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20/07/2023 | FRANCE | N°21/10327

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 20 juillet 2023, 21/10327


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 21/10327
No Portalis 352J-W-B7F-CUXDL

No MINUTE :

Assignation du :
02 juillet 2021

JUGEMENT
rendu le 20 juillet 2023

DEMANDERESSE

Société NOKIA TECHNOLOGIES OY
[Adresse 7]
[Localité 1] (FINLANDE)

représentée par Me David POR du LLP ALLEN et OVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022

DÉFENDERESSES

Société GUANGDONG OPPO MOBILE TELECOMMUNICATIONS CORP., LT D
[Adresse 6]
[Adresse 6] (CHINE)

S.A.S. YANG

TECHNOLOGY
[Adresse 3]
[Localité 4]

S.A.R.L. ARTECH MOBILES
[Adresse 2]
[Localité 4]

Société ONEPLUS TECHNOLOGY ([Localité 9]) CO., LTD.
[Adresse 5]...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 21/10327
No Portalis 352J-W-B7F-CUXDL

No MINUTE :

Assignation du :
02 juillet 2021

JUGEMENT
rendu le 20 juillet 2023

DEMANDERESSE

Société NOKIA TECHNOLOGIES OY
[Adresse 7]
[Localité 1] (FINLANDE)

représentée par Me David POR du LLP ALLEN et OVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022

DÉFENDERESSES

Société GUANGDONG OPPO MOBILE TELECOMMUNICATIONS CORP., LT D
[Adresse 6]
[Adresse 6] (CHINE)

S.A.S. YANG TECHNOLOGY
[Adresse 3]
[Localité 4]

S.A.R.L. ARTECH MOBILES
[Adresse 2]
[Localité 4]

Société ONEPLUS TECHNOLOGY ([Localité 9]) CO., LTD.
[Adresse 5],
[Adresse 5],
[Localité 9] (CHINE)
représentées par Me Stanislas ROUX-VAILLARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation.

DEBATS

A l'audience du 03 avril 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 06 juillet 2023.
Le délibéré a été prorogé au 20 juillet 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. La société de droit finlandais Nokia Technologies Oy, se présente comme étant en charge de la recherche et du développement au sein du groupe Nokia spécialisé dans le domaine des télécommunications.

2. Elle est titulaire du brevet européen no 1 702 486, ci-après EP 486, intitulé "Procédé pour régler un transfert", issu de la demande internationale no 2005/064976 déposée le 23 décembre 2004 et revendiquant la priorité de la demande américaine no 748088 déposée le 30 décembre 2003. La mention de la délivrance de ce brevet a été publiée le 2 juillet 2014. L'invention selon le brevet EP 486 porte sur l'application d'un algorithme de transfert de communication lorsque le composant d'interface utilisateur d'un terminal se trouve à l'état actif.

3. La société de droit chinois Guangdong Oppo Mobile Telecommunications conçoit des équipements électroniques et plus particulièrement des smartphones qu'elle commercialise sous la marque "Oppo". La société Yang Technology et la sociétéArtech Mobiles (qui exerce sous le nom commercial "Oppo France"), indiquent être spécialisées dans la commercialisation de produits de téléphonie mobile.

4. La société de droit chinois OnePlus Technology ([Localité 9]), est également spécialisée dans les équipements électroniques de type smartphones qu'elle commercialise sous la marque "OnePlus".

5. Selon la société Nokia Technologies, les smartphones commercialisés sous les marques Oppo et OnePlus depuis le 1er juillet 2016 reproduisent les revendications du brevet EP 486. Elle précise que c'est à compter de cette date que ces smartphones ont été nativement équipés de plusieurs versions de leur système d'exploitation propre, ColorOs pour les smartphones Oppo et OxygenOs pour les smartphones OnePlus, qui reproduisent les revendications de ce brevet.

6. Des négociations ont eu lieu entre les parties afin de définir les conditions d'une licence portant sur la technologie développée par le groupe Nokia, mais les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord. C'est dans ce contexte que, par actes des 2 et 8 juillet 2021, la société Nokia a fait assigner les sociétés Oppo et OnePlus devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon des revendications 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet EP 486 (telle que limitée après acceptation de la demande présentée à cette fin au directeur de l'INPI par la société Nokia Technology Oy).

7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 janvier 2023, la société Nokia Technologies demande au tribunal de :
- DIRE que les revendications 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 702 486 sont valides ;
- DIRE que les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS et Artech Mobiles ont commis des actes de contrefaçon des revendications 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 702 486, en important, offrant et en distribuant en France les produits OPPO Find X2 Lite, OPPO Find X2 Neo, OPPO Find X2 Pro, OPPO Find X3 Lite, OPPO Find X3 Neo, OPPO Find X3 Pro, OPPO Find X5 Lite, OPPO Find X5, OPPO Find X5 Pro, OPPO Reno 10x Zoom, OPPO Reno2, OPPO Reno4 Z 5G, OPPO Reno4 5G, OPPO Reno4 Pro 5G, OPPO Reno6 5G, OPPO Reno6 Pro 5G, OPPO Reno7, OPPO Reno8 Pro 5G, OPPO Reno8 5G, OPPO Reno8 Lite 5G, OPPO A16, OPPO A53s, OPPO A54 5G, OPPO A57s, OPPO A57, OPPO A74, OPPO A74 5G, OPPO A77 5G, OPPO A94 5G, OPPO A76, OPPO A96 et d'une façon générale tout smartphone utilisant le système d'exploitation « ColorOS » ;
- INTERDIRE aux sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS et Artech Mobiles d'offrir, de mettre dans le commerce, d'importer, et de détenir aux fins précitées en France les produits OPPO Find X2 Lite, OPPO Find X2 Neo, OPPO Find X2 Pro, OPPO Find X3 Lite, OPPO Find X3 Neo, OPPO Find X3 Pro, OPPO Find X5 Lite, OPPO Find X5, OPPO Find X5 Pro, OPPO Reno 10x Zoom, OPPO Reno2, OPPO Reno4 Z 5G, OPPO Reno4 5G, OPPO Reno4 Pro 5G, OPPO Reno6 5G, OPPO Reno6 Pro 5G, OPPO Reno7, OPPO Reno8 Pro 5G, OPPO Reno8 5G, OPPO Reno8 Lite 5G, OPPO A16, OPPO A53s, OPPO A54 5G, OPPO A57s, OPPO A57, OPPO A74, OPPO A74 5G, OPPO A77 5G, OPPO A94 5G, OPPO A76, OPPO A96 utilisant le système d'exploitation « ColorOS » et d'une façon générale tout produit reproduisant les enseignements des revendications 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 702 486 ;
- DIRE que la société OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. a commis des actes de contrefaçon des revendications 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 702 486, en important, offrant et en distribuant en France les produits OnePlus 9 Pro, OnePlus 9, OnePlus 8T, OnePlus 8 Pro, OnePlus 8, OnePlus Nord, OnePlus Nord N10 5G, OnePlus Nord N100, OnePlus Nord CE 5G, OnePlus Nord CE 2 5G, OnePlus Nord 2 5G, OnePlus Nord 2T 5G, OnePlus Nord CE 2 Lite 5G, OnePlus 10 Pro 5G, OnePlus 10T 5G et d'une façon générale tout smartphone utilisant le système d'exploitation « OxygenOS» ;
- INTERDIRE à la société OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. d'offrir, de mettre dans le commerce, d'importer, et de détenir aux fins précitées en France les produits OnePlus 9 Pro, OnePlus 9, OnePlus 8T, OnePlus 8 Pro, OnePlus 8, OnePlus Nord, OnePlus Nord N10 5G, OnePlus Nord N100, OnePlus Nord CE 5G, OnePlus Nord CE 2 5G, OnePlus Nord 2 5G, OnePlus Nord 2T 5G, OnePlus Nord CE 2 Lite 5G, OnePlus 10 Pro 5G, OnePlus 10T 5G utilisant le système d'exploitation « OxygenOS » et d'une façon générale tout produit reproduisant les enseignements des revendications 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no 1 702 486 ;
- ORDONNER aux sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. de rappeler des circuits commerciaux les produits qui contrefont la partie française du brevet européen no 1 702 486, dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 10.000 € par jour de retard ;
Avant-dire droit sur le préjudice,
- CONDAMNER les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS et Artech Mobiles conjointement d'une part, et la société OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. d'autre part, à payer chacune à la société Nokia Technologies Oy la somme globale de 1 millions € à titre de provision en réparation du préjudice économique qu'elle a subi, sauf à parfaire;
- ORDONNER aux sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS et Artech Mobiles conjointement d'une part, et à la société OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. d'autre part, de payer chacune à la société Nokia Technologies Oy la somme de 500.000 € en réparation du préjudice moral qu'elle a subi, sauf à parfaire ;
- ORDONNER aux sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. de communiquer à Nokia Technologies Oy, par écrit et sous une forme appropriée (divisée en mois), les documents comptables et le nombre de vente des produits contrefaisants permettant de déterminer l'étendue des actes de contrefaçon commis sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de signification du jugement à intervenir ;
- ORDONNER aux sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. de communiquer à Nokia Technologies Oy tous les documents ou informations qu'elles détiennent afin de déterminer les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment (i) les noms et adresses des distributeurs, importateurs et autres détenteurs de ces produits, (ii) les quantités importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de la signification du jugement à intervenir;
- ORDONNER la publication de l'intégralité du jugement à intervenir, aux frais exclusifs des sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd., sous la forme d'un document PDF reproduisant l'entière décision et accessible par un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil de leur site Internet, quelle que soit l'adresse permettant d'accéder à ces sites Internet, le titre du lien étant, dans la langue appropriée : « Le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. ont commis des actes de contrefaçon des droits de Nokia en mettant sur le marché des smartphones mettant en oeuvre les enseignements d'un de ses brevets européens. » dans une police de taille 20 au moins, pendant 6 mois, dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 5.000 € par jour de retard ;
- AUTORISER la société Nokia Technologies Oy à faire publier le jugement à intervenir dans cinq journaux ou quotidiens, de son choix et aux frais des sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd., sans que le coût de ces publications ne dépasse 20.000 € HT au total, selon le texte suivant : « Le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. ont commis des actes de contrefaçon des droits de Nokia en mettant sur le marché des smartphones mettant en oeuvre les enseignements d'un de ses brevets européens. » ;
- DIRE que le tribunal sera compétent pour statuer, s'il y a lieu, sur la liquidation des astreintes qu'il a fixées ;
- DEBOUTER les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- CONDAMNER les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. à payer à la société Nokia Technologies Oy la somme de 300.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. aux entiers dépens et dire que ceux-ci pourront être recouvrés directement par Me David Por, avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

8. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 janvier 2023, les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. demandent quant à elles au tribunal de:
- DIRE que la partie française du brevet EP 1 702 486 de de la société Nokia Technologies Oy est nulle pour insuffisance de description ;
- DIRE que les revendications no9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet EP 1 702 486 de de la société Nokia Technologies Oy sont nulles pour défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive ;
En conséquence,
- PRONONCER LA NULLITE des revendications no9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet EP 1 702 486 ;
- ORDONNER l'inscription de la décision à intervenir au Registre National des Brevets, à la diligence du greffe ;
- DEBOUTER la société Nokia Technologies Oy de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd ; A titre subsidiaire,
- CONSTATER que les sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd n'ont commis aucun acte de contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 702 486 ;
En conséquence,
- DEBOUTER la société Nokia Technologies Oy de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd ;
A titre très subsidiaire,
- DEBOUTER la société Nokia Technologies Oy de ses demandes de mesures d'interdiction et de rappel à l'encontre des sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd ;
ou à défaut, et à tout le moins
- DIRE que les mesures d'interdiction et de rappel ne prendront effet que dans un délai minimal de quatre mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- DEBOUTER la société Nokia Technologies Oy de ses demandes de dommages-intérêts provisionnels à l'encontre des sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd ;
- DEBOUTER la société Nokia Technologies Oy de ses demandes tendant à la publication du jugement à intervenir ;
- DIRE que la communication des informations demandées au titre de l'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle se fera dans le cadre d'un cercle de confidentialité organisé entre les parties ;
Et tout état de cause,
- ECARTER l'exécution provisoire du jugement à intervenir à l'égard des demandes de la société Nokia Technologies Oy ;
- CONDAMNER la société Nokia Technologies Oy à verser aux sociétés Guangdong OPPO Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd, in solidum, la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire ;
- CONDAMNER la société Nokia à payer aux sociétés OPPO et OnePlus l'ensemble des frais de justice qui seront recouvrés par Hogan Lovells ([Localité 8]) LLP, selon l'article 699 du code de procédure civile.

9. L'instruction a été close par une ordonnance du 31 janvier 2023 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 3 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Présentation de l'invention

10. Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet EP 1 702 486, l'invention concerne la détermination des situations dans lesquelles l'algorithme de transfert de communication est appliqué.

11. La description rappelle (paragraphe [0002]) qu'afin de fournir un service continu à un utilisateur, un terminal mobile doit effectuer un processus de transfert de communication pour passer d'un canal à un autre. Ce changement de canal peut également provoquer le changement de station de base ou d'un autre élément du réseau, tel qu'un élément du réseau contrôlant une station de base ou un élément du c?ur de réseau, par exemple un centre de commutation mobile ou un n?ud de support de la commutation de paquets. Un transfert de communication peut également se produire vers un autre type de système, par exemple entre le réseau GSM et un réseau UMTS (Universal Mobile Telecommunications System).

12. Le paragraphe [0003] enseigne ensuite que le transfert se produit souvent parce que la qualité du signal du canal fournissant à un moment donné le service de transmission n'est pas assez bonne. D'ailleurs les terminaux mobiles sont agencés pour mesurer les signaux de la cellule de desserte et des cellules environnantes à des intervalles de temps spécifiques. La qualité du signal en cours d'utilisation est comparée à des estimations d'autres signaux disponibles, et, sur la base de critères fixés par un algorithme de transfert de communication, une décision est prise de changer de canal. En principe, la force du signal (au moins) est utilisée par l'algorithme de transfert de communication. D'autres critères sont les taux d'erreur, les niveaux de puissance d'émission, le volume du trafic, ainsi, évidemment, que la perte totale de la connexion actuelle. Si le résultat de l'algorithme de transfert de communication est que le canal doit être changé, une signalisation est lancée entre le terminal mobile et le ou les réseaux d'accès.

13. Le paragraphe [0004] ajoute qu'aujourd'hui de nombreux terminaux mobiles sont capables de fournir une grande variété de services de télécommunications. Par exemple, un terminal peut être capable de fournir des services de transmission de parole et de données à commutation de circuit, des services de transfert de données à commutation de paquets et des services de messagerie tels que SMS (Short Message Service, « service de messages courts »). Ces services peuvent être fournis via un type de réseau ou différents types de réseaux. Par exemple, le service de transfert de données à commutation de paquets du terminal peut être fourni par une connexion à un point d'accès à un réseau local sans fil et les services à commutation de circuit peuvent être fournis par une connexion à un réseau mobile terrestre public (PLMN). Dans les applications réseau actuelles, l'application reste connectée à l'aide des paramètres de connexion initialement sélectionnés lorsque la connexion a été établie. Ainsi, les transferts de communication ne sont effectués que dans le système actuellement en cours d'utilisation. Même si un nouveau type de connexion devient disponible, l'application continuera d'utiliser les paramètres de connexion initiaux.

