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07/03/2024 | FRANCE | N°23/57937

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 07 mars 2024, 23/57937


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/57937 - N° Portalis 352J-W-B7H-C23OK

N° : 11

Assignation du :
12, 13 et 18 Octobre 2023[1]

[1] 1 Copie exécutoire
délivrée le :


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 mars 2024



par François VARICHON, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Larissa FERELLOC, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.C.I. REIVAX représenté par son Gérant Monsieur [Z] [B]
[Adresse

1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Jérôme GOUTILLE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE - #PC114


DEFENDEURS

La S.A.S. YUMI
[Adresse 2]
[Adresse 2]

non comparante

...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/57937 - N° Portalis 352J-W-B7H-C23OK

N° : 11

Assignation du :
12, 13 et 18 Octobre 2023[1]

[1] 1 Copie exécutoire
délivrée le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 mars 2024

par François VARICHON, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Larissa FERELLOC, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.C.I. REIVAX représenté par son Gérant Monsieur [Z] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Jérôme GOUTILLE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE - #PC114

DEFENDEURS

La S.A.S. YUMI
[Adresse 2]
[Adresse 2]

non comparante

La S.A.R.L. MPI HOLDING
[Adresse 5]
[Adresse 5]

non comparante

Monsieur [E] [F]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

non comparant

Monsieur [I] [L]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

non comparant

Madame [W] [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

non comparante

DÉBATS

A l’audience du 01 Février 2024, tenue publiquement, présidée par François VARICHON, Vice-président, assisté de Larissa FERELLOC, Greffier,

Nous, Président, après avoir entendu les conseils des parties comparantes,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous signature privée du 1er août 2022, la société REIVAX a consenti à la société YUMI un bail commercial portant sur des locaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 2] pour une durée de 9 ans à compter du 1er août 2022 moyennant un loyer indexé de 25.200 € par an HT et HC payable par trimestre et d’avance. Il était stipulé dans l’acte qu’à titre dérogatoire, le loyer serait réglé mensuellement le 1er de chaque mois, cette dérogation prenant fin en cas d’impayé d’un seul loyer à son terme.

Aux termes de quatre actes sous signature privée signés le 1er août 2022, la société MPI HOLDING, M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L] se sont portés cautions solidaires des sommes susceptibles d’être dues à la société REIVAX en exécution du bail précité.

Le 10 juillet 2023, puis les 17 et 25 juillet 2023, la société REIVAX a fait signifier à la société YUMI un commandement visant la clause résolutoire du bail d’avoir à lui payer la somme de 13.000 € au titre des loyers et charges, outre les frais de l’acte.

Par acte des 12, 13 et 18 octobre 2023, la société REIVAX a fait assigner la société YUMI, la société MPI HOLDING, M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris. Aux termes de son assignation développée oralement à l’audience, elle demande au juge de :

- constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties par l’effet du commandement signifié le 10 juillet 2023;
- ordonner l’expulsion de la société YUMI sous astreinte de 100 € par jour de retard;
- condamner solidairement la société YUMI et les cautions à lui payer une provision de 13.000 € à titre d’arriéré locatif;
- condamner solidairement la société YUMI et les cautions à lui payer une indemnité mensuelle d’occupation fixée à la somme de 6.500 €;
- condamner solidairement la société YUMI et les cautions à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens en ce compris le coût des trois commandements de payer et de leur dénonciation aux cautions.

La société YUMI, la société MPI HOLDING, M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L] n’ont pas constitué avocat.

L’affaire a été plaidée le 9 novembre 2023.

Par ordonnance du 14 décembre 2023, le juge, statuant au visa des articles 16 et 472 du code de procédure civile, a réouvert les débats en invitant la société REIVAX à lui faire part de ses observations sur l’existence d’une éventuelle contestation sérieuse constituée par le défaut de conformité du cautionnement de M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L] aux dispositions de l’article 2297 du code civil.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 7 mars 2023 lors de laquelle le conseil de la société REIVAX a présenté ses observations.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions du demandeur, à l'assignation introductive d’instance.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, sur les demandes formées par la société REIVAX contre M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L] en leur qualité de cautions

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Aux termes de l’article 2288 du code civil, le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

Aux termes de l’article 2297 du code civil, à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres. Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur ou qu'il divise ses poursuites entre les cautions. A défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices.

Les dispositions précitées de l’article 2297 du code civil, entrées en vigueur le 1er janvier 2022, sont venues remplacer les dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation consacrées au formalisme du cautionnement, abrogées par l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021.

En l’espèce, la société REIVAX verse aux débats les engagements de caution dont elle se prévaut à l’égard de M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L]. Ces actes émanent de personnes physiques et ont été signés le 1er août 2022. Ils sont donc soumis, pour leur validité, aux respect des dispositions précitées du code civil.

Or, il apparaît que ces personnes n’ont pas apposé elles-mêmes la mention relative à leur engagement de caution, qui a été pré-imprimée sur le document qui leur a été soumis pour signature.

Invitée à formuler ses observations sur ce point, la société REIVAX soutient que seules les cautions peuvent se prévaloir de la nullité de l’acte qu’elles ont souscrit, s’agissant d’une nullité relative.

