TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
1ère section
No RG 21/06216
No Portalis 352J-W-B7F-CULNN
No MINUTE :
Assignation du :
07 mai 2021
JUGEMENT
rendu le 09 novembre 2023
DEMANDERESSE
Société GOOGLE LLC
[Adresse 1]
[Localité 3] (ETATS -UNIS)
représentée par Me David POR du LLP ALLEN & OVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022
DÉFENDERESSES
Société SONOS INC.
[Adresse 2]
[Localité 5] (-ETATS-UNIS)
Société SONOS EUROPE B.V.
Schuttersweg 10,
1217 PZ
HILVERSUM (PAYS -BAS)
représentées par Me Cyrille AMAR de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0515
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,
assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière
DEBATS
A l'audience du 22 mai 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 14 septembre 2023.
Le délibéré a été prorogé en dernier lieu au 09 novembre 2023.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC, la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée (article 456 du code de procédure civile).
1. La société Google LLC, fondée en 1998, est une entreprise technologique américaine offrant au public une grande variété de produits et de services, dont le moteur de recherche éponyme, le système d'exploitation pour mobiles "Android", ainsi que des smartphones, des enceintes connectées, ou encore des logiciels.
2. Elle est la titulaire inscrite des deux brevets suivants :
- le brevet européen no 2 764 491 (« EP 491 »), ayant pour titre « Génération d'une notification de disponibilité de contenu multimédia », issu de la demande internationale PCT no WO 2013/052247 déposée le 12 septembre 2012, et délivré le 27 décembre 2017,
- le brevet européen no 1 579 621 (« EP 621 »), intitulé « Système de gestion de droits électronique fondé sur le domaine avec admission des dispositifs facile et sûre », issu d'une demande internationale PCT no WO 2004/051916 déposée le 12 novembre 2003 par la société Motorola Inc., et revendiquant la priorité d'une demande américaine du 27 novembre 2002. Ce brevet, délivré le 23 juillet 2014, a ultérieurement été cédé à la société Google LLC.
3. Ces brevets désignent la France où ils sont maintenus en vigueur par le paiement régulier de leurs annuités.
4. La société de droit américain Sonos Inc. se présente comme pionnière et leader du secteur des enceintes audio multi-pièces sans fil, ses produits pouvant être configurés et contrôlés à l'aide d'une application dédiée, et étant compatibles avec de nombreux services de streaming musical tiers.
5. La société Sonos Europe B.V. est une filiale de la société Sonos Inc. établie aux Pays-Bas.
6. En 2013, les sociétés Sonos Inc et Google LLC se sont rapprochées en vue d'intégrer à la plateforme Sonos le service de musique Google Play Music (désormais YouTube Music) et le service d'assistant vocal Google Assistant. Aucun accord sur les redevances dues n'est intervenu entre les parties, et depuis lors, diverses procédures les opposent en Europe, ainsi qu'aux Etats-Unis.
7. Par acte d'huissier délivré le 21 août 2020, la société Google LLC a fait assigner les sociétés Sonos Inc et Sonos Europe BV devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses brevets européens.
8. Par conclusions de désistement partiel du 8 février 2021, la société Google LLC a renoncé à ses demandes en contrefaçon fondées sur le brevet EP'491.
9. Le 28 avril 2021, la société Google LLC a déposé une requête en limitation de la partie française du brevet EP 491 auprès de l'INPI.
10. Les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. ayant maintenu leurs demandes reconventionnelles en nullité de la partie française du brevet EP 491, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction de l'affaire par ordonnance du 6 mai 2021 afin qu'il soit statué en premier lieu sur le brevet EP 621, cette affaire est restée enrôlée sous le numéro RG 20/07506. Ainsi, seul le brevet EP 491 est concerné par la présente instance.
11. Par un jugement rendu le 8 mars 2022 dans le cadre de l'affaire relative au brevet EP'621, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes de la société Google LLC fondées sur la contrefaçon et les demandes reconventionnelles en nullité des sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe BV.
12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2022, la société Google LLC demande au tribunal de :
-dire et juger que les revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet européen No 2 764 491 sont valables ;
-débouter les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
-condamner les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. A payer à la société Google LLC la somme de 200 000 euros (deux cent mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe B.V. aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Me David Por, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;
-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
12.1. Elle soutient que la limitation du brevet est opposable aux sociétés Sonos ; que le brevet, limité comme non limité, n'est pas exclu de la brevetabilité ; que le brevet est bien nouveau et implique une activité inventive au regard des documents qualifiés d'antériorité ; que le brevet n'a pas fait l'objet d'une extension au delà du contenu de la demande telle que déposée.
13. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, les sociétés Sonos Inc. et Sonos Europe BV demandent au tribunal de :
A titre principal,
-prononcer la nullité des revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet EP 2 764 491 tel que délivré dont la société Google LLC est titulaire ;
-dire que la décision à intervenir sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut [4] aux fins d'inscription au registre national des brevets ;
A titre subsidiaire, si la limitation de la partie française du brevet EP 2 764 491 devait être considérée comme opposable :
-prononcer la nullité de la partie française du brevet EP 2 764 491 tel que limité dont la société Google LLC est titulaire ;
-dire que la décision à intervenir sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut [4] aux fins d'inscription au registre national des brevets ;
En tout état de cause :
-débouter la société Google LLC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
-condamner la société Google LLC à payer aux sociétés Sonos INC. et Sonos B.V. la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire au jour du jugement en fonction des justificatifs qui seront produits par les défenderesses ;
-condamner la société Google LLC aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Cyrille Amar, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
13.1. Elles soutiennent que le texte authentique est le brevet tel que délivré par l'OEB ; que ce brevet est nul car exclu de la brevetabilité et pour défaut de nouveauté ; qu'à considérer le brevet tel que limité, la protection a été élargie après délivrance du brevet et au-delà du contenu de la demande telle que déposée selon elles ; qu'en tout état de cause, le brevet tel que limité est nul pour défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive au regard des antériorités discutées.
14. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 28 février 2023 et renvoyée à l'audience du 22 mai 2023 pour être plaidée.
SUR CE
I. Sur l'opposabilité de la limitation de la partie française du brevet EP 2 764 491
Moyens des parties
15. Les sociétés Sonos font valoir que le texte qui fait foi est celui rédigé dans la langue de procédure devant l'OEB, qui est en l'espèce l'anglais, conformément aux articles 70 de la Convention sur le brevet européen dont l'application prime celle de l'article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle qui, selon sa lecture, est contraire à l'application de ce texte d'autorité supérieure. Elles soutiennent que la version limitée des revendications en langue française n'est pas authentique et que la validité du brevet doit, par conséquent, être appréciée au regard du brevet tel que délivré en langue anglaise.
16. La société Google réplique que la langue de la République est le français et que l'article R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle n'exige pas de traduction dans la langue de procédure de l'OEB des revendications telles que limitées. Selon elle, les sociétés Sonos confondent les notions de « texte qui fait foi » et d'« opposabilité ». Elle expose que les directives de l'INPI exigent l'utilisation de la langue française dans la procédure de limitation et précisent que seul le texte des revendications en langue française est inscrit au Registre National des Brevets. Elle en conclut que les revendications telles que limitées, en langue française, sont opposables aux sociétés Sonos.
Appréciation du tribunal
17. L'article 70 de la Convention sur le brevet européen intitulé « texte de la demande de brevet européen faisant foi » dispose que :
« (1) Le texte de la demande de brevet européen ou du brevet européen rédigé dans la langue de la procédure est le texte qui fait foi dans toutes les procédures devant l'Office européen des brevets et dans tous les États contractants.
(2) Toutefois, si la demande de brevet européen a été déposée dans une langue qui n'est pas une langue officielle de l'Office européen des brevets, ce texte constitue la demande telle qu'elle a été déposée, au sens de la présente convention.
(3) Tout État contractant peut prévoir qu'une traduction dans une de ses langues officielles, prescrite par cet État en vertu de la présente convention, est considérée dans cet État comme étant le texte qui fait foi, hormis les cas d'actions en nullité, si la demande de brevet européen ou le brevet européen dans la langue de la traduction confère une protection moins étendue que celle conférée par ladite demande ou par ledit brevet dans la langue de la procédure.
(4) Tout État contractant qui arrête une disposition en application du paragraphe 3,
a) doit permettre au demandeur ou au titulaire du brevet de produire une traduction révisée de la demande de brevet européen ou du brevet européen. Cette traduction révisée n'a pas d'effet juridique aussi longtemps que les conditions fixées par l'État contractant en application de l'article 65, paragraphe 2, ou de l'article 67, paragraphe 3, n'ont pas été remplies ;
b) peut prévoir que quiconque, dans cet État, a, de bonne foi, commencé à exploiter une invention ou a fait des préparatifs effectifs et sérieux à cette fin, sans que cette exploitation constitue une contrefaçon de la demande ou du brevet dans le texte de la traduction initiale, peut, après que la traduction révisée a pris effet, poursuivre à titre gratuit son exploitation dans son entreprise ou pour les besoins de celle-ci ».
