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07/03/2024 | FRANCE | N°23/57128

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 07 mars 2024, 23/57128


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/57128 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2ZP5

N° : 10

Assignation du :
20 Septembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le :


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 mars 2024



par François VARICHON, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDERESSE

La S.A.S.U. BARAP
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par M

aître Laetitia BOYAVAL-ROUMAUD, avocat au barreau de PARIS - #B0618


DEFENDEURS

Le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic le CabinetMORGANDD ET CIE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/57128 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2ZP5

N° : 10

Assignation du :
20 Septembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 mars 2024

par François VARICHON, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDERESSE

La S.A.S.U. BARAP
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Laetitia BOYAVAL-ROUMAUD, avocat au barreau de PARIS - #B0618

DEFENDEURS

Le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic le CabinetMORGANDD ET CIE
C/O son Syndic le CabinetMORGANDD ET CIE
[Adresse 2]
[Localité 5]

La Société CABINET MORGAND ET CIE
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentés par Maître Olivier GROC de la SELEURL GROC, avocats au barreau de PARIS - #E1624

DÉBATS

A l’audience du 01 Février 2024, tenue publiquement, présidée par François VARICHON, Vice-président, assisté de Larissa FERELLOC, Greffier,
Nous, Président, après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 décembre 2021, la société BARAP a acquis les lots n°1, n°23 et n°40 d’un immeuble en copropriété édifié [Adresse 3] à [Localité 5], constitués respectivement d’une cave, d’une pièce et d’un local commercial.

Le syndic de la copropriété est la société CABINET MORGAND ET CIE.

Lors de l’assemblée générale réunie le 15 mars 2023, les copropriétaires, aux termes des résolutions n°18 à n°18-5, ont décidé de réaliser des travaux de reprise du plancher haut du local commercial sur la base d’un devis établi par la société BIMPS.

Les travaux votés n’ayant pas été engagés, le conseil de la société BARAP a mis en demeure le syndic d’exécuter sous huitaine les résolutions précitées, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 août 2023.

Le 20 septembre 2023, la société BARAP a fait assigner le syndicat des copropriétaires et la société CABINET MORGAND ET CIE devant le juge des référés de ce tribunal aux fins de condamnation solidaire des défendeurs à engager les travaux votés lors l’assemblée générale du 15 mars 2023 “à la résolution n°18-1 à 18" et à lui payer la somme provisionnelle de 97.000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Le 24 octobre 2023, les copropriétaires réunis en assemblée générale ont notamment décidé d’annuler les résolutions n°18 à n°18-5 adoptées le 15 mars 2023 et de voter la réalisation de nouveaux travaux.

Les travaux votés lors de cette dernière assemblée générale ont été exécutés en cours d’instance par le syndicat des copropriétaires.

Aux termes de ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience, la société BARAP demande désormais au juge de:

- donner acte de la réalisation des travaux de reprise structurels sollicités dans l’assignation;
- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et la société CABINET MORGAND ET CIE à lui payer la somme provisionnelle de 115.000 € à titre de dommages et intérêts;
- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et la société CABINET MORGAND ET CIE à lui payer 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et exonérer la société BARAP de sa quote-part au visa de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965;
- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et la société CABINET MORGAND ET CIE aux dépens.

Aux termes de leurs conclusions déposées et développées oralement à l’audience, le syndicat des copropriétaires et la société CABINET MORGAND ET CIE demandent au juge de:

- dire la société BARAP irrecevable en ses demandes à défaut d’intérêt à agir;

- subsidiairement, la débouter de ses demandes;
- condamner la société BARAP à leur payer la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, à l'assignation introductive d’instance et aux écritures déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’une demande de “donner acte” ne constitue pas la formulation d’une prétention au sens de l’article 30 du code de procédure civile. Il n’y a donc pas lieu pour le tribunal de statuer sur la demande en ce sens émanant de la société BARAP.