14. Au titre de l'art antérieur le plus proche, la description cite ensuite le document WO 99/25146 qui divulgue un téléphone mobile bi-mode dans lequel l'utilisateur peut, en appuyant sur un bouton spécifique, lancer le transfert de communication entre un réseau fixe et un réseau mobile. Lorsque le téléphone bimode quitte la zone de couverture du réseau fixe, le téléphone envoie une tonalité d'avertissement sur la force du signal à l'utilisateur qui peut alors appuyer sur le bouton "handover" («transfert de communication»), provoquant ainsi le déclenchement du transfert d'appel vers le réseau mobile.

15. Cependant, précise la description, il se peut que l'utilisateur n'utilise pas activement son terminal, par exemple l'appareil peut être dans la poche de l'utilisateur, et l'indication ne parvient pas à l'utilisateur. Dans ce type de situation, l'exécution de l'algorithme de transfert de communication et les mesures et comparaisons associées avant l'indication peuvent inutilement gaspiller les ressources du terminal, car l'utilisateur n'est pas intéressé par le passage d'un réseau à l'autre.

16. Selon le paragraphe [0006], un but de l'invention est de fournir une méthode améliorée pour l'application d'un algorithme de transfert de communication. Plus particulièrement (pargraphe [0007]) l'invention est basée sur l'idée qu'un état particulier d'un composant d'interface utilisateur (mécanique ou non mécanique) d'un terminal est utilisé comme condition préalable à l'application de l'algorithme de transfert de communication. Ainsi, l'état du composant d'interface utilisateur est vérifié et l'algorithme de transfert de communication est appliqué sur la base de l'état actuel du composant d'interface utilisateur ; l'algorithme de transfert de communication n'est appliqué que si l'état actuel du composant d'interface utilisateur est actif.

17. Le composant d'interface utilisateur peut être mis à l'état inactif ou actif automatiquement et/ou à l'initiative de l'utilisateur. Les états « inactif » et « actif » reflètent l'état du composant d'interface utilisateur au vu de l'activité d'utilisation, c'est-à-dire que, si l'état est inactif, le composant ou le terminal n'est pas utilisé activement. Le terme « algorithme de transfert de communication » fait généralement référence à tout type de processus qui sélectionne un canal d'accès parmi les canaux disponibles pour le terminal et décide ainsi si le terminal doit passer à un autre canal (de signalisation et/ou de trafic). (paragraphe [0008])

18. Selon le paragraphe [0009], l'avantage de l'invention est que le contexte d'utilisation du terminal peut être pris en compte dans les décisions de transfert. L'application de l'algorithme de transfert de communication peut être empêchée en fonction du statut d'un composant de l'interface utilisateur.

19. Le paragraphe [0010] enseigne que de nombreux terminaux comportent un couvercle qui est mobile par rapport à une partie formant corps. Aussi, dans un mode de réalisation, l'état du couvercle par rapport à la partie formant corps est vérifié. Un avantage de ce mode de réalisation est que l'algorithme de transfert de communication ne peut être appliqué que lorsque le couvercle est ouvert. Dans un autre mode de réalisation de l'invention, l'état de verrouillage du clavier est vérifié et peut être utilisé pour déterminer si l'algorithme de transfert de communication peut être appliqué. Dans encore un autre mode de réalisation de l'invention, la vérification de l'état est réalisée en réponse à un besoin de lancer l'algorithme de transfert de communication.(paragraphe [0011])

20. La figure 3 illustre un mode de réalisation pouvant être mise en oeuvre par les moyens de contrôle (CM), selon lequel, au point A, il convient de vérifier l'état d'un composant de l'interface utilisateur pour déterminer si l'application de l'algorithme de transfert de communication (HOA pour HandOver Algorithm) est activée. Aux étapes (301) et (302), l'état actuel d'au moins un composant de l'interface utilisateur est vérifié ; il existe de nombreux composants mécaniques ou non mécaniques de l'interface utilisateur, dont l'état peut être vérifié à l'étape (301) et qui doivent avoir au moins deux états : actif et inactif. Cette étape peut consister à vérifier les informations sur l'état à partir d'un certain emplacement de mémoire, à demander les informations sur l'état à un contrôleur d'un composant d'interface utilisateur et/ou à utiliser les moyens de détection pour détecter l'état du composant mécanique de l'interface utilisateur, par exemple. Si l'état du composant de l'interface d'utilisateur est inactif, l'algorithme de transfert de communication (HOA) n'est pas appliqué (305). Ainsi, la station mobile MS continue à communiquer avec un élément du réseau ou un autre appareil terminal en utilisant le(s) canal(aux) actuel(s). Si l'état du composant d'interface utilisateur UI est actif, l'algorithme de transfert de communication (HOA) peut être appliqué (304), selon les enseignements des paragraphes [0018], [0019], [0020] et [0021].

21. Il est à noter que, selon un autre mode de réalisation, même les mesures radio préalables à la sélection effective du canal par l'algorithme de transfert de communication (HOA) peuvent être évitées en cas d'inactivité en appliquant les caractéristiques illustrées ci-dessus. Ce mode de réalisation économise davantage les ressources de la station mobile. (Paragraphe [0023])

22. Le paragraphe [0033] donne ensuite un exemple de réalisation par la représentation de la vue latérale d'une station mobile (MS), visible sur la figure 5 du brevet reproduite ci-dessous. La station mobile (MS) comprend ainsi une partie formant corps (51) et un couvercle (52) relié à la partie formant corps (51). Selon un mode de réalisation, la position du couvercle (52) est vérifiée à l'étape (301). Il existe au moins deux états différents pour cette relation : un état fermé pour le couvercle (52), dans lequel la station mobile (MS) n'est pas utilisée activement (l'état est inactif), et un état ouvert du couvercle (52), dans lequel la station mobile (MS) peut être utilisée activement (état actif).

23. La station mobile dispose d'un dispositif de détection, dans le couvercle (52) et/ou la partie formant corps (51), pour détecter l'état du couvercle (52). Le dispositif de détection peut par exemple être mis en oeuvre par détection magnétique, c'est-à-dire qu'il y a un aimant dans le couvercle (52), dont la position est détectée par le capteur situé dans la partie formant corps (51). Une autre solution envisageable consiste à utiliser des moyens mécaniques. Par exemple, une partie du couvercle (52) est agencée pour pousser un interrupteur dans la partie formant corps (51) lorsque le couvercle (52) est fermé, entraînant ainsi un changement d'état. Il est possible d'utiliser des solutions de détection déjà existantes et, outre la figure 5, il existe de nombreuses autres implémentations possibles pour agencer les composants de l'interface utilisateur et leurs relations.

