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09/06/2023 | FRANCE | N°20/01444

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 09 juin 2023, 20/01444


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 20/01444
No Portalis 352J-W-B7E-CRUSG

No MINUTE :

Assignation du :
31 Décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 09 Juin 2023
DEMANDEURS

Association [Z] ET [O] [G]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Monsieur [N] [U]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Monsieur [D] [G]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentés par Maître Anne LAKITS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0765

DÉFENDERESSE

ASSOCIATION [G], ASSOCIATION DES AMATEURS ET DES PROPR

IÉTAIRES DE JARDINS, MAISONS ET CHÂTEAUX DESSINES, CONSTRUITS OU RESTAURES PAR LES ARCHITECTES-PAYSAGISTES [Z] (1841-1902) ET [O] [G] (1866-1947)
domiciliée : che...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 20/01444
No Portalis 352J-W-B7E-CRUSG

No MINUTE :

Assignation du :
31 Décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 09 Juin 2023
DEMANDEURS

Association [Z] ET [O] [G]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Monsieur [N] [U]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Monsieur [D] [G]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentés par Maître Anne LAKITS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0765

DÉFENDERESSE

ASSOCIATION [G], ASSOCIATION DES AMATEURS ET DES PROPRIÉTAIRES DE JARDINS, MAISONS ET CHÂTEAUX DESSINES, CONSTRUITS OU RESTAURES PAR LES ARCHITECTES-PAYSAGISTES [Z] (1841-1902) ET [O] [G] (1866-1947)
domiciliée : chez Musée [8]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Jean-baptiste SCHROEDER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0009

Copies délivrées le :
- Maitre LAKITS #C765 (executoire)
- Maître SCHROEDER #K9 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 24 Mars 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. L'"association [Z] et [O] [G]" (ci-après l'"association demanderesse"), son président, M. [D] [G], et le frère de ce dernier, M. [N] [U], reprochent à l'"association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947)", ci-après l'"association défenderesse", d'avoir créé un risque de confusion entre les deux associations du fait de sa dénomination sociale et d'avoir déposé en fraude de leurs droits plusieurs marques et un nom de domaine.

2. MM. [G] et [U] sont co-titulaires du droit moral sur l'oeuvre des architectes-paysagistes [Z] et [O] [G], aujourd'hui dans le domaine public, et l'association demanderesse exploite un site internet à l'adresse www.[09].com en plus du réseau social Instagram et d'un logo.

3. M. [H] [Y] [V], président de l'association défenderesse, a déposé au nom de celle-ci :
- la marque verbale française "[Z]et[O] [G]" enregistrée sous le no4126924 le 19 octobre 2014 pour désigner des produits et services dans les classes 38, 42 et 44, notamment les services d'agriculture, d'horticulture et les services de jardinier-paysagiste,
- la marque verbale française "Association [G]" enregistrée sous le no4126914 le 17 octobre 2014 pour désigner des produits et services dans les classes 38, 42 et 44, notamment les services d'agriculture, d'horticulture et les services de jardinier-paysagiste,
- la marque verbale française "Journées [Z] et [O] [G]" enregistrée sous le no4153942 le 4 février 2015 pour désigner des produits et services dans les classes 38 42 et 44, notamment les services d'agriculture, d'horticulture et les services de jardinier-paysagiste.

4. L'association défenderesse est également réservataire du nom de domaine etlt;haduchene.cometgt;.

5. Par lettre du 8 novembre 2019, le conseil de l'association demanderesse a mis en demeure l'association défenderesse de cesser d'utiliser les mots "association [G]" de sa dénomination sociale et de faire retirer les marques précitées.

6. A défaut de réponse, l'association [Z] et [O] [G], M. [G] et M. [U] l'ont fait assigner le 31 décembre 2019.

7. Par ordonnance du 7 janvier 2022, le juge de la mise en état a ordonné une médiation judiciaire. Le 25 octobre 2022, il a été pris acte de son échec.

8. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 10 septembre 2021, MM [G] et [U] et l'association [Z] et [O] [G] demandent au tribunal de :
? rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la défenderesse,
? ordonner à l'association défenderesse de modifier sa dénomination sociale avec des mesures d'interdiction sous astreinte,
? juger que les marques précitées ont été déposées en fraude à leurs droits et ordonner leur transfert à l'association [Z] et [O] [G] ou, subsidiairement, prononcer leur nullité,
? ordonner le transfert à l'association [Z] et [O] [G] du nom de domaine etlt[Z][O][G].cometgt; sous astreinte,
? condamner la défenderesse à payer 15.000 euros à l'association [Z] et [O] [G] et 5.000 euros chacun à MM. [G] et [U] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du risque de confusion et du parasitisme,
? condamner la défenderesse à payer 10.000 euros à l'association [Z] et [O] [G] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la fraude,
? ordonner la publication du jugement,
? condamner la défenderesse aux dépens et à leur payer à chacun la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

9. Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2022, l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) soulève deux fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action de l'association demanderesse et de l'intérêt à agir de M. [U].
Sur le fond, elle s'oppose à l'ensemble des demandes ainsi qu'à l'exécution provisoire, et demande la condamnation des demandeurs aux dépens et à lui payer 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

10. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.

MOTIVATION

I. Sur les demandes de M. [U]

11. L'association défenderesse fait valoir que
- M. [U] ne dispose pas d'un intérêt à agir dans la mesure où aucune atteinte n'est portée à son nom patronymique,
- seuls [Z] et [O] [G] auraient été habilités à se plaindre d'une atteinte à leur personnalité, droits qui n'ont pas été transmis à M [U]
- la titularité du droit moral ne confère aucune prérogative à M. [U] sur le nom de ses ancêtres et aucune oeuvre créée par ces derniers n'est en cause en l'espèce.

12. Les demandeurs répliquent que M. [U] a un intérêt à agir du fait de l'atteinte à sa réputation en tant qu'héritier d'[Z] et [O] [G] et en sa qualité de titulaire du droit moral sur l'oeuvre de ces derniers, qui comporte comme attributs le droit à la paternité et le droit au respect.

Sur ce,

13. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, "L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé."

14. L'intérêt à agir suppose l'existence d'un avantage personnel, direct, né et actuel tiré de l'action et ne confond pas avec le bien fondé de celle-ci.

15. M. [U] présente au tribunal une demande d'indemnisation de son préjudice résultant "du risque de confusion et du parasitisme" créés, selon lui, par l'association défenderesse. Son intérêt à obtenir des dommages et intérêts est établi et légitime et les moyens soulevés par l'association défenderesse combattent en réalité le bien-fondé des demandes.

16. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non recevoir.

17. S'agissant du fond, M. [U] n'allègue aucune atteinte explicite à sa réputation en tant qu'héritier d'[Z] et [O] [G] ni à l'oeuvre de ces derniers qui n'est aucunement évoquée dans la présente affaire.
Il ne démontre pas plus l'existence d'un préjudice personnel consécutif aux griefs faits à l'association défenderesse.

18. Il y a donc lieu de débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes.

II . Sur les demandes de M. [G]

19. Invoquant une faute consistant dans l'exploitation de son nom sans autorisation à des fins parasitaires, M. [G] fait valoir que :
- le nom [G] est notoirement connu comme se rapportant aux consorts [G], célèbres architectes paysagistes,
- sa reprise par l'association défenderesse dans sa dénomination sociale peut conduire le public à croire que lui-même a créé l'association en question, y participe ou encore y a donné son autorisation, ce qui n'est pas le cas.

