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24/11/2023 | FRANCE | N°21/07270

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 24 novembre 2023, 21/07270


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




3ème chambre
2ème section




No RG 21/07270
No Portalis 352J-W-B7F-CUQCK


No MINUTE :




Assignation du :
28 Mai 2021






























JUGEMENT
rendu le 24 Novembre 2023
DEMANDERESSE


S.A.S. LES TECHNIQUES ACTUELLES FRANCE
[Adresse 7]
[Localité 3]


représentée par Maître Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0804


>
DÉFENDERESSE


S.A.S. AG+
[Adresse 5]
[Localité 4]


représentée par Maître Martine LE ROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0714






Copies délivrées le :
- Maître BESSIS #E804 (exécutoire)
- Maître LE ROUX #D714 (exécutoire)COMPOSITION DU TRI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 21/07270
No Portalis 352J-W-B7F-CUQCK

No MINUTE :

Assignation du :
28 Mai 2021

JUGEMENT
rendu le 24 Novembre 2023
DEMANDERESSE

S.A.S. LES TECHNIQUES ACTUELLES FRANCE
[Adresse 7]
[Localité 3]

représentée par Maître Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0804

DÉFENDERESSE

S.A.S. AG+
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Maître Martine LE ROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0714

Copies délivrées le :
- Maître BESSIS #E804 (exécutoire)
- Maître LE ROUX #D714 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Anne BOUTRON, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assistés de Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 15 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023, puis prorogé au 24 Novembre 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. La SAS Les techniques actuelles France (ci-après société TAF) est titulaire de deux marques françaises semi-figuratives :
- la marque numéro 12 3 956 002 déposée le 24 octobre 2012 à l'INPI dans les classes 28 (notamment articles de sports), 35 (notamment publicité) et 41 (notamment formation, activités sportives),
- la marque numéro 09 3 627 123 déposée le 4 février 2009 à l'INPI dans les classes 5 (notamment compléments nutritionnels à usage médical), 25 (notamment vêtements de sport) et 30 (notamment produits diététiques à usage non médical) et renouvelée le 14 décembre 2018.

2. Par acte du 15 juillet 2020, la société TAF a cédé à la SAS AG+ "les éléments d'actifs énumérés et décrits ci-dessous constituant une des branches d'activités du fonds de commerce de commerce en gros qu'il exploite (...) sous l'enseigne Disportex".

3. Par courriel du 11 janvier 2021, M. [U], directeur général de la société TAF, a écrit à la société AG+ de retirer de son site le logo et la marque Athlonia, non cédés.
La société AG+ s'en est aussitôt étonnée, indiquant que la cession incluait toutes les activités sportives et les marques afférentes, une clause de non concurrence directe ou indirecte dans les activités de fitness et un stock comportant des machines et accessoires Athlonia et des stickers Athlonia.

4. La société TAF a fait constater par huissier de justice, le 10 avril 2021, que le site www.disportex.fr faisait mention de la marque Athlonia.
Autorisée par ordonnance du 26 avril 2021, elle a fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon le 11 mai 2021 au siège de la société AG+, ainsi que de nouveaux constats.

5. Le 28 mai 2021, la société TAF a assigné la société AG+ devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses marques françaises Athlonia et concurrence déloyale.

6. Dans ses dernières conclusions du 2 novembre 2022, la société TAF demande au tribunal de
- interdire à la société AG+ d'utiliser et/ou de reproduire les marques sous astreinte ;
- ordonner la saisie et la destruction de tous produits, documents, ou supports contrefaisants ;
- condamner la société AG+ à lui payer la somme de 135.771,52 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque et 10.000 euros au titre des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;
- débouter la société AG+ de ses demandes reconventionnelles ;
- ordonner la publication du jugement à intervenir ;
- condamner la société AG+ aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
7. Dans ses dernières conclusions du 27 octobre 2022, la société AG+ demande au tribunal de
- déclarer la société TAF irrecevable à agir en concurrence déloyale à son encontre ;
- débouter la société TAF de ses demandes ;
Reconventionnellement,
- dans l'hypothèse où le tribunal jugerait que la marque Athlonia n'était pas incluse dans la cession, condamner la société TAF à lui payer à titre de dommages et intérêts une somme équivalente à la condamnation prononcée au titre de la contrefaçon augmentée de 30.000 euros ;
- ordonner le transfert des deux marques Athlonia, sous astreinte ;
- condamner la société TAF à lui payer la somme de 138.724 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ;
- interdire à la société TAF de faire usage, exploiter et/ou communiquer, directement ou indirectement, au public, sur tous supports et par tous moyens, les marques Disportex, Walter, SDI, Kashirai et Athlonia, sous astreinte ;
- ordonner la publication de la décision ;
- condamner la société TAF à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices résultant de transfert des numéros de téléphone historiques, du retard dans la transmission des noms de domaine et sites internet, moral et pour le temps perdu ainsi que celle de 572 euros réglée par erreur ;
- réduire le prix de la cession partielle d'actifs d'un montant de 1.475 euros
- condamner la société TAF aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.