24. Le paragraphe [0036] de la description enseigne ensuite un autre mode de réalisation dans lequel la station mobile (MS) comprend un clavier et une fonctionnalité de verrouillage de clavier. Dans un mode de réalisation, le clavier est fonctionnellement verrouillé et déverrouillé par une combinaison de touches prédéterminée ou après une période d'inactivité prédéterminée. Dans ce mode de réalisation, l'état du verrouillage du clavier est vérifié à l'étape (301). Lorsque la combinaison de touches entrée par l'utilisateur est détectée par des moyens de commande du clavier (qui peuvent ou non être mis en oeuvre par les moyens de commande CM sur la figure 2), les moyens de commande du clavier peuvent également être agencés pour détecter le changement d'état de l'interface utilisateur et pour l'indiquer aux moyens de contrôle (CM) contrôlant l'application de l'algorithme de transfert de communication (HOA).

25. Le paragraphe [0037] de la description enseigne enfin un autre mode de réalisation dans lequel la station mobile comprend une fonction d'économiseur d'écran. A l'étape (301), l'état de la fonction d'économiseur d'écran est vérifié. L'état du composant d'interface utilisateur est inactif lorsque la fonction d'économiseur d'écran est appliquée, et l'état du composant d'interface utilisateur est actif lorsque la fonction d'économiseur d'écran n'est pas appliquée. La description précise que ce mode de réalisation est un exemple d'un mécanisme automatique de changement d'état, c'est-à-dire que l'économiseur d'écran peut être réglé pour commencer après une période d'inactivité prédéterminée, l'application de l'algorithme de transfert de communication peut également être ajustée automatiquement sans aucune action de l'utilisateur.

26. [0039] Selon encore un autre mode de réalisation, l'état d'un composant d'interface utilisateur peut se référer généralement à l'interface utilisateur sans être lié à aucune partie spécifique de ce composant. Ainsi, l'interface utilisateur peut être définie comme active ou inactive, par l'utilisateur ou automatiquement, sur la base d'un ou plusieurs déclencheurs prédéterminés. Par exemple, la station mobile (MS) peut comprendre un temporisateur qui détermine l'état de l'interface utilisateur comme étant inactif après qu'une période de temps prédéterminée s'est écoulée après la dernière activité de l'utilisateur (par exemple, une pression sur un bouton), et change l'état d'actif à inactif après une certaine période prédéterminée d'inactivité. Lorsque l'utilisateur recommence à utiliser la station mobile, la station mobile (MS) est agencée pour changer de l'état inactif à l'état actif. Ainsi, la fonctionnalité de surveillance et de modification de l'état du composant d'interface utilisateur peut être une combinaison des caractéristiques décrites ci dessus.

27. Selon un autre mode de réalisation, il existe un bouton spécifique ou un élément de menu dont l'état est vérifié à l'étape (301), qui peut être utilisé pour régler l'interface utilisateur dans un état actif ou inactif et affecte l'applicabilité de l'algorithme de transfert de communication. Ce bouton peut par exemple régler l'allumage/l'extinction de l'éclairage de l'écran. (paragraphe [0040] de la description)

28. Après limitation, la partie française du brevet EP 486 se compose de 21 revendications, seules étant opposées les revendications 9, 10, 13 et 14 reproduites ci-dessous :

9. Appareil comprenant une interface utilisateur et agencé pour mettre en oeuvre un algorithme de transfert de communication,
un composant d'interface utilisateur de l'appareil pouvant être ajusté à l'état inactif ou à l'état actif, dans lequel l'appareil est configuré pour contrôler l'état du composant d'interface utilisateur (301), et si l'état en cours du composant d'interface utilisateur est actif, l'appareil est configuré pour appliquer l'algorithme de transfert de communications configuré pour sélectionner l'un des au moins deux canaux disponibles à utiliser pour une connexion à partir de l'appareil (304) dans lequel l'appareil est configuré pour lancer l'algorithme de transfert de communications en réponse au changement de l'état inactif à l'état actif dans lequel l'appareil comprend une fonction d'économiseur d'écran dont l'état est détecté, grâce à quoi l'état du composant d'interface utilisateur est inactif lorsque la fonction d'économiseur d'écran est appliquée, et l'état du composant d'interface d'utilisateur est actif lorsque que la fonction d'économiseur d'écran n'est pas appliquée.

10. Appareil selon la revendication 9, dans lequel l'appareil est configuré pour contrôler l'état en réponse au changement d'état du composant d'interface utilisateur.

13. Appareil selon la revendication 9, dans lequel l'algorithme de transfert de communication détermine une modification entre des canaux de différentes technologies de réseaux.

14. Appareil selon la revendication 9, dans lequel l'appareil est une station mobile comprenant de la mémoire, une unité de traitement et un moyen de communications sans fil, dans lequel l'unité de traitement est configurable grâce à l'exécution de codes de programme dans l'unité de traitement afin de mettre en oeuvre l'algorithme de transfert de communication, et un moyen de commande qui pilote l'application de l'algorithme de transfert de communication.

2o) Sur les moyens de nullité du brevet opposés en défense

Moyens des parties

29. Les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) concluent à la nullité des revendications 9, 10, 13 et 14 du brevet EP 486 pour insuffisance de description. Elles font à cet égard valoir que les termes « état inactif » et « état actif » ainsi que « fonction d'économiseur d'écran » (caractéristique 1.5 de la revendication 9) ne sont pas suffisamment décrites et que la personne du métier ne saura pas mettre en oeuvre une telle expression (état actif / inactif) dépourvue de sens technique objectif et sans définition d'un événement précis et quantifiable permettant de connaître l'état actif ou inactif du composant d'interface utilisateur. S'agissant de la fonction d'économiseur d'écran, les sociétés défenderesses soulignent que cette fonction est décrite dans le brevet comme un exemple d'automatisation de la fonctionnalité visant à empêcher le transfert de communication lorsque le terminal mobile est inactif. Or, la personne du métier comprend généralement « économiseur d'écran » comme se référant à un état spécifique d'affichage par lequel une image pouvant changer de façon dynamique est projetée sur un écran, le but de cet affichage dynamique changeant étant d'éviter qu'un écran ne soit endommagé par une projection continue d'un affichage donné au même endroit pendant une longue période, tandis que rien n'est dit sur la façon dont cet état d'affichage serait mis en oeuvre et analysé par les composants de l'appareil. Les sociétés défenderesses ajoutent qu'il s'agit de la caractéristique qui a permis de faire apparaître la revendication 9 valide en la distinguant de l'art antérieur le plus proche, en particulier le brevet US 050.

