La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2023 | FRANCE | N°23/11158

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 01 décembre 2023, 23/11158


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




3ème chambre
2ème section




No RG 23/11158
No Portalis 352J-W-B7H-C2WS2


No MINUTE :




Assignation du :
04 Septembre 2023






























JUGEMENT
rendu le 01 Décembre 2023
DEMANDEURS


Monsieur [P] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]


S.A.S. MARKETING BEAUTE ASSOCIES
[Adresse 2]
[Localité 3]


représentés par Maître Michel ABELLO de l

a SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049




DÉFENDERESSE


S.A.S. PUIG FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 5]




représentée par Maître Vincent FAUCHOUX de la SELARL DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0221...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 23/11158
No Portalis 352J-W-B7H-C2WS2

No MINUTE :

Assignation du :
04 Septembre 2023

JUGEMENT
rendu le 01 Décembre 2023
DEMANDEURS

Monsieur [P] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]

S.A.S. MARKETING BEAUTE ASSOCIES
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentés par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049

DÉFENDERESSE

S.A.S. PUIG FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Vincent FAUCHOUX de la SELARL DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0221

Copies délivrées le :
- Maître ABELLO #J49
- Maître FAUCHOUX #P221COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Anne BOUTRON, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 29 Septembre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023 puis prorogé en ernier lieu le 01 Décembre 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. M. [P] [R] est titulaire de la marque verbale française Divine no 1262106 enregistrée en classe 3 pour des produits de parfumerie et dont le dépôt initial remonte à 1929.
La société Marketing beauté associés exploite le nom commercial et l'enseigne Divine pour le commerce de détail d'articles de parfumerie et produits de beauté et elle est licenciée exclusive, notamment de cette marque Divine.

2. La société Puig France est titulaire de nombreuses marques incluant le nom "[Z]" parmi lesquelles :
- la marque verbale française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 et enregistrée le 26 juin 2022,
- la marque verbale de l'Union européenne [Z] divine no018644036 déposée le 25 janvier 2022 et enregistrée le 6 juin 2022,
- la marque internationale [Z] divine no 1686536 déposée le 21 juillet 2022 pour 39 autres pays,
- la marque verbale française [Z] no 1307978 déposée le 3 mai 1985,
- la marque figurative française no 1703307 déposée le 4 novembre 1991.
toutes déposées notamment en classe 3 pour des parfums et produits cosmétiques.

3. Le groupe Puig a lancé un nouveau parfum nommé "[Z] divine" sur le site internet www.[06].com en août 2023.

4. Après y avoir été autorisés, par acte du 4 septembre 2023, M. [P] [R] et la société Marketing beauté associés ont assigné la société Puig France à jour fixe à l'audience du 28 septembre 2023.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2023, ils demandent au tribunal de :
- écarter des débats les pièces 9 et 10 de la société Puig France, couvertes par le secret professionnel,
- débouter la société Puig France de l'ensemble de ses demandes,
- interdire à la société Puig France de faire usage dans la vie des affaires du signe "Divine" seul ou en combinaison avec d'autres éléments verbaux ou figuratifs tels que les termes "[Z]" et "[F] [Z]" en lien avec des produits identiques et/ou similaires aux produits de parfumerie couverts par la marque française verbale Divine no 1262106, notamment de fournir ou d'offrir des produits sous ce signe, d'en faire usage comme partie d'un nom commercial, de l'utiliser dans les papiers d'affaires, sur tous supports de communication, promotionnels ou publicitaires, physiques et sur internet et sur l'ensemble des réseaux sociaux,
- enjoindre à la société Puig France, sous astreinte, de faire cesser tout usage du signe par des tiers notamment toute enseigne de parfumerie en France telle que Sephora, Marionnaud et Nocibé,
- ordonner le rappel des circuits commerciaux des produits désignés sous ce signe et ordonner leur destruction sous astreinte,
- se réserver la liquidation des astreintes,
- ordonner la production par la société Puig France du résultat brut d'exploitation et du chiffre d'affaires générés directement ou indirectement par la promotion et la vente des produits de parfumerie, des produits cosmétiques, foulards et tout produit similaire sous les signes contrefaisants Divine et [Z] divine, sous astreinte,
- condamner la société Puig France à leur payer à chacun une provision de 250.000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice commercial et une provision de 100.000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque Divine,
- ordonner diverses mesures de publication, sous astreinte,
- prononcer la nullité partielle de la marque française [Z] divine no 4836885 de la société Puig France pour des produits de parfumerie,
- condamner la société Puig France à payer à la société Marketing beauté associés la somme de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte à son nom commercial, son enseigne et son nom de domaine divine.fr,
- condamner la société Puig France aux dépens et à payer à M. [R] et à la société Marketing beauté associés la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ne pas écarter l'exécution provisoire de droit, sauf pour les mesures de publication et d'inscription au Registre national des marques.

5. Par conclusions signifiées le 28 septembre 2023, la société Puig France demande au tribunal de débouter M. [P] [R] et la société Marketing beauté associés de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, subsidiairement, d'écarter l'exécution provisoire.

