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12/10/2023 | FRANCE | N°22/05941

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 12 octobre 2023, 22/05941


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




3ème chambre
1ère section


No RG 22/05941
No Portalis 352J-W-B7G-CWWYL


No MINUTE :


Assignation du :
16 mai 2022
























JUGEMENT
rendu le 12 octobre 2023






DEMANDEUR


Monsieur [X] [G], dit [X] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]


représenté par Me Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0609 & Me Vincent SCHNEEGAN

S, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant




DÉFENDERESSE


S.A. FRANCE.TV STUDIO
[Adresse 1]
[Localité 3]


représentée par Me François POUGET de la SELARL FACTORI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0300











...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 22/05941
No Portalis 352J-W-B7G-CWWYL

No MINUTE :

Assignation du :
16 mai 2022

JUGEMENT
rendu le 12 octobre 2023

DEMANDEUR

Monsieur [X] [G], dit [X] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Me Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0609 & Me Vincent SCHNEEGANS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A. FRANCE.TV STUDIO
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me François POUGET de la SELARL FACTORI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0300

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DÉBATS

A l'audience du 27 juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 12 octobre 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Magistrat signataire : Madame Elodie GUENNEC (article 456 du code de procédure civile), la présidente Madame Nathalie SABOTIER étant empêchée.

1. Monsieur [X] [G] se présente comme un écrivain ayant pour pseudonyme « [T] » sous lequel il a publié un premier ouvrage en 1973. Il indique que la saga [E], une série policière, a contribué à asseoir sa notoriété.

2. La société France.TV Studio est une filiale du groupe France Télévisions qui exerce diverses activités dans le domaine de la production audiovisuelle et de la prestation technique télévisuelle.

3. Elle est notamment la productrice déléguée de la série audiovisuelle intitulée Les [A] : un air de famille écrite par [M] [U].

4. Ayant découvert la diffusion prochaine de l'épisode pilote de cette série et estimant que le choix du nom "[T]" comme nom de personnage et titre d'une série policière portait atteinte à ses droits, M. [X] [G], dit [X] [T], a mis en demeure France Télévisions, France.TV Studio et M. [U] de retirer le nom "[T]" de la série par courrier du 11 janvier 2022.

5. Par courriel du 20 janvier 2022, M. [X] [G] interrogeait la société France.TV Studio sur son intention de poursuivre la série.

6. Par courrier du 14 février 2022, la société France.TV Studio lui répondait que l'utilisation du nom "[A]" dans le titre et comme nom de personnage de la série n'était aucunement préjudiciable à M. [G].

7. Par acte du 16 mai 2022, Monsieur [X] [G] a assigné la société France.TV Studio devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir ordonner le retrait du nom "[T]" ou "[A]" de la série télévisée Les [A] et la cessation de l'utilisation du nom "[T]".

8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2022, Monsieur [X] [G] demande au tribunal de :

-ordonner à la société France TV Studio le retrait immédiat du nom « [T] » ou « [A] » de la série télévisée « LES [A] », de cesser toute utilisation du nom « [T] », dans le titre de la série et comme nom de personnage de ladite série, l'ensemble sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de quatre mois ;
-condamner la société France TV Studio à allouer à M. [T] la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de l'utilisation de son nom d'auteur en fraude de ses droits,
-l'autoriser à faire publier le dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux ou magasines de son choix aux frais de France TV Studio, dans la limite de 5 000 euros par insertion, et ordonner à France TV Studio la publication d'un communiqué judiciaire sur son site internet qui reprenne le dispositif du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de quatre mois.
-condamner la société France TV Studio à allouer à M. [T] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
-condamner la société France TV Studio aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Patricia Moyersoen, avocat.

9. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, la société France.TV Studio demande au tribunal de :

-débouter M. [X] [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
-condamner M. [X] [G] à payer à la société France.TV Studio la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [X] [G] en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL Factori avocats, avocats aux offres de droit.

10. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

11. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 31 janvier 2023 et renvoyée à l'audience du 27 juin 2023.

SUR CE

Sur le droit au nom

Moyens des parties

12. Monsieur [G] soutient qu'en droit, le nom comme le pseudonyme sont protégés au titre des droits de la personnalité garantis par l'article 9 du Code civil ; que l'utilisation d'un pseudonyme sans autorisation de celui qui le porte entraîne la responsabilité de l'utilisateur de façon automatique par effet d'un droit subjectif protégeant le droit à la vie privée ; qu'il importe de justifier d'un usage prolongé et notoire selon la jurisprudence.

13. Il expose qu'en fait, il a choisi le pseudonyme [T] dés 1973 et l'a utilisé tout au long de sa carrière d'auteur ; que ce patronyme est rare présentant 49 occurrences sur un site spécialisé ce qui doit renforcer selon lui sa protection ; que le pluriel est d'un emploi fréquent en matière littéraire soulignant la ressemblance entre « [T] » et « [A] » ; que sa série la plus célèbre, la saga [E], est policières et a pour thème central la famille comme la série litigieuse générant une confusion ; qu'il est également scénariste pour des oeuvres audiovisuelles.

14. La société France.Tv Studio soutient qu'en droit l'article 9 du Code civil donne le droit à chacun de s'opposer à la divulgation d'une information ou une immixtion relative à la vie privée ; que le droit au nom patronymique est un droit de la personnalité ; que le demandeur à l'action doit justifier de la reprise du nom et de l'intention de tirer profit de la confusion dommageable dans l'esprit du public ; que ces conditions, selon elle, ne sont pas justifiées en l'espèce.

15. Elle expose en fait que le nom est un élément de l'état civil, par nature public, et que le titre de la série Les [A] : un air de famille, est sans rapport avec la vie privée du demandeur ; que le patronyme [T] n'est pas exceptionnel sur les réseaux sociaux ; que le pseudonyme du demandeur est [X] [T] ce qui souligne la dissemblance avec « [A] », le pluriel étant réservé selon elle aux noms de familles royales ou susceptibles d'admiration ; qu'elle n'a jamais eu l'intention de créer une confusion dommageable qui, selon son argument, n'est pas démontrée.

Appréciation du tribunal

16. Aux termes de l'article 9 du Code civil « chacun a droit au respect de sa vie privée. / Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ».

17. Le pseudonyme est protégeable à l'égal du nom patronymique comme constituant une propriété lorsque, par un usage notoire et prolongé, il s'est incorporé à l'individu qui le porte et est devenu pour le public le signe de sa personnalité. Son titulaire est dés lors fondé à s'opposer à son appropriation par un tiers s'il doit en résulter une confusion moralement ou matériellement préjudiciable.

18. En l'espèce, les parties s'opposent sur le pseudonyme véritablement utilisé : le demandeur soutient qu'il s'agit de « [T] », la défenderesse dit qu'il s'agit de « [X] [T] ».

19. Le tribunal, limité par les termes de la demande en application de l'article 5 du code de procédure civile, ne statuera que sur le pseudonyme « [T] », les développements sur l'éventuel pseudonyme « [X] [T] » sont inopérants comme ne faisant l'objet d'aucune prétention spécifique. Les arguments tenant à l'apposition du prénom seront étudiés comme moyens de défense.

20. Monsieur [G] revendique l'utilisation du nom « [T] » comme pseudonyme depuis 1973 et la publication de son roman intitulé Le service militaire au service de qui?. En l'état des pièces produites, Monsieur [G] a systématiquement utilisé ce pseudonyme pour ses nombreuses publications depuis cette date en le faisant précéder de son prénom. Ses travaux, majoritairement littéraires et artistiques, sont notamment constitués de romans, livres jeunesse, bandes-dessinées et scenari de films qui ont pu connaître un succès dans le milieu littéraire et une large diffusion auprès du public français et à l'international.