MOTIVATION

I . Sur les demandes principales

1 . Sur la contrefaçon des marques Athlonia

9. La société TAF soutient que :
- la société AG+ propose à la vente sur son site internet www.disportex.fr, divers articles de sport portant les marques Athlonia, elle a vendu 122 articles marqués Athlonia, elle a commandé 1272 nouveaux produits facturés le 17 mars 2021 et elle fait aussi apparaître ces signes sur des tapis de sol, des plaques et des stickers, commettant autant de faits de contrefaçon de ses marques ;
- la société AG+, assistée de son conseil lors des négociations, ne pouvait ignorer que la cession partielle ne comprenait pas la cession des marques Athlonia en l'absence de mention écrite à ce sujet et alors que cette cession avait été antérieurement envisagée et que le prix a été négocié à la baisse ;
- elle-même a subi un préjudice au titre du gain manqué sur les ventes des produits en stock lors des opérations de saisie contrefaçon correspondant à sa marge habituelle, un préjudice moral au regard des ses investissements concernant ces marques et au titre des bénéfices indus du contrefacteur depuis le 15 septembre 2020.

10. La société AG+ oppose que :
- la marque litigieuse lui a été cédée, au même titre que tous les actifs de la branche d'activité de vente en gros de matériel de sport ;
- l'intention des parties à cet égard est démontrée par l'existence d'une clause de non concurrence pour "toute activité similaire ou identique", la présence dans les stocks de 581 produits marqués Athlonia sans prévoir de licence de la marque litigieuse, de la participation de M. [U] à l'élaboration de la première brochure promotionnelle en septembre 2020 de la société TAF incluant la marque Athlonia, de l'absence de précision au graphiste des logos des marques à ne pas transmettre cette marque et la remise de stickers et d'une dalle de sol marquée Athlonia ;
- le papier à en-tête de la société TAF comporte les quatre marques Disportex, Walter Kashikai et SDI mais non Athlonia de sorte qu'elle a été induite en erreur sur l'existence d'un dépôt de marque pour Athlonia ;
- le contrat de cession ne précise pas de façon détaillée tous les actifs cédés, évalués globalement, et la liste des marques n'est pas limitative ;
- la société TAF soutient des positions contradictoires et irréalistes quant à la valorisation de la marque Athlonia à 160.000 euros quand il n'existe aucune valorisation au bilan et que la cession des quatre autres marques est incluse dans le prix de cession de 40.000 euros ;
- à titre subsidiaire, les actes de contrefaçon ne sont pas prouvés : les constats ont été effectués sur des sites internet dont la société TAF avait la maîtrise jusqu'au 8 juin 2021, les stocks et catalogues saisis sont ceux cédés par la demanderesse elle-même et les nouveaux stocks n'ont pas été commercialisés puis ont été "délogotés" dans l'attente de la décision du tribunal, ce qui a été constaté par l'huissier le 9 septembre 2021 ;
- aucun préjudice n'a été causé à la société TAF, qui a cessé l'activité de vente de matériel de sport, corollaire de son engagement de non-concurrence, dès lors que les produits litigieux ont immédiatement été immobilisés et que les investissements prétendus à l'appui du préjudice moral sont justifiés par des factures concernant la marque Disportex, qui lui a été cédée, et non les marques Athlonia.