30. Les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) concluent ensuite à la nullité des revendications 9, 10, 13 et 14 du brevet EP 486 pour défaut de nouveauté, l'invention couverte par ces quatre revendication ayant déjà été selon elles divulguée par la demande de brevet US 050. Ce document enseigne en effet un « dispositif d'antenne automatique pour un terminal de communication mobile multibande », le terminal disposant d'une interface utilisateur constituée par la « flip portion » (« partie rabattable») de ce terminal mobile. Ce document divulgue également selon les sociétés défenderesses une suite d'étapes logiques commençant par la détection de l'ouverture de la partie rabattable du terminal mobile par un détecteur d'ouverture (150), qui détecte l'état MARCHE/ARRÊT d'un terminal mobile et fournit un signal de détection au contrôleur (100). Ce « détecteur », divulgué par la demande de brevet US 050, permet donc de contrôler si le téléphone est ouvert et actif (partie rabattable ouverte) ou si le téléphone est fermé et inactif (partie rabattable fermée). Il contrôle ainsi l'état du composant de l'interface utilisateur. Puis, lorsque la partie rabattable du terminal mobile est ouverte (ce qui correspond à l'état actif), le terminal « détermine une bande de fréquence » en fonction d'un signal reçu par l'antenne microruban ; selon l'intensité du signal de réception (comparé à un seuil) le moteur est actionné pour déployer l'antenne fouet sur une étendue prédéterminée en fonction de la bande de fréquence déterminée. Ce document précise également que, dans le cas où les systèmes de communication mobile prenant en charge le terminal de communication mobile bibande fournissent un service d'itinérance, la longueur étendue de l'antenne fouet (112) est modifiée automatiquement chaque fois que le terminal de communication mobile est transféré à une station de base du système de communication mobile correspondant, ce procédé de recherche des bandes de fréquence, avant le transfert effectif de communication vers l'une ou l'autre de ces bandes, est lancé lorsque la partie rabattable du terminal mobile est ouverte, c'est à dire lorsque le terminal mobile est actif. Il s'en déduit, selon les sociétés défenderesses, que le document US 050 divulgue bien un terminal mobile configuré pour lancer l'algorithme de transfert de communication lorsque le composant d'interface utilisateur change d'état en passant d'un état inactif à un état actif. Quant à la caractéristique relative à la fonction d'économiseur d'écran, elle fait partie, selon les sociétés défenderesses, des connaissances générales de la personne du métier, selon les mentions mêmes de la partie descriptive du brevet EP 486, et ainsi que l'a au demeurant retenu l'office chinois des brevets à propos de la version chinoise de ce brevet. Les sociétés défenderesses soulignent à cet égard que la société Nokia s'est bornée à juxtaposer un moyen secondaire et connu, faisant parti des connaissances générales de la personne du métier, à la supposée invention couverte par le brevet. Elles ajoutent que toutes les autres revendications opposées, dépendantes de la revendication 9 sont antériorisées par le brevet US 050.

31. Les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) invoquent également le brevet EP 525, qui enseigne un terminal mobile comprenant une interface utilisateur, capable de rechercher un réseau de communication et d'effectuer une sélection entre deux réseaux de communication et même entre divers systèmes de communication (notamment GPRS et CDMA (voir paragraphe [0042]) pour aboutir à la connexion du terminal mobile à l'un ou l'autre de ces réseaux de communication. Cette méthode de sélection constitue donc un algorithme qui permet de changer de réseau de communication. Le document EP 525 comprend également des enseignements relatifs à des interfaces utilisateur, et leurs composants peuvent être ajustés de manière à être dans un état actif ou inactif. La Figure 1 montre également que les composants de l'interface utilisateur du brevet EP 525, y compris un écran, sont connectés au connecteur qui obtient ainsi des informations concernant l'état de ces composants de l'interface utilisateur. Il résulte de ce qui précède que le contrôleur du dispositif sans fil, commande ou vérifie l'état des interfaces utilisateur, en particulier l'écran et que, lorsque l'écran est activé, le contrôleur du terminal applique un algorithme pour rechercher et sélectionner un canal ou un réseau de communication parmi différents canaux ou réseaux. La recherche d'un nouveau réseau de communication n'aura lieu que lorsque l'appareil sera à nouveau actif (voir [0059]). Si l'appareil est à nouveau actif, cela signifie que son contrôleur et son écran, son clavier et les autres composants de l'interface utilisateur sont en mode actif. la demande du brevet EP 525 enseigne ainsi un terminal mobile configuré pour lancer l'algorithme de transfert de communication lorsque l'appareil change d'état en passant d'un état inactif à un état actif, tandis que le mode veille doit, selon les défenderesses, être considéré comme une fonction d'économiseur d'écran, cette caractéristique faisant en tout état de cause partie des connaissances générales de la personne du métier ; la juxtaposition de caractéristiques qui ne sont pas nouvelles (le lancement d'un algorithme de transfert lorsque l'appareil est à l'état actif, ce qui est détecté en fonction de l'état d'un composant d'interface utilisateur) avec un moyen qui n'est pas non plus nouveau (l'économiseur d'écran) rend la revendication 9 nulle pour défaut de nouveauté.

32. Les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) concluent enfin à la nullité des revendications 9, 10, 13 et 14 du brevet EP 486 pour défaut d'activité inventive. Elles soutiennent en effet que la personne du métier, analysant les revendications opposées du brevet EP 486, aurait considéré qu'elles découlent de manière évidente de l'état de la technique et plus particulièrement de la combinaison des antériorités US 050 et CN 280 d'une part, ou de la combinaison des antériorités WO 709 avec les connaissances générales de la personne du métier d'autre part. Elles rappellent à cet égard que le brevet US 050 enseigne un terminal mobile de communication, capable de basculer d'un état actif à un état inactif, et vice versa, en fonction de l'utilisation d'un composant d'interface utilisateur dudit terminal mobile, en l'occurrence l'ouverture ou le rabat d'un clapet rabattable. Le brevet CN 280 enseigne quant à lui un téléphone mobile capable de basculer dans un état d'économiseur d'écran (revendication 6 de la demande de brevet CN 280), ainsi qu'un appareil doté d'une partie rabattable ; elles ajoutent que ce document enseigne de la même manière l'application d'un algorithme de transfert aux moments d'activité de l'appareil mobile , tout en proposant explicitement de coupler l'état actif/inactif à l'état d'une fonctionnalité d'économiseur d'écran. Il en résulte que l'économiseur d'écran est une forme de composant d'interface utilisateur enseignée par le document CN280. Les sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp. Ltd., Yang Technology SAS, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd. précisent que les juridictions françaises ne sont absolument pas liées par l'approche problème / solution, de sorte qu'elles contestent les affirmations de la société Nokia selon lesquelles il devrait être démontré pourquoi la personne du métier, lisant le document US 050, tiendrait compte du document CN 280. En outre, le document WO 709 enseigne un procédé de transfert automatique d'un téléphone mobile en fonction de l'état de l'interface utilisateur. Il est donc évident pour l'homme du métier de combiner les enseignements de WO 709, qui enseigne l'application d'un algorithme de handover uniquement lorsque l'interface utilisateur est en état actif à des fins d'économie de l'énergie, avec ses connaissances générales sur les écrans de veille, dont l'objectif est de la même manière d'économiser l'énergie.

33. La société Nokia Technologies Oy conclut pour sa part au rejet de l'ensemble des moyens de nullité du brevet EP'486. Elle soutient ainsi que les défenderesses n'avancent aucun élément remettant en cause la capacité de la personne du métier à réaliser l'invention, rappelant qu'il s'agit du critère à appliquer (et non de rechercher si un effet technique non revendiqué est effectivement atteint lorsque la personne du métier réalise l'invention). A cet égard, la demanderesse fait valoir que les définitions contenues dans le brevet EP 486 sont très claires. Ainsi, le paragraphe [0008] du brevet EP 486 explique que les états « actif » ou « inactif » du composant d'interface utilisateur peuvent résulter soit d'une initiative de l'utilisateur, soit d'un changement d'état automatique. La description fournit encore plusieurs exemples détaillés de composants d'interface utilisateur pouvant passer d'un état actif à un état inactif tout en expliquant les évènements précis et quantifiables susceptibles de provoquer ce changement d'état. Le paragraphe [0033] du brevet EP 486 mentionne l'exemple d'un téléphone mobile comprenant un couvercle relié au corps de l'appareil, et précise que lorsque le couvercle est fermé le téléphone mobile n'est pas utilisé si bien que l'état est inactif, tandis que lorsque le couvercle est ouvert le téléphone mobile peut être utilisé activement si bien que l'état est actif. De la même façon, le paragraphe [0037] du brevet EP 486 décrit un mode de réalisation selon lequel le téléphone mobile comprend une fonction d'économiseur d'écran qui, lorsqu'elle est appliquée, fait passer le composant d'interface utilisateur de l'état actif à l'état inactif et inversement. La société Nokia Technologies Oy fait à cet égard valoir que la notion d'économiseur d'écran peut faire référence à deux types de configurations consistant soit à interrompre l'affichage de l'écran pour obtenir un écran noir (à basse consommation énergétique), soit à changer de façon dynamique les couleurs affichées sur chaque pixel de l'écran (pour éviter que l'affichage prolongé d'une image figée ne l'endommage). Il ne fait selon elle aucun doute, qu'à la date de priorité du brevet EP 486, la personne du métier comprenait cette fonctionnalité comme couvrant les deux hypothèses susvisées, comme l'a d'ailleurs rappelé l'Office chinois de la propriété intellectuelle dans sa décision du 25 février 2022. La société Nokia Technologies Oy souligne que la fonctionnalité d'économiseur d'écran est courante dans l'art antérieur et sa signification est claire pour la personne du métier ; elle comprend l'écran de verrouillage, l'écran vierge et autres fonctions similaires. Enfin, le brevet EP 486 lie l'application de la fonctionnalité d'économiseur d'écran à l'état de l'interface utilisateur, lui-même lié à l'application de l'algorithme de transfert. La personne du métier est ainsi parfaitement en mesure de mettre en oeuvre l'invention.