20. La défenderesse réplique que :
- ni les règles du droit civil sur le nom, ni le droit d'auteur ne permettent à des particuliers de s'opposer à ce qu'une association use du patronyme de leur ancêtre dans sa dénomination sociale,
- l'oeuvre d'[Z] et [O] [G] est tombée dans le domaine public,
- la titularité du droit moral ne confère aucune prérogative à M. [G] sur le nom de ses ancêtres et aucune oeuvre créée par ces derniers n'est en cause en l'espèce,
- le patronyme [G] n'est pas rare et sa notoriété ne dépasse pas un cercle restreint d'amateurs de l'histoire des jardins et que son usage ne serait être de nature à porter atteinte à la réputation des demandeurs.

Sur ce,

21. Le nom patronymique est un attribut de la personnalité identifiant une personne physique. Son titulaire ne dispose d'aucun droit patrimonial sur son nom et n'est pas fondé à en empêcher l'utilisation à titre de signe distinctif. Il peut toutefois s'opposer à d'éventuelles atteintes ou utilisations abusives en matière commerciale, de nature à suggérer aux tiers sa participation à cette activité.

22. Aux termes de l'article 1240 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."

23. M. [G] ne démontre pas que son nom soit notoire - alors qu'il n'est pas rare - ni que sa célébrité dépasse le cercle des amateurs éclairés de l'oeuvre des consorts [G].

24. La reprise par la défenderesse du nom [G] pour une association rendant hommage aux jardiniers-paysagistes [Z] et [O] [G] n'est pas abusive. Elle apparaît au contraire justifiée et légitime du fait l'objet de l'association défenderesse de promouvoir leur oeuvre et leur postérité.

25. Par ailleurs, le nom complet de l'association "des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947)" est parfaitement clair dans sa seule référence à ces derniers et n'entretient aucune confusion avec leur descendance, de sorte que son utilisation n'est pas susceptible de suggérer aux tiers une participation personnelle de M. [D] [G] à cette association.

26. Aucune utilisation fautive ni aucune atteinte à la réputation de M. [G] n'étant démontrée, il y a lieu de rejeter les demandes de celui-ci au titre du risque de confusion et du parasitisme reprochés à la défenderesse, sans examiner l'existence d'un préjudice.

III. Sur les demandes de l'association

1. Sur la fin de non recevoir

27. La défenderesse soutient qu'elle a été créée le 12 novembre 2014, que MM [G] et [U] ont été informés dès le mois de septembre 2014 de cette "création à venir" et que l'assignation a été délivrée le 31 décembre 2019, de sorte que l'action des demandeurs est tardive et prescrite comme introduite au-delà du délai de prescription de cinq ans.

28. La demanderesse fait valoir que
- la création de l'association défenderesse n'a été publiée au Journal Officiel que le 21 mars 2015,
- le délai pour agir court à compter de cette date et non de la date du projet de création,
- l'action en nullité des marques n'est soumise à aucune prescription et moins de cinq ans se sont écoulés entre la date d'enregistrement des marques et l'action au fond.

Sur ce,

29. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."
Selon l'article 2224 du code civil, "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer."

30. L'article 5, alinéas 2 et 3, de la loi du 1er juillet 1901 dispose que "La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Deux exemplaires des statuts seront joints à la déclaration. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de cinq jours. L'association n'est rendue publique que par une insertion au Journal officiel, sur production de ce récépissé."

31. L'association défenderesse a déclaré sa création auprès de la préfecture de police le 4 mars 2015 avec une publication en date du 21 mars 2015. Avant cette date, sa création n'était qu'un projet et aucun droit à agir contre elle n'était ouvert aux demandeurs.

32. L'assignation ayant été délivrée le 31 décembre 2019, soit moins de cinq ans après la publication de la création de l'association défenderesse, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

2 . Les demandes de changement de dénomination et d'interdiction

33. L'association demanderesse fait valoir que :
- une association a droit d'agir sur le fondement de la concurrence déloyale,
- elle utilise la dénomination "association [Z] et [O] [G] " depuis plus de 30 ans,
- les noms [Z] et [O] [G], notoires et mondialement connus, sont utilisés systématiquement sur le site de l'association défenderesse,
- en choisissant le nom "association [G]", la défenderesse a créé délibérément un risque de confusion avec elle pour détourner des adhérents et mener des actions rares et médiocres,
- ces faits lui causent un préjudice d'image et un préjudice moral.