18. L'article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle dispose : « le texte de la demande de brevet européen ou du brevet européen rédigé dans la langue de procédure devant l'Office européen des brevets créé par la convention de Munich est le texte qui fait foi. / En cas de litige relatif à un brevet européen dont le texte n'est pas rédigé en français, le titulaire du brevet fournit, à ses frais, à la demande du présumé contrefacteur ou à la demande de la juridiction compétente, une traduction complète du brevet en français ».
19. L'article L. 614-11 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l'inscription au registre européen des brevets des actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet européen ou à un brevet européen rend ces actes opposables aux tiers ».
20. La Cour de cassation rappelle, mutatis mutandis, par son arrêt du 9 juin 2015 (Com. 9 juin 2015, pourvoi no 13-22.529, Bull. 2015, IV, no 102) que la France ayant, depuis l'entrée en vigueur, le 1er mai 2008, des dispositions des articles 1er, alinéa 1, de l'Accord de Londres du 17 octobre 2000, qu'elle a ratifié, et 10 de la loi no 2007-1544 du 29 octobre 2007 ayant modifié les articles L. 614-7 et L. 614-10 du code de la propriété intellectuelle, renoncé aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65, § 1, de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, c'est à bon droit qu'un arrêt retient que, dès lors que la mission de l'INPI prévue à l'article L. 411-1 du code précité consiste à diffuser les informations techniques contenues dans les titres de propriété industrielle et que ce sont les revendications qui déterminent l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, la traduction en langue française des revendications d'un brevet déposé dans une autre langue officielle satisfait à cette mission, de sorte qu'il ne peut être exigé du directeur général de l'INPI de recevoir un dépôt volontaire de la traduction de l'entier brevet.
21. En l'espèce, un courrier de l'INPI du 11 octobre 2021 porte acceptation de la limitation des revendications 1, 7 et 12 du brevet EP 491 à la suite d'une demande du 28 avril 2021, rejetée une première fois le 22 juin 2021.
22. Un certificat de l'INPI du 9 mars 2022 portant état des inscriptions au registre national des brevets indique, s'agissant du brevet EP 491, qu'il « n'a fait l'objet d'aucune inscription ».
23. Un certificat de l'INPI du 8 juillet 2022 portant état des inscriptions au registre national des brevets indique s'agissant du brevet EP 491 qu'il « a fait l'objet d'une inscription » qualifiée d'inscription « d'office » demandée le 30 mai 2022 et effectivement inscrite au registre le 31 mai 2022.
24. Il est constant que la langue dans laquelle est présentée, instruite et accordée la limitation est le français.
25. Lorsqu'un brevet européen est publié dans une autre langue de procédure que le français, ses revendications ont nécessairement déjà été traduites en français, de sorte qu'il prend effet en France à compter de sa délivrance, au vu de la traduction, en français, des revendications.
26. L'opposabilité du brevet EP 491 dont les revendications ont pris effet en langue française dés sa publication le 13 août 2014 est limité dans cette même langue par la demande du 11 octobre 2021 inscrite le 31 mai 2022 au registre national des brevets.
27. Ainsi, contrairement au moyen en ce sens des sociétés Sonos, l'application de l'article L. 614-7 du même code n'est pas contraire à la Convention sur le brevet européen mais en constitue, au contraire, l'application directe.
28. Le brevet, tel que limité, est donc opposable aux sociétés Sonos en application de l'article L. 614-11 du code de la propriété intellectuelle.
29. La demande des sociétés Sonos tendant au prononcé de la nullité des revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet EP 2 764 491 tel que délivré est donc sans objet. Elle est donc rejetée.
II. Sur la nullité des revendications 1, 7 et 12 du brevet limité par décision du 11 octobre 2021
Présentation du brevet EP 2 764 491
30. L'invention porte sur la détermination de la disponibilité d'un contenu multimédia, notamment de films, clips vidéo, émission de télévision, musique, etc. auprès de différentes sources de contenu (paragraphes [0002] et [0003] de la description).
31. Le brevet constate que les sources de contenus multimédia (salle de cinéma, diffusion à la télévision, sources en ligne de téléchargement ou de streaming) sont de plus en plus nombreuses et peuvent varier selon les périodes. Il est donné l'exemple d'un film diffusé dans une salle de cinéma, puis disponible à la télévision à la demande ou en streaming en ligne, avant d'être mis en téléchargement ou sur un support physique (DVD, CD?). Selon la description du brevet, l'augmentation du nombre de sources de contenus multimédia combinée à la disparité des calendriers de diffusion est souvent source de confusion chez les consommateurs [0003].
32. Le brevet détaille (sic.) des « mises en oeuvre mentionnées (?) pour fournir des exemples de mises en oeuvre afin d'aider à la compréhension de celle-ci » [0007].
