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10/11/2023 | FRANCE | N°22/9077

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 10 novembre 2023, 22/9077


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




3ème chambre
2ème section




No RG 22/09077
No Portalis 352J-W-B7G-CXMQ5


No MINUTE :




Assignation du :
12 Juillet 2022


























ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 Novembre 2023
DEMANDERESSES


Association WIMBI FOUNDATION
[Adresse 3]
[Adresse 3]


Société WIMBI BOATS
[Adresse 1]
[Adresse 1]


représentée par Maître Tamara

BOOTHERSTONE de la SELEURL SELARL BOOTHERSTONE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D2085


et par Maître John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, avocat plaidant,


DEFENDERESSE


S.A.R.L. 3BBB
[Adresse 2]
[Adresse ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 22/09077
No Portalis 352J-W-B7G-CXMQ5

No MINUTE :

Assignation du :
12 Juillet 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 Novembre 2023
DEMANDERESSES

Association WIMBI FOUNDATION
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Société WIMBI BOATS
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Tamara BOOTHERSTONE de la SELEURL SELARL BOOTHERSTONE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D2085

et par Maître John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, avocat plaidant,

DEFENDERESSE

S.A.R.L. 3BBB
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0320

Copies délivrées le :
- Maître BOOTHERSTONES #D2085 (exécutoire)
- Maître STEINITZ #D320 (ccc)

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 07 Septembre 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 20 Octobre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 10 Novembre 2023.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. L'association ‘Wimbi foundation', titulaire de marques verbales françaises Wimbi et, depuis le 16 juin 2020, d'une marque de l'Union européenne Wimbi boats désignant notamment des bateaux, et la société ‘Wimbi boats', licenciée exclusive de cette dernière marque (ensemble, le groupe Wimbi), reprochent à la société 3BBB, qui importait auparavant de façon licite des bateaux sous ces marques, d'avoir continué à le faire après le 8 mars 2019, date à laquelle une société de droit hong-kongais, ‘Wimbi boats limited', qui faisait fabriquer les bateaux, a été dissoute, ce qui aurait rendu illicite toute importation de bateaux revêtus des marques.

Procédures devant d'autres juridictions

2. Un bateau revêtu de la marque Wimbi ayant été saisi en douane le 19 mai 2021, l'association Wimbi foundation, la société Wimbi boats, ainsi que la dirigeante de celle-ci, une société civile ‘Wimbi', ont assigné le 19 juin 2021, devant le tribunal judiciaire de Lyon, la société 3BBB en contrefaçon des marques, d'abord les seules marques françaises puis, par demande incidente, la marque de l'Union européenne.

3. Le 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la communication de plusieurs éléments par la défenderesse et un tiers, et prononcé plusieurs interdictions à l'encontre de la société 3BBB.

4. Une plainte a, par ailleurs, été portée auprès du procureur de la République de Thonons les bains.

5. Pour sa part, la société 3BBB a engagé une action en nullité de dessins ou modèles français contre la société civile Wimbi devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Procès devant le présent tribunal

6. La défenderesse ayant soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Lyon pour connaitre de l'atteinte à la marque de l'Union européenne, le groupe Wimbi a assigné le 12 juillet 2022 la société 3BBB devant le présent tribunal, en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne Wimbi boats no18170014, déposée le 20 décembre 2019, publiée le 3 mars 2020 et enregistrée le 12 juin suivant pour désigner notamment des bateaux.

7. Au terme d'un premier incident, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer de la société 3BBB et la demande de communication forcée de documents formée par le groupe Wimbi, par ordonnance du 10 février 2023.

8. Par conclusions du 3 mai 2023, le groupe Wimbi a demandé une nouvelle communication forcée de pièces, ainsi que des mesures d'interdiction à l'encontre de la socité 3BBB. L'incident a été entendu à l'audience du 7 septembre 2023.

Prétentions des parties pour l'incident

9. Dans ses dernières conclusions d'incident (4 septembre 2023) le groupe Wimbi demande :

1) la communication sous astreinte, pour les bateaux

(a) immatriculé [Immatriculation 4] avec le numéro de série [Numéro identifiant 9] ,
(b) comportant le numéro de série WBB W1031D919,
(c) immatriculé PP F94488 avec le numéro de série WBB W9138F919,
(d) comportant le numéro de série WBB W1052A121,

des pièces suivantes :

- leur facture de vente et les documents obligatoires pour être introduit légalement sur le marché de l'Union européenne ;
- leur manuel constructeur devant répondre à la norme internationale 10240 ;
- le manuel de leur place de coque devant répondre à la norme internationale 10087 ;
- le manuel de leur plaque constructeur devant répondre à la norme internationale 14945 ;
- leur certificat de conformité CE conforme à la directive 2013/53/UE du Parlement européen relative aux bateaux de plaisance avec l'évaluation de conformité par l'organisme notifié CE indiquant son numéro d'identification ;
- les fiches moteur du motoriste indiquant leur numéro de série du ou des moteurs équipants lesdits bateaux et le nom de leur constructeur.