Sur ce,

a) Sur la cession des marques Athlonia

11. L'article L.714-1 du code de propriété intellectuelle dispose notamment : "Les droits attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie, indépendamment de la personne qui les exploite ou les fait exploiter. La cession de ces droits, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale.
La transmission totale de l'entreprise, y compris en application d'une obligation contractuelle, emporte la transmission des droits attachés à la marque, sauf s'il existe une convention contraire ou si cela ressort clairement des circonstances de ce transfert.
(...) La cession et la constitution de droits réels, dont le nantissement, sur les droits attachés à la marque sont constatés par écrit, à peine de nullité.
Les dispositions du présent article s'appliquent aux demandes d'enregistrement de marques."

12. Les parties ont été mises en rapport en août 2018 par la société Midway entreprises, mandatée par M. [U], dirigeant de la société TAF sur le point de prendre sa retraite, pour négocier la cession soit de la société, soit seulement de ses actifs, l'entreprise étant présentée sous la désignation "Disportex/SDI/Walter/Kashikai/Athlonia" et son activité décrite comme "matériel de sport dont combat (boxe) en BtoB".
Athlonia est encore citée en tant que marque appartenant à la société TAF dans le courriel adressé à la société AG+ le 25 novembre 2019 en cours de négociations.

13. L'acte de cession du 15 juillet 2020 porte non pas sur la cession de l'ensemble du fonds de commerce de commerce en gros, mais sur une des branches d'activité et énumère comme suit les éléments d'actif cédés :
"- les fichiers de la clientèle,
- les fichiers des fournisseurs,
- les marques commerciales suivantes : SDI, et Disportex, Kashikai, Walter,
- le site internet marchand y compris les noms de domaine y attachés ainsi que les catalogues,
- la ligne téléphonique [XXXXXXXX01] ainsi que le numéro de télécopie [XXXXXXXX02] et mail: [Courriel 6] et toutes adresses mail liées aux marques commerciales cédées".
Venaient en sus le matériel, l'outillage et le mobilier ainsi que les marchandises en stock.

14. Le retrait des marques Athlonia du périmètre de la cession entre le 25 novembre 2019 et le 15 juillet 2020 n'a donné lieu à aucun échange formel et ne résulte pas de la valorisation des actifs incorporels ou des quelques courriels échangés.

15. Il ne s'explique pas par la réduction du prix de vente, à plus forte raison de 160.000 euros, les actifs incorporels incluant quatre autres marques - parmi lesquelles les marques principales Disportex et SDI - étant valorisés à 35.000 euros.
Au contraire, le stock cédé comportait des fournitures de fitness marquées Athlonia et la brochure publicitaire de la rentrée 2020, constituée de concert avec la société TAF, incluait des produits portant cette marque.
De plus, une clause de non concurrence interdisait au vendeur de poursuivre, directement ou indirectement, une activité similaire à la branche cédée durant 3 ans et les marques Athlonia sont déposées pour des produits et services orientés vers les activités de sport en salle.

16. Néanmoins, les marques Athlonia ne sont pas mentionnées dans l'acte alors que les marques cédées sont citées et, bien que la ponctuation ci-dessus reproduite (point 13), ne soit pas très conventionnelle, elle ne laisse aucunement supposer que la liste des marques cédées n'est pas limitative.
Cette omission de la marque Athlonia constitue donc une stipulation écartant cette marque de la cession au sens de l'article L.714-1 précité, de sorte que la société TAF en est bien restée propriétaire.

b) Sur la contrefaçon

17. L'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment que : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée".
Cet usage constitue, d'après l'article L.716-4 du même code, un acte de contrefaçon.

18. Un procès-verbal de constat d'huissier du 10 avril 2021 montre que 116 références de produits marqués Athlonia étaient offertes à la vente en ligne sur le site www.disportex.fr qui a été cédé à la société AG+ par le contrat du 15 juillet 2020.
Les opérations de saisie-contrefaçon du 11 mai 2021 ont confirmé que les marques Athlonia étaient encore reproduites à l'identique sur ce site.
Des captures d'écran réalisées en mai 2021 le confirment encore.

19. Quoique la société TAF le conteste, il ressort d'un échange de courriels et SMS entre les parties et le prestataire extérieur ayant réalisé les opérations de transfert (la société Siteinternetpourtous) du 1er septembre 2020 au 8 juin 2021 que :
- la société TAF n'a communiqué que le 15 janvier 2021, après plusieurs demandes, les codes de transfert du nom de domaine disportex.fr administré par la société Ionos,
- cette démarche n'a pas suffi, la société TAF ayant souhaité conserver certains noms de domaine non cédés et n'ayant effectué la procédure demandée par l'administrateur qu'en mai 2021,
- le transfert du site cédé en juillet 2020 n'a été effectif que le 8 juin 2021.
Ces éléments démontrent que le prestataire Siteinternetpourtous n'a obtenu les codes de M. [U] que le 5 mai 2021 et a réalisé le transfert le 8 juin 2021.