34. Sur le moyen tiré d'un défaut de nouveauté, la société Nokia Technologies soutient que l'argumentation même des sociétés défenderesses révèle que le défaut de nouveauté invoqué n'est en réalité pas constitué, tant le raisonnement conduit sur la base du brevet US 050 et du brevet EP 525 méconnait les critères juridiques applicables, puisqu'elles sont conduites à combiner ces documents aux connaissances générales de la personne du métier, admettant ainsi implicitement, mais nécessairement, qu'aucun de ces documents ne divulgue l'ensemble des caractéristiques du brevet EP'486, en particulier le lien entre l'économiseur d'écran et le lancement d'un algorithme de tansfert. La société Nokia Technologies Oy fait en tout état de cause valoir que l'enseignement du brevet US 050 ne divulgue pas une telle fonction d'économiseur d'écran, ce brevet US 050 se contentant de divulguer un terminal capable de détecter l'état ouvert ou fermé d'un clapet rabattable et de conditionner le déploiement d'une antenne fouet à la confirmation préalable que le clapet en question se trouve bien dans un état ouvert. Le brevet US 050 ne fait jamais référence à un algorithme de transfert de communication, se bornant à divulguer la possibilité de déployer une antenne fouet lorsque le clapet rabattable du terminal est ouvert et d'ajuster automatiquement la longueur de cette antenne fouet en fonction de la fréquence des signaux reçus par l'antenne micro ruban. Le brevet EP 525, ensuite, est intitulé « Procédés et appareil pour le rétablissement de communication pour un dispositif de communication sans fil après perte de communication dans un réseau de communications sans fil », déposé le 23 janvier 2003 et publié le 8 juillet 2009, après la date de priorité du brevet EP 486 ; il ne fait donc partie de l'état de la technique pertinent que pour l'évaluation de la nouveauté. Le problème technique que le brevet EP 525 propose de résoudre est de trouver des méthodes et dispositifs améliorés pour rétablir la communication d'un dispositif de communication sans fil après une perte de communication. Le dispositif du brevet EP 525 teste si la fréquence radio actuelle est adéquate pour la communication et, si tel n'est pas le cas, le dispositif entre dans une opération de balayage à la recherche d'une nouvelle fréquence radio pour la communication, et tente de rétablir la communication une fois cette fréquence trouvée. Au contraire, si un nouveau signal n'est pas trouvé, alors le dispositif entre dans un mode veille pendant une période prédéterminée avant la réactivation du circuit, ce qui conduit à de nouvelles recherches de la nouvelle fréquence radio. Ce processus n'est pas conditionné à l'état de l'interface utilisateur – lui-même dû à l'application de la fonction d'économiseur d'écran.

35. Sur les griefs de défaut d'activité inventive, la société Nokia Technologies Oy rappelle qu'une appréciation objective de l'activité inventive impose de suivre l'approche problème-solution qui consiste à : 1o) déterminer la divulgation qui constitue « le document de l'état de la technique le plus proche », 2o) établir le « problème technique objectif » résolu par l'invention, et 3o) examiner si la solution proposée aurait été évidente pour une personne du métier « de compétence moyenne ». Il ne s'agit donc pas de déterminer si la personne du métier aurait pu mettre au point les résultats obtenus par l'invention, mais si elle était effectivement amenée à le faire par les enseignements contenus dans l'état de la technique. Il faut donc que l'état de la technique, à la date du dépôt, contienne des suggestions en ce sens. Or, la société Nokia Technologies Oy souligne que les sociétés défenderesses combinent différents documents avec les connaissances générales de la personne du métier sans à aucun moment expliquer pourquoi elle était incitée à combiner ces éléments. De toute façon, selon le brevet US 050 le changement de station de base s'effectue automatiquement et non en réponse au changement d'état du composant d'interface utilisateur et les défenderesses n'expliquent jamais pourquoi la personne du métier aurait souhaité intégrer un économiseur d'écran au dispositif selon le document US 050 et ce, parce qu'elles omettent de définir le problème objectif à résoudre. Et quoi qu'il en soit, le document US 050 ne divulgue pas un algorithme de transfert de communication dont le lancement dépendrait de l'état d'un composant d'interface utilisateur. La société Nokia Technologies souligne en outre que l'invention ne consiste pas seulement à intégrer une fonction d'économiseur d'écran à un appareil de communication (ce qui pourrait effectivement constituer une juxtaposition de moyens connus), mais à s'assurer que l'état actif ou inactif de cette fonction d'économiseur d'écran soit détecté afin de pouvoir lancer de façon conditionnée un algorithme de transfert de communication en réponse à un changement d'état. Il existe donc bien une interaction fonctionnelle entre la fonction d'économiseur d'écran et l'algorithme de transfert de communication visant à obtenir un effet technique qui n'est pas cantonné à l'effet technique de l'une ou l'autre de ces caractéristiques. La demande de brevet CN 280 quant à elle ne relève pas du domaine des transferts de communication puisqu'elle divulgue uniquement un procédé de détection d'un interrupteur poussoir, permettant de savoir si la partie rabattable du téléphone mobile est ouverte ou fermée (le système d'exploitation du téléphone mobile se met en mode « fonctionnement » lorsque la partie rabattable est ouverte et met fin au mode « fonctionnement » lorsque la partie rabattable est fermée) ce qui détermine si le terminal est en état d'économiseur d'écran ou en état de veille ; ce document ne dit rien sur le fait de déterminer si un algorithme de transfert est lancé sur la base des changements de l'état de l'économiseur d'écran. Ce document ne pouvait donc pas inciter la personne du métier à détecter l'état actif ou inactif d'une fonction d'économiseur d'écran pour déclencher, lors du passage de l'état inactif à l'état actif, un algorithme de transfert de communication. Par conséquent, même à supposer que l'homme du métier utilise l'enseignement du document CN 280 pour modifier l'appareil décrit dans le brevet US 050, il se serait contenté d'ajouter une fonction d'économiseur d'écran sans que cette dernière ne coopère de quelque sorte que ce soit avec un algorithme de transfert de communication.