2) l'extension des mesures d'interdiction provisoire prononcées par le tribunal judiciaire de Lyon à l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sous astreinte,

3) outre 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (répartis à hauteur de 4 000 euros pour l'association et 5 000 euros pour la société).

10. Dans ses dernières conclusions d'incident (1er septembre 2023), la société 3BBB résiste à l'ensemble des demandes et réclame elle-même 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Moyens des parties

11. 1) (a) Pour justifier sa nouvelle demande de communication forcée depuis le rejet de la précédente demande, le groupe Wimbi explique avoir découvert un fait nouveau tenant à l'achat, par une société en Corse, et l'immatriculation le 31 mars 2023, d'un bateau immatriculé [Immatriculation 4] de numéro de coque [Numéro identifiant 9], dont la facture initiale d'importation dans l'Union européenne par la société 3BBB serait fausse car datée du 28 juin 2019 alors que l'exportateur, la société Hong-kongaise Wimbi boats limited, était radié du registre local des sociétés depuis le 8 mars 2019. Il conteste plus généralement la réalité d'une importation en 2019, faisant valoir que dans le carnet ATA dont se prévaut en ce sens la société 3BBB, l'immatriculation du bateau est différente (« [Immatriculation 7] »), ajoutant par ailleurs que ce bateau, sous le même numéro ([Immatriculation 4]) était auparavant en Suisse, hors de l'UE, et qu'il n'a donc été mis sur le marché dans l'Union qu'en 2022 ou 2023.

12. Il estime également que le motif de l'ordonnance du 10 février, tenant au manque de clarté du rôle de la disparition de la société Hong-kongaise, est aujourd'hui « levé » au bénéfice de ses nouvelles explications à ce sujet, à savoir que cette société était le fabricant des bateaux Wimbi (il en sous-traitait la fabrication à une société chinoise Delta bay) et que sa dissolution a ainsi immédiatement fait perdre à la société 3BBB, qui n'avait aucune licence, le droit d'importer des bateaux sous la marque.

13. Sur les documents demandés, tous obligatoires en vertu de la règlementation, il estime d'abord nécessaire d'obtenir le certificat CE de ce bateau pour connaitre son émetteur, au regard de l'enjeu de sécurité et de réputation qu'il encourt dès lors que l'apposition de la norme CE sous son nom sur le bateau le rend officiellement responsable en cas d'accident. Il estime ensuite nécessaire d'obtenir les autres documents pour « affiner les débats » et apprécier les faits dans leur ensemble. En particulier, explique-t-il, la facture de vente permet de vérifier la commercialisation effective du produit, le « manuel de la plaque de coque » mentionne nécessairement le code constructeur et sa date d'émission ce qui permettra de déterminer si le bateau est « authentique », la fiche moteur du motoriste permettra de vérifier si le nom Wimbi boats y a été frauduleusement ajouté et de connaitre la date d'installation du moteur qui est préalable à la commercialisation du bateau. Plus généralement, explique-t-elle, tous ces documents permettront de prouver l'usage de la marque et de l'identité du constructeur (qu'ils sont censés reproduire) et leur date de création.

14. (b) Il demande les mêmes pièces pour un autre bateau, découvert à [Localité 6] en avril 2023 et dépourvu d'immatriculation, importé par la société 3BBB, dont la facture originale et le certificat du fabricant associé, datés de 2019, seraient également faux pour les mêmes raisons (postérieurs à la radiation de la société Wimbi boats limited), et dont l'absence d'immatriculation fait douter, estime-t-il, de la réalité d'une importation dans l'UE avant 2023.

15. (c) et (d) Il demande enfin les mêmes pièces pour les mêmes motifs au sujet de deux autres bateaux, découverts en juin 2023 sur l'ile de Saint-Martin dans des circonstances qu'il n'explicite pas, dont l'un ne serait pas immatriculé, tous deux importés par la société 3BBB et qui auraient fait l'objet d'une facture respectivement en 2019 et 2020, postérieurement à la radiation de la société émettrice (toujours Wimbi boats limited).

16. 2) Sur la demande d'interdiction, le groupe Wimbi invoque d'une part ses craintes de découvrir d'autres bateaux contrefaisants ailleurs en Europe ou de voir le bateau se trouvant en Corse être vendu en Sardaigne, d'autre part la poursuite de faits de contrefaçon par la société 3BBB, tenant à la poursuite de la fabrication de bateaux, à de la publicité dans un magazine à l'été 2023, au maintien d'anciennes publications sur Instagram, à l'envoi par le gérant de la société 3BBB d'un courriel depuis une adresse [Courriel 10] et l'usage par un nouvel associé de la société 3BBB (depuis seulement septembre 2022) d'une carte de visite comportant le signe Wimbi boats.