MOTIVATION

I . Sur le retrait des pièces no 9 et 10 de la société Puig France

6. Les demandeurs sollicitent ce retrait en ce que ces pièces sont couvertes par le secret des échanges entre avocats et conseils en propriété industrielle.

7. La société Puig France ne conclut pas sur ce point.

Sur ce,

8. L'article L. 422-11 du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "En toute matière et pour tous les services mentionnés à l'article L. 422-1, le conseil en propriété industrielle observe le secret professionnel. Ce secret s'étend aux consultations adressées ou destinées à son client, aux correspondances professionnelles échangées avec son client, un confrère ou un avocat, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", aux notes d'entretien et, plus généralement, à toutes les pièces du dossier".

9. Les pièces no9 et 10 sont un courrier qui n'est pas estampillé "officiel" de la société Ipsilon au cabinet Marchais & associés, tous deux conseils en propriété industrielle, et le courrier de réponse émanant du cabinet d'avocats DDG.

10. Il y a donc lieu de les écarter des débats.

II . Sur la contrefaçon de la marque Divine

11. Les demandeurs font valoir que la marque [Z] Divine de la société Puig France contrefait la marque verbale Divine, usant de signes identiques : en effet, sur les flacons et les supports publicitaires, le mot divine est placé sur une ligne distincte des termes [Z] et [F] [Z], en plus gros caractères de sorte qu'il apparaît sur les produits, selon eux, un empilement de trois marques du groupe Puig : la marque [F] [Z], la marque [Z] et le signe Divine, qui ne forme pas un tout indivisible avec [Z] .
Ce signe désignant des produits également identiques, la protection de la marque est absolue et la démonstration d'un risque de confusion n'est pas nécessaire.

12. Ils ajoutent que, quand bien même l'identité des signes ne serait pas retenue par le tribunal, l'examen de la similarité entre eux doit reposer sur une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (CJCE, 11 novembre 1997, C-251/95, Sabèl) et que, dans l'hypothèse de la juxtaposition de la marque de l'entreprise d'un tiers et d'une marque antérieure, la CJCE a précisé que le risque de confusion est établi dès lors que celle-ci dispose d'une position distinctive autonome dans le signe, lequel permet au public concerné de le rattacher à une origine commerciale précise, peu important par exemple que l'élément d'attaque du signe soit constitué d'une marque renommée (CJCE, 6 octobre 2005 C-120/04, Medion c/Thomson life).

13. Selon eux, les marques [Z] Divine et Divine sont similaires sur les plans visuel et phonétique en ce qu'elles partagent un mot commun qui se lit et se prononce de la même façon tandis que, sur le plan conceptuel, "Divine" est un adjectif de genre féminin signifiant exceptionnel, parfait ou sublime et "[Z]" est un prénom masculin de sorte que la combinaison des deux est nécessairement une fantaisie puisque l'un ne peut qualifier l'autre comme l'a déjà jugé l'EUIPO pour la marque communautaire Gillette Divine.

14. S'agissant du caractère distinctif, ils estiment que, comme l'ont déjà retenu plusieurs décisions de justice, la marque Divine est fortement distinctive en ce qu'elle est arbitraire pour désigner des produits de parfumerie (les trois décisions produites aux débats par la défenderesse n'étant pas transposables en ce que, dans les marques concernées, divine était utilisé comme adjectif qualificatif d'un mot lui-même descriptif du produit) et que sa distinctivité a également été acquise par un usage ancien.

15. Ils font aussi valoir que l'expression "[Z] Divine" combine la marque [Z], bien connue du grand public, jouant le rôle de marque ombrelle, et la marque propre au nouveau parfum, qui a un caractère dominant comme en témoigne sa typographie plus grande et plus épaisse, cette pratique de désigner les parfums par leur "prénom" combiné à la marque ombrelle étant fréquente dans la parfumerie, ca qui fait que le public comprend ici "Divine par [Z]".

16. S'agissant des produits, ils soutiennent que ceux commercialisés par la société Puig France sous le signe querellé sont des parfums, identiques aux produits de parfumerie couverts par leur marque, et des produits très similaires : un gel douche, un lait hydratant et un foulard.

17. Ils caractérisent le risque de confusion par la forte similarité des signes, le caractère fortement distinctif de leur marque Divine, qui domine le signe querellé et, subsidiairement, a une position distinctive autonome au sein du signe [Z] Divine, auprès d'un public pertinent défini comme les consommateurs de parfums, d'attention moyenne. Ils soulignent que, sur les réseaux sociaux, les consommateurs désignent le parfum par "Divine", de sorte que l'atteinte à la fonction essentielle de garantie d'origine de leur marque antérieure Divine est déjà constituée.

18. La société Puig France soutient que les usages incriminés concernent le signe [Z] Divine qui constitue un ensemble unitaire, indivisible, et non la marque Divine utilisée seule.
Or la Cour de justice des Communautés eurospéennes a rappelé qu'un signe est identique à la marque lorsqu'il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen (CJCE, 20 mars 2003, C-291/00) et l'adjonction du terme [Z], qui est une marque renommée en matière de parfumerie, ne peut être considérée comme une telle différence insignifiante.
Il appartient ainsi aux demandeurs de démontrer l'existence d'un risque de confusion.

