse [G] sur une date de sortie des lieux, le conseil de Mme [E] [L] épouse [G] mettant en demeure Mme [S] [K] de restituer les lieux par LRAR du 12/07/2023 reçue le 19/07/2023 ;

Mme [S] [K] a maintenu sa contestation, dans son dernier mail du 28/08/2023.

Par acte de commissaire de justice 07/09/2023, Mme [E] [L] épouse [G] a fait assigner Mme [S] [K] en référé devant le juge des contentieux de la protection aux fins de :

Voir recevoir Mme [E] [L] épouse [G] en sa demande Voir constater que Mme [S] [K] qui « squatte » l’appartement loué, est occupante sans droit ni titreVoir ordonner l’expulsion de Mme [S] [K], occupante sans droit ni titre, avec assistance de la force publiqueVoir supprimer le délai de deux mois de l’article 62 de la loi du 09/07/1991Voir condamner Mme [S] [K] à lui payer une somme de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, relatif aux dépens
L’affaire a été renvoyée au 04/01/2024 en référé, puis au 20/02/2024 et retenue à cette date.

Mme [E] [L] épouse [G] maintient toutes ses demandes. Elle soutient que les contestations formées par Mme [S] [K] ne sont pas sérieuses.
Sur l’emploi de sa fille et son domicile actuel, elle indique apporter les éléments de preuve. Elle n’ajoute pas de précision sur les preuves de la filiation.
Sur les conditions de l’article 15 III de la loi du 06/07/89, elle indique qu’elle ignorait la situation de Mme [S] [K]. Elle prend acte de l’âge de 72 ans de Mme [S] [K] ; sur ses revenus elle note que selon avis d’imposition 2023 sur revenus 2022, le revenu fiscal de référence de Mme [S] [K] est de 23645 euros, mais que s’y ajoute des revenus de remplacements étrangers pour 2 x 2644 euros, si bien que le plafond de ressources de 25165 euros est dépassé.
Elle maintient la demande en expulsion avec suppression du délai pour quitter les lieux suivant commandement de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Mme [S] [K] soutient oralement ses conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se référer et sollicite sur le fondement de l’article 15 III de la loi du 06/07/89, 835 du code de procédure civile, L412-1 du code des procédures civiles d'exécution de :

A titre principal :Voir juger que Mme [E] [L] épouse [G] ne pouvait pas donner congé le 05/05/2022 à Mme [S] [K] et qu’en conséquence, cette dernière est fondée à se maintenir dans les lieux En conséquence :Voir débouter Mme [E] [L] épouse [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire s’il est fait droit aux demandes de Mme [E] [L] épouse [G] :Voir débouter Mme [E] [L] épouse [G] de sa demande tendant à obtenir la suppression du délai de deux mois prévus à l’article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution Voir accorder à Mme [S] [K] un délai de 3 ans pour quitter les lieux Voir condamner Mme [E] [L] épouse [G] à payer à Mme [S] [K] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [S] [K] veuve [M] précise que les parties se connaissaient et que Mme [E] [L] épouse [G] ne pouvait ignorer son âge.
Elle soulève le fait que si la situation de la bénéficiaire du congé est justifiée pour son emploi et domicile, la preuve de la filiation avec Mme [E] [L] épouse [G] n’est pas établie.

Etant âgé de plus de 65 ans, avec des revenus de 23645 euros en 2022, elle soutient qu’elle bénéficie des dispositions de l’article 15 III de la loi du 06/07/89. Elle souligne que les revenus à caractère exceptionnels ne sont pas à prendre en compte pour ce critère de ressources, tels que droits d’auteurs par nature irréguliers ou vente de parts de société et relève que malgré ses demandes, Mme [E] [L] épouse [G] ne lui a pas proposé de relogement, bien que ses revenus soient de 21603 euros en 2022 et donc inférieurs au plafond de ressources de 25165 euros. Elle soutient donc que le trouble manifestement illicite dont fait état Mme [E] [L] épouse [G] en référé n’est pas caractérisé.

-Très subsidiairement, elle sollicite des délais les plus larges pour quitter les lieux.

En délibéré, il a été demandé au conseil de Mme [S] qu’elle produise l’avis d’imposition 2022 sur revenus 2021, et ses observations sur le plafond de ressources en vigueur.

Mme [S] n’a pas adressé ces éléments, en faisant état du plafond de ressources de 25165 euros par an, son conseil maintient sa contestation eu égard à l’absence de preuve de la possibilité pour la personne mentionnée au congé d’en bénéficier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du congé et la contestation de Mme [S] [K] :

En application de l’article 15 I de la loi du 06/07/89, le bailleur peut donner congé au preneur à l’expiration du bail avec préavis de 6 mois en justifiant notamment ce congé par sa décision de reprendre le logement. A l’expiration du délai de préavis de 6 mois, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués.
Décision du 11 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/08412 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3FTL

A peine de nullité , le congé indique le motif allégué et en cas de reprise les noms et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur , son conjoint , le partenaire auquel il est lié par un PACS enregistré à la date du congé , son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants , ses descendants ou ceux de son conjoint , de son partenaire ou de son concubin notoire.
Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.

Le congé est délivré par LRAR ou signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.
Le délai de 6 mois court à compter du jour de la réception de la LRAR, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en mains propres.

En cas de contestation, le juge peut même d’office vérifier la réalité du motif de congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparait pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

L’alinéa 1er de l’article 15-I de la loi du 06/07/89 modifié par la loi ALUR du 24/03/2014 dispose que le bailleur doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.

