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08/08/2023 | FRANCE | N°22/56578

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0760, 08 août 2023, 22/56578


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 22/56578 - No Portalis 352J-W-B7G-CX3KT

No : 2/MC

Assignation du :
14 Septembre 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 août 2023

par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDERESSES

Madame [U] [I]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Société KY BEAUTY 2
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentées par Me Farida MESSAOUDI ABTROUN, avocat au

barreau de PARIS - #C2145

DEFENDERESSE

Société RESILIENCE HAIR

PV de signification et siège social : Chez la société SOFRADOM
[Adresse 1]
[...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 22/56578 - No Portalis 352J-W-B7G-CX3KT

No : 2/MC

Assignation du :
14 Septembre 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 août 2023

par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDERESSES

Madame [U] [I]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Société KY BEAUTY 2
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentées par Me Farida MESSAOUDI ABTROUN, avocat au barreau de PARIS - #C2145

DEFENDERESSE

Société RESILIENCE HAIR

PV de signification et siège social : Chez la société SOFRADOM
[Adresse 1]
[Localité 5]

Et exploitant : [Adresse 2]

représentée par Me Sophie HAYRANT-GWINNER, avocat au barreau de PARIS - #E0613

DÉBATS

A l'audience du 03 Juillet 2023, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Marion COBOS, Greffier, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 04 août 2023, prorogé au 8 août 2023.

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. Le 5 décembre 2019, la société de droit brésilien Kamila Scalco Cosmeticos, devenue le 21 août 2019 la société 2 K Cosmeticos, a déposé à l'INPI brésilien la marque brésilienne semi-figurative "Minoa professional" pour désigner différents produits en classe 3 dont les produits capilaires.

2. La société 2K Cosmeticos a développé un réseau de commercialisation de produits capilaires, en particulier en France, où ses produits étaient distribués, jusqu'en mars 2022, par la société Ky Beauty 2, dont la dirigeante est Mme [U] [I].

3. Mme [U] [I] a déposé à l'INPI les marques françaises suivantes :
- le 16 février 2022 la marque semi-figurative "Minoa Professional" enregistrée sous le no4 844 474 pour désigner en classe 3 les "cosmétiques" ;

- le 13 avril 2021 la marque verbale "Minoa Gloss et Collagen" enregistrée sous le no4 754 300 pour désigner en classe 3 les "cosmétiques".

4. Le 13 juin 2022, la société 2 K Cosmeticos a formé opposition au dépôt no 4 844 474; son opposition a été déclarée irrecevable (hors délai) le 23 juin 2023.

5. C'est dans ce contexte que, reprochant à la société Resilience Hair, licenciée de la société 2K Cosmeticos, l'usage du signe "Minoa" en France et en particulier l'importation de produits capilaires revêtus de ce signe, la société Ky Beauty 2 et Mme [U] [I] l'ont, par acte d'huissier du 14 septembre 2022, faite assigner en référé devant le délégataire du président de ce tribunal auquel elles demandent de prononcer des mesures d'interdiction d'usage des signes sous astreinte, ainsi que sa condamnation à leur payer la somme provisionnelle de 50.000 euros chacune, à valoir sur la réparation de leur préjudice résultant de la contrefaçon de marque, et d'ordonner le blocage des comptes bancaires de cette société.

6. Après deux renvois, l'affaire a finalement été examinée à l'audience du 3 juillet 2023. A cette date, les demanderesses ont confirmé les termes de leur assignation.

7. La société Resilience Hair conclut au rejet des demandes et sollicite la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice que lui cause la présente procédure qu'elle qualifie d'abusive, outrela publication du jugement et la condamnation solidaire des demanderesses à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

8. Il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens des parties à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

9. Selon l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes. Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées. Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.

10. Ces dispositions réalisent la transposition en droit interne de la Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle dont l'article 3 "obligations générales" (lesquelles s‘imposent donc aux autorités nationales) prévoit que "2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif." Le considérant 22 de cette directive précise que "(22) Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle."

11. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, saisi de demandes présentées au visa de l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés doit examiner les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d'apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation afin d'évaluer le caractère proportionné des mesures sollicitées par rapport à l'atteinte alléguée et de prendre, au vu des risques encourus de part et d'autre, la décision d'interdire ou non la commercialisation du produit prétendument contrefaisant.

12. Selon l'article L. 712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice.
13. Cette disposition n'envisage la fraude que dans le cadre de l'action en revendication. En vertu toutefois de l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout", l'enregistrement frauduleux d'une marque peut toujours être annulé. Il est à cet égard constamment jugé qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité (Cass. Com., 25 avril 2006, pourvoi no 04-15.641).

14. Il résulte en outre de l'article L. 711-3, III, du code de la propriété intellectuelle que ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque dont l'enregistrement a été demandé par l'agent ou le représentant du titulaire d'une marque protégée dans un Etat partie à la convention de [Localité 8] pour la protection de la propriété industrielle, en son propre nom et sans l'autorisation du titulaire à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie sa démarche.

15. Le Brésil est partie à la Convention pour la protection de la propriété industrielle signée à [Localité 8] le 20 mars 1883 pour l'avoir ratifiée le 6 juin 1884. Mme [I] ne revendique aucune autorisation qui lui aurait été donnée par la société 2 K Cosmeticos pour déposer en son nom les marques "Minoa". Ce dépôt est également intervenu en connaissance du signe exploité par la société 2K Cosmeticos, qu'il reproduit à l'identique, et que les demanderesses opposent aujourd'hui à ses représentantes en France.

16. Il en résulte que les critiques élevées en défense par la société Resilience Hair, tirées tout à la fois du dépôt non autorisé par le titulaire et de la fraude, apparaissent à ce stade comme un moyen sérieux de nature à remettre en cause l'apparente validité des marques opposées et qui justifient, au vu des risques encourus de part et d'autre, de rejeter les demandes présentées en référé par Mme [I] et la société Ky Beauty 2, lesquelles apparaissent disproportionnées.

17. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes.

18. La société Resilience Hair qui ne démontre pas le discrédit qu'elle reproche aux demanderesses, non plus qu'aucun préjudice distinct de celui de la nécessité de se défendre, réparé par d'autres dispositions de la présente décision, ne peut qu'être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et de publication de la présente décision.

19. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [I] et la société Ky Beauty 2 supporteront in solidum les dépens et seront condamnées, sous la même solidarité imparfaite, à payer à la société Resilience Hair la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

20. Il est rappelé que conformément aux dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,

Dit n'y avoir lieu à référé, ni sur les demandes principales de Mme [U] [I] et de la société Ky Beauty 2, ni sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive de la société Resilience Hair ;

Condamne in solidum Mme [U] [I] et la société Ky Beauty 2 aux dépens ;

Condamne in solidum Mme [U] [I] et la société Ky Beauty 2 à payer à la société Resilience Hair la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision ne peut être écartée.

Fait à Paris le 08 août 2023.

Le Greffier, Le Président,

Marion COBOS Nathalie SABOTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0760
Numéro d'arrêt : 22/56578
Date de la décision : 08/08/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-08-08;22.56578 ?
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