20. Le transfert du site à la société AG+ n'a donc eu réellement lieu qu'à partir du 8 juin 2021 de sorte que les mentions de la marque observées par ces constats d'avril et mai 2021 ne peuvent lui être imputées.

21. La société TAF invoque également un procès-verbal de constat d'huissier du 28 février 2022 relevant à cette date 45 occurrences du mot Athlonia sur ce même site marchand.
Le tribunal observe cependant que toutes ces occurrences sont extraites d'un catalogue intitulé Disportex no144, antérieur à la cession (sa dernière page indique qu'il est celui de 2016 et la facture produite qu'il est celui de 2018). Eu égard à ces dates et à la cession expresse par l'acte 15 juillet 2020 de la marque Disportex, du site marchand www.disportex.fr et des catalogues attachés, la présence sur le site de ce catalogue tel quel, n'est pas illicite.

22. Le récapitulatif des ventes de produits communiqué spontanément par la société AG+ dans le cadre de la saisie-contrefaçon fait apparaître 122 articles vendus entre le 15 septembre 2020 et mai 2021. Les "codes articles" qui y figurent sont ceux des produits listés à l'inventaire joint à l'acte de cession et la société TAF n'indique pas quels produits n'étaient pas présents dans l'inventaire.
Ces ventes ne démontrent donc pas des actes de contrefaçon.

23. A l'occasion des opérations de saisie-contrefaçon, l'huissier de justice a notamment relevé la présence, dans les locaux de la société AG+ d'un tapis de sol, d'une plaque et de 300 stickers présentant la marque litigieuse.

24. La présence de ces signes sur le tapis, la plaque et les stickers visés ci-dessus témoignent d'un usage de la marque Athlonia dans la vie des affaires pour l'activité de vente de produits et de services visés à l'enregistrement.

25. Il a également saisi une commande du 20 août 2020 facturée le 17 mars 2021 d'achat de 1272 nouveaux produits marqués Athlonia par la société AG+ en provenance d'un fournisseur chinois figurant sur la liste des fournisseurs, incluse et valorisée dans la cession. En l'absence d'autorisation d'utilisation de la marque litigieuse, limitée à l'écoulement des stocks disponibles, cette importation de produits marqués constitue un acte de contrefaçon.

c) Sur la réparation

26. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
À titre d'alternative, et sur demande de la partie lésée, la juridiction peut allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit a réellement subi du fait de l'atteinte.

27. Il est démontré que les seuls produits marqués Athlonia commandés au fournisseur chinois n'ont pas été commercialisés et que la marque a été effacée, de sorte que la société AG+ n'a réalisé aucun bénéfice indu grâce à l'utilisation de la marque.
La société TAF de son côté (quand bien même la licéité de la clause de non-concurrence qu'elle a accordée serait sujette à caution en ce qu'elle n'est pas géographiquement limitée) ne pouvait commercialiser des articles de sport, son objet social tel qu'il ressort de l'extrait Kbis du 25 avril 2020 qu'elle verse au dossier étant limité à "toutes activités de curage et hydrocurage, plomberie, dépannage plomberie et assainissement" ; elle ne saurait donc alléguer un gain manqué.

28. S'agissant du préjudice moral, la société TAF invoque des investissements de plus de 20.000 euros par an concernant ces marques, justifiés par ses pièces no17, et la persistance des actes de contrefaçon après son courriel du 27 janvier 2021 mentionnant l'absence de cession de la marque Athlonia et la mise en demeure dans le même sens du 17 mai 2021.

29. Aucun investissement n'est démontré : les pièces versées étant des factures d'édition ne mentionnant que la marque Disportex.
La réputation de la marque de la société TAF n'a pu être entachée par l'usage contrefaisant de la marque litigieuse par la société AG+, puisque les produits n'ont pas été commercialisés (en toute hypothèse, ils étaient les mêmes que ceux antérieurement vendus par la société TAF puisque émanant du même fournisseur).
Cependant, la reproduction illicite, poursuivie après avoir été signalée par M. [U], est à l'origine d'un préjudice moral.