21. Il justifie ainsi d'un usage notoire et prolongé du pseudonyme « [T] » devenu pour le public le signe de sa personnalité.

22. La société défenderesse est la productrice déléguée d'une série télévisée intitulée « Les [A] : une affaire de famille » dont le premier épisode a été diffusé sur France 3 le 18 janvier 2022. Le résumé de l'intrique est ainsi rédigé « le capitaine [P] [T] est à la retraite et rêve de se réconcilier avec sa fille [J], également capitaine de police, qui vient d'être mutée à [Localité 6]. Mais [J] est en colère contre son père et ne veut pas lui parler, car il l'a quitté quand elle avait 6 ans. Cependant un cas mystérieux les obligera à s'unir (...) ».

23. S'agissant de l'atteinte à la vie privée, le personnage principal de la série est certes d'un âge comparable à Monsieur [G] qui a également une fille. Aucune autre ressemblance, ni physique avec l'acteur interprète du rôle titre de la série, ni avec l'intrigue n'est démontrée.

24. Aucun des éléments de l'intrigue ne permet donc d'établir un lien avec la vie privée de Monsieur [G] ni ne sous-tend, comme il le soutient, un parallèle entre son histoire personnelle et le personnage principal de la série.

25. Le moyen tiré du droit au respect de la vie privée est écarté.

26. S'agissant de l'appropriation du pseudonyme, la série télévisée litigieuse inclut bien le nom « [A] ». Phonétiquement, les syllables sont identiques au pseudonyme de Monsieur [G]. La lettre « s », d'usage rare pour un patronyme, n'est pas prononcée. Enfin le titre « Les [A] : une affaire de famille » comporte neuf syllables contre deux pour « [T] ». Visuellement, le nom [T] apparaît identique quoique, de la même manière, incorporé à un titre plus large et finissant par un « s ». Conceptuellement le titre de la série évoque un univers policier en lien avec une intrigue familiale ce qui peut être rapproché de la saga romanesque « [E] », succès littéraire de Monsieur [G] et élément de sa notoriété. La série n'évoque toutefois pas la même histoire, qui vise une famille de [Localité 5], non de [Localité 6] et n'évoque aucunement une oeuvre littéraire.

27. Il est également tenu compte de ce que le pseudonyme « [T] » est systématiquement utilisé par Monsieur [G] précédé du prénom « [X] », ce qui n'est pas le cas dans le titre de la série. Or, le nom « [T] » utilisé comme patronyme existe depuis, à tout le moins le XVIème siècle selon extrait d'un site spécialisé (pièce demandeur 15). Des occurrences nombreuses sont trouvées s'agissant de ce nom sur les réseaux sociaux et une recherche sur le site des Pages Jaunes indique plus de 1700 occurrences, certes anonymisées pour la plupart. Le nom « [T] » est donc fréquent et banal et ne n'entraine pas, par lui seul, une confusion avec le pseudonyme revendiqué.

28. Il ressort de ces éléments que le risque de confusion allégué n'est pas établi.

29. Le moyen tiré de l'appropriation non autorisée du pseudonyme est écarté.

Sur le droit d'auteur

Moyens des parties

30. Monsieur [G] soutient en droit que le droit d'auteur protège le pseudonyme en application des articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 113-6 du code de la propriété intellectuelle ; que cette protection emporte celle de son droit patrimonial et de son droit à la réputation, composante de son droit moral, lui permettant de revendiquer son nom et de s'opposer à son utilisation ; qu'il aurait pu autoriser cet emploi par son droit à la renonciation, ce qui n'a pas été possible en raison, selon son argument, de l'atteinte qu'il dénonce.

31. Il soutient en fait que l'utilisation du nom « [A] » a été faite sans son autorisation dans le titre de la série télévisée litigieuse ; qu'un risque existe que le public lui attribue cette oeuvre qui n'est pourtant pas la sienne à l'image de la série d'adaptation « Les petits meutres d'Agatha Christie ».