33. Il décrit ainsi trois systèmes techniques présentés distinctement :
-une « méthode de mise en signets de contenu multimédia » [0004],
-un « circuit de traitement configuré pour générer une notification de disponibilité » [0005],
-un ou plusieurs « supports lisibles par ordinateur contenant des instructions » [0006].
34. La méthode, le circuit, et les supports lisibles concourent de la même manière à quatre étapes identifiées de façon identiques [0004 à 0006 et figure 5 du brevet] :
1. la réception d'une sélection de contenus, et de préférences incluant des sources uniques et des données de compte utilisateur.
2. la demande de disponibilité du contenu, via un réseau de données, basée sur des sources uniques, une sélection et les données du compte utilisateur.
3. la réception des données sur la disponibilité du contenu.
4. la notification pour un appareil électronique indiquant si le contenu est disponible pour le compte utilisateur pour au moins une des sources uniques.
35. En l'état de la limitation du 11 octobre 2021, le brevet EP 491 est composé de 15 revendications.
36. Il comporte trois revendications indépendantes 1, 7 et 12 qui sont l'objet du débat. Elles portent respectivement sur un procédé, un circuit de traitement et un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur. Ces trois éléments décrivent chacun de façon détaillée les quatre étapes précitées résumées par la figure 5 du brevet :
Figure 5 du brevet EP 491 telle que traduite par Google
Sur le défaut d'activité inventive
Moyens des parties
37. Les sociétés Sonos demandent la nullité des revendications 1, 7 et 12 du brevet sur le fondement de l'article 138 (1) a) de la Convention de Munich et de l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle. Elles proposent de définir l'homme du métier comme un ingénieur qualifié en informatique, en génie informatique, en génie électrique ou dans un domaine correspondant et ayant plusieurs années d'expérience professionnelle dans le domaine des réseaux, des systèmes basés sur les réseaux et de leurs applications dans, par exemple, les systèmes de contenu numérique.
37.1. Elles appliquent l'approche problème solution en partant du document [D] – D2 qu'elles considèrent comme l'état de l'art le plus proche. Elles disent qu'il réalise le même objectif général que la revendication 1 de « fournir à un utilisateur un dispositif qui accède au contenu et reçoit des notifications sur la disponibilité du contenu multimédia (?) par le biais de la pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateur du système ». Elles précisent que le document D2 porte bien sur plusieurs dispositifs techniques utilisateur, pas seulement le DVR, qui communiquent entre eux via un réseau.
37.2. Selon elles, le brevet EP 491 est dépourvu d'activité inventive au regard des combinaisons suivantes :
[D] – D2 et [C] – D1,
[D] – D2 et [G] – D3,
[D] – D2 et [J] – D4,
[D] – D2 et Guide d'utilisateur Sonos – D5.
38 La société Google conteste le défaut d'activité inventive. Elle ne propose pas de définition spécifique de l'homme du métier mais ne conteste pas utilement la définition proposée par les sociétés Sonos.
38.1. Selon elle, l'invention a pour but de permettre à l'utilisateur d'accéder effectivement aux contenus en tenant compte ab initio de ses droits d'accès accordés par les sources de contenus. Elle ne se limite donc pas, selon son argument, à une simple recherche consolidée mais à une information sur des contenus multimédia directement accessibles. A ce titre, elle décrit les revendications 7, qui porte sur un circuit de traitement, et 12, qui porte sur un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur comme « substantiellement similaires » à la revendication 1 dont elles mettent en oeuvre le procédé.
38.2. Elle dit ainsi que le document [D] porte sur un magnétoscope numérique à l'exclusion d'une pluralité de dispositifs électroniques effectuant des recherches parallèles et n'aborde pas les données de compte utilisateur. Selon elle, ce document n'est pas un point de départ réaliste pour l'homme du métier car il est trop éloigné de l'objet revendiqué par le brevet EP 491. Elle estime que plusieurs caractéristiques correspondant à l'ensemble de la revendication 1 ne sont pas divulguées par les documents [C] et [D], même lus en combinaison, à l'exception du « procédé de génération d'une notification de disponibilité de contenu multimédia » et de la fonction « demander au niveau du circuit de traitement, sur un réseau, des données de disponibilités de contenu ». Elle ajoute que la combinaison des documents [D] et [C] relève de l'affirmation et d'une approche ex post prohibée. En outre, elle précise que le document [C] prévoit principalement un moteur de médiation regroupant les demandes de contenus que l'homme du métier n'aurait pas supprimés pour parvenir aux enseignements du brevet en litige.
