TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :
■
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/00211 - N° Portalis 352J-W-B7G-CV7JA
N° MINUTE :
Requête:
18 Janvier 2022
JUGEMENT
rendu le 06 Mars 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
C.P.A.M. DES YVELINES
DEPARTEMENT DES AFFAIRES JURIDIQUES
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Maître Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde SEZER, Juge
Christiane PIERRE, Assesseur
Jérôme DORIA AMABLE, Assesseur
assistés de Marie LEFEVRE, Greffière
Décision du 06 Mars 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/00211 - N° Portalis 352J-W-B7G-CV7JA
DEBATS
A l’audience du 17 Janvier 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Par courrier recommandé en date du 18 janvier 2022, la SAS [5] a régulièrement saisi, après rejet implicite de son recours par la commission de recours amiable, le tribunal judiciaire de Paris afin de contester la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (la caisse) de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie déclarée le 20 mars 2021 (sclérodermie systémique progressive) par son salarié, Monsieur [L] [J].
L’affaire a été appelée à l’audience du 7 octobre 2022 à laquelle elle a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 14 avril 2023 avant d’être à nouveau renvoyée à l’audience du 17 janvier 2024.
Au terme de ses conclusions récapitulatives n°2, oralement soutenues par son conseil, la société [5], demande au tribunal de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse en date du 30 juillet 2021 et de condamner celle-ci aux dépens.
En défense, la caisse conclut au débouté de l’ensemble des demandes de l’employeur et sollicite la condamnation de celui-ci aux dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures respectives des parties pour un exposé des moyens développés.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le respect du principe du contradictoire,
Au visa de l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale, elle fait valoir que la caisse a violé le principe du contradictoire en ne l’informant que le 15 juin 2021 de la réception, le 1er avril 2021, de la déclaration de maladie professionnelle de son salarié, la privant ainsi du bénéfice du délai d’instruction de 120 jours.
Elle soutient par ailleurs qu’elle n’a pu accéder au questionnaire et au dossier mis à disposition en ligne par la caisse.
La caisse rétorque qu’elle a bien informé l’employeur de la déclaration reçue dans le délai de 120 jours et que le courrier d’information du 15 juin 2021 précisait les démarches à effectuer en cas de difficulté de connexion.
Sur ce,
Aux termes de l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale,
« I.-La caisse dispose d'un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l'article L. 461-1.
Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l'article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.
La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu'au médecin du travail compétent.
II.-La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.
La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.
III.-A l'issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l'article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
La victime ou ses représentants et l'employeur disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »
Il convient de rappeler que cette disposition a été introduite dans le code de la sécurité sociale afin d’assurer la célérité du traitement par la caisse des demandes de prise en charge d’accident ou de maladie professionnelle tout en garantissant son caractère contradictoire à l’égard du salarié et de l’employeur.
En l’espèce, la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial sont datés du 20 mars 2021. La caisse indique, sans être contredite, avoir réceptionné ces éléments le 1er avril 2021, point de départ du délai de 120 jours qui expirait donc le 2 août 2021.
Par courrier du 15 juin 2021, la caisse a informé l’employeur de la réception de ces éléments et lui a adressé un lien de connexion pour remplir un questionnaire en ligne.
Ce courrier précisait également que l’employeur aurait la possibilité de consulter les pièces du dossier et de formuler des observations du 12 juillet 2021 au 23 juillet 2021, le dossier restant ensuite consultable jusqu’à la décision de la caisse.
L’employeur a ainsi été informé dans le délai de 120 jours de la déclaration de maladie professionnel et, plus de 10 jours avant le début de la période de consultation, de sa possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations.
Dès, la caisse a respecté les dispositions de l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale qui ne fixe aucun délai à la caisse pour informer l’employeur de la déclaration de maladie professionnelle et lui adresser le questionnaire. Par ailleurs, l’employeur ne démontre aucun grief tiré de son information, jugée tardive, quant à la réception d’une déclaration de maladie professionnelle.