19. Elle fait valoir que, à la date des faits litigieux, le terme "divine" commun aux deux signes était dépourvu de caractère distinctif, ou à tout le moins avait un caractère très faiblement distinctif, pour des parfums et cosmétiques, ce qui est démontré par
- le nombre de produits actuellement commercialisés le comportant : parfums Divine Exclusive et Divine d'Oriflame, Divine parfum de Natures Essence, parfum Divine de Boadicea The Victorious, parfum My Divine, parfum Orissima Divine, parfum Ô Divine, parfum Divine Emeraude, parfum Divine Marquise, Passion Parfum Divine Isis par Eau de Mars, parfum Divine Decadence, eau de parfum Divine Vanille d'Olivier Pescheux, savon Divine Vanille, Divine Cream de Make Up Forever, soin Immortelle Divine de l'Occitane ;
- le fait que plus de 100 marques en classe 3 pour des produits de parfums et de cosmétiques sur les registres de marques comportent ce terme ;
- le fait que, depuis plusieurs années, l'EUIPO refuse d'enregistrer les marques constituées du terme divine pour les produits de la classe 3, produisant à l'appui de cette affirmation trois décisions de la chambre de recours,
et que l'usage devenu courant du mot divine dans le sens d'exceptionnelle, parfaite ou sublime de sorte qu'il est devenu descriptif, ou au moins évocateur, de la destination du produit : s'identifier à une personne divine grâce au produit acheté.

20. Elle ajoute que l'élément verbal divine n'est pas en position dominante dans le signe [Z] Divine, l'élément [Z], en position d'attaque, étant fortement distinctif et même renommé en tant qu'indication d'une origine commerciale, comme elle en justifie par un sondage du 27 septembre 2023.

21. Elle expose que les signes Divine et [Z] divine ont une architecture globale différente, dont il résulte une très faible similitude tant visuelle que phonétique entre les signes en présence tandis que, sur le plan conceptuel, le signe antérieur Divine renvoie au sens commun de proche de la divinité, parfait ou sublime, tandis que dans l'ensemble [Z] Divine, l'adjectif qualifie la finalité du parfum, à savoir permettre à son utilisatrice si ce n'est d'être assimilée à une divinité, à tout le moins de sublimer sa beauté et son attrait par l'usage du parfum, et évoque dans sa globalité, par un jeu de mot immanquable, l'expression bien connue de "beauté divine" et ne sera pas perçu comme une marque autonome au sein du signe [Z] Divine.

22. Elle admet la similarité des produits qu'elle commercialise et de ceux désignés à l'enregistrement de la marque Divine.

23. Elle en conclut que tous ces facteurs pertinents (similitude faible entre les signes, ne résultant que de la coïncidence du mot "divine" doté d'une faible distinctivité intrinsèque, présence de la marque ombrelle [F] [Z] renommée) écartent tout risque de confusion entre les signes en présence, de sorte qu'aucun acte de contrefaçon de la marque Divine du fait de l'usage de la marque [Z] Divine n'est en l'espèce caractérisé.
Elle explique que les décisions obtenues par M. [R] sur la marque Divine ne sont pas transposables en ce qu'aucun défendeur n'avait sérieusement contesté la distinctivité du terme divine au jour des faits reprochés, qu'aucune des marques n'adjoignait au mot divine un signe distinctif et renommé comme l'est [Z] et qu'elles sont toutes antérieures à l'évolution jurisprudentielle dont témoigne un arrêt de la Cour de justice qui indique : "lorsque la marque antérieure et le signe coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif au regard des produits en cause, l'appréciation globale du risque de confusion n'aboutit fréquemment pas au constat de l'existence de ce droit" (CJUE, 18 juin 2020, C702/18, Primart, § 53).

Sur ce,

24. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, transposant l'article 10 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dispose : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque."

25. Le signe identique est celui qui reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen (CJCE, 20 mars 2003, C-291/00, LTJ Diffusion).

26. Constitue un risque de confusion, le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement.

27. Le risque de confusion doit être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, notamment la connaissance de la marque sur le marché, l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, le degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou les services désignés, le caractère distinctif de la marque antérieure.
Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en cause, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants qui les composent (CJCE, 11 novembre 1997, C-251/95, Sabel).

28. L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (CJUE, 12 juin 2007, C-334/05, OHMI/Shaker, § 42).

29. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé ; en ce cas, "aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé" (CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Thomson life, § 16).
Cependant, un élément d'un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (CJUE, 8 mai 2014, C-591/12, Bimbo).

30. La CJUE, en grande chambre, a rappelé que "s'il est vrai que le risque de confusion est d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère important, un tel risque n'est pas pour autant exclu lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible" (CJUE, 8 novembre 2016, C-43/15, BSH), ce qui n'est aucunement incompatible ou remis en question par l'arrêt cité par la société Puig France ( CJUE, 18 juin 2020, C-702/18, Primart) selon lequel "lorsque la marque antérieure et le signe dont l'enregistrement est demandé coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif ou descriptif au regard des produits et des services en cause, il est vrai que l'appréciation globale du risque de confusion (...) n'aboutira fréquemment pas au constat de l'existence dudit risque. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le constat de l'existence d'un tel risque de confusion ne peut pas, en raison de l'interdépendance des facteurs pertinents à cet égard, être exclu d'avance et en toute hypothèse".