38.3. S'agissant des autres documents, la société Google fait valoir que les documents [G] et [J] ne divulguent pas la caractéristique B identifiée par Sonos et rien n'indique que l'homme du métier les aurait consultés et combinés avec le document [D]. La société Google soutient que même en combinant [D] et le Guide d'utilisateur Sonos, de nombreuses caractéristiques revendiquées sont manquantes.
Appréciation du tribunal
39. L'article 138 « Nullité des brevets européens » de la convention de Munich du 5 octobre 1973 prévoit que « (1) sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 (...) ».
40. Aux termes de l'article 52 « Inventions brevetables » de la même convention : « (1) les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle / (2) 2) Ne sont pas considérés comme des inventions au sens du paragraphe 1 notamment : (?) c) les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateur ; d) les présentations d'informations (...) ».
41. En outre, selon l'article 56 de la même convention « Activité inventive » : « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique (?) ».
42. Aux termes de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. / Si les motifs de nullité n'affectent le brevet qu'en partie, la nullité est prononcée sous la forme d'une limitation correspondante des revendications (...) ».
43. Il convient de tenir compte de l'intérêt d'une interprétation convergente de textes européens et nationaux, poursuivant la même finalité de protection des innovations comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 30 août 2023 (Cass. Com., 30 août 2023, pourvoi no 20-15.480, Bull.).
44. Aussi, pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche et, d'autre part, le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour la personne du métier.
45. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci.
46. Il est rappelé, mutatis mutandis, que le juge ne peut se limiter à reproduire les termes d'une revendication, sans établir l'existence d'une contribution technique apportée par la demande de brevet ni expliquer en quoi les moyens revendiqués dans cette demande avaient le caractère de moyens techniques distincts de la simple présentation d'informations (v. en ce sens Cass. Com., 11 janvier 2023, pourvoi no 19-19.567).
La personne du métier
47. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440).
48. Au cas présent, l'objet du brevet est de proposer une méthode de sélection de contenu multimédias disponibles en trop grand nombre, par une notification au moyen de dispositifs techniques informatiques pouvant fonctionner en réseau.
49. La personne du métier est un ingénieur qualifié en informatique et ayant plusieurs années d'expérience professionnelle dans le domaine des réseaux, des systèmes basés sur les réseaux et de leurs applications en particulier dans les systèmes de contenu numérique multimédia. Il comprend les enjeux techniques de la mise à disposition facilitée de tels contenus pour un utilisateur.
L'art antérieur
50. Les sociétés Sonos soulèvent, tout d'abord, le défaut d'activité inventive des trois revendications en litige au regard de deux antériorités : d'une part une demande de brevet américain US 2010/138517 du 3 juin 2010 (le « document D1 [C] »), d'autre part, la demande de brevet américain US 2011/1794456 du 21 juin 2011 (le « document D2 [D] »).
Le document D1 [C]
51. Le document D1 [C] souligne l'existence d'une multiplicité de sources multimédia nécessitant un compte utilisateur avec identifiant et mot de passe, désincitant l'utilisateur à en créer de nouveaux. Il propose une solution, constituée d'un procédé de courtage, liant le profil de l'utilisateur, incluant ses préférences, à des fournisseurs sélectionnés pour lui apporter un contenu correspondant à son besoin ; limitant ainsi le recours à des identifiants et mots de passe multiples. Le document évoque explicitement un dispositif installé sur ordinateur ou supports tangibles lisibles par ordinateur (paragraphe [0006] et revendication 1). Il constitue un système de courtage relié, d'une part, à des sources uniques de contenus en ligne et, d'autre part, à un utilisateur disposant d'un compte unique avec un seul identifiant et mot de passe selon sa première revendication.
52. La revendication 1 du document D1 [C] décrit une « méthode » de courtage de contenus multimédia reposant sur une requête d'un utilisateur ; associée au profil de l'utilisateur, à une pluralité de fournisseurs de contenus et, parmi eux, à un fournisseur préféré auquel les informations nécessaires à l'accès au contenu sont transférées par ladite méthode afin que l'utilisateur y ait accès par un périphérique de lecture. La revendication 8 du document D1 [C] utilise une description similaire évoquant, cette fois-ci, non pas une « méthode », mais un « système ». La revendication 15 du document D1 [C] utilise une description similaire évoquant, cette fois-ci, non pas une « méthode », mais un « support tangible lisible par ordinateur incorporant un programme informatique ayant des instructions ».