32. La société France.Tv Studio soutient en droit que les articles L. 111-1 et L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle protègent les droits de l'auteur sur son oeuvre pas sur celle des tiers ; que la Cour de cassation a jugé (Civ. 1ère, 10 avril 2013, no12-14.525) que le nom patronymique ne constitue pas en lui-même un oeuvre de l'esprit.

33. Elle expose en fait que le demandeur revendique le droit à s'opposer à ce que son nom figure sur une oeuvre ce qui relève d'un droit de la personnalité et non du droit d'auteur selon son analyse ; qu'aucun élément n'attribue à Monsieur [G] la paternité de la série télévisée litigieuse.
Appréciation du tribunal

34. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...) ».

35. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. / Ce droit est attaché à sa personne. / Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. / Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur. / L'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ».

36. Selon l'article L. 113-6 du même code « les auteurs des oeuvres pseudonymes et anonymes jouissent sur celles-ci des droits reconnus par l'article L. 111-1. / Ils sont représentés dans l'exercice de ces droits par l'éditeur ou le publicateur originaire, tant qu'ils n'ont pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité. / La déclaration prévue à l'alinéa précédent peut être faite par testament ; toutefois, sont maintenus les droits qui auraient pu être acquis par des tiers antérieurement. / Les dispositions des deuxième et troisième alinéas ne sont pas applicables lorsque le pseudonyme adopté par l'auteur ne laisse aucun doute sur son identité civile ».

37. Le droit moral de l'auteur au respect de son nom est attaché à l'oeuvre de l'esprit qui porte l'empreinte de sa personnalité ; l'auteur ne peut donc prétendre sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, à la protection de son nom patronymique en tant que tel, fût-il utilisé pour l'exercice de son activité artistique, ce nom, quelle que soit sa renommée prétendue, ne constituant pas, en lui-même, une oeuvre de l'esprit. La contrefaçon de droit d'auteur est constituée par la reprise des caractéristiques qui fondent l'originalité de l'oeuvre et s'apprécie par les ressemblances que présente avec celle-ci l'oeuvre arguée de contrefaçon et non par leurs différences.

38. La solution qui précède, retenue par le tribunal, est issue de la jurisprudence de la Cour de cassation en particulier de son arrêt du 10 avril 2013 (Cass. 1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi no 12-14.525, Bull. 2013, I, no 72 ; Cass. 1re Civ., 6 janvier 2021, pourvoi no 19-20.758)

39. En l'espèce, Monsieur [G] ne peut donc protéger le pseudonyme « [T] » dont l'originalité n'est, au surplus, pas démontrée et qui existait antérieurement à son utilisation par le demandeur comme étant le patronyme d'autres personnes physiques.

40. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'auteur sur le pseudonyme « [T] » est donc écarté.

41. Il n'est pas contesté que la saga [E], qu'évoque le demandeur en parlant de ses romans policiers est une oeuvre de l'esprit originale portant l'empreinte de sa personnalité.

42. Monsieur [G] a donc le droit d'empêcher que son pseudonyme soit utilisé pour promouvoir une oeuvre comparable qui n'est pas la sienne constituant ainsi une atteinte à son droit moral d'auteur.

43. Le demandeur ne détaille toutefois pas les ressemblances qu'il y aurait entre les deux oeuvres pouvant entrainer une ressemblance entre elles et une atteinte à son droit moral.

44. Le titre de la série évoque un univers policier en lien avec une intrigue familiale ce qui peut être rapproché de la saga romanesque « [E] », succès littéraire de Monsieur [G] et élément de sa notoriété. La série n'évoque toutefois pas la même histoire, qui vise une famille de [Localité 5], non de [Localité 6] et n'évoque aucunement une oeuvre littéraire. La ressemblance entre les deux oeuvres, critère de la contrefaçon, n'est pas démontrée.