31. Selon l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux l'article L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du même code.

a) Sur les signes concernés

32. Pour apprécier la contrefaçon alléguée de la marque Divine, il y a lieu d'examiner tous les usages dénoncés par les demandeurs. Il s'agit de :
- la représentation figurant sur les emballages et plusieurs fois sur le site internet en lettres blanches sur fond doré ou dorées sur fond beige ,
- la désignation des différents produits sur le même site sous l'ensemble "[Z] Divine" en lettres capitales noires de même taille et même épaisseur parfois sur une ligne, parfois sur deux,
- ainsi que plusieurs usages de "Divine" seule pour désigner le parfum sur les comptes Instagram (1er septembre 2023), Facebook (31 août, 3 et 4 septembre 2023) et X (4 septembre 2023) de [F] [Z].

33. S'agissant de ces derniers, le tribunal constate l'identité de signes entre la marque et le signe utilisé et l'identité de produits s'agissant d'un parfum.
Ces usages de la marque antérieure pour les mêmes produits dans la vie des affaires sont donc contrefaisants, ceux-ci étant interdits, sauf autorisation du titulaire de la marque.

34. S'agissant des autres usages, les mots [Z] et Divine y sont systématiquement associés, tantôt de façon équivalente (même taille), tantôt avec une accentuation du mot "divine" en lettres deux fois plus hautes et occupant la même largeur que le mot [Z] qui comporte deux lettres de plus et, dans tous les cas, ils sont accolés.
Il s'agit donc d'une représentation unitaire et non de deux signes distincts,"Divine" et "[Z]" utilisés à proximité l'un de l'autre, quand bien même le nom [Z] est aussi une marque de la société Puig France.

b) Sur le caractère distinctif de la marque Divine

35. La preuve est rapportée d'un usage courant de l'adjectif divine dans les marques désignant des produits de la parfumerie dans le but, souligné par la société Puig France, de conduire le consommateur à faire un lien entre l'usage du parfum et le perfectionnement de sa beauté et sa séduction.

36. Comme l'ont retenu les décisions de la chambre de recours de l'EUIPO versées aux débats par la défenderesse, cet adjectif n'est pas de nature à rendre distinctif un signe l'incluant.
Ainsi, pour Divine blush :
"the relevant public would simply perceive the sign ‘Divine Blush' as providing the purely laudatory information that the goods are extremely good cosmetics and/or make up" c'est-à-dire "le public pertinent percevra simplement le signe ‘Divine Blush' comme procurant une information purement laudative selon laquelle les produits sont de très bons cosmétiques et/ou produits de maquillage",
et pour Divine skin : " there are no additional elements, such as for example, another word or a figurative element that would enable the relevant public to memorise the sign easily and to instantly perceive the trade mark applied for as an indication of the commercial origin of the goods offered under this sign" c'est-à-dire "il n'existe pas d'autre élément tel qu'un autre mot ou un élément figuratif permettant au public pertinent de mémoriser facilement le signe et de percevoir immédiatement la marque dont il est demandé l'enregistrement comme une indication de l'origine commerciale des biens offerts sous ce signe".
La chambre de recours de l'EUIPO a aussi décidé, le 12 décembre 2019, que la marque Divina se limitait à un message purement élogieux et n'était, pour cette raison, pas de nature à indiquer l'origine commerciale des produits.

37. Or, le mot divine, utilisé seul ou associé à un mot sans rapport avec les produits ou services (marquise, décadence, immortelle, pour reprendre quelques exemples cités par la société Puig France) ne vient plus évoquer la perfection d'un second terme mais redevient arbitraire et permet d'identifier des produits de parfumerie comme provenant d'une entreprise déterminée, quand bien même il serait évocateur de la fonction du produit.
Ici, la marque Divine pour désigner des parfums présente un caractère arbitraire qui lui confère un caractère distinctif intrinsèque moyen.

38. La société Puig souligne le nombre élevé d'occurrences du mot "Divine" dans le discours commercial et dans l'intitulé des marques pour de tels produits à la date des faits allégués de contrefaçon. Il résulte de cette évolution du langage un affaiblissement du caractère distinctif de la marque Divine du fait de sa banalisation.

39. Les demandeurs démontrent un usage long, constant et ostensible de ce signe pour des parfums, néanmoins, ils soutiennent eux-mêmes qu'il s'agit de produits de niche, peu connus du grand public et promus par le bouche à oreille ; cette circonstance est donc de nature à conserver au signe sa distinctivité mais non à lui en conférer une supplémentaire.