Le congé a été signifié par la bailleresse le 05/05/2022 dans le délai de 6 mois avant l’expiration du bail au 30/06/2023, qui a été tacitement reconduit pour la dernière fois le 01/07/2020.

Il y est mentionné la volonté de reprise pour loger sa fille Mme [G] [F], née le 20/08/1997 et demeurant [Adresse 1] à [Localité 6]. Il y est en outre précisé « le caractère réel et sérieux de cette décision de reprise vous est justifié par les éléments suivants : Mme [E] souhaite donner congé à Mme [S] dans le but d’installer sa fille dans l’appartement, puisqu’elle finit ses études de commerce à l’école [5] à [Localité 3] et vient s’installer à [Localité 7] pour travailler au sein de l’entreprise DASSAULT SYSTEMES en septembre 2022 ».

Or la situation d’emploi de Mme [G] [F] née le 20/08/1997 ressort bien de l’attestation de son employeur du 05/01/2024 pour un emploi en CDI à [Localité 8], de même qu’il est justifié de son logement actuel à [Localité 4], mais il n’a pas été produit d’acte de naissance ou copie de livret de famille pour justifier de la filiation entre la bailleresse et Mme [G] [F].

Par ailleurs si les critères de l’article 15 III de la loi du 06/07/89 sont remplis, le locataire âgé qui dispose de faibles revenus bénéficie d’une protection légale, sauf à lui proposer un relogement adapté.

En effet en application de l’article 15 III de la loi du 06/07/89, le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du bail en donnant congé , à l’égard de tout locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du Ministre du logement , sans qu’un logement correspondant à ses besoins et ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi du 01/09/48….
Toutefois les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de 65 ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources déterminées par l’arrêté précité.

Or l’âge du locataire, de la personne à charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat et le montant des ressources est apprécié à la date de notification du congé.

Décision du 11 mars 2024
PCP JCP référé - N° RG 23/08412 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3FTL

Il n’est pas contesté par Mme [E] [L] épouse [G] que Mme [S] [K] est âgée de plus de 65 ans à la date d’échéance du contrat au 30/06/2023, puisqu’elle est née le 23/08/1951.

L’arrêté à prendre en compte pour le plafond de ressources est celui en vigueur au mois de mai 2022, et les ressources annuelles à cette date également, le congé datant du 5 mai 2022.

Constituent les PLAFONDS DE RESSOURCES ANNUELLES (REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE) PRÉVUS AUX ARTICLES L. 441-3, R. 331-12 ET R. 441-1 (1O) DU CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L'HABITATION, les données chiffrées de l’arrêté du 29 juillet 1987 modifié.

Mais l’article 15 de la loi du 06/07/89 mentionne que sont à prendre en compte « les ressources annuelles (sont) inférieures au plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du Ministre du logement ».

Et les ressources annuelles ainsi calculées doivent être appréciées au vu des revenus déclarés à l'administration fiscale avant tout abattement ou déduction pratiqué par cette administration et non pas au vu du revenu net imposable.

L’annexe de l’arrêté du 13/12/2017 (article 1-6-1) sur le contenu de la notice d’information à joindre au congé le précise d’ailleurs bien en son point 2, ce qui différencie cette appréciation du cas des demandeurs de logement social où est pris en compte le revenu fiscal de référence.

Les dernières ressources annuelles connues de Mme [S] [K] sont celles de l’année 2021 écoulée avant la délivrance du congé, selon avis d’imposition 2022, puisque le congé a été délivré le 05/05/2022 et non celles de l’année 2022 mentionnées à l’avis d’imposition 2023.

Le plafond visé à l’article 15 III de la loi du 06/07/89 était selon les termes de l’arrêté du 27/12/2021, applicable à compter de janvier 2022, de 24316 euros.

Par ailleurs les revenus réguliers sont à prendre en compte, mais non les revenus exceptionnels tels qu’une vente de parts de sociétés ou des revenus à caractère ponctuel.

Il n’a pas été produit en délibéré l’avis d’imposition 2022 sur les revenus de 2021, malgré la demande, ce qui ne permet pas de retenir cette contestation.

Cependant, la demande en référé fondée sur un trouble manifestement illicite de l’article 835 du code de procédure civile, du fait du maintien dans les lieux loués de Mme [S] [K], se heurte à une contestation sérieuse, alors que les conditions de l’article 15 III de la loi du 06/07/89 ne sont pas respectées, pour la preuve de la qualité de la bénéficiaire qui n’a pas été apportée en cours d’instance.

Il n’y a pas lieu à référé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il convient de condamner Mme [E] [L] épouse [G] aux dépens, incluant le coût du congé et à payer à Mme [S] [K] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au Greffe :

Renvoie les parties à se pourvoir

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de Mme [E] [L] épouse [G] tendant à voir dire Mme [S] [K] occupante sans droit ni titre des lieux loués situés au [Adresse 2], par l’effet du congé signifié le 05/05/2022, et sur les demandes accessoires en expulsion avec suppression du délai pour quitter les lieux,

RAPPELLE l’exécution provisoire de droit,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

CONDAMNE Mme [E] [L] épouse [G] aux dépens incluant le coût du congé

CONDAMNE Mme [E] [L] épouse [G] à payer à Mme [S] [K] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 23/08412
Date de la décision : 11/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-11;23.08412 ?
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