TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
3ème section
No RG 21/06912 -
No Portalis 352J-W-B7F-CUONR
No MINUTE :
Assignation du :
11 mai 2021
JUGEMENT
rendu le 11 octobre 2023
DEMANDERESSE
S.A.S. LA MANUFACTURE DU PIXEL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Maître Inès BOUZAYEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1517
DÉFENDERESSES
Société BLUE DODO LTD
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Société WEB INNOVATION LTD
[Adresse 2],
[Adresse 2]
MAURITIUS
représentées par Maître Charles DE HAAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1166
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Anne BOUTRON, vice-présidente
Linda BOUDOUR, juge
assistés de Lorine MILLE, greffière,
DEBATS
A l'audience du 15 Juin 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2023.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La société La Manufacture du Pixel, immatriculée le 23 février 2018, a pour activité la vente sur internet, en boutiques spécialisées ou lors de manifestations et d'évènements, d'articles conditionnés liés au jeu, au loisir créatif et au pixel art.
2. Les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd se présentent comme des sociétés de droit mauricien intervenant notamment dans le domaine des loisirs créatifs pour enfants.
3. La société La Manufacture du Pixel indique commercialiser depuis 2018 un jeu, conçu par son président, M. [I] [Z], constitué d'un tapis en silicone souple sur lequel peuvent être disposés des carrés colorés dits « pixels » pour construire des tableaux à volonté :
4. Elle expose avoir vendu, le 6 juillet 2020, à M. [D] [L], dirigeant des sociétés de droit mauricien Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd, un exemplaire du jeu, cet achat ayant immédiatement été suivi de pourparlers entre les parties aux fins de cession des actifs de la société La Manufacture du Pixel, lesquels n'ont pas abouti.
5. Reprochant aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd d'offrir à la vente un jeu dénommé "Le Pixel Art" reproduisant selon elle les caractéristiques originales de son propre jeu, la société La Manufacture du Pixel a fait procéder à une contast d'huissier sur internet le 5 février 2021.
Procédure
6. Par actes d'huissier du 11 mai 2021, la société La Manufacture du Pixel a fait assigner les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droit d'auteur ainsi qu'en concurrence déloyale.
7. Par ordonnance du 8 février 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société La Manufacture du Pixel soulevée en défense par les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd.
8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 septembre 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 15 juin 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
9. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2022, la société La Manufacture du Pixel demande au tribunal de :
à titre principal, DECLARER la demanderesse recevable et bien fondée en ses demandes formulées au titre de la contrefaçon de son jeu de pixel art,
à titre subsidiaire, DECLARER la demanderesse recevable et bien fondée en ses demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
en conséquence :
CONDAMNER les sociétés défenderesses à lui verser à la somme de 10.000 euros chacune de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,
CONDAMNER solidairement les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice économique,
REJETER les demandes reconventionnelles formées par les défenderesses au titre du dénigrement,
CONDAMNER solidairement les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de l'instance,
ORDONNER aux sociétés défenderesses de cesser la commercialisation du jeu de pixel art sur le site Internet dodocraft.fr et par tout autre moyen sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
DIRE que le tribunal se réservera la liquidation de l'astreinte
ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
10. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd demandent au tribunal en substance de:
à titre principal, débouter la société La Manufacture du Pixel de sa demande principale fondée sur la contrefaçon de droit d'auteur et subsidiaire en concurrence déloyale
à titre subsidiaire, débouter la société La Manufacture du Pixel de ses demandes de réparation, faute de préjudice établi
en tout état de cause et à titre reconventionnel, CONDAMNER la société La Manufacture du Pixel à leur payer la somme de 20 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait des actes de dénigrement
CONDAMNER la société La Manufacture du Pixel à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER la même aux entiers dépens sans distraction.
MOTIVATION
Sur la contrefaçon du droit d'auteur
Moyens des parties
11. La société La Manufacture du Pixel revendique un droit d'auteur sur son jeu dont l'originalité se carcatérise selon elle par la combinaison de choix esthétiques et arbitraires du format et de la matière du tapis de jeu, de la gamme de couleur et de la taille des pixels. Elle ajoute que son jeu est commercialisé depuis 2018 sans discontinuité, avant la commercialisation par les défenderesses de leur propre jeu. Au soutien de la contrefaçon, elle expose que depuis le 3 décembre 2020, la société Web Innovation, puis la société Blue Dodo Ltd, ont mis en vente, sur le site accessible à l'adresse https://dodocraft.fr/, un jeu reprduisant à l'identique les caractéristiques de son jeu dont la combinaison est originale.