40. Au regard de ces éléments, le tribunal retient que la marque Divine est dotée d'une distinctivité normale quoique modérée.

c) Sur les éléments dominants du signe [Z] Divine

41. La marque antérieure n'est composée que d'un mot.
Le signe litigieux est la combinaison du terme "[Z]", en attaque, suivi de "Divine" ; c'est la juxtaposition, d'une part, de la marque ombrelle et, d'autre part, de la marque antérieure de M. [R], hypothèse expressément évoquée dans l'arrêt de la CJCE précité au point 28 supra (lorsque "le titulaire d'une marque renommée fait usage d'un signe composé juxtaposant cette dernière et une marque antérieure qui n'est pas elle-même renommée" CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Thomson life, § 34) justifiant d'assurer la protection de la fonction d'origine de la marque antérieure.

42. Le signe [Z] attirera l'attention du public en raison de sa position d'attaque et de sa renommée incontestée, tirée de celle du styliste du même nom et donnée à la marque ombrelle ; la perception du signe Divine, renvoyant de façon générale à un attribut de divinité, est affectée par cette très forte distinctivité et il n'est pas dominant.

43. Les demandeurs rappellent une pratique généralisée de la parfumerie consistant à déposer à titre de marque la combinaison de la marque ombrelle et du nom du nouveau parfum, pratique illustrée par la pièce no2 de la société Puig France faisant état de très nombreuses marques ainsi structurées (la belle [Z], [F] [Z] la belle, [F] [Z] classique, [F] [Z] le mâle, etc...) ce qui conduit le public à conserver en mémoire la perception de cette partie du signe et le comprendre comme Divine par [Z].

44. L'absence de combinaison de sens entre les deux mots [Z] et Divine, la mise en valeur prépondérante de Divine sur les représentations contestées versées aux débats, son pouvoir distinctif intrinsèque et le fait que [Z] soit également une marque ombrelle font que ce mot conserve une position distinctive autonome dans le signe.

45. Or, la marque antérieure et ce signe doté d'une position distinctive autonome sont identiques.

d) Sur le risque de confusion

46. En l'espèce, il n'est pas discuté que le public pertinent est constitué du consommateur de parfums en France, moyennement attentif.

47. Il est admis par toutes les parties que les produits vendus ou promus sous la marque [Z] Divine sont identiques ou hautement similaires aux produits désignés par la marque antérieure, s'agissant dans les deux cas de parfums et produits de soin du corps.

48. Ces produits sont commercialisés sous la marque [Z] divine dont un élément en position distinctive autonome est identique à la marque antérieure Divine, d'une telle façon que le public concerné la comprendra comme signifiant Divine par [Z], et sera donc enclin à croire que ces produits ont une origine commune ou proviennent, à tout le moins, d'entreprises liées économiquement.

49. Il s'ensuit que la contrefaçon au sens de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle est caractérisée.

II . Sur l'atteinte au nom commercial, à l'enseigne et au nom de domaine

50. La société Marketing beauté associés fait valoir une atteinte à son nom commercial et son enseigne "Divine" qu'elle exploite depuis plus de 35 ans pour la vente de produits de parfumerie, et au nom de domaine divine.fr qui renvoie à son site marchand et dont elle est titulaire depuis le 23 février 1998, caractérisant une usurpation répréhensible et un détournement de ses actifs, qui "déprécie ses identifiants commerciaux".

51. La société Puig France oppose que, en l'absence de risque de confusion possible entre les dénominations Divine et [Z] Divine, aucune atteinte ne peut a fortiori être caractérisée à une enseigne ou à un nom commercial, tandis que le risque que les consommateurs puissent croire à un partenariat avec la société Divine est écarté par la commercialisation sous la marque ombrelle, ajoutant que le parfum [Z] divine n'est commercialisé que sur le site internet [06].com/fr/fr/fragances.

Sur ce,

52. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

53. L'action en concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (Com., 18 septembre 2019, pourvoi no 17-23.253).

54. Au cas présent les demandeurs ne démontrent pas de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon de marque, ni un préjudice distinct de celui résultant de celle-ci.
Il y a donc lieu de rejeter les demandes à ce titre.

III . Sur les demandes indemnitaires et les demandes d'interdiction et de publications

55. Les demandeurs font valoir que :
- tous les usages du signe Divine, seul ou en combinaison avec les termes [Z] et [F] [Z] et #, doivent être interdits et notamment de fournir ou d'offrir des produits sous ce signe, les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, d'importer ou d'exporter les produits sous le signe, d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement, d'en faire usage comme partie d'un nom commercial, de l'utiliser dans les papiers d'affaires, sur tous supports de communication, promotionnels ou publicitaires, physiques et sur internet et sur l'ensemble des réseaux sociaux, dont notamment Twitter, Facebook, Instagram, TikTok, YouTube, et notamment https://www.[06].com/, en lien avec l'offre, la prestation ou la promotion, de produits identiques et similaires aux produits de parfumerie couverts par leur marque verbale française Divine ;
- il doit être enjoint à la société Puig France de faire cesser cet usage par des tiers, notamment trois réseaux de parfumerie en France, et de rappeler et détruire les produits contrefaisants sous astreinte ;
- pour leur permettre de chiffrer leur préjudice, il y a lieu d'ordonner à la société Puig France de leur communiquer le résultat brut d'exploitation et le chiffre d'affaires généré par la vente des parfums [Z] Divine et des produits dérivés ;
- une provision sur leur préjudice peut leur être allouée sur la base du chiffre d'affaires généré par la commercialisation du parfum "le mâle" et du taux de redevance standard en matière de licence de marque dans le secteur du parfum, soit 5 à 8 % du chiffre d'affaires, triplée au regard de son caractère indemnitaire ;
- leur préjudice moral est très élevé du fait de l'usage massif, tapageur et sexualisé du signe litigieux par la société Puig France qui a grandement banalisé et amoindri son caractère distinctif, alors qu'ils s'efforcent, depuis des décennies, de lui conserver une image authentique, épurée et élégante ;
- la publication sur le site https://www.[06].com/ et l'ensemble des réseaux sociaux pendant trois mois ainsi que dans trois journaux est de nature à réparer l'atteinte à leur marque.