Sur la fin de non-recevoir fondée sur le défaut d’intérêt à agir

Le syndicat des copropriétaires et la société CABINET MORGAND ET CIE affirment que la société BARAP est irrecevable en ses demandes à défaut d’intérêt à agir. Cette fin de non-recevoir n’est toutefois soutenue par aucune motivation précise. La société BARAP indique à cet égard dans ses conclusions (cf. page 5) que la fin de non-recevoir qui lui est opposée, et qu’elle conteste, est motivée par le fait que les résolutions de l’assemblée générale du 15 mars 2023 évoquées dans son assignation ont finalement été annulées par l’assemblée générale tenue le 24 octobre 2023. Les défendeurs ne contestent pas que leur fin de non-recevoir repose effectivement sur cette motivation.

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 31 du code de procédure civile énonce que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’intérêt à agir se définit traditionnellement comme une condition de recevabilité de l’action consistant dans l’avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge du bien-fondé de sa prétention. Cet intérêt doit être né et actuel, c’est-à-dire ni éventuel, ni hypothétique. Son existence s’apprécie à la date de l’introduction de la demande en justice.

En l’espèce, il est constant qu’à la date de la délivrance de l’assignation introductive de la présente instance, le 20 septembre 2023, la société BARAP justifiait d’un intérêt né à actuel à solliciter, d’une part, l’exécution des résolutions de l’assemblée générale du 15 mars 2023 qui n’avaient pas encore été annulées par les copropriétaires, d’autre part, l’allocation d’une provision sur dommages et intérêts en raison du comportement fautif reproché aux défendeurs.

Le syndicat des copropriétaires et la société CABINET MORGAND ET CIE seront donc déboutés de leur fin de non-recevoir.

Sur la demande de provision

A l’appui de sa demande fondée sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, la société BARAP expose:

- qu’elle a acquis des lots dans l’immeuble afin de les donner en location après réalisation de travaux;
- que compte tenu de l’état de la structure de l’immeuble, elle a demandé à l’architecte du syndicat des copropriétaires, la société CARABOX, de se rendre dans les lieux; qu’aux termes de son rapport d’intervention daté du 6 janvier 2022, l’architecte a indiqué que des travaux de reprise d’une partie du plancher haut du rez-de-chaussée devaient être réalisés en urgence;
- que le 2 juin 2022, elle a transmis au syndic un devis de travaux de reprise des structures;
- que ces travaux ne seront votés qu’à l’occasion de l’assemblée générale réunie le 15 mars 2023;
- que le syndic a toutefois décidé, de son propre chef, de suspendre l’exécution de ces travaux puis de convoquer une nouvelle assemblée générale le 24 octobre 2023, lors de laquelle les résolutions relatives aux travaux votées le 15 mars 2023 ont été annulées et remplacées par de nouvelles résolutions; que contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, la nature des travaux votés lors de ces deux assemblées est la même;
- que le syndicat des copropriétaires et son syndic n’ont finalement fait réaliser les travaux de structure qu’en octobre/décembre 2023, après avoir été assignés; que ce retard fautif engage leur responsabilité en application des articles 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965;
- qu’en raison de l’impossibilité de retirer un revenu locatif de ses lots, qui sont demeurés inexploitables jusqu’à la réalisation des travaux, la société BARAP a subi un préjudice de 115.000 € évalué sur la base du loyer acquitté par le dernier locataire.

Le syndicat des copropriétaires et son syndic répliquent:

- que la demande de la société BARAP se heurte à des contestations sérieuses;
- qu’ils n’ont en effet commis aucune faute;
- que postérieurement à l’assemblée générale du 15 mars 2023, l’architecte de l’immeuble a procédé à des investigations complémentaires qui ont révélé que les travaux votés lors de cette assemblée générale étaient en fait incompatibles avec la nature du mur de refend;
- que dans ces conditions, une nouvelle assemblée générale a été convoquée le 24 octobre 2023, lors de laquelle les copropriétaires, parmi lesquels la société BARAP, ont décidé d’annuler les résolutions n°18 à n°18-5 adoptées lors de la précédente assemblée générale et ont voté de nouveaux travaux tenant compte des préconisations de l’architecte;
- que ces travaux ont aujourd’hui été réalisés;
- que la société BARAP ne rapporte pas la preuve de son préjudice, lequel est en tout état de cause surestimé.