Appréciation du tribunal

36. Aux termes de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Selon l'article 138 (1) de cette Convention, sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ;
b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

37. L'article 83 de la Convention prévoit que l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens qu'une invention est suffisamment décrite lorsque la personne du métier est en mesure, à la lecture de la description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriques et pratiques, d'exécuter l'invention ( Cass. Com 23 mars 2005, pourvoi no 03-16.532 ; Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no 05-12.626, Bull. 2007, IV, no 89 ; Cass. Com., 13 novembre 2013, pourvoi no 12-14.803, 12-15.449). Le fait que certains éléments indispensables au fonctionnement de l'invention ne figurent ni explicitement dans le texte des revendications ou de la description, ni dans les dessins représentant l'invention revendiquée, n'implique pas nécessairement que l'invention n'est pas exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu'une personne du métier puisse l'exécuter, dès lors que ces éléments indispensables appartiennent à ses connaissances générales (Cass. Com., 23 janvier 2019, pourvois no 17-14.673 et 16-28.322 : dans cette affaire le diagramme fer-carbone, qui fournit avec précision la température de fusion des fontes et des aciers en fonction de leur teneur en carbone, a été retenu comme appartenant aux connaissances générales de la personne du métier pouvant compléter les enseignements du brevet).

38. Il résulte en outre des article 52 (1) et 54 de la Convention que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle. Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ; l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.
39. Il est à cet égard constamment jugé que l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme, dans une même antériorité au caractère certain, tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique, de sorte que la nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui implique une identité d'éléments, de forme, d'agencement, de fonctionnement et de résultat technique. (Cass. Com., 6 juin 2001, pourvoi no 98-17.194 ; Cass. Com., 27 mars 2019, pourvoi no17-23.136 ; Cass. Com., 17 mai 2023, pourvoi no19-25.509) Une caractéristique ou un résultat peuvent toutefois être implicitement divulgués pourvu qu'ils soient nécessaires et inévitables (voir par exemple Cour d'appel de Paris, 27 octobre 2010, RG no 09/08135, Johnson et Johnson Medical Ltd ea).

40. Aux termes de l'article 56 de la Convention enfin, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique.

41. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à la personne du métier, ils permettaient à l'évidence à cette dernière d'apporter au problème résolu par l'invention, la même solution que celle-ci. Et il est exact qu'en principe, pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier.

42. L'approche problème / solution n'est toutefois pas impérative pour les tribunaux français, ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés défenderesses et que le confirme la jurisprudence.

43. Il est en effet admis que l'invention consistant à remplacer un moyen par un autre moyen connu équivalent n'implique pas d'activité inventive. A cet égard, deux moyens sont considérés comme équivalents lorsque dans la même application ils exercent la même fonction et procurent le même résultat, tandis que le second moyen ne permet de résoudre aucun problème spécifique.

44. De la même manière, la juxtaposition nouvelle de moyens connus n'implique pas d'activité inventive si, combinés, ces moyens ne produisent aucun effet propre (ou synergique, la juxtaposition de moyens connus étant distinguée de l' "invention de combinaison" : Cass. Com., 30 mai 2018, pourvoi no16-15.422 ; Cass. Com., 23 juin 2015, pourvoi no13-25.082 ; Cass. Com., 19 novembre 2002, pourvoi no00-15.203 ; Cass. Com., 26 mars 2002, pourvoi no99-15.934 ; Cass. Com., 15 mars 1994, pourvoi no91-22.092 ; Cass. Com. 8 décembre 1975, pourvoi no74-13.293, Bull. 1975, IV, no289).
45. La personne du métier est celle du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440).

46. S'agissant de l'examen des différents griefs de nullité du brevet EP'486, il doit être relevé que la description donne plusieurs exemples qui permettent à la personne du métier de déterminer ce que recouvre le passage de l'état actif à l'état inactif. Elle décrit en particulier l'usage d'un clapet rabattable pouvant être doté de moyens magnétiques ou mécaniques de commande de l'état actif ou inactif de l'appareil, ou encore celle d'un écran de verrouillage.

47. La fonction d'économiseur d'écran est quant à elle évoquée au paragraphe 37 de la partie descriptive du fascicule, qui enseigne que l'application de cette fonction est précisément utilisée comme révélatrice de l'état inactif de l'appareil, ce qui affecte l'applicabilité de l'algorithme de transfert.

48. La personne du métier sait que cette fonction "économiseur d'écran" est une programmation spécifique destinée à la protection contre les dommages causés par le fait de laisser sur un écran une image fixe pendant une trop longue durée. Elle sait aussi que les économiseurs d'écran, à la date de priorité, peuvent être constitués d'images animées ou d'une interruption totale de tout affichage (écran noir). Elle comprend que l'économiseur d'écran est relié aux moyens de contrôle et que sa mise en fonctionnement permet aux moyens de contrôle de détecter le changement d'état et en particulier le passage de l'appareil à l'état inactif, ce qui doit interrompre la mise en oeuvre de l'algorithme de transfert.

49. Il en résulte que le brevet EP'486 est suffisamment décrit et que ce moyen de nullité des revendications opposées est écarté.

50. S'agissant du grief de défaut de nouveauté, il est relevé que le brevet US'050, délivré le 27 février 2001, a pour titre "Dispositif d'antenne automatique pour terminal de communication mobile multibande". Ce brevet enseigne ainsi un terminal de communication mobile multibande, doté d'un contrôleur et d'une mémoire, capable de fonctionner simultanément avec deux ou plusieurs systèmes de communication (par exemple GSM et DECT et DCS 1800), et comportant un procédé d'antenne automatique permettant de commander automatiquement la longueur d'une antenne fouet en fonction des bandes de fréquences. Selon les enseignements de ce brevet, le terminal détermine si le signal reçu par l'antenne ruban est, par exemple, une bande de fréquence PCS en comparant le signal à une valeur de seuil et, ensuite, la longueur de l'antenne fouet est adaptée à la bande de fréquence PCS. Ce brevet décrit ainsi une suite d'actions logiques pour parvenir au résultat de l'adaptation d'un terminal mobile capable d'utiliser simultanément plusieurs systèmes de communication mobile (ou canaux), à un système de communication (ou canal) donné. Il s'agit donc d'un algorithme de transfert au sens du brevet EP'486 (voir ci-dessus point 17 et § [0008] de la description).
51. Ce document US'050 enseigne également un détecteur d'ouverture d'une partie rabattable du terminal mobile. Selon les enseignements de ce brevet, "lorsque la partie rabattable du terminal est ouverte, le terminal est dans un état MARCHE et lorsque la partie rabattable est fermée, le terminal est dans un état ARRÊT". (Colonne 2, ligne 56 de ce brevet).

52. C'est en outre l'ouverture de ce rabat qui déclenche la mise en oeuvre et l'interruption de l'algorithme de transfert en mode non manuel : "Le terminal détermine à l'étape 210 si la partie rabattable est ouverte (c'est à dire partie rabattable ouverte / MARCHE). Lors de la détection de l'état d'ouverture de la partie rabattable, il est déterminé à l'étape 215 si le terminal est réglé sur mode de fonctionnement manuel. (...) Si le terminal n'est pas en mode manuel à l'étape 215, le terminal détermine si le signal RF reçu par l'antenne microruban (122) est une bande de fréquence CDMA ou une bande de fréquence PCS. Cette opération est réalisée en comparant le signal RF reçu à une valeur seuil. Lorsque le signal de bande CDMA est reçu, le terminal de communication mobile est réglé sur un mode de fonctionnement CDMA et actionne le pilote du moteur (140), à l'étape 221. Ensuite, à l'étape 223, une longueur étendue de l'antenne fouet (112) est contrôlée afin de s'assurer qu'elle est adaptée à la bande de fréquence CDMA. (...) Lors de la détection de l'état de fermeture de la partie rabattable (ARRÊT), le terminal de communication mobile rétracte l'antenne fouet (112) en actionnant le pilote moteur (140), à l'étape 250." (Colonne 3, lignes 31 à 62 du brevet US'050)

53. Ce document enseigne bien la mise en oeuvre d'un algorithme de transfert de communication lorsque le terminal est à l'état actif au sens du brevet EP'486 et l'interruption de la mise en oeuvre de cet algorithme lorsque l'appareil est à l'état inactif. Il apparaît au demeurant parfaitement logique et naturel de ne commander ces étapes que lorsque cela est utile, c'est à dire lorsque le terminal mobile est "à l'état actif" et d'interrompre ces étapes lorsque le terminal est "à l'état inactif", et ce, en vue d'un résultat implicite contenu dans ce document, mais évident, celui d'économiser les moyens et l'énergie du terminal mobile.