56. La société Puig France dénie l'existence d'une atteinte aux droits antérieurs des demandeurs et donc du moindre préjudice, de sorte que toutes les demandes doivent être rejetées.

Sur ce,

57. L'article L. 716-4-10du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée."
L'article L. 716-4-9 du même code permet au juge d'ordonner la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution, s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

58. L'article L. 716-4-11du code de la propriété intellectuelle prévoit que : "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée."

59. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur".

60. Il y a lieu de faire droit aux demandes d'interdiction sous astreinte de l'usage du signe Divine, seul ou en combinaison avec [Z], en France, la marque Divine étant une marque française.
Il est également justifié d'enjoindre à la société Puig France de retirer les produits ainsi marqués des circuits de distribution en France, ce qui inclut ceux commercialisés par les réseaux de parfumerie précités.
En revanche, la demande de destruction de ceux-ci sous astreinte apparaît disproportionnée.

61. Les demandeurs sont également fondés à solliciter la communication des éléments demandés afin de déterminer l'étendue de leur préjudice, limités à l'exploitation en France, la société Puig France ne soulevant aucune objection, ni motif légitime.
S'agissant de la provision sur le préjudice matériel, le tribunal observe qu'aucune pièce ne vient à l'appui des éléments chiffrés basant la demande de provision et que la société Marketing beauté associés n'allègue pas de perte de chiffre d'affaires. Il y a donc lieu de la rejeter.

62. S'agissant du préjudice moral, l'utilisation du signe litigieux dans une campagne de grande ampleur, allant à rebours de leurs efforts et pratiques anciens, et pour des produits directement concurrents de ceux des demandeurs leur a causé un préjudice moral que le tribunal fixe à la somme de 10.000 euros pour M. [R], titulaire de la marque, et de 25.000 euros pour la société Marketing beauté associés, exploitant celle-ci.

63. Il y a également lieu de faire droit à la demande de publication d'un communiqué sur le site internet dans les termes du dispositif et de rejeter les demandes de publications dans la presse écrite.

IV . Sur la nullité partielle de la marque verbale française [Z] Divine no 4836885

64. Les demandeurs sollicitent :
- la nullité de la marque française verbale [Z] Divine no 4836885 pour certains produits de la classe 3 désignés à l'enregistrement, relevant de la parfumerie et de la cosmétique,
- la transmission de la décision au Bureau international en ce que cette marque sert de base à l'enregistrement international de la marque internationale [Z] divine no 1686536 déposée le 21 juillet 2022.

65. La société Puig France soutient que, pour qu'une marque enregistrée soit annulée, le signe contesté doit porter atteinte à la marque antérieure, ce qui suppose de démontrer un risque de confusion entre les marques en présence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où chacune est à même d'identifier les produits objets du litige, sur leurs marchés distincts.

Sur ce,

66. L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment :
"I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1o Une marque antérieure :
a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;
b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ;(...)
3o Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
4o Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; (...)"
et l'article L. 716-5 que "II.-Les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.
Les tribunaux mentionnés à l'alinéa précédent sont en outre exclusivement compétents dans les cas suivants :
1o Lorsque les demandes mentionnées aux 1o et 2o du I sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal et notamment à l'occasion d'une action introduite sur le fondement des articles L. 716-4, L. 716-4-6, L. 716-4-7 et L. 716-4-9 ou à l'occasion d'une action en concurrence déloyale ;".
L'article L.714-3 du même code prévoit qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme notamment aux dispositions des articles L. 711-3.

67. L'article 6 du protocole relatif à l'arrangement de Madrid prévoit notamment que :
"3) La protection résultant de l'enregistrement international, ayant ou non fait l'objet d'une transmission, ne pourra plus être invoquée si, avant l'expiration de cinq ans à compter de la date de l'enregistrement international, la demande de base ou l'enregistrement qui en est issu, ou l'enregistrement de base, selon le cas, a fait l'objet d'un retrait, a expiré ou a fait l'objet d'une renonciation ou d'une décision finale de rejet, de révocation, de radiation ou d'invalidation, à l'égard de l'ensemble ou de certains des produits et des services énumérés dans l'enregistrement international. (...)
4) L'Office d'origine notifiera au Bureau international, comme prescrit dans le règlement d'exécution, les faits et les décisions pertinents en vertu de l'alinéa 3), et le Bureau international informera les parties intéressées et procédera à toute publication correspondante, comme prescrit dans le règlement d'exécution. L'Office d'origine demandera, le cas échéant, au Bureau international de radier, dans la mesure applicable, l'enregistrement international, et le Bureau international donnera suite à sa demande."