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Présente un caractère sérieux la contestation qui n’est pas manifestement insusceptible de prospérer au fond.

Aux termes de l’article 1'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. Le syndicat peut revêtir la forme d'un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi. Il établit, s'il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété. Il a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

Aux termes de l’article 1'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est notamment chargé d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale, d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

En l’espèce, il convient de relever que la société BARAP a omis de verser aux débats le rapport d’intervention de la société CARABOX du 6 janvier 2022 qu’elle évoque dans ses écritures. De même, elle n’a pas produit le devis de travaux joint à son courriel au syndic du 2 juin 2022.

Dans ces conditions, et au vu des seules pièces versées aux débats, il n’est pas démontré, avec l’évidence requise en référé, que les lots que la société BARAP a acquis étaient inexploitables en raison de l’état dégradé des éléments de structure de l’immeuble et qu’ils le sont demeurés jusqu’à la réalisation des travaux votés lors de l’assemblée générale du 24 octobre 2023, ainsi qu’elle le soutient.

Par ailleurs, au vu du procès-verbal dressé lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 24 octobre 2023, il apparaît que la résolution n°8 annulant les résolutions n°18 à n°18-5 de l’assemblée générale du 15 mars 2023 et la résolution n°9 approuvant la réalisation de nouveaux travaux ont été adoptées en considération du rapport de la société CARABOX. Les défendeurs produisent à cet égard le courrier que la société CARABOX a adressé au syndic le 1er juin 2023 au sujet d’un mur de refend compris dans le lot n°19 situé au rez-de-chaussée du bâtiment. Aux termes de cette correspondance, l’architecte conclut que “suite aux différents sondages et vérifications effectués depuis la dernière AGO, on sait qu’il n’est plus possible de mettre en oeuvre la méthodologie préconisée dans le devis de la société BIMPS”.

Ainsi, il apparaît que le syndicat des copropriétaires a été conduit à modifier son programme de travaux concernant ce mur porteur afin de prendre en considération l’avis technique exprimé par son architecte.

Dans ces conditions, au vu des seules pièces versées aux débats, la société BARAP ne démontre pas, avec l’évidence requise en référé, que la suspension des travaux votés lors de l’assemblée générale du 15 mars 2023 présentait un caractère fautif.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’existence d’une obligation indemnitaire du syndicat des copropriétaires et de son syndic à l’égard de la société BARAP apparaît sérieusement contestable, rappel étant fait que l’éventuel constat, par le juge des référés, de l’existence d’une contestation sérieuse ne préjuge en rien de son caractère bien-fondé, qu’il appartiendra le cas échéant au juge du fond éventuellement saisi d’apprécier.

Il convient donc de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société BARAP.

Sur les demandes accessoires

La société BARAP sera condamnée aux dépens de l’instance.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties seront donc déboutées de leurs demandes de ce chef.

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, la société BARAP sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Déboutons le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] et la société CABINET MORGAND ET CIE de leur fin de non-recevoir fondée sur le défaut d’intérêt à agir de la société BARAP,

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de la société BARAP de condamnation solidaire du syndicat des copropriétaires et de la société CABINET MORGAND ET CIE à lui payer la somme provisionnelle de 115.000 € à titre de dommages et intérêts,

Déboutons les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboutons la société BARAP de sa demande de dispense de participation à la dépense commune des frais de procédure fondée sur l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

Condamnons la société BARAP aux dépens de l’instance.

Fait à Paris le 07 mars 2024

Le Greffier, Le Président,

Larissa FERELLOC François VARICHON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/57128
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;23.57128 ?
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