54. Ce document US'050 n'apparaît pas non plus limité à l'enseignement d'un appareil avec partie rabattable puisque la description précise (colonne 2, ligne 58) que "le détecteur d'ouverture (150) est utilisé uniquement pour un terminal de type rabattable", la description rappelant au demeurant qu'elle se limite à décrire un mode de réalisation privilégié sans rappel des "fonctions ou constructions connues" (colonne 2, lignes 28 à 33), le moyen visé ici devant détecter l'état de MARCHE/ARRÊT (ou l'état actif / nactif) de l'appareil (colonne 2, lignes 52 et suivantes).

55. Il en résulte que le brevet US'050 ne se distingue en définitive du brevet EP'486 tel que limité que par le remplacement de la fonction de détection du passage à l'état inactif par la fermeture de la partie rabattable du terminal mobile, expressément enseignée par ce document, par le déclenchement de l'"économiseur d'écran".
56. A ce titre, le brevet EP'486 est nécessairement nouveau dès lors que le brevet US'050 n'enseigne pas la mise à l'état inactif par la fonction d'économiseur d'écran, cette caractéristique ne pouvant être regardée comme implicitement divulguée ici.

57. Le brevet EP'525, également invoqué par les sociétés défenderesses, n'enseigne quant à lui aucunement que la recherche automatique d'un nouveau signal permettant le rétablissement de la communication s'arrête après que l'interface utilisateur soit passée en mode "économiseur d'écran" ; il enseigne l'inverse : ce n'est que si aucun nouveau signal compatible, après la perte du signal précédent, n'est trouvé, que le dispositif sans fil passe alors en "mode veille" pour une période de temps pré-déterminée au terme de laquelle le dispositif sans fil recherche à nouveau un nouveau canal compatible (§ 58 et 59 de la description de ce brevet). Ce n'est donc pas le passage en mode veille (qui pourrait être considéré comme comparable au mode "économiseur d'écran") qui interrompt la recherche jusqu'au passage à l'état actif, mais l'absence de signal compatible qui fait passer le terminal mobile en mode veille pour une durée prédéterminée.

58. Il en résulte que la revendication 9 et les revendications opposées dépendantes du brevet EP'486 sont nouvelles et que le deuxième moyen de nullité du brevet est écarté, aucune des antériorités invoquées en défense ne divulguant l'usage de la fonction "économiseur d'écran" pour détecter le passage de l'état actif à inactif ou inactif à actif du terminal mobile pour déclencher l'algorithme de transfert de communication ou au contraire interrompre la recherche de canals compatibles par le terminal mobile.

59. Le tribunal constate toutefois que l' "économiseur d'écran" est un élément connu par la personne du métier, ainsi qu'il a été vu précédemment ; un tel économiseur d'écran est au demeurant visé par la revendication no6 du brevet CN 1 404 280 (demande chinoise du 4 septembre 2001) ci-après reproduite pour sa fonction secondaire (la fonction primaire étant celle de la prévention des atteintes à l'intégrité de l'écran par le maintien prolongé sur une même image : cf. point no48 ci-dessus), à savoir celle matérialisant le passage à l'état inactif d'un appareil mobile : "6. Le procédé de transfert automatique pour téléphone mobile selon la revendication 4 dans lequel lorsque le système d'exploitation termine le mode d'application actuellement utilisé, le téléphone portable passe dans un état d'image d'économiseur d'écran." ce qui est confirmé par les 2 derniers paragraphes de la page 5 et les 2 premiers paragraphes de la page 6 de la description de ce brevet.

60. La fonction de matérialisation du passage d'un appareil mobile à l'état inactif exercée par l'économiseur d'écran est donc parfaitement connue de la personne du métier et il était dès lors évident pour elle de substituer au clapet rabattable enseigné par le document US'050 parmi les moyens de signaler le passage à l'état inactif d'un appareil mobile (pour interrompre le processus de recherche et d'adaptation aux canaux de communcation disponibles) , un tel économiseur d'écran aux mêmes fins de signalisation et de déclenchement du passage de l'appareil à l'état inactif pour interrompre la mise en oeuvre de l'algorithme de transfert.

61. Il en résulte que la revendication 9 opposée de la partie française du brevet EP486 est nulle pour défaut d'activité inventive.

62. Il en va de même des revendications dépendantes 10, 13 et 14 de ce brevet, le document US'050 enseignant des moyens de contrôle de l'appareil reliés à un organe de détection de l'état MARCHE/ARRÊT actionné par un composant d'interface utilisateur (le système de clapet rabattable étant décrit) ; ce document enseigne également un arbre de décisions logiques conduisant à l'adaptation de l'appareil aux canaux de communication possibles ; l'appareil décrit par le brevet US'050 est également doté d'une mémoire, d'une unité de traitement des étapes d'adaptation aux canaux de communication possibles et des moyens de commande (colonne 2, lignes 37 à 45 du brevet US'050).

63. Les revendications opposées 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet EP'486 sont donc annulées.

3o) Sur les conséquences

64. L'annulation du brevet EP'486 rend sans objet les demandes fondées sur la contrefaçon de ce titre par les sociétés défenderesses, lesquelles ne peuvent qu'être rejetées (demandes d'interdiction, de rappel des circuits commerciaux, en paiement d'une provision de 1,5 millions d'euros, de communiquer tous éléments relatifs à l'étendue et la destination de la contrefaçon, de publication du présent jugement).

65. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Nokia Technologies Oy sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés défenderesses la somme de 50.000 euros chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (soit la somme de 200.000 euros au total).

66. Aucune circonstance ne justifiant qu'il en soit disposé autrement, il est rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne l'inscription au registre national des brevets conformément aux dispositions des articles L.613-27 et R.613-54 du code de la propriété intellectuelle.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

PRONONCE la nullité des revendications 9, 10, 13 et 14 de la partie française du brevet EP 1 702 486 de la société Nokia Technologies Oy ;

ORDONNE la transmission de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, au directeur de l'INPI aux fins d'inscription au registre national des brevets, à l'initiative de la partie la plus diligente ;

DÉBOUTE la société Nokia Technologies Oy de l'ensemble des demandes formées à l'encontre des sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd sur le fondement de la contrefaçon de ce brevet ;

CONDAMNE la société Nokia Technologies Oy aux dépens et autorise Maître Stanislas Roux-Vaillard, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Nokia Technologies Oy à payer aux sociétés Guangdong Oppo Mobile Telecommunications Corp., Ltd, Yang Technology, Artech Mobiles et OnePlus Technology ([Localité 9]) Co., Ltd, la somme de 50.000 euros chacune (soit 200.000 euros au total) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne son inscription au RNB.

Fait et jugé à Paris le 20 juillet 2023.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 21/10327
Date de la décision : 20/07/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-07-20;21.10327 ?
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