30. Eu égard au caractère ponctuel des faits et à leur cessation dès septembre 2021, ce préjudice sera fixé à la somme de 500 euros.

31. Il y a lieu de fait droit à la demande d'interdiction d'utiliser de quelque façon que ce soit et/ou de reproduire partiellement ou entièrement les marques Athlonia.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas d'assortir cette condamnation d'une astreinte, ni d'ordonner la saisie et la destruction de produits contrefaisants dont l'existence n'est ni établie ni vraisemblable, ni enfin la publication de la décision, demandes qui sont donc rejetées.

2. Sur la concurrence déloyale

32. La société TAF soutient que :
- le maintien de son nom dans les mentions légale du site disportex.fr, au moins jusqu'au 25 mai 2021, et la mention de nombreux produits Athlonia sur ce même site entretiennent un risque de confusion entre les parties, faits constituant des actes distincts de concurrence déloyale ;
- elle n'est pas à l'origine du transfert tardif des sites internet et du nom de domaine.
- la clause de non-concurrence de l'article 10 du contrat de cession partielle d'actifs est nulle, car non limitée géographiquement et disproportionnée, et donc être réputée non écrite (Com., 23 septembre 2014, pourvoi no13-20.454) ;
- M. [U] a toujours facilité l'exécution de l'accord de cession.

33. La société AG+ oppose que :
- la société TAF n'a pas d'intérêt à agir sur le fondement de la concurrence déloyale puisque les deux entreprises ne sont pas en situation de concurrence, leurs activités étant différentes et le contrat de cession prévoyant une clause de non-concurrence à la charge de la société TAF ;
- aucun risque de confusion n'existe ;
- cette clause est valide, et limitée géographiquement ;
- les faits allégués à l'appui de la contrefaçon sont indissociables de ceux invoqués à l'appui des actes de concurrence déloyale ;
- elle n'est entrée en possession des sites et noms de domaine de la société TAF que le 8 juin 2021, du fait des retards de M. [U], de sorte qu'elle n'était pas en mesure de modifier la mention querellée à la date du constat du 10 avril 2021;
- aucun préjudice n'est démontré.

Sur ce,

34. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre.
Elle suppose la caractérisation d'une faute en lien de causalité avec un préjudice.

35. La présence de 45 occurrences du mot Athlonia sur le site disportex.fr, relevée par le procès-verbal de constat d'huissier du 28 février 2022, sans aucune référence à la société TAF ne constitue en aucune manière un agissement distinct des faits reprochés au titre de la contrefaçon de marque rappelés au point 21 supra.
Elle ne saurait donc caractériser à elle seule une faute au titre de la concurrence déloyale.

36. Le maintien du nom de la société TAF dans les mentions légales du site disportex.fr est établi par un procès-verbal de constat d'huissier du 10 avril 2021 et des captures d'écran des 17 et 25 mai 2021.
Comme le démontre la société AG+, à ces dates, le nom de domaine, et donc l'accès au site, ne lui avait pas été transféré par la société TAF, de sorte qu'elle n'était pas en mesure de modifier ces mentions et que ce maintien ne lui est aucunement imputable.
L'absence de faute justifie d'écarter la demande.

37. Aucun acte de concurrence déloyale n'est donc démontré et les demandes de dommages et intérêts à ce titre sont rejetées.

II . Sur les demandes reconventionnelles

1 . Sur l'exécution forcée du transfert des marques et du nom de domaine Atlonia

38. La société AG+ soutient que:
- les circonstances de la cession démontrant que la société TAF lui a cédé les marques litigieuses, elle doit donc être forcée à les lui transférer, ainsi que le nom de domaine correspondant, sous astreinte ;
- l'inexécution de cette obligation de transfert lui a causé un préjudice matériel en ce qu'elle a dû suspendre en urgence toutes les commandes qu'elle envisageait et stocker et délogotés les produits Athlonia, remanier son site et a perdu les ventes correspondantes outre les frais de défense, soit 138.7224 euros, et un préjudice moral, du fait de l'impossibilité d'exploiter la marque et son image ;
- à titre subsidiaire, la société TAF a manqué à son obligation contractuelle d'information en dissimulant l'exclusion de la marque litigieuse à la cession, cette information ayant une importance déterminante et un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat.