Aucune violation du principe du contradictoire ne saurait donc être retenue et le moyen soulevé doit être écarté.
L’employeur invoque par ailleurs le fait qu’il n’a pas pu accéder au questionnaire et au dossier en ligne. Cependant l’employeur ne verse aux débats aucun élément de nature a établir qu’il a informé la caisse de cette difficulté, se contentant de verser aux débats une conversation électronique entre un certain Monsieur [N] [M] et une personne non identifiée au cours de laquelle Monsieur [N] indique avoir sollicité la caisse à ce sujet « hier », soit le 20 juillet 2020 d’après la date du message concerné, soit deux jours avant l’expiration du délai de consultation et plus d’un mois après réception du courrier d’information du 15 juin 2021 qui, au demeurant et comme le souligne la caisse, indiquait qu’en cas de difficulté de connexion, l’employeur pouvait se présenter à un point d’accès de la caisse pour être assisté lors de sa connexion.
Le moyen tiré de l’impossibilité pour l’employeur de se connecter au site de la caisse doit donc être écarté.
Sur le fond,
Sur la date de première constatation de la pathologie,
L’employeur fait valoir que le certificat médical initial, le colloque médico-administratif et les courriers de la caisse mentionnent des dates de première constatation de la pathologie différentes de sorte qu’il ne peut être retenu que la caisse justifie de la fixation de la cette date.
La caisse rétorque que la date de la première constatation de la pathologie a été fixée par son médecin conseil et que celle-ci figure dans la concertation médico-administrative qui a été mise à la disposition de l’employeur pendant l’instruction.
Sur ce,
L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version modifiée par la loi n°2017 1836 du 30 décembre 2017 dont les dispositions sont entrées en vigueur à compter du 1er juillet 2018, dispose que « les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;
2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;
3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ».
Il appartient à la caisse de justifier de la date de première constatation de la pathologie et des éléments médicaux lui ayant permis de la fixer.
En l’espèce, Monsieur [J] a rempli une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une sclérodermie systémique.
Cette pathologie est prévue par le tableau n° 25A3 des maladies professionnelles qui prévoit un délai de prise en charge de 15 ans sous réserve d'une durée minimale d'exposition de 10 ans.
Il ressort des pièces versées aux débats que le certificat médical initial fait état d’une date de première constatation de la pathologie au 20 mars 2021. Lors du colloque médico-administratif, le service médical a fixé cette date du 5 février 2018 qui correspond à une consultation auprès du Dr [K] à l’hôpital de la [6].
Pour autant, sur l’ensemble de ses correspondances avec l’employeur, la caisse indique comme date de la maladie professionnelle, qui correspond, en application du deuxième alinéa de l’article L. 461-1, à la date de première constatation de la pathologie, le 1er avril 2019.
Aux termes de ses conclusions, elle se borne a indiqué que la date de première constatation a été fixée par le service médical et que la concertation médico-administrative figurait au dossier mis à disposition de l’employeur sans fournir aucune explication sur la contradiction entre ce document et ses différents courriers.
Or, cette contradiction concernant une information qui fait grief à l’employeur justifie que la décision de prise en charge de la caisse soit déclarée inopposable à l’employeur sans besoin d’étudier les autres moyens soulevés.
La caisse, qui succombe, est condamnée aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe,
DECLARE la décision de la caisse primaire des Yvelines de prendre en charge la pathologie déclarée le 20 mars 2021 par Monsieur [L] [J], au titre de la législation sur les risques professionnels, inopposable à son employeur, la SAS [5] ;
CONDMNE la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines au paiement des dépens ;
Fait et jugé à Paris le 6 mars 2024.
La Greffière La Présidente
N° RG 22/00211 - N° Portalis 352J-W-B7G-CV7JA
EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :
Demandeur : S.A.S. [5]
Défendeur : C.P.A.M. DES YVELINES
EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :
A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.
En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.
P/Le Directeur de Greffe
7ème page et dernière