**

17. Contre la communication de documents, la société 3BBB estime qu'il s'agit de pièces identiques à celles demandées dans le cadre du précédent incident, pièces que le juge de la mise en état a déjà jugées inutiles, à ceci près qu'elles portent ici sur un autre bateau, importé en juin 2019 comme le démontrerait son document d'identification établi par les Affaires maritimes de [Localité 8], c'est-à-dire avant le dépôt de la marque en cause, de sorte que les pièces à son égard seraient d'autant plus inutiles pour apprécier la contrefaçon de cette marque. Elle ajoute qu'il en va de même pour les autres bateaux auxquels les demanderesses ont fait référence en cours d'incident.

18. S'agissant des documents demandés, elle soutient qu'ils ne permettent pas d'apprécier le caractère contrefaisant de l'usage, que la plupart sont de nature technique et que les factures sont confidentielles.

19. Contre la demande d'interdiction, elle fait valoir que le bateau se trouvant en Corse ayant été importé licitement en 2019, le droit de marque est épuisé et sa revente éventuelle est indifférente.

**

20. À l'audience du 7 septembre 2023, la société 3BBB a demandé à ce que soient rejetées les dernières conclusions versées par les demanderesses dans la mesure où elles avaient été signifiées hors du calendrier fixé, ce qui a été refusé dès lors que la contradiction avait pu être apportée sur l'ensemble des prétentions et moyens de chaque partie.

MOTIVATION

I . Demande en communication de documents

21. L'article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.

22. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous a) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services en question, ainsi que des destinataires et des détaillants.

23. En application de l'article 3 de la même directive, la mesure doit ainsi être limitée à ce qui est effectif, et proportionné au regard, notamment, de l'intérêt du défendeur à la protection du secret des affaires.

24. Par ailleurs, les articles 142, 138 et 139 du code de procédure civile prévoient la communication forcée des éléments de preuves détenus par les parties.

25. Au cas présent, la demande porte sur quatre bateaux dont il est constant qu'ils n'étaient pas concernés par la demande de documents déjà tranchée par l'ordonnance du 10 février 2023 ni par une décision du tribunal de Lyon. Il s'agit donc d'une demande nouvelle.

26. Ces quatre bateaux, dont deux ont une immatriculation et deux en sont dépourvus, auraient été fabriqués en 2019 (pour trois d'entre eux) ou en 2020 (pour l'un d'entre eux). Il est constant qu'ils ont tous été importés dans l'Union européenne par la société 3BBB. Comme le souligne celle-ci, leur date d'importation dans l'Union européenne (en réalité, leur date de mise sur le marché) est pertinente pour apprécier un éventuel épuisement des droits. Plus généralement, la date à laquelle la société 3BBB s'en est dépossédée est déterminante pour apprécier les faits susceptibles de lui être reprochés, en particulier à l'égard de la date d'opposabilité de la marque (qui, pour rappel, n'est pas la date de la demande d'enregistrement mais la date de la publication de celle-ci, c'est-à-dire non pas le 20 décembre 2019 mais le 3 mars 2020).

27. Or la date de ces faits est contestée. Il est donc utile pour trancher le litige de disposer de toutes preuves utiles parmi lesquelles figurent les factures de vente de ces bateaux, dont la confidentialité, à la supposer établie, n'est pas suffisante ici pour y faire obstacle.

28. Par ailleurs, le certificat de conformité associé à ces bateaux, le manuel constructeur et la fiche du fabricant du moteur, dans la mesure où ils sont censés faire une référence précise au « constructeur » du bateau ou émanent d'un tiers, sont utiles pour éclairer la situation juridique telle qu'elle était perçue par la société 3BBB à la date d'importation des bateaux litigieux. Ils sont également utiles pour corroborer les factures et leur date dans le cadre de ce litige où les parties s'accusent mutuellement de manoeuvres malhonnêtes et où force est de constater que certains éléments ont été volontairement passés sous silence ou manquent de cohérence. On peut ainsi s'étonner que dans sa contestation de la présence du bateau (a) en Suisse, la société 3BBB n'ait pas jugé utile d'expliquer pourquoi le courrier des douanes suisses à son sujet a été adressé à une personne résidant à la même adresse que M. [O], son dirigeant... Réciproquement, on peut regretter que le groupe Wimbi n'ait pas jugé pertinent d'expliquer pourquoi la société Wimbi boats limited apparait sur les factures comme ayant son siège non pas à [Localité 5] mais en Australie, ce qui est au demeurant corroboré par le code constructeur débutant par « AU ».