39. La société TAF oppose que :
- les marques Athlonia ne sont jamais entrées dans le périmètre de la cession ;
- le contrat de cession n'est pas un pacte obscur ou ambigu ;
- le prétendu préjudice de la société AG+ n'est aucunement établi et, en toute hypothèse, il serait dépourvu de lien de causalité avec la faute alléguée.

Sur ce,

40. Selon l'article 1602 du code civil que " Le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur". L'article 1104 du code civil pose l'obligation d'une négociation de bonne foi du contrat, y compris dans la période de négociation.

41. L'acte est rédigé de façon concise et explicite et ne saurait être qualifié d'obscur ou ambigü.

42. La négociation entre les parties, assistées chacune d'un conseil, n'a pas donné lieu à des échanges écrits hors ceux décrits aux points 12 à 14 supra.
Aucun élément de preuve ne permet de déterminer les raisons pour lesquelles les marques Athlonia ont été retirées du périmètre de la cession entre novembre 2019 et juillet 2020 : il n'est pas plus établi qu'il résulterait des négociations, d'une erreur ou d'une manoeuvre subreptice.
Le ton des échanges entre les parties en janvier 2021 et les termes des réponses de M. [U] dans ses courriel du 27 janvier et lettre du 10 février 2021 permettent seulement de penser que le sujet n'avait pas été discuté. De même, la société Midway n'en a pas été informée.

43. Il ne ressort d'aucune circonstance ou pièce que la cession ou la licence de la marque Athlonia aurait été un élément déterminant de son consentement pour la société AG+ et que la société TAF en avait conscience.
La mauvaise foi de la société TAF dans les négociations n'est donc pas démontrée.

44. Il convient de rejeter les demandes d'exécution forcée du transfert de la marque et du nom de domaine Athlonia de la société AG+ et ses demandes d'indemnisation en réparation du dommage résultant du défaut de transfert antérieur.

2 . Sur l'inexécution des autres obligations

45. La société AG+ fait valoir que la société TAF a manqué aux obligations suivantes du contrat de cession d'actif : le transfert des numéros de téléphone, le transfert des noms de domaine et de l'accès à la plateforme d'administration des sites, la deuxième formation prévue et le règlement d'une facture 200955 du 19 octobre 2020.

46. La société TAF réplique que:
- ces griefs n'ont jamais fait donné lieu à une quelconque réclamation antérieurement à l'assignation du 28 mai 2021 ;
- en vertu de l'article 11 du contrat, il appartenait à la société AG+ d'accomplir les diligences nécessaires pour ne pas perdre l'usage des lignes téléphoniques cédées et réaliser le transfert du site ;
- une formation a été délivrée conformément au contrat et aucune autre n'a été demandée ;
- la facture de 4.572 euros n'est pas due.

Sur ce,

47. L'article 1103 du code civil dispose que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L'article 1217 du code civil énonce que :
"La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter."

48. L'article 1353 du même code dispose : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation".

49. L'acte de cession prévoyait le transfert des lignes de téléphone et de télécopie. Or, par courriel du 24 septembre 2020, M. [U] a indiqué à la société AG+ avoir résilié les lignes au 15 septembre 2020 de sorte que ce transfert n'a pu avoir lieu, de façon irréversible.
Ainsi qu'il a été vu au point 25 supra, la société TAF a retardé le transfert des noms de domaine cédés de plusieurs mois par inertie et sa volonté d'en conserver certains, tandis qu'aucun défaut de diligence de la société AG+ n'est caractérisé.

50. Si l'article 11 du contrat de cession mettait à la charge de l'acquéreur les formalités consécutives à la cession, qui s'entendent à l'évidence de l'enregistrement de l'acte, celles-ci ne sauraient inclure des diligences que seul le cédant était en mesure de faire, comme l'exécution des procédures de transfert des contrats téléphoniques et liés aux noms de domaine et sites internet.

51. La perte du bénéfice des lignes téléphoniques figurant sur les catalogues et connues des clients ainsi que le retard à la mise en possession des noms de domaine et sites internet est donc entièrement imputable à la société TAF et a freiné l'activité commerciale du cessionnaire.
Le préjudice en résultant est fixé à la somme de 4.000 euros.