34. La défenderesse réplique que :
- l'association demanderesse ne déploie aucune activité vers un quelconque public, n'a organisé aucune activité de promotion de l'oeuvre des consorts [G] depuis 2002 et refuse au contraire les adhésions,
- il n'existe aucune concurrence entre elles,
- aucune confusion n'est susceptible d'être opérée par le public, l'association demanderesse ayant une faible voire une absence d'activité tournée vers le public depuis 2002 [date de l'organisation de l'exposition "Fabuleux jardins, le style [G]"] et son site internet ayant été récemment créé et peu actif,
- la proximité des dénominations est nécessaire puisqu'elles ont l'une et l'autre pour objet la promotion de l'oeuvre d'[Z] et [O] [G] mais n'emporte aucune confusion au sens de la concurrence déloyale ou du parasitisme, surtout au regard du public concerné, spécialement éclairé,
- en l'absence de but lucratif et de présence dans la sphère économique, l'association défenderesse n'a pas pu se placer dans le sillage de la demanderesse.

Sur ce,

35. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil précité, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre.
Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

36. La dénomination sociale ne bénéficie pas d'une protection au titre de la propriété intellectuelle mais elle est susceptible d'être protégée au titre de l'article 1240 du code civil lorsque son utilisation peut s'analyser comme un acte de concurrence déloyale.
Cette utilisation pourra être constitutive de concurrence déloyale s'il existe pour la clientèle un risque de confusion ou s'il est démontré que la personne morale seconde en date a cherché à profiter de la réputation de la première.

37. L'action en concurrence déloyale peut être mise en oeuvre quel que soit le statut juridique de l'auteur ou de la victime de la faute alléguée.

38. Le nom des architectes-paysagistes [G] peut être librement utilisé et l'association demanderesse ne saurait en avoir le monopole.

39. Il y a donc lieu de rejeter la demande de l'association demanderesse de voir interdire l'usage du nom [G].

40. L'association [Z] et [O] [G] créée le 1er février 1985 a pour objet de faire connaître l'oeuvre des architectes paysagistes du même nom, notamment en administrant les archives qui lui ont été données, en les enrichissant et en étant à l'initiative d'expositions, publications et manifestations tendant à les divulguer et permettre leur étude.

41. Selon ses statuts du 12 novembre 2014, l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947), a notamment pour objet de réaliser l'inventaire et inciter à la conservation des oeuvres d'[Z] et [O] [G], ainsi que leurs documents, archives et autres textes, mais également de communiquer, publier, ou éditer toute information, documents, études sur leur oeuvre, ainsi que promouvoir, organiser et participer à toute manifestation culturelle ou éducative afin de développer la connaissance de ces paysagistes.

42. Les deux associations ont donc le même objet, les dénégations sur ce point de la défenderesse manquant en fait.

43. Les deux dénominations comportent les termes "[Z]", "[O]" et "[G]", le nom [G] étant un élément primordial de leur identité utilisé en attaque, sur lequel se porte plus particulièrement l'attention du public et des adhérents.

44. L'association défenderesse, constituée en réaction à la politique de l'association demanderesse, a fait le choix d'une dénomination particulièrement longue et descriptive (25 mots et quatre dates), dont l'attaque est "association [G]".
Ce parti-pris la conduit donc, ainsi que ses adhérents et le public, à ne faire usage pour la désigner que de ces deux mots d'attaque.

45. Ce choix crée nécessairement un risque de confusion pour le public, même attentif, entre l'association [O] et [Z] [G] et l'association [G].