68. En l'espèce, la demande en nullité de la marque postérieure est formée à titre principal de manière connexe à l'action en contrefaçon de la marque antérieure, le présent tribunal est donc compétent.

69. La marque verbale française Divine no 1262106 a été déposée les 21 février 1984, 7 janvier 1994, 15 octobre 2003 et 18 avril 2014 pour les produits de la classe 3 suivants :
savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices,
antérieurement à la marque verbale française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 pour les produits de la classe 3 suivants :
produits cosmétiques et préparations de toilette non médicamenteux, dentifrices non médicamenteux, produits de parfumerie, huiles essentielles, préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, produits odorants à usage personnel, eau de Cologne, eau de parfum, eaux de toilette, eaux de senteur, parfums, extraits de parfums, produits non médicinaux pour l'hygiène buccale, produits de nettoyage et de soin pour le corps non à usage médical, lotions, laits et crèmes pour le corps non à usage médical, déodorants à usage personnel, antitranspirants à usage personnel, savons non médicinaux, savons non médicinaux à usage personnel, savons liquides, solides ou en gel non médicinaux à usage personnel, gels pour le bain non à usage médical, gels douche non à usage médical, préparations pour le bain non à usage médical, sels de bain non à usage médical, préparations pour le soin de la peau autres qu'à usage médical, exfoliants, talc pour la toilette, poudres parfumées, lingettes, cotons et serviettes imprégnés de lotions cosmétiques non médicinales et pour parfumer, cosmétiques autres qu'à usage médical, produits de toilette non médicinaux et produits de parfumerie pour le soin et la beauté des cils, sourcils, yeux, lèvres et ongles, baumes labiaux non médicamenteux , laques pour les ongles, dissolvants pour vernis à ongles, adhésifs à usage cosmétique, préparations cosmétiques amincissantes autres qu'à usage médical, préparations et traitements capillaires autres qu'à usage médical, shampooings autres qu'à usage médical, produits de démaquillage, dépilatoires, produits de rasage non médicinaux, produits avant-rasage non médicinaux, produits après-rasage non médicinaux, produits de beauté autres qu'à usage médical, préparations cosmétiques pour le bronzage et auto-bronzantes, autres qu'à usage médical, nécessaires de cosmétique, parfums domestiques, encens, pots-pourris odorants, bois odorants, produits pour parfumer le linge, extraits aromatiques, préparations non médicinales pour le soin et nettoyage d'animaux, cire pour tailleurs et pour cordonniers et préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures.

70. La démonstration précise des demandeurs de ce que tous ces produits sont, pour certains, identiques à ceux protégés par la marque Divine et, s'agissant des autres énumérés au point supra, fortement similaires en tant que produits d'hygiène corporelle, de soins du corps ou de produits de beauté ou de maquillage, ni que les nécessaires de cosmétique sont également similaires en ce qu'ils contiennent des produits désignés, n'est pas discutée.
Il n'est pas plus contesté que les produits destinés à parfumer la maison et le linge sont similaires aux produits de parfumerie.
Le tribunal fait sienne cette analyse pour chacun des produits.

71. L'analyse du risque de confusion faite aux point 46 à 48 supra est transposable pour ces produits et ceux visés à l'enregistrement de la marque Divine, s'agissant de produits identiques ou similaires.

72. Il y a donc lieu de faire droit la demande d'annulation partielle de la marque verbale française [Z] divine no 4836885 pour les produits de la classe 3 relevant des catégories ci-dessus énumérées, et non pour les produits suivants : préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, préparations non médicinales pour le soin et nettoyage d'animaux, cire pour tailleurs et pour cordonniers et préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures, ni pour les produits et services désignés à l'enregistrement relevant d'autres classes.

73. La pièce 2.6.4 des demandeurs montre que l'enregistrement international de la marque [Z] Divine, le 21 juillet 2022, a été fait sur la base du dépôt de la marque française FR 4836885, de sorte qu'il appartiendra à l'INPI de notifier au Bureau international des marques la décision d'annulation une fois devenue définitive.