45. Il est également tenu compte de ce que le pseudonyme « [T] » est systématiquement utilisé par Monsieur [G] précédé du prénom « [X] », ce qui n'est pas le cas dans le titre de la série. Or, le nom « [T] » utilisé comme patronyme existe depuis, à tout le moins le XVIème siècle selon extrait d'un site spécialisé (pièce demandeur 15). Des occurrences nombreuses sont trouvées s'agissant de ce nom sur les réseaux sociaux et une recherche sur le site des Pages Jaunes indique plus de 1700 occurrences, certes anonymisées pour la plupart. Le nom « [T] » est donc fréquent et banal et ne n'entraine pas, par lui seul, une confusion avec le pseudonyme revendiqué.

46. Il n'est pas démontré que l'emploi du mot « [A] », ou l'utilisation du nom « [T] » pour désigner les personnages de la série télévisée litigieuse, soit lié à sa saga littéraire [E] ni à aucune des autres oeuvres de Monsieur [G].

47. Il résulte de ces éléments que l'atteinte au droit moral de Monsieur [G] n'est pas établie et le moyen écarté.

Sur le droit des marques

Moyens des parties

48. Monsieur [G] soutient en droit que le 8o de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle empêche l'enregistrement d'une marque portant atteinte à un droit de la personnalité ; que l'article L. 713-3 du même code prohibe l'usage d'une marque notoire sans l'autorisation de son titulaire.

49. Il expose en fait que la défenderesse n'a pas déposé la marque « [T] » ; que les auteurs utilisent leur nom comme marque sur des affiches ou des bandeaux à l'image, par exemple de l'écrivain [F] [Y] ; que le nom « [T] » remplit les conditions d'une marque notoire et est donc protégé ; qu'il n'a pas autorisé cet usage.

50. La société France.Tv Studio soutient en droit que le seul titre n'est pas constitutif d'un usage à titre de marque ; que la propritété d'une marque s'acquiert par l'enregistrement ; qu'à défaut une marque notoire peut être protégée si sont démontrés pour la marque son intensité, son étendue, son ancienneté, les budgets qui lui sont consacrés, la part de marché détenus et la qualité des produits vendus comme le rappelle la jurprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (C-375/97), selon son analyse.

51. Elle soutient en fait que Monsieur [G] ne démontre pas être propriétaire d'une marque « [T] » ni, en tout état de cause, qu'elle ait effectué un usage à titre de marque.

Appréciation du tribunal

52. Aux termes de l'article L. 713-5 « ne constitue pas une contrefaçon mais engage la responsabilité civile de son auteur l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, non autorisé par le titulaire d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle:
1oD'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue;
2oD'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque;
3oD'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la notoriété de la marque, ou leur porte préjudice ».

53. En l'espèce, Monsieur [G] explique qu'il est un auteur connu et que le nom d'un auteur peut, à l'exemple d'autres noms qu'il cite, être utilisé pour des supports publicitaires ou un bandeau d'édition.

54. Il ne réalise aucune démonstration ni ne fournit aucun élément permettant d'apprécier le caractère notoire de la marque « [T] », ni un usage à titre de marque du nom [T]. Le moyen, qui manque en fait, est écarté.

55. Les prétentions de Monsieur [G] se fondant sur les trois atteintes qui précèdent et qui ne sont pas établies, sont infondées et, par voie de conséquence, rejetées.

Sur les demandes accessoires

56. Monsieur [G], partie perdante, est condamné aux dépens et à payer à la société France.Tv Studio la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme appréciée en équité à défaut de justificatif ou d'accord des parties sur son montant.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

REJETTE la demande,

CONDAMNE Monsieur [X] [G] à payer à la société France.Tv Studio la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [X] [G] aux dépens dont distraction par la SELARL Factori, avocat.

Fait et jugé à Paris le 12 octobre 2023

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 22/05941
Date de la décision : 12/10/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-10-12;22.05941 ?
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