52. Il n'est pas discuté qu'une seule formation sur les dux prévues a été réalisée par la société TAF. Néanmoins la société AG+ ne l'a pas réclamée et ne justifie aucunement la demande de réduction de prix de 1475 euros qu'elle demande, de sorte qu'il y a lieu de rejeter sa demande de réduction de prix, insuffisamment fondée.

53. La société AG+ justifie avoir livré, le 6 octobre 2020, à la société Casal sport Rézé un équipement Disportex d'une valeur de 4.572 euros en exécution d'un devis de la société TAF du 3 mars 2020 et d'une commande du 5 octobre 2020 de la société Casal sport Rézé à "Disportex" à l'adresse du siège de la société TAF.
Elle a refacturé cet équipement à la société TAF le 19 octobre 2020 et cette facture noFA200955 n'a pas été payée.

54. En revanche, elle ne justifie pas d'un accord avec la société TAF sur ce point, l'acte de cession n'évoquant aucune commande en cours, pas plus qu'un règlement de la société Casal sport Rézé à la société TAF.
Il y a donc lieu de rejeter la demande en paiement.

3 . Sur la contrefaçon des marques cédées

55. La société AG+ soutient que la société TAF a continué à faire usage des marques qu'elle a cédées, notamment sur son papier d'entête et son email officiel.

56. La société TAF s'en défend, soulignant le préjudice purement symbolique allégué.

Sur ce,

57.
Dans un courrier du 10 février 2021 à la société AG+, la société TAF a utilisé un papier à en-tête figurant les marques cédées à la société AG+ : SDI, Disportex, Kashikai et Walter et son adresse courriel est restée plusieurs mois sdi.taf.
Ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser un usage de ces signes pour des produits ou services au sens de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle précité.

58. Il y a lieu de rejeter la demande.

4 . Sur la procédure abusive

59. La société AG+ sollicite la condamnation de la société TAF pour procédure abusive, celle-ci ayant été intentée "dans l'espoir d'obtenir des subsides indues, de contourner une clause de non-concurrence pourtant limpide et conforme aux désirs de retraite de son dirigeant voire de poursuivre une activité de commerce de matériels de sport".

Sur ce,

60. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté.

61. Les faits de la cause ont démontré de la part de la société TAF un désintérêt certain pour l'exécution de ses obligations à l'égard du cessionnaire de sa branche d'activité, contrastant fâcheusement avec son empressement à demander des dommages et intérêts considérables pour des faits de contrefaçon limités, que les circonstances de l'espèce rendaient très excusables et qui n'ont pu lui causer réellement qu'un préjudice très symbolique.
De plus, elle n'a pas hésité à fonder l'essentiel de ses demandes en contrefaçon sur des constatations faites sur un site dont elle n'avait pas assuré le transfert auquel elle s'était engagée et y a ajouté une action en concurrence déloyale très peu étayée, témoignant ainsi d'une légèreté inexcusable.

62. Dès lors, et quand bien même l'action de la société TAF en contrefaçon de marques a été très partiellement accueillie, la procédure peut être qualifiée d'abusive et justifie de condamner la société TAF à payer à la société AG+ la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

III . Sur les autres demandes

63. De ce fait et vu qu'elle succombe partiellement, il y a lieu de mettre à la charge de la société TAF les dépens de l'instance, de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à la société AG+, en l'absence de justificatif des frais exposés, la somme de 5.000 euros au même titre.

PAR CES MOTIFS

Condamne la société AG+ à verser à la société les Techniques actuelles France la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon des marques françaises Athlonia numéros 3956002 et 3627123;

Interdit à la société AG+ d'utiliser et/ou de reproduire partiellement ou entièrement les marques Athlonia ;

Rejette les demandes d'astreinte, de saisie et la destruction de produits contrefaisants et de publication de la décision formées par la société les Techniques actuelles France ;

Rejette les demandes de la société les Techniques actuelles France au titre de la concurrence déloyale ;

Condamne la société les Techniques actuelles France à payer à la société AG+ la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les inexécutions contractuelles et celle de 1.000 euros pour procédure abusive ;

Rejette le surplus des demandes de la société AG+ ;

Condamne la société les Techniques actuelles France aux dépens de l'instance ;

Condamne la société les Techniques actuelles France à payer à la société AG+ la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 24 Novembre 2023

Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 21/07270
Date de la décision : 24/11/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-11-24;21.07270 ?
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