12. Les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd font valoir que la demanderesse ne démontre par l'originalité revendiquée du jeu litigieux. Elles soutiennent que les critères de choix de la matière du tapis et de la taille des pièces sont des choix techniques et que les caractéristiques du jeu revendiqué ne font que reprendre des traits communs, communément utilisés dans le domaine des jeux pixels. Elles ajoutent que le concept du jeu n'est pas protégeable, les idées étant de libre parcours, et qu'il existe depuis de nombreuses années. Sur la contrefaçon, elles soutiennent que le jeu Dodocraft n'est pas la copie du jeu commercialisé par la société La Manufacture du Pixel.
Réponse du tribunal
13. En application de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.
14. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
15. Si la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.
16. L'originalité d'une oeuvre de l'esprit doit être appréciée dans son ensemble au regard des différents éléments qui la composent ; elle peut résulter de la combinaison d'éléments connus lorsque celle-ci est inédite et traduit un effort créatif (Cass. Civ. 1ère, 24 octobre 2018, pourvoi no 16-23.214).
17. Conformément à l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
18. En l'espèce, la société La Manufacture du Pixel revendique comme originale la combinaison des caractéristiques suivantes de son jeu dont les choix ont été dictés selon elle par des considérations esthétiques :
- le format du tapis, correspondant à un format standard de cadres, choisi pour lui apporter une dimension artistique ;
- la matière du tapis composée de silicone alimentaire souple, choisie pour sa flexibilité, stabilité, solidité, douceur et son absence de nocivité pour les enfants ;
- la sélection de seize couleurs de pixel offrant une plus grande liberté de création ;
- la taille des pixels (0,75 x 0,75 cm) pour permettre une manipulation aisée par des doigts d'enfants tout en garantissant un certain degré de détails et le rendu de l'aspect tramé des images de jeux vidéos des années 1990.
19. Cependant, la société La Manufacture du Pixel n'explicite pas en quoi ces choix sont arbitaires et traduisent un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Au contraire, il apparaît que les choix de matière du tapis ainsi que de taille et de couleur des pixels ont été induits par des considérations techniques. S'agissant des couleurs, si leur nombre est plus important que celui que proposent les jeux similaires, ce que ne contestent pas les défenderesses, les couleurs ne sont pas en elles-mêmes appropriables. En outre, elle ne démontre pass que le choix des couleurs et de leur disposition est arbitraire et résdulte d'un effort créatif. Le forrmat du tapis n'est quant à lui que la reprise d'un format standard de cadre et relève du fonds commun des jeux non appropriable, comme l'indique elle-même la demanderesse. Aussi la Manufacture du Pixel échoue-t-elle à rapporter la preuve qui lui incombe de choix créatifs et arbitraires portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur de nature à caractériser l'orginalité revendiquée.
20. En conséquence, son jeu n'étant pas accessible à la protection par le droit d'auteur, la demande de la société la Manufacture du Pixel au titre de la contrefaçon sera rejetée.
Sur la demande subsidiaire fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Moyen des parties
21. La société La Manufacture du Pixel fait valoir que les sociétés défenderesses ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires aux motifs que le produit qu'elle commercialise reprend toutes les caractéristiques essentielles de sont jeu et qu'elles se sont appropriées de manière illicite son travail qui a nécessité d'importants investissements intellectuels et matériels.
22. Les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd font valoir que la demanderesse ne peut invoquer les mêmes faits au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, soutiennent qu'il existe de nombreux jeux similaires à celui commercialisé par la demanderesse et qu'elle ne justifie d'aucun investissement.
Réponse du tribunal
23. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
24. La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d'investissements.
25. Le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive, mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce.