Il résulte des articles 12 et 472 du code de procédure civile que le juge est tenu, d’une part, de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, d’autre part, de ne faire droit à la demande formée à l’encontre d’un défendeur non comparant que dans la mesure où il l’estime bien fondée. Dans ce cadre, il peut relever d’office un moyen de droit à condition que celui-ci soit fondé sur des faits présents dans les débats et que le principe de la contradiction soit respecté, ce qui est le cas en l’espèce. Par ailleurs, les dispositions de l’article 2297 du code civil présentent un caractère d’ordre public. Il convient de rappeler à cet égard qu’en application de l’article R. 632-1 du code de la consommation relatif à l’office du juge, il était loisible à ce dernier de relever d’office les dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code de la consommation consacrées au formalisme du cautionnement. Il ne peut être soutenu que cette faculté a disparu du seul fait de l’abrogation des dispositions précitées du code de la consommation et de leur remplacement par le nouvel article 2297 du code civil, sauf à considérer que le législateur a entendu dégrader la protection des cautions personnes physiques, ce qui n’est guère concevable.

En l’espèce, compte tenu du défaut d’apposition de la mention requise par l’article 2297 du code civil par M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L], la validité des cautionnements souscrits par ces derniers apparaît sérieusement contestable. Il convient donc de dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société REIVAX formées à leur encontre.

Sur les demandes de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et d’expulsion de la société YUMI

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés en application des dispositions précitées dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1104 ajoute qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, le bail du 1er août 2022 comporte une clause résolutoire applicable notamment en cas de défaut de paiement à son échéance d’un seul terme de loyer ou de charges. Le commandement de payer signifié le 10 juillet 2023 à la société YUMI vise cette clause. Il porte sur un arriéré locatif de 13.000 € selon décompte annexé à l’acte.

Il résulte du relevé de compte versé aux débats que la société YUMI ne s’est pas acquittée des causes du commandement dans le délai d’un mois à compter de la délivrance de l’acte. Il convient donc de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 10 août 2023 à 24h00 et d’ordonner en conséquence l’expulsion de la société YUMI selon les termes du dispositif ci-après.

La nécessité d’une astreinte n’étant pas démontrée, celle-ci ne sera pas ordonnée.

Aux termes du dispositif de son assignation, la société REIVAX sollicite la condamnation de sa locataire à lui verser une indemnité d’occupation “mensuelle” de 6.500 €. Elle demande toutefois le paiement de cette somme de façon “trimestrielle” dans la partie discussion de son assignation (cf. page 6). Il résulte des pièces versées aux débats que la somme de 6.500 € correspond au montant de l’échéance trimestrielle de loyer et de provision sur charges exigible en vertu du bail. Dans ces conditions, et à défaut de motivation particulière de la part de la bailleresse, il y a lieu de considérer que la mention “mensuelle” dans le dispositif de l’assignation résulte de la commission d’une erreur matérielle, la demande portant en fait sur le paiement d’une indemnité d’occupation de 6.500 € par trimestre.

L’indemnité d’occupation due à la société REIVAX à compter du 11 août 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés sera donc fixée à titre provisionnel à la somme 6.500 € par trimestre.

Le cautionnement souscrit par la société MPI HOLDING couvrant expressément le paiement des indemnités d’occupation dues par le preneur, il convient de la condamner solidairement avec la société YUMI au paiement de la somme précitée.

Sur la demande de provision

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.

En l’espèce, le relevé de compte de la société YUMI versé aux débats mentionne l’existence d’un arriéré de loyers et charges d’un montant de 13.000 € à la date du 13 septembre 2023, échéance du 3ème trimestre 2023 incluse.

L’obligation de la société YUMI n’étant pas sérieusement contestable, il convient de la condamner à titre provisionnel à payer cette somme à la société REIVAX, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2023, date du commandement précité.

Le cautionnement souscrit par la société MPI HOLDING couvrant expressément le paiement des loyers et charges dus par le preneur, il convient de la condamner solidairement avec la société YUMI au paiement de la somme précitée.

Sur les demandes accessoires

La société YUMI et la société MPI HOLDING seront condamnées in solidum aux dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 10 juillet 2023 et les frais de signification dudit commandement à la société MPI HOLDING.

L’équité commande de condamner in solidum la société YUMI et la société MPI HOLDING à payer à la société REIVAX la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société REIVAX à l’encontre de M. [E] [F], M. [I] [L] et Mme [W] [L],

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 1er août 2022 portant sur les locaux situés [Adresse 2], avec effet à la date du 10 août 2023 à 24h00,

Disons qu’à défaut de restitution volontaire des locaux précités dans le délai de 30 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, la société YUMI pourra être expulsée, ainsi que tous occupants de son chef, avec le cas échéant le concours d’un serrurier et de la force publique,

Disons que le sort des meubles se trouvant dans les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Déboutons la société REIVAX de sa demande de prononcé d’une astreinte,

Condamnons solidairement la société YUMI et la société MPI HOLDING à payer à la société REIVAX une indemnité d’occupation fixée à titre provisionnel à la somme de 6.500 € par trimestre, à compter du 11 août 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés,

Condamnons solidairement la société YUMI et la société MPI HOLDING à payer à la société REIVAX la somme provisionnelle de 13.000 € à valoir sur l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation selon décompte arrêté au 13 septembre 2023, échéance du 3ème trimestre 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2023,

Condamnons in solidum société YUMI et la société MPI HOLDING à payer à la société REIVAX la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes,

Condamnons in solidum la société YUMI et la société MPI HOLDING au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 10 juillet 2023 et les frais de signification dudit commandement à la société MPI HOLDING.

Fait à Paris le 07 mars 2024

Le Greffier, Le Président,

Larissa FERELLOC François VARICHON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/57937
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;23.57937 ?
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