53. Le document D1 [C] comporte, en outre :
-une unité de traitement utilisant des capacités de mémoire (ROM ou RAM) [0014],
-la référence à un profil utilisateur [0021] et à un profil de l'utilisateur (revendications 1, 8 et 15), y compris par référence à un compte auprès de fournisseurs type Youtube [0021],
-la mention de préférences de l'utilisateur associées à son profil pouvant porter sur le prix, le format ou la vitesse de téléchargement [0021],
-la transmission à un fournisseur des informations du profil utilisateur [0024],
-la possibilité de notifier à l'utilisateur l'existence d'un nouveau contenu épisodique et s'y abonner [0023],
-la présentation à l'utilisateur d'une liste de fournisseurs multimédia ayant un contenu multimédia satisfaisant sa demande [0023 et 0029] (revendications 1, 8 et 15).
Le document D2 [D]
54. Le document D2 [D] explique que les enregistreurs vidéo numériques (DVR) ont révolutionné les habitudes des consommateurs en permettant un stockage informatique de programmes, une programmation de leur enregistrement ou de leur téléchargement [0002-0005]. Le brevet constate l'importance, pour ces raisons, de la recherche de contenu et la difficulté pour l'utilisateur de rentrer les lettres correspondant à sa recherche. Il cherche à réduire le nombre de lettres à inscrire pour l'utilisateur [0008] par des résultats de recherche adaptables et une amélioration de l'interface utilisateur [0062], en particulier des suggestions de contenus sur la base d'un faible nombre de lettres [0064] en fonction des recherches des autres utilisateurs ou de recommandations de tiers [0065-0067].
55. Le document D2 revendique ainsi (revendication 1 et dépendantes 2 à 9) une méthode de sélection de contenus spécifiques non encore disponibles depuis une ou plusieurs sources et une réponse informant l'utilisateur de la disponibilité d'un contenu [0034] lui permettant de le retrouver pour l'enregistrer ou le télécharger, y compris sur la base d'un protocole internet. La méthode indique la ou les sources du contenu, si l'utilisateur y souscrit et si en fonction des préférences de l'utilisateur, l'éventuelle disponibilité future depuis d'autres sources [0131, 0134]. Elle prévoit un identifiant unique pour l'utilisateur et une interface dédiée [0068]. Le brevet revendique encore ladite méthode (revendication 13 et dépendantes 14 à 24) exécutée via un support lisible par ordinateur stockant des instructions exécutées par un ou plusieurs appareils informatiques.
56. Le document D2 [D] mentionne, en outre :
-une alerte de l'utilisateur lorsque le contenu est disponible pour être enregistré, téléchargé ou regardé [0134],
-la détermination des données de disponibilité de contenu en fonction des préférences de l'utilisateur, de ses accès par abonnement, des frais qui lui seront facturés, de l'approbation de l'utilisateur [0133], ou de sources identifiées par lui [0220],
-une sélection des contenus multimédia par une recherche de l'utilisateur ou des données de programme : titre, personnes, étiquettes ou métadonnées [0082-0083],
-un réseau comprenant le fournisseur de services, le fournisseur de contenu, l'ordinateur personnel et le dispositif portable de l'utilisateur [0068-0069],
-la mention d'un processeur [0224].
Les revendications en litige
57. Les revendications 1, 7 et 12 garantissent chacune, par des moyens ou procédé distincts, l'exécution de quatre étapes rappelées pour mémoire :
1. la réception d'une sélection de contenus, et de préférences incluant des sources uniques et des données de compte utilisateur.
2. la demande de disponibilité du contenu, via un réseau de données, basée sur des sources uniques, une sélection et les données du compte utilisateur.
3. la réception des données sur la disponibilité du contenu.
4. la génération d'une notification pour un dispositif électronique indiquant si le contenu est disponible pour le compte utilisateur pour au moins une des sources uniques.
58. La revendication 1 porte sur un « procédé de génération d'une notification de disponibilité de contenu multimédia ». La revendication précise que les quatre étapes précitées se réalisent « au niveau d'un circuit de traitement d'un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs ». Elle ajoute que la réception d'une sélection de contenus, et des préférences est faite au niveau d'un circuit de traitement.
59. La revendication 7 vise un « circuit de traitement d'un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte d'utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs, le circuit de traitement étant configuré de manière à générer une notification de disponibilité de contenu multimédia, dans lequel le circuit de traitement est en outre configuré de manière à : », suit ensuite une description des quatre étapes précitées.
60. La revendication 12 décrit « un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur dans lesquels sont stockées des instructions, les instructions étant exécutables par un ou plusieurs processeurs d'un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte d'utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs en vue de mettre en oeuvre un procédé comportant les étapes ci-dessous consistant à : », suit ensuite une description des quatre étapes précitées.