26. En l'occurence, il est établi qu'est proposé à la vente, au moins depuis le 25 février 2021, date du constat versé aux débats par la demanderesse, sur le site https://dodocraft.fr, initialement exploité par la société Web Innovation Ltd puis par la société Blue Dodo Ltd, ce qui n'est pas contesté par les défenderesses, un jeu de pixels qui imite le jeu produit et commercialisé depuis le 27 février 2018 par la société La Manufacture du Pixel en ce qu'il contient un tapis de matière et de format identique ainsi que des pixels de taille identique dont le nombre et les couleurs sont similaires (16 couleurs et 900 pixels pour le produit de la Manufacture du Pixel, 18 couleurs et 1000 pixels pour le produit concurrent).
27. Toutefois, la société la Manufacture du Pixel, à laquelle incombe la charge de la preuve, ne démontre pas en quoi les similitudes relevées entre son modèle de jeu de pixels et celui des défenderesses, tenant à la forme rectangulaire du jeu, la taille du tapis, le nombre, la forme et les couleurs de pixels, sont de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs moyens normalement attentifs alors que ces caractéristiques sont banales et non appropriables et ne sauraient au demeurant être monopolisées par un seul acteur du marché des jeux de pixels. Le risque de confusion est d'autant moins établi que les packaging des deux produits sont visuellement différents : la boîte du jeu de la demanderesse représente une enveloppe A4 tamponnée en papier kraft laissant apparaître de manière très visible le nom de la société la Manufacture du Pixel sous forme d'étiquette tandis que la boîte du jeu commercialisé par les défenderesses est de couleur noire et porte sur la face avant le nom Dodocraft en caractères très apparent accompagné de dessins de pixels de couleurs. Il est relevé, de plus, que les quelques messages que la société La Manufacture du Pixel verse aux débats pour démontrer le risque de confusion émanent de ses propres clients qui ne font que l'alerter des similitudes entre les deux modèles de jeux, ce qui ne suffit à établir un risque de confusion sur l'origine des deux produits. Enfin, les faits invoqués par la société La Manufacture du Pixel tenant à la commercialisation du produit litigieux par les défenderesses à la suite de l'échec des négociations entre les parties sur le rachat de la demanderesse ainsi que le changement de société éditrice du site internet des défenderesses apparaissent être des éléments de contexte qui sont inopérants à établir le risque de confusion requis.
28. Par ailleurs, la société La Manufacture du Pixel ne justifie pas au titre du parasistime allégué des "lourds investissements, tant sur le plan intellectuel que sur le plan matériel", ni les "importants frais" de création du tapis, des moules et appareils de fabrication, de la promotion et commercialisation du produit et du recueil des agréments qui seraient selon elle nécessaires, ces éléments n'étant pas chiffré ni établis. Elle ne verse aux débats que des échanges avec ses prestataires relatifs à l'envoi des spécifications techniques du jeu en vue de sa fabrication et à des ajustements nécessaires sur les pixels en raison de certaines malfaçons, qui ne sont à eux seuls aucunement probants pour démontrer les investissements et frais qu'elle allègue ni que ce jeu a acquis une valeur économique individualisée. Elle ne démontre pas plus que son jeu aurait connu "un grand succès auprès du public", comme elle le soutient. Dès lors, la société La Manufacture du Pixel échoue également dans sa démonstration d'actes de parasitisme.
29. La société la Manufacture du Pixel sera en conséquence déboutée de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme.
Sur la demande reconventionnelle formée par les défenderesses au titre du dénigrement
Moyens des parties
30. Les défenderesses imputent à la demanderesse des actes de dénigrement en raison de messages publiés sur les réseaux sociaux et sur le blog de la société La Manufacture du Pixel.
31. La société La Manufacture du Pixel fait valoir que les éléments communiqués par les sociétés défenderesses ne sont pas probants et que les messages qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de dénigrement. Elle souligne que les publications en cause concernent le comportement du dirigeant des défenderesses et non la qualité ou les caractéristiques des produits vendus et relèvent des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 dont les délais n'ont pas été respectés.