29. Dans ce contexte, où toute information non manifestement inutile doit être considérée comme potentiellement utile, les manuels des plaques de coque et plaques constructeur peuvent également être exigés. Il ressort de la description qu'en donnent les parties qu'il ne s'agit que de modèles pour la fabrication de la plaque constructeur ou de la plaque de coque, de sorte que leur communication doit s'entendre, en pratique, comme la communication de toute preuve de leur envoi à la personne ayant fabriqué ces éléments ou à toute personne ou administration ayant dû en être destinataire (par exemple la preuve de l'envoi d'un courriel dont il serait la pièce-jointe, avec preuve du contenu de cette pièce-jointe. Un commissaire de justice peut être utile pour apporter clairement une telle preuve).

30. Devant le refus non clairement justifié de communiquer ces documents, une astreinte est nécessaire. Il est rappelé qu'il incombe au débiteur d'une obligation d'en prouver l'exécution.

II . Mesures d'interdiction

31. En application de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires.

32. L'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. »

33. Une mesure d'interdiction doit, pour être exécutable, porter sur des faits identifiés ou identifiables. Elle ne peut pas être le simple rappel de l'interdiction générale de contrefaire une marque, qui n'ajouterait rien à la loi et ne ferait que renvoyer le débat de la qualification des faits (sont-ils une contrefaçon) au stade de l'exécution, dont ce n'est évidemment pas le rôle. Il est donc nécessaire d'identifier suffisamment clairement une série de faits susceptibles de porter atteinte à la marque, série qui doit être susceptible d'être poursuivie ou réitérée.

34. Il est établi que la société 3BBB a publié à l'été 2023, dans un magazine spécialisé, une publicité pour la vente de bateaux montrant des bateaux Wimbi, ce qu'au demeurant elle ne conteste pas. Il est constant en outre que plusieurs publications sur sa page Instagram, anciennes mais toujours visibles (voire toujours mises en avant dans le cadre de ses « stories »), désignent des bateaux sous la marque. Enfin, il n'est pas contesté que le nouvel associé de la société 3BBB fait, ou a fait, usage de la marque sur sa carte de visite. Or il est tout aussi constant qu'elle n'a plus le droit de faire usage de cette marque. L'interdiction à cet égard est fondée.

35. Toutefois, ces faits, tous commis en France entrent entièrement dans le domaine de l'interdiction déjà prononcée par le juge de la mise en état de Lyon. La demande, à leur égard, n'est donc pas nouvelle.

36. Hors de France, les demanderesses font valoir des craintes de déplacement ou de vente des quatre bateaux objets de la demande de communication de pièces, dont trois se trouvent près des frontières extérieures de la France. Il s'agit toutefois de bateaux qui ont été vendus à des tiers, de sorte qu'un éventuel usage illicite de la marque à travers la revente de ces bateaux serait commis par un tiers, et non par la société 3BBB. Aucun fait illicite n'est ainsi suffisamment étayé pour fonder une interdiction allant au-delà du simple rappel de l'interdit légal général.

37. Par conséquent, la demande est rejetée.

III . Dispositions finales et suite de la procédure

38. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie.

39. La présente décision ne mettant pas fin à l'instance, il n'y a pas lieu à décision sur les dépens. Par ailleurs l'issue du litige amène à rejeter la demande d'indemnité de procédure de chaque partie.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état :

Ordonne à la société 3BBB de remettre à l'association Wimbi foundation et à la société Wimbi boats,

au sujet des quatre bateaux suivants :

(a) immatriculé [Immatriculation 4] avec le numéro de série [Numéro identifiant 9],
(b) comportant le numéro de série WBB W1031D919,
(c) immatriculé PP F94488 avec le numéro de série WBB W9138F919,
(d) comportant le numéro de série WBB W1052A121,

les documents suivants :

1) leur facture de vente ;
2) leur manuel constructeur ;
3) le manuel de leur place de coque
4) le manuel de leur plaque constructeur
5) leur certificat de conformité CE
6) les fiches moteur du motoriste indiquant leur numéro de série du ou des moteurs équipant le bateau et le nom du constructeur ;

et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision puis sous astreinte de 300 euros par jour qui courra pendant 90 jours au maximum ;

Se réserve (ainsi qu'au tribunal selon l'avancée de la procédure) la liquidation de l'astreinte ;

Rejette les demandes d'interdiction provisoire ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fixe le prochain examen de la mise en état au 14 décembre 2023 avec :
- confirmation de la communication des pièces par les parties
- conclusions Wimbi pour fin décembre ou première quinzaine de janvier selon la date de remise des pièces (sauf meilleur accord des parties sur l'ordre pour reconclure et le délai)

Faite et rendue à Paris le 10 Novembre 2023

Le Greffier Le Juge de la mise en état
Quentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 22/9077
Date de la décision : 10/11/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-11-10;22.9077 ?
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