61. Les parties conviennent que les trois revendications sont substantiellement similaires sur leur méthode. Il est relevé qu'elles diffèrent s'agissant du moyen technique utilisé. Il convient de les analyser séparément.
1. La méthode relative aux contenus multimédia
62. La méthode décrite par le brevet consiste, pour l'essentiel, à agglomérer isolément des sources de contenus multimédia et des préférences utilisateurs, à les consolider, à identifier parmi les sources disponibles celles correspondant aux préférences utilisateur, et à en informer l'utilisateur.
63. L'analyse des deux documents d'art antérieur présentés démontre que la personne du métier connaissait déjà le problème de la multiplication des sources de contenus multimédia qui justifie la mise en avant de la fonction recherche par D2 et le profil utilisateur unifié de D1.
64. Ces antériorités mentionnent déjà les deux premières étapes consistant à recueillir des sources de contenus en les comparant à des préférences et à un profil de l'utilisateur. D2 indique ainsi que le contenu sélectionné par les préférences de l'utilisateur doit pouvoir être retrouvé par celui-ci, la souscription par l'utilisateur et une éventuelle disponibilité future signalée par une « alerte ». L'objet même du procédé de courtage de D1 est d'identifier un contenu correspondant au besoin de l'utilisateur.
65. De la même manière, s'agissant des deux dernières étapes, D2 a pour objet de définir une méthode de sélection de contenus et d'informer l'utilisateur de sa disponibilité. Il mentionne explicitement une alerte de l'utilisateur lorsqu'un contenu est disponible pour être téléchargé ou regardé. D1 prévoit aussi une possibilité de notification lorsqu'un nouveau contenu est disponible.
66. La personne du métier pouvait donc de manière évidente, en combinant ces deux documents, identifier la méthode décrite par le brevet en litige, y compris en se fondant sur les préférences signalées par une action où le profil de l'utilisateur.
67. Au surplus, il sera relevé qu'une telle méthode peut s'interpréter comme une simple information, non technique, relative au comportement d'utilisateurs de contenus multimédia qui, considérée isolément, exclut la brevetabilité, et par voie de conséquence l'activité inventive, du procédé en cause.
2. Les solutions techniques mettant en oeuvre la méthode relative aux contenus multimédia
68. Les trois revendications apportent des solutions techniques différentes pour mettre en oeuvre la méthode commune aux trois revendications. Elles sont toutefois modifiées en des termes identiques par la limitation ; ces éléments seront distingués.
69. La revendication 1, telle que limitée, se concentre sur un dispositif électronique d'utilisateur utilisant des données de compte utilisateur pour identifier un utilisateur particulier parmi une pluralité de dispositifs électroniques d'utilisateurs. La société Google souligne qu'il est tenu compte ab initio des droits d'accès de l'utilisateur par ce moyen ce que la revendication n'indique pas.
70. En comparaison, le document D1 rappelle explicitement que son procédé de courtage repose sur un dispositif installé sur ordinateur reliant des sources plurielles à un compte utilisateur unique. Il fait référence à une « unité de traitement ». D2 se concentre davantage sur la technologie DVR mais mentionne un « réseau » comprenant l'ordinateur et le dispositif portable de l'utilisateur.
71. La personne du métier pouvait ainsi comprendre de façon évidente que l'utilisation d'une unité de traitement enseignée par D1 et l'ordinateur comme le dispositif portable de D2 impliquaient l'utilisation d'un seul « dispositif électronique utilisateur », notion au demeurant très générale.
72. La revendication 7, telle que limitée, se concentre sur un circuit de traitement configuré de manière à générer une notification de disponibilité de contenu multimédia.
73. Il est relevé que le document D2 enseigne déjà un fonctionnement en réseau exécutant une méthode comparable à celle du brevet par un ou plusieurs appareils informatiques. Il comprend ainsi le fournisseur de services, le fournisseur de contenu, l'ordinateur personnel et le dispositif portable de l'utilisateur et peut fonctionner sur la base d'un protocole internet. Encore, il mentionne un support tangible lisible par ordinateur incorporant un programme informatique ayant des instructions.
74. Le document D1 évoque explicitement un « système » à sa revendication 8 et prévoit, en outre, la communication d'informations au fournisseur de contenu multimédia et l'utilisation de capacités de mémoire qui peuvent difficilement s'opérer hors d'une activité de réseau.
75. La personne du métier pouvait donc comprendre de façon évidente au regard de ces antériorités qu'un circuit de traitement permettait de configurer la méthode devant aboutir à la notification de disponibilité du contenu multimédia pour l'utilisateur.