Réponse du tribunal
32. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
33. La divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur l'activité d'un tiers ou les produits qu'il fabrique ou commercialise, notamment d'une information qualifiant ces produits de contrefaçon alors qu'aucune décision de justice n'a encore été rendue en ce sens, constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.(Cass. 1re civ., 11 juill. 2018, no 17-21.457). Il est ainsi constant que le dénigrement est constitué lorsque les propos visent les produits, les services ou l'activité d'une entreprise et sont tenus dans le but d'inciter une partie de la clientèle de l'entreprise visée à s'en détourner et engage la responsabilié extra-contractuelle de son auteur sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil.
34. Les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 , dès lors qu'elles ne concernent pas une personne physique ou morale (Cass.
2e Civ., 5 juillet 2000, pourvoi no 98-14.255)
35. En l'espèce, les sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd versent aux débats deux captures d'écran (leurs pièces no8 et 9) présentant des contenus selon elles dénigrants et qu'elles imputent à la société La Manufacture du Pixel. Or c'est de manière inopérante que celle-ci conclut à l'absence de garantie quant à l'authenticité de ces contenus, se contentant de procéder par affirmation sans apporter aucun élément objectif au soutien de son allégation, alors par ailleurs que ces captures d'écran présentent des adresses URL la désignant, la société La Manufacture du Pixel ne contestant d'ailleurs pas que les écrans capturés présentent une page de son site internet et de sa page facebook. De plus et contrairement à ce qu'elle affirme, ces pièces font apparaître les dates du 5 décembre 2020 pour la pièce no8 et 4 décembre 2020 pour la pièce no9.
36. Il ressort de ces pièces qu'a été publié les 4 et 5 décembre 2020 sur le site de la société La Manufacture du Pixel et sur son compte Facebook un article intitulé "notre avis sur dodocraft (un jour un jeu) : dropshipping, contrefaçon, sécurité" relatif au jeu commercialisé sur le site https://dodocraft.fr présenté comme " site web douteux" accusant la société Web Innovation Ltd et ses dirigeants de parasitisme commercial, incitant les internautes à déposer sur les comptes Facebook et Instagram concernés le message "Bonjour, ce produit existe déjà et est commercialisé depuis 4 ans par la Manufacture du Pixel (https://manufacturedupixel.com/), moins cher et avec un envoi plus rapide.Plus de détails ici :https://manufacturedupixel.com/notre-avis-sur-dodocraft-un-jour-un-jeu" et soulignant en conclusion "(...) il faudra un jour expliquer comment votre société (...) peut vendre sur son site web un produit contrefait au concept volé, à un prix prohibitif en dropshipping et à priori sans répondre aux normes de sécurité européennes".
37. Sont également produits deux sms adressés à deux clients ayant fait un "like" ou un commentaire sur la page "un jour un jeu" dont les termes, identiques sont les suivants: "on souhaitait vous avertir (...): leur produit kit tapis + 900 pixels est une contrefaçon, ce produit existe déjà et est commercialisé depuis 4 ans par la Manufacture du Pixel (...) Moins cher et avec un envoi rapide (...)". Toutefois, l'auteur de ces messages n'étant pas identifiés ne sauraient être imputés à la société la Manufacture du Pixel.
38. Il apparaît de ce qui précède que les publications versées aux débats mettent bien en cause les produits des défenderesses, nonobstant les dénégations de la société la Manufacture du Pixel, et que les messages, publics, qu'elles véhiculent, décrivant sans réserve le produits des défenderesses de contrefaisant alors qu'aucune décision de justice y relative n'a été rendue constituent bien un dénigrement, et non une diffamation des dirigeants comme le soutient à tort la demanderesse.
39. Les défenderesses n'établissant pas de préjudice économique directement lié à ces actes, il leur sera alloué une somme de 2 000 euros chacune en réparation de leur préjudice moral.
Sur les frais du procès et l'exécution provisoire
40. Partie perdante, la société la Manufacture du Pixel est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
41. L'exécution provisoire qui est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile n'a pas à être écartée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal
Rejette les demandes principales et subsidiaires de la société La Manufacture du Pixel ;
Condamne la société la Manufacture du Pixel à payer aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd chacune 2000 euros en réparation des dommages résultant des actes de dénigrement ;
Condamne la société la Manufacture du Pixel aux dépens ;
Condamne la société la Manufacture du Pixel à payer aux sociétés Web Innovation Ltd et Blue Dodo Ltd 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 11 octobre 2023
La greffière Le président