V . Dispositions finales

74. La société Puig France, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à M. [R] et à la société Marketing beauté associés la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

75. La société Puig France fait valoir que, si l'exécution provisoire était prononcée en cas de condamnation, les conséquences lui causeraient un préjudice commercial démesuré, sans le caractériser ni le préciser.
Elle est en toute hypothèse mal fondée à invoquer ce risque, ayant elle-même pris celui de promouvoir massivement un produit sous un signe existant dans les conditions examinées supra.
Il n'existe donc aucune circonstance justifiant d'écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement sauf pour les mesures de publication et de transmission de la décision à l'INPI pour inscription au Registre national des marques et transmission au Bureau international.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats les pièces no9 et 10 de la société Puig France ;

Interdit à la société Puig France de faire usage en France dans la vie des affaires des signes "Divine" ou "[Z] divine" pour des produits tels que parfums et produits cosmétiques identiques et/ou similaires aux produits de parfumerie couverts par la marque française verbale Divine no 1262106, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée (entendue comme chaque usage) courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;

Enjoint à la société Puig France de rappeler des circuits commerciaux à ses frais, en quelques lieux et en quelques mains qu'ils se trouvent, les produits de parfumerie ou produits cosmétiques commercialisés sous le signe "Divine", seul ou en combinaison avec le terme "[Z]" à compter d'un délai de 10 jours à compter de la signification du présent jugement ;

Ordonne la communication par la société Puig France du résultat brut d'exploitation et du chiffre d'affaires générés en France par la promotion et la vente des produits de parfumerie et produits similaires sous le signe "Divine", seul ou en combinaison avec le terme "[Z]", certifiés par expert comptable ou commissaire aux comptes, sous astreinte de 450 euros par jour de retard, courant à l'expiration d'un délai de 45 jours à compter de la signification du présent jugement et pendant 45 jours ;

Rejette la demande de provision de la société Marketing beauté associés et de M. [P] [R] à valoir sur la réparation de leur préjudice matériel ;

Rejette les demandes de la société Marketing beauté associés et de M. [P] [R] fondées sur la concurrence déloyale ;

Condamne la société Puig France à payer à la société Marketing beauté associés une indemnité provisionnelle de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque française verbale Divine no 1262106 ;

Condamne la société Puig France à payer à M. [P] [R] une indemnité provisionnelle de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque française verbale Divine no 1262106 ;

Ordonne la publication par la société Puig France, en français en police de caractères de taille 12, à ses frais, du communiqué suivant :
"Par décision du 1er décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que le signe [Z] Divine, pour des produits de parfumerie, cosmétiques et similaires, contrefaisait la marque française Divine appartenant à M. [P] [R] et exploité par la société Marketing beauté associés et l'a condamnée au retrait des produits correspondants et à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices."
sur la page d'accueil de tout site Internet exploité par la société Puig France et notamment sur le site https://www.[06].com/ pendant une durée de un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;

Rejette les autres demandes de publication ;

Se réserve la liquidation des astreintes,

Annule la marque française [Z] divine no 4836885 déposée le 24 janvier 2022 pour les produits suivants de la classe 3 :
- produits cosmétiques et préparations de toilette non médicamenteux,
- dentifrices non médicamenteux,
- produits de parfumerie, huiles essentielles, produits odorants à usage personnel, eau de Cologne, eau de parfum, eaux de toilette, eaux de senteur, parfums, extraits de parfums,
- produits non médicinaux pour l'hygiène buccale,
- produits de nettoyage et de soin pour le corps non à usage médical, lotions, laits et crèmes pour le corps non à usage médical, déodorants à usage personnel, antitranspirants à usage personnel, savons non médicinaux, savons non médicinaux à usage personnel, savons liquides, solides ou en gel non médicinaux à usage personnel, gels pour le bain non à usage médical, gels douche non à usage médical, préparations pour le bain non à usage médical, sels de bain non à usage médical, préparations pour le soin de la peau autres qu'à usage médical, exfoliants, talc pour la toilette, poudres parfumées, lingettes, cotons et serviettes imprégnés de lotions cosmétiques non médicinales et pour parfumer,
- cosmétiques autres qu'à usage médical, produits de toilette non médicinaux et produits de parfumerie pour le soin et la beauté des cils, sourcils, yeux, lèvres et ongles, baumes labiaux non médicamenteux, laques pour les ongles, dissolvants pour vernis à ongles, adhésifs à usage cosmétique,
- préparations cosmétiques amincissantes autres qu'à usage médical,
- préparations et traitements capillaires autres qu'à usage médical, shampooings autres qu'à usage médical,
- produits de maquillage, produits de démaquillage,
- dépilatoires, produits de rasage non médicinaux, produits avant-rasage non médicinaux, produits après-rasage non médicinaux, produits de beauté autres qu'à usage médical, préparations cosmétiques pour le bronzage et auto-bronzantes, autres qu'à usage médical, nécessaires de cosmétique,
- parfums domestiques, encens, pots-pourris odorants, bois odorants, produits pour parfumer le linge, extraits aromatiques ;

Ordonne l'inscription de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, à l'initiative de la partie la plus diligente, sur le registre des marques tenu par l'INPI, à charge pour lui de la notifier au Bureau international aux fins de radiation de l'enregistrement international [Z] divine no 1686536 ;

Condamne la société Puig France aux dépens de l'instance ;

Condamne la société Puig France à payer à M. [P] [R] et à la société Marketing beauté associés , ensemble, la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Écarte l'exécution provisoire de droit mais seulement pour les mesures de publication et de transmission de la décision à l'INPI pour inscription au Registre national des marques et transmission au Bureau international.

Fait et jugé à Paris le 01 Décembre 2023

Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 23/11158
Date de la décision : 01/12/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-12-01;23.11158 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award