46. Afin de faire cesser le risque de confusion, sans réserver pour autant la référence à [O] et [Z] [G] à l'association demanderesse, il y a lieu d'ordonner à l'association défenderesse de modifier de sa dénomination sociale de sorte que les mots "[O]", "[Z]" et "[G]" ne figurent pas parmi les trois premiers mots de celle-ci dans les quinze jours de la signification de la présente décision.
Il n'est pas justifié de prononcer une astreinte.

47. S'agissant du parasitisme, l'association demanderesse n'établit aucunement que l'association défenderesse aurait tiré profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Il y a donc lieu de rejeter les demandes sur ce fondement.

48. S'agissant du préjudice, les allégations de l'association quant à un détournement d'adhérents ou à un préjudice d'image induit la médiocrité des activités de la défenderesse ne sont établies par aucune pièce de sorte que l'indemnité forfaitaire sollicitée, sans la moindre justification, ne sera pas accordée.

3 . La demande en revendication des marques

49. Les demandeurs font valoir que :
- le dépôt des trois marques en litige a été effectué en vue d'accaparer la notoriété du nom de "[Z] et [O] [G] et dans le but de priver l'association demanderesse d'un signe nécessaire à son activité,
- ces marques ne sont pas exploitées pour les services qu'elles désignent,
- le dépôt a donc été effectué de mauvaise foi,
- ce dépôt frauduleux l'a privée de se constituer des droits privatifs de marque ce qui lui cause un préjudice moral et un préjudice économique.

50. La défenderesse ne conclut pas sur cette demande.

Sur ce,

51. Selon l'article L.712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, "Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice".

52. Cette action en revendication ne suppose pas la justification d'une utilisation publique antérieure du signe litigieux par la partie plaignante, mais la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant (Com., 14 février 2012, pourvoi no 10-30.872).

53. Il est constamment jugé "qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité" (notamment Com., 25 avril 2006, pourvoi no 04-15.641).
Dans un arrêt rendu le 11 juin 2009 (C- 529/07, Chocoladefabriken Lindt et Sprüngli), la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que "l'existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de (cet) article, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce" (point 37) et que "l'intention du demandeur au moment pertinent est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d'espèce" (point 42).

54. La défenderesse ne conteste pas le caractère frauduleux du dépôt des trois marques en litige.
Il est d'ailleurs constant qu'elle savait que l'association demanderesse utilisait des signes très similaires aux marques "[Z]et[O] [G]","Association [G]" et "Journées [Z] et [O] [G]" pour son activité, antérieurement au dépôt, ce qui induit l'intention de l'en priver.

55. Il y a donc lieu d'ordonner le transfert des marques françaises "[Z]et[O] [G]" no4126924, "Association [G]" no4126914 et "Journées [Z] et [O] [G]" no4153942 au profit de l'association demanderesse.

56. S'agissant du préjudice, le tribunal observe que l'association demanderesse existe depuis le 1er février 1985 et n'a pas éprouvé le besoin, en 30 ans d'existence, de se réserver le monopole sur l'utilisation de son nom en tant que marque, ce qui s'explique par son absence d'activité commerciale.
Dès lors, l'existence d'un préjudice pour n'en avoir pas eu la disposition depuis octobre 2014 n'est pas manifeste et nécessite une démonstration sur le principe et le quantum.
Or, le préjudice allégué, consécutif à la seule privation de la possibilité de se constituer des droits privatifs de marque sur les signes "[Z]et[O] [G]", "Association [G]" et "Journées [Z] et [O] [G]," n'est corroboré par aucune pièce ni même explication sur sa teneur.
De même, son quantum n'est ni expliqué ni justifié.

57. Il y a donc lieu de rejeter la demande de réparation.

4 . La demande de transfert de nom de domaine

58. Les demandeurs font valoir que
- la réservation du nom de domaine etlt;[Z][O][G]etgt; a été effectuée de mauvaise foi en vue d'accaparer la notoriété du nom [Z] et [O] [G],
- M. [V] n'ayant aucun lien de parenté avec la famille [G], il n'a aucune légitimité à l'utiliser.

59. La défenderesse réplique que :
- un nom de domaine ne peut être supprimé qu'à titre exceptionnel, dans le cas d'une atteinte caractérisée aux droits de la personnalité ou en cas de cybersquatting ce qui n'est pas le cas en espèce dans la mesure où le nom de domaine litigieux permet d'identifier son site internet,
- l'association demanderesse a créé son propre site internet "www.[09].com", le nom de domaine ayant été réservé pendant l'instance, le 22 janvier 2020, et ne comportait que 2 pages à la date des dernières conclusions.

Sur ce,

60. Le choix d'un nom de domaine, c'est-à-dire l'appellation identifiant un site internet et constituant le moyen technique de localisation et d'accès aux pages de ce site, est libre. Il profite à celui qui, le premier arrivé, en demande la réservation, sous réserve que le nom de domaine ne porte pas atteinte à des droits antérieurs de tiers.

61. En l'espèce, l'association demanderesse ne démontre pas une atteinte à ses droits antérieurs sur le signe haduchene, quand bien même il correspond aux initiales de [Z] et [O] [G], ne l'ayant jamais exploité.
Ce dépôt ne l'a d'ailleurs pas empêchée de créer son propre site internet etlt;[Z]-et-[O]-[G].cometgt;.

62. La création d'un site internet "haduchene.com" pour une association ayant pour objet social de promouvoir l'oeuvre de [Z] et [O] [G] n'est pas illicite et elle est légitime, sans nécessiter l'existence d'un lien de parenté avec la famille [G], de sorte que la mauvaise foi n'est pas démontrée.

63. La demande de transfert du nom de domaine etlt;haduchene.cometgt; est donc rejetée.

IV. Sur les autres demandes

64. La demande de publication du présent jugement sollicitée n'est pas justifiée. Il convient dela rejeter.

65. Vu l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à l'instance, la nature et l'ancienneté de l'affaire justifient de prononcer l'exécution provisoire sauf concernant l'inscription du jugement au registre des marques de l'INPI dans le cadre du transfert de propriété des marques "[Z]et[O] [G]" no4126924 ; "Association [G]" no4126914 et "Journées [Z] et [O] [G]" no4153942 au profit de l'association [Z] et [O] [G] compte tenu du caractère irréversible de cette mesure.

66. Partie perdante, l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) est condamnée aux dépens de l'instance et à payer à l'association [Z] et [O] [G], la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'association [Z] et [O] [G] ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [N] [U] ;

Déboute M. [N] [U] et M. [D] [G] de l'ensemble de leurs demandes ;

Ordonne le transfert des marques françaises "[Z]et[O] [G]" no4126924 ; "Association [G]" no4126914 et "Journées [Z] et [O] [G]" no4153942 au profit de l'association [Z] et [O] [G] ;

Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle par la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre national des marques,

Rejette la demande de transfert du nom de domaine « haduchene.com » à l'association [Z] et [O] [G] ;

Rejette la demande d'interdiction de l'usage du nom [G] ;

Ordonne à l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) de modifier sa dénomination sociale de façon à ce que les mots "[O]", "[Z]" et "[G]" ne figurent pas parmis les 3 premiers mots de celui-ci dans les quinze jours de la signification de la présente décision ;

Rejette la demande à titre de dommages et intérêts de l'association [Z] et [O] [G] ;

Rejette la demande de publication du jugement ;

Condamne l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Me Anne Lakits dans les conditions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association [G], association des amateurs et des propriétaires de jardins, maisons et châteaux dessinés, construits ou restaurés par les architectes-paysagistes [Z] (1841-1902) et [O] [G] (1866-1947) à payer à l'association [Z] et [O] [G] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire sauf concernant l'inscription du jugement au registre des marques de l'INPI.

Fait et jugé à Paris le 09 Juin 2023

Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/01444
Date de la décision : 09/06/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-06-09;20.01444 ?
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