76. La revendication 12, telle que limitée, vise « un ou plusieurs supports lisibles par ordinateur dans lesquels sont stockées des instructions » explicitement mentionnée par le document D2 qui évoque un support lisible par ordinateur stockant des instructions exécutées par un ou plusieurs appareils informatiques.
77. L'homme du métier pouvait donc connaître de façon évidente l'antériorité D2 répondant au problème posé.
78. S'agissant des trois revendications, la société Google souligne toutefois l'importance de la pluralité de « dispositifs électroniques utilisateur » permettant d'affiner ses préférences.
79. Cet argument doit être mis en perspective avec la faible brevetabilité des revendications en litige.
80. Le brevet donne en effet une définition particulièrement large des caractéristiques techniques qu'il emploie étendant ainsi la protection à toute innovation plausible pouvant résoudre le problème technique identifié. Ainsi, il enseigne que :
-les « préférences de l'utilisateur » peuvent reposer sur la source et la nature du contenu (une série ou un épisode par exemple), peuvent être « stockées », ou porter sur « les prix » [0009], les « préférences de fournitures de contenu peuvent inclure par exemple le format (?) la manière dont le contenu est diffusé (?) le type d'appareil sur lequel le contenu (?) est diffusé (?) des informations sur les prix » (?) d'autres préférences » [0066],
-un « système informatique » peut communiquer avec un « serveur », « à travers un réseau » pour atteindre les sources de contenus. Le « réseau » peut être « local » (LAN), « étendu » (WAN), « cellulaire », « satellite » ou « d'autres types de réseau » ; il peut comprendre des « dispositifs informatiques (par exemple ordinateur, serveurs, routeurs, commutateurs de réseau) » ou être « sans fil » [0010-0011],
-le « circuit de traitement » peut être le « composant d'un serveur de recherche (?) ou un autre appareil électronique qui facilite la recherche de données sur la disponibilité du contenu multimédia », il comprend de façon générale un « processeur » pour « exécuter le code informatique stocké dans la mémoire » [0048],
-le dispositif d'interface utilisateur comprend « tout appareil électronique » « interne » ou « externe » au boitier : écran intégré, moniteur connecté, haut parleur connecté, « selon diverses mises en oeuvre » [0013],
-les « appareils électroniques » peuvent communiquer avec le réseau et comprennent un « processeur » et une « mémoire ». Le brevet donne pour exemple « un ordinateur portable, un ordinateur de bureau, une tablette informatique, un smartphone (...) » [0012],
-les « sources de contenus », contrairement à l'argument de la société Google, « peuvent » utiliser des autorisations mais ne le doivent pas nécessairement [0014].
81. Cette description, particulièrement générale, ne permet pas d'identifier une contribution technique à l'état de la technique. L'argument fondé sur la pluralité de « dispositifs techniques utilisateur » comme justifiant de l'activité inventive est donc infondé.
82. Le même raisonnement est également applicable à la lumière des notions de « circuit de traitement » de la revendication 7 et de « supports lisibles par ordinateur dans lesquels sont stockées des instructions » de la revendication 12, qui renvoient à une contribution technique inexistante par son étendue, mais pouvant limiter l'initiative d'éventuels concurrents.
83. Enfin, la lecture de ces solutions techniques en combinaison avec la méthode de notification proposée aboutit à ce que le brevet protège au moyen de procédés techniques artificiels, des caractéristiques essentiellement économiques non pertinentes pour la résolution du problème technique.
84. Il en résulte que la personne du métier pouvait donc également déduire de façon évidente que la combinaison de cette unité de traitement et du « réseau » comprenant l'ordinateur personnel, et le dispositif portable de l'utilisateur enseignés par D2, renvoyaient à la possibilité générale d'utiliser plusieurs dispositifs électroniques utilisateur.
85. Sans qu'il soit besoin de répondre au surplus des moyens soulevés par les parties les revendications 1, 7 et 12, dépourvues d'activité inventive, sont donc annulées.
Sur les demandes accessoires
86. Partie perdante, la société Google est condamnée aux dépens qui seront recouvrés par Maître Cyrille Amar, conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer aux sociétés Sonos la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme appréciée en équité à défaut de justificatif ou d'accord des parties sur son montant.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
ANNULE les revendications 1, 7 et 12 de la partie française du brevet européen EP 2 764 491 dont est titulaire la société Google LLC,
ORDONNE la transmission du présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, à l'Institut [4] pour être transcrit au Registre National des Brevets, à l'initiative de la partie la plus diligente,
REJETTE le surplus,
CONDAMNE la société Google LLC à payer aux sociétés Sonos Europe B.V et Sonos Inc la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Google LLC aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Cyrille Amar, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 09 novembre 2023
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE