TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
2ème section
No RG 19/15091
No Portalis 352J-W-B7D-CRLXW
No MINUTE :
Assignation du :
04 Décembre 2019
JUGEMENT
rendu le 10 Mars 2023
DEMANDERESSES
Société PERI S.E.
[Adresse 5]
[Localité 3] (ALLEMAGNE)
S.A.S. PERI
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentées par Maître Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, #D1104
DÉFENDERESSE
Société CONDOR SPA
[Adresse 7]
[Localité 2] (ITALIE)
représentée par Maître Camille PECNARD, du cabinet LAVOIX avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626
Copies délivrées le :
- Me LEGRAND #D1104 (certifiée conforme)
- Me PECNARD #E1626 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier,
DÉBATS
A l'audience du 06 Octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 10 Mars 2023
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La société de droit allemand Peri SE (antérieurement nommée Peri GmbH, puis Peri AG) a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation d'éléments de coffrage et d'échafaudages destinés à la construction immobilière.
2. La SAS Peri est une filiale française de la société Peri SE dont l'activité est la distribution, la vente et la location de systèmes de coffrages d'étaiements et d'échafaudages et l'élaboration de plans de coffrages et d'échafaudages.
3. La société Peri SE est titulaire du brevet européen EP 1 899 552 (ci-après EP'552) désignant notamment la France, découlant d'une demande internationale (WO2007/3400) visant également l'Australie, la Chine, la Corée, les Etats-Unis et l'Afrique du Sud, intitulé "système de coffrage de plafond", déposé le 3 juillet 2006 sous priorité d'un brevet allemand DE102005031152 du 4 juillet 2005, délivré le 9 mars 2011 et régulièrement maintenu en vigueur.
4. La société de droit italien Condor Spa se présente comme l'une des principales sociétés européennes de production et commercialisation d'échafaudages, coffrages et tours d'étaiement pour la construction. Elle propose plusieurs solutions de coffrage, parmi lesquelles le système Alu-GD.
5. Le 24 octobre 2019, la société Peri SE a fait constater par huissier de justice la présentation et l'offre de vente de ce système sur le site internet en français condorfrance.fr exploité par la société Condor SpA et qu'elle estime contrefaisant de son brevet.
6. Autorisée par ordonnance sur requête du 28 octobre 2019, la société Peri SE a fait procéder à des opérations de saisie contrefaçon sur le stand tenu par la société Condor SpA à l'occasion du salon Batimat au Parc des expositions de Paris Nord Villepinte le 5 novembre 2019.
7. Par acte du 4 décembre 2019, la société Peri SE et la société Peri ont fait assigner la société de droit italien Condor Spa devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon du brevet EP'552, concurrence déloyale et réparation des préjudices consécutifs.
8. Des actions en contrefaçon du brevet EP'552 ont également été engagées par la société Peri SE à l'encontre de la société Condor SpA en Allemagne et en Italie. La procédure est en cours en Italie (un rapport d'expertise a été rendu mais n'est pas versé aux débats) et un accord mettant fin l'instance a été conclu en Allemagne le 8 septembre 2020.
9. Autorisée par ordonnance sur requête du 4 mai 2021, la société Peri SE a fait procéder, le 7 mai 2021, à de nouvelles opérations de saisie contrefaçon sur un chantier de construction à [Localité 4] et dans les locaux de la SAS Etablissements Boutillet.
10. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 février 2022, la société Peri SE et la société Peri demandent au tribunal, au visa des articles 54, 56, 83, 138 et 139 de la Convention de Munich, L.613-3, L.615-2 et L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
- déclarer la société Condor SpA irrecevable en sa demande de voir juger que les revendications 3 et 24 du brevet EP'552 sont dépourvues de nouveauté ou d'activité inventive;
- déclarer la société Condor SpA mal fondée en sa demande en nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 et l'en débouter ;
- déclarer la société Condor SpA coupable de contrefaçon des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 ;
- interdire à la société Condor SpA, sous astreinte, de diffuser tous documents présentant le système de coffrage Alu-GD, les modules standard Alu-GD référencés 21500, les "têtes d'appui à chute" référencées 21509 et les "têtes d'appui fixes" référencées 21510 et d'importer en France les mêmes produits ;
- enjoindre à la société Condor SpA, sous astreinte, de produire un état certifié par son commissaire aux comptes de ces produits importés en France depuis le début de leur commercialisation, ainsi que du nombre d'étais référencés CEP 10 / CEP 20 importés en France en même temps que ces éléments, ainsi que du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés à ce titre, accompagné de l'ensemble des éléments comptables justificatifs ;
- dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ;
- condamner la société Condor SpA à payer à la société Peri SE de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'atteinte portée à ses droits sur le brevet EP'552 et de sa dévalorisation consécutive et celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la désorganisation de son activité ;
- dire que le tribunal statuera sur leur préjudice commercial au vu des pièces qui seront produites par la société Condor SpA en exécution de la condamnation à production de pièces prononcée sous astreinte ;
- condamner la société Condor SpA à leur payer une provision de 50.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice commercial subi ;
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ;
- débouter la société Condor SpA de toutes ses demandes ;
- condamner la société Condor SpA à leur payer la somme de 150.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, à rembourser à la société Peri SE les frais exposés à l'occasion des opérations de constat du 24 octobre 2019 et des opérations de saisie contrefaçon des 5 novembre 2019 et 7 mai 2021 et aux dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Legrand conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire.
11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 mars 2022, la société Condor SpA demande au tribunal, au visa des articles 54, 56, 83, 138 et 139 de la Convention de Munich, L.613-3, L.615-2 et L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
A titre préliminaire,
- prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 5 novembre 2019 ;
- juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 mai 2021 est dépourvu de force probante;
A titre principal,
- juger que le brevet EP'552 est insuffisamment décrit ;
- juger que les revendications 1, 2, 3, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24 et 25 du brevet EP1899552 sont dépourvues de nouveauté et/ou d'activité inventive ;
- prononcer la nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 ;
- juger que la décision à intervenir sera transmise par le greffe à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au Registre National des Brevets ;
- débouter la société Peri SE de son action en contrefaçon de la partie française du brevet EP'552 et des demandes d'interdiction et d'indemnisation en découlant.
A titre subsidiaire,
- juger que son système de coffrage Alu-GD ne reproduit pas les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 ou 25 de la partie française du brevet EP'552 ;
- débouter la société Peri SE de son action en contrefaçon de la partie française du brevet EP'552 et des demandes d'interdiction et d'indemnisation en découlant.
En tout état de cause,
- débouter la société Peri de son action en concurrence déloyale ;
- rejeter la demande d'indemnité provisionnelle et de reddition des comptes formulée par les sociétés Peri et Peri SE ;
- débouter les sociétés Peri et Peri SE de leurs demandes de publication et d'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- condamner in solidum les sociétés Peri et Peri SE à lui payer la somme de 108.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en vertu de l'article 699 du code de procédure civile, qui seront directement recouvrés par Maître Camille Pecnard ;
- prononcer l'exécution provisoire ;
- débouter les sociétés Peri et Peri SE de toutes leurs demandes.
12. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.
MOTIVATION
13. L'article 52 de la Convention sur le brevet européen de Munich du 5 octobre 1973 (ci-après CBE) dispose que "les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle".
I . Présentation du brevet EP 1 899 552
14. Un système de coffrage de plafonds comporte des montants verticaux auxquels sont fixés des panneaux de coffrage formant une table horizontale sur laquelle le béton est coulé et qui sont retirés lorsque le béton a pris.
15. Aux termes de sa description, l'invention objet du brevet européen EP'552 est de "perfectionner un système de coffrage de plafonds dans lesquels la face inférieure des panneaux de coffrage comporte des supports permettant leur accouplement aux têtes de montants verticaux, permettant de les faire pivoter en position horizontale en maintenant l'accrochage et de les assembler au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre".
16. Les figures suivantes montrent la configuration des supports des éléments de coffrages et des têtes des montants verticaux permettant ces fonctionnalités selon ce brevet.
17. La revendication 1, décomposée en sept caractéristiques, est la suivante:
a système de coffrage de plafond comprenant plusieurs éléments de coffrage (98) et plusieurs montants verticaux (90),
b lesdits éléments de coffrage (98) comportant sur leur face inférieure des supports (2, 100, 102, 104, 106) susceptibles d'être accouplés à des têtes (28) de montants verticaux (90),
c dont la section est réalisée au moins localement en forme de C avec deux branches qui s'étendent en éloignement d'un tronçon de base (4),
d l'une des branches étant conçue à titre de surface d'appui (6) pour l'appui sur une tête (28) d'un montant vertical (90),
e la surface d'appui comprend un évidement, cet évidement étant prévu sur l'extrémité de la surface d'appui détournée du tronçon de base,
f caractérisé en ce que la tête (28) d'un montant vertical (90) comporte des éléments de fixation (52, 54, 56, 58, 60, 62, 64, 66) qui s'engagent dans un évidement respectif (20, 22, 24, 26) d'une surface d'appui (6),
g l'évidement (20, 22, 24, 26) étant prévu pour l'accouplement du support (2, 100, 102, 104, 106) avec le montant vertical (90) au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre sur l'extrémité de la surface d'appui (6) détournée du tronçon de base (4).
et les autres revendications opposées en sont dépendantes :
revendication 2 : le support (2, 100-106) est réalisé sous forme de profilé ouvert
revendication 8 : les montants verticaux (90) sont pourvus chacun d'une tête d'appui (28) qui comporte des pattes de fixation (44-50) coudées à côté d'un plan d'appui (32) s'étendant perpendiculairement à l'extension longitudinale du montant vertical respectif (9), pour l'engagement dans au moins un évidement (20-26) de la surface d'appui (6) d'un support (2,100-106)
revendication 9 : il est prévu quatre pattes de fixation (44-50) par tête d'appui (28), lesquelles s'étendent en particulier perpendiculairement au plan d'appui (32) de la tête d'appui (28)
revendication 10 : des pattes de fixation (44-50) voisines d'une tête d'appui (28) s'étendent perpendiculairement l'une à l'autre
revendication 12 : la tête d'appui (28) comporte des zones de butée pour la face postérieure, détournée des branches (6, 8), du tronçon de base (4) d'un support (2, 100-106), les surfaces de butée (72-86) desdites zones de butée s'étendant en particulier perpendiculairement au plan d'appui (32)
revendication 13 : il est prévu au total huit zones de butée, dont les surfaces de butée (72-86) s'étendent en particulier sous un angle de 45o par rapport aux pattes de fixation (44-50)
revendication 16 : la tête d'appui (28) est reliée de façon détachable ou fixe au montant vertical (90)
revendication 17 : la tête d'appui (28) est susceptible d'être accouplée à une plaque de tête (88), de préférence essentiellement carrée, d'un montant vertical (90) habituel du commerce
revendication 20 : la tête d'appui (28), en particulier réalisée à partir d'une plaque unique d'acier ou de matière plastique cintrée, coulée et/ou forgée, est susceptible d'être fixée sur un montant vertical (90) au moyen d'un élément à ressort (38) tenu dans la tête d'appui (28)
revendication 21 : le montant vertical (90) et le support (2, 100-106) d'un élément de coffrage (98) sont susceptibles d'être accrochés l'un avec l'autre dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) et le montant vertical (90) enferment un angle inférieur à 90o, et après l'accrochage il est possible de faire pivoter l'élément de coffrage (98), tout en maintenant la liaison accrochée, jusque dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) et le montant vertical (90) enferment un angle d'environ 90o
revendication 22 : un support (2, 100-106) d'un élément de coffrage est susceptible d'être accroché avec des montants verticaux (90) dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) s'étend essentiellement parallèlement aux montants verticaux (90)
revendication 23 : les éléments de coffrage (98) sont constitués chacun de supports longitudinaux (92) s'étendant à distance parallèlement l'un à l'autre, qui sont reliés par au moins un support transversal (2, 100-106) s'étendant perpendiculairement à eux-mêmes, les faces supérieures des supports longitudinaux (98) formant une surface d'appui pour une peau de coffrage (94), la face supérieure du ou des supports transversaux (2, 100-106) s'appliquant contre la face inférieure des supports longitudinaux (98), et la face inférieure du ou des supports transversaux (2, 100-106) formant la surface d'appui
revendication 25 : les éléments de coffrage comportent seulement un ou deux supports, en particulier rectilignes (2, 100-106), et lorsqu'on prévoit deux supports (2, 100-116), ceux-ci s'étendent parallèlement l'un à l'autre.
II . Sur l'irrecevabilité des demandes en nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552
18. Les sociétés Peri SE et Peri font valoir que le défendeur à une action en contrefaçon de brevet est irrecevable à poursuivre, à titre reconventionnel, la nullité des revendications de ce brevet qui ne lui sont pas opposées et que, au cas d'espèce, elle lui oppose seulement les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552 de sorte que les demandes de nullité des revendications 3 et 24 sont irrecevables.
19. La société Condor SpA ne conclut pas sur ce point.
Sur ce,
20. L'article 32 du code de procédure civile prévoit que : "Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir".
L'article 70, alinéa 1, du même code prévoit que "les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant".
21. La société Condor SpA soulève la nullité du brevet EP'552 en tant que moyen de défense à l'action en contrefaçon engagée à son encontre. Son intérêt à agir en nullité des revendications qui lui sont opposées est donc incontestable.
22. Les demanderesses ne lui opposent que les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552.
La revendication 3 (dépendante des revendications 1 et 2) est la suivante : "la surface d'appui du support comporte, dans chacune des deux régions terminales, détournées l'une de l'autre, du support, respectivement deux, trois ou plusieurs évidements" et la revendication 24 (dépendante des revendications 1 à 22) indique : "les faces supérieures des supports forment une surface d'appui pour une peau de coffrage".
23. La société Condor SpA n'explique pas en quoi elle a intérêt à agir au titre de ces revendications non opposées et ne démontre donc pas le lien suffisant entre la contestation de ces revendications et ses moyens de défense.
24. Il y a donc lieu de la déclarer irrecevable à opposer la nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552.
III . Sur la validité du brevet EP1899552
1 - Sur le moyen tiré de l'insuffisance de description
25. La société Condor SpA soutient que :
- la description, dans la revendication 1, de la méthode d'accouplement d'une tête de fixation à un support d'élément de coffrage pour que plusieurs supports puissent être assemblés à 90o les uns aux autres, illustrée par un seul et unique arrangement, est insuffisante pour permettre à l'homme du métier de déduire comment réaliser l'invention ;
- il existe en plus une contradiction inexpliquée entre la revendication 1 évoquant un support de base dont la section est en forme de C (caractéristique d'un profilé ouvert) et le paragraphe 8 de la description qui indique, sans le décrire, que ce support peut être un profilé fermé.
26. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :
- les paragraphes 38, 48 à 50 et 52, combinés aux figures 2, 7a, 7c et 8 du brevet, décrivent suffisamment la méthode d'accouplement entre une tête de fixation et un élément de coffrage,
- le brevet EP'552 décrit en détail un mode de réalisation de l'invention, ce qui suffit à l'exigence de description dès lors qu'il n'existe pas différents domaines d'applications dans lesquels l'obtention de l'effet technique soit douteuse,
- la revendication 1 requiert uniquement que le support revendiqué comprenne deux branches s'étendant en éloignement d'un tronçon de base et remplissant les fonctions prévues et que l'ensemble constitué de ces trois éléments ait une section réalisée au moins localement en forme de C, sans que cela exclue la mise en oeuvre de ces caractéristiques dans un profilé fermé.
Sur ce,
27. L'article 138-1-b) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter".
La règle 42 de son règlement d'exécution énumère les composantes de la description, parmi lesquelles "e) indiquer en détail au moins un mode de réalisation de l'invention revendiquée, en utilisant des exemples, si cela s'avère approprié, et en se référant aux dessins, s'il y en a".
L'invention est suffisamment décrite lorsque l'ensemble du brevet associé à ses propres connaissances techniques permet à l'homme du métier de l'exécuter par de simples mesures d'exécution, sans effort excessif.
Comme le soutiennent à juste titre la société Peri SE et la société Peri, la suffisance de description s'apprécie non seulement au regard des revendications mais également de la description de l'invention et des schémas qui l'accompagnent.
28. La revendication 1 du brevet EP'552 prévoit que l'accouplement se fait par l'engagement des éléments de fixation (52, 54, 56, 58, 60, 62, 64, 66) dont est pourvue la tête dans un évidement respectif (20, 22, 24, 26) de la surface d'appui (6) du support.
La position des éléments de fixation et des évidements apparaît sur les figures 1 et 2 du brevet.
Les paragraphes 38, 48 à 50 et 52 de la description développent l'explication de cet effet mécanique simple et les figures 7 et 8 du brevet décrivent l'accouplement entre une tête de fixation et un support d'élément de coffrage en distinguant trois positions pour les deux hypothèses d'un montage dans des positions décalées de 90o.
Enfin, la figure 9 montre le résultat sous un autre angle.
29. Tous ces éléments permettent à l'homme du métier de réaliser l'invention et la société Condor SpA n'indique pas en quoi la description d'un autre arrangement que celui décrit aux paragraphes précités et montré aux figures 7, 8 et 9 aurait été nécessaire pour ce faire.
30. S'agissant de la forme du support, la revendication 1 prévoit qu'il comporte, au moins localement, la forme d'un C, à savoir "avec deux branches qui s'étendent en éloignement d'un tronçon de base", dont l'une est conçue à titre de surface d'appui sur une tête d'un montant vertical et comprend un évidement sur son extrémité tandis que la revendication 2 porte sur la réalisation du support sous forme de profilé ouvert.
31. Il s'évince sans ambiguïté du brevet que l'effet technique recherché est obtenu par la présence d'évidements sur les extrémités de la surface d'appui du support dont la section, à cet endroit, présente une forme de C.
Le § 8 invoqué vient préciser que, si il est préférable que les supports soient réalisés sous forme de profilés ouverts, il est cependant possible d'utiliser des profilés fermés, auquel cas "l'évidement décrit sera alors également prévu au niveau de la surface d'appui respective mise en contact avec les éléments verticaux", ce qui est clair.
En toute hypothèse, à le supposer confus, ce point de détail n'aurait pas été de nature à empêcher l'homme du métier de réaliser l'invention.
32. Le grief d'insuffisance de description manque en fait et les demandes à ce titre sont rejetées.
2 . Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté
33. La société Condor conteste la nouveauté des revendications 1, 2, 3, 8, 9, 10, 12, 13, 16 et 17 de la partie française du brevet EP'552 sur la base du brevet allemand précité DE'091 "Plate-forme surélevée ou charpente, en particulier exécutée comme coffrage de dalles en béton" déposé le 5 septembre 1996.
34. Elle fait valoir que :
- ce brevet DE'091 décrit un système de coffrage comportant une tête de fixation, un support longitudinal et un support transversal, sur lequel est posé une peau de coffrage (caractéristique a de la revendication 1),
- les éléments de coffrage décrits par DE'091 ont, sur leur face inférieure, des supports qui peuvent être accouplés à des têtes au sommet de montants verticaux (caractéristique b de la revendication 1),
- les supports 4 et 6 ont une section en forme de C avec deux branches s'étendant en éloignement d'un tronçon de base, et servent de surface d'appui pour l'appui d'une tête sur un montant vertical (caractéristiques c et d de la revendication 1),
- la surface d'appui inférieure de n'importe quel support (principal comme secondaire) est conçue pour pouvoir être placée en appui sur la plaque d'appui d'une tête d'un montant vertical,
- la tête du montant vertical s'engage, par des éléments de fixation (ou éléments en saillie), sur des évidements de la surface d'appui d'un support (caractéristiques e et f de la revendication 1),
-un élément de coffrage peut être accouplé à la tête de montant vertical, dans un sens comme dans l'autre, ce qui est explicité dans le paragraphe 6 de la description (caractéristique g de la revendication 1),
- l'absence de nouveauté de la revendication 1 du brevet EP'552 au regard de du brevet DE'091 a déjà été retenue par l'examinateur américain et le tribunal de première instance de Bologne,
- l'effet technique n'est pas la présence de l'évidement ni sa localisation sur la surface d'appui du support, mais bien la possibilité de fixer, grâce à ces évidements ainsi positionnés, des supports dans une direction à 90o les uns des autres, ce qui est divulgué par le brevet DE'091,
- l'antériorité pour les revendications 2 et 3 est établie et non discutée,
- pour la revendication 8, les boulons courts font fonction de pattes de fixation et sont bien perpendiculaires au plan d'appui et le fait qu'ils soient distincts ou non de la tête de fixation ne figure dans aucun brevet et cette revendication était déjà divulguée par les brevets DE'081 et DE3921064,
- les revendications 16 et 17 n'ont aucun effet technique.
35. La société Peri SE et la société Peri font valoir qu'aussi bien l'examinateur américain de l'office des brevets que l'expert intervenu dans la procédure italienne ont conclu à la validité de la revendication 1 en combinaison avec les revendications 17, 20, 21 et 21-22 du brevet EP'552.
Elles ajoutent que le brevet DE'091 ne constitue pas une antériorité destructrice de nouveauté, faute notamment de divulguer l'ensemble des moyens de la revendication principale du brevet EP'552 dans leur forme, leur agencement et leur fonction en vue de leur résultat, notamment :
pour la revendication 1 :
- les plaques décrites dans le brevet DE'091 ne sont pas des éléments de coffrage mais de simples peaux de coffrage (caractéristique a),
- il n'y a pas d'accouplement direct des plaques à la tête d'un montant vertical par un support faisant partie de leur face inférieure mais via un support intermédiaire distinct de la plaque, qui n'en constitue pas un au sens du brevet EP'552 faute de faire partie intégrante de la plaque, voire de n'y être aucunement associé s'agissant du support principal (caractéristiques b, c, d et f),
- l'évidement, dans ce brevet, est en réalité une ouverture et elle n'est pas positionnée précisément sur l'extrémité de la surface d'appui du support détournée du tronçon de base et il n'est pas indiqué que la branche inférieure du support secondaire prend appui sur la tête (caractéristiques e et f),
- les boulons de la tête ne s'engagent jamais dans les ouvertures de la branche inférieure du support secondaire, seul en contact avec la plaque (caractéristique f),
- ce brevet ne décrit, ni même ne suggère, la fixation des supports dans deux configurations à 90o l'une de l'autre, qui n'est qu'une extrapolation hypothétique de la défenderesse, car il décrit un système de coffrage déjà adaptable aux différentes conditions d'espace par la liberté de positionnement des supports secondaires sur les supports principaux grâce aux multiples emplacements sélectionnables sur ces derniers (caractéristique g),
- la configuration hypothétique proposée par la société Condor SpA ne permettrait par ailleurs pas un positionnement stable de ce support car il laisserait un espace autorisant un glissement latéral du support et non une immobilisation par complémentarité de forme,
pour la revendication 8 : il n'est pas prévu de pattes de fixation coudées faisant partie intégrante de la tête d'appui,
pour la revendication 17 : il n'est pas possible d'associer un montant vertical habituel du commerce au système DE'091.
Sur ce,
36. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57;" et l'article 54 définit la nouveauté comme suit : "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique".
Pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
37. En 2011, l'office américain des brevets a considéré que l'équivalent des revendications 1 à 4 et 23 à 25 du brevet EP'552 étaient antériorisées par le brevet DE 196 36 091 (ci-après désigné par DE'091) enseignant un système de coffrage comportant des supports (beams) en forme de C avec des évidements (recesses) dans lesquels se fixe une tête, dans deux directions perpendiculaires, et a rejeté aussi les revendications dépendantes 5 à 21.
Le brevet EP'552 a néanmoins été admis pour les Etats-Unis le 20 novembre 2012 après adjonction à la revendication 1 du contenu de la revendication 21 ("et dans lequel le montant vertical et un élément de coffrage peuvent être couplés l'un à l'autre de telle manière que l'élément de coffrage et le montant vertical forment un angle inférieur à 90o, permettant de faire pivoter l'élément de coffrage en position, cette position étant rendue possible après le couplage tout en maintenant le couplage afin que l'élément de coffrage et les montants verticaux forment un angle d'approximativement 90o").
38. La figure suivante est extraite du brevet DE'091.
39. Comme le brevet EP'552, le brevet DE'091 décrit un système de coffrage dans lequel les panneaux de coffrage s'appuient sur des supports secondaires, dont la section a localement la forme d'un C, mis en appui sur des supports principaux identiques, eux-mêmes accouplés à des têtes de montants verticaux munies de pièces en saillie, faisant fonction d'éléments de fixation, s'insérant dans des ouvertures pratiquées dans les branches inférieures de ces supports écartées du tronçon de base. Son objectif est d'améliorer ainsi l'immobilisation de la grille formée par les supports secondaires et supports principaux au soutien de la plate-forme.
40. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Peri et Peri SE, le brevet EP'552 n'implique pas nécessairement que :
- les supports soient indissociables des éléments de coffrages,
- les éléments de coffrages ne puissent être constitués de planches ou de simples peaux de coffrage,
- les évidements soient nécessairement en forme d'encoches,
de sorte que la plupart de leurs objections quant à la divulgation par le brevet DE'091 des caractéristiques de la revendication 1 ne sont pas justifiées.
41. Néanmoins, à la différence du brevet EP'552, les supports du brevet DE'091 ne sont pas tous en contact avec la face inférieure d'un élément (appelé plaque) de coffrage, et leurs évidements ne permettent pas un accouplement bidirectionnel du support avec le montant vertical : ils forment entre eux une grille de supports principaux et secondaires dont l'immobilisation sera assurée dans toutes les directions du plan perpendiculaire aux montants par la complémentarité de forme des ouvertures et saillies, et cette grille, fixée aux montants verticaux, servira de support aux éléments de coffrages.
42. Ainsi, cette antériorité comporte bien un système d'accouplement de ces supports, notamment à des montants verticaux et à des plaques de coffrages par des évidements respectifs de saillies pratiqués sur ceux-ci, mais il n'utilise pas le même fonctionnement que celui décrit par la revendication 1 et ne vise pas le même résultat d'accrochage et de décrochage facilités des éléments de coffrage aux montants verticaux que le brevet EP'552.
43. Il n'est donc pas destructeur de nouveauté à l'égard de la revendication 1 et de la revendication dépendante 2.
44. Les autres revendications dont la nouveauté est contestée (8, 16 et 17) sont toutes dépendantes de la revendication 1, qui est nouvelle, et ne font qu'y ajouter d'autres caractéristiques. Elles sont donc nécessairement nouvelles elles-mêmes.
45. La nouveauté des revendications 9, 10, 12, 13, 20 à 23 et 25 n'est pas contestée.
3 . Sur le moyen tiré du défaut d'activité inventive
a. Le problème technique à résoudre
46. Les sociétés Peri et Peri SE indiquent que le problème technique à résoudre est de mieux adapter le système de coffrage à des conditions d'espace données.
47. La société Condor SpA soutient que le problème technique à résoudre est de permettre l'accouplement d'éléments de coffrage sur des têtes de fixation dans deux configurations, à 90o l'une par rapport à l'autre dans un système de coffrage pour plafonds, résolu par une configuration spécifique entre les têtes de fixation et les supports des éléments de coffrage qui y sont attachés.
48. L'invention objet du brevet européen EP'552 a explicitement pour objet de pallier un inconvénient du système connu antérieur consistant dans le fait que tous les panneaux devaient être orientés dans le même sens et, selon la description du brevet, "ce problème est résolu (...) en ce que la tête d'un montant vertical comporte des éléments de fixation qui s'engagent dans un évidement respectif d'une surface d'appui, l'évidement étant prévu pour l'accouplement du support avec le montant vertical, au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre".
b. L'état de la technique
49. La description du brevet EP'552 cite, au titre de l'art antérieur, le brevet EP 0 130 425 (ci-après EP'425), publié le 9 janvier 1985, ayant pour objet un "coffrage de dalle" qui, selon sa description, "se compose de panneaux de coffrage et de pièces de tête (...) [qui] peuvent être enfichées sur des montants tubulaires en acier et ont, sur une plaque de base (...) quatre saillies en forme de tenon qui sont recouvertes respectivement par un coin de cadre d'un panneau de coffrage en forme de caisson composé de supports longitudinaux et de supports transversaux. Entre les saillies disposées par paires sur deux grands côtés opposés de la plaque de base, il y a un espace libre dans lequel les supports longitudinaux des panneaux de coffrage peuvent s'engager lors de l'accrochage et du décrochage".
50. Le rapport de recherche international sur la demande WO2007/3400 mentionne, outre le brevet EP'425, les brevets EP 1 314 835, DE 19 616 876 et GB 2 266 114 au titre de l'art antérieur (catégorie A).
51. La société Condor SpA fait valoir que l'art antérieur le plus proche est le brevet EP'425 précité, déposé en juin 1984 et invoque également un brevet DE 806 391 (ci-après DE'391), délivré le 29 mars 1951 et intitulé "planches de coffrage en métal plus spécialement en acier", un brevet américain US3052008 (ci-après US'008) "ensemble de longerons soutenant des panneaux pour le coffrage de planchers en béton" du 4 septembre 1962,une demande de brevet FR2475099 (ci-après FR'099) "coffrage modulaire à têtes tombantes pour planchers de béton", déposée le 5 février 1981, un brevet US20040075042 (ci-après US'042), déposé le 2 octobre 2003, qui décrit un "système de coffrage pour plafonds et planchers" et un brevet DE 3147081 (ci-après DE'081), publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton".
52. Il y a donc lieu de retenir le brevet EP'425 comme l'art antérieur le plus proche, et les autres références précitées (DE'391, US'008, FR'099, US'042, DE'081), qui relèvent toutes de la même spécialité de confection de solutions de coffrage en béton, au titre de l'état antérieur.
c. L'homme du métier
53. Pour la société Condor SpA, c'est un expert en systèmes et machines de coffrage de plafond particulièrement habitué à adapter diverses solutions d'accouplement de parties d'un système de coffrage existants.
54. Les sociétés Peri SE et Peri indiquent qu'il n'y a pas lieu de prêter à l'homme du métier des compétences et une aptitude à la transposition de solutions de coffrage très élevées, sans toutefois proposer de définition.
55. L'homme du métier est un spécialiste de niveau moyen du secteur technique dont relève l'invention, doté des connaissances théoriques et pratiques et de l'expérience qui peuvent normalement être attendues d'un professionnel du domaine concerné.
Il s'agit ici d'un technicien du bâtiment ayant une bonne connaissance des différentes techniques et outils de coffrage dont relève l'invention et qui en pratique la manipulation et l'utilisation.
d. L'activité inventive
56. La société Condor SpA soutient que le brevet en litige est le perfectionnement de solutions techniques connues de l'art antérieur et que les brevets antérieurs US'008 du 4 septembre 1962, FR'099 du 5 février 1981 et US'042 du 2 octobre 2003 précités résolvaient déjà le problème technique selon le brevet.
Elle fait valoir que :
- l'art antérieur le plus proche est le brevet EP'425 précité, déposé en juin 1984, qui divulgue les caractéristiques a à d et f de la revendication 1 du brevet EP'552 à l'exception des revendications e et g (évidement sur la surface d'appui pour l'accouplement du support avec le montant vertical dans deux directions),
- la branche (6) du système de coffrage décrit dans EP'425 sert à la fois à agripper les tenons de fixation présents sur la tête du montant vertical et à mettre le support en appui sur ladite tête (d) et il existe, sur les pièces de tête, des saillies verticales qui s'engagent sur les coins des cadres des panneaux (f),
- il n'exclut pas la fixation sur une même tête de coffrages agencés perpendiculairement,
- confronté au problème technique, l'homme du métier aurait combiné les enseignements du brevet EP'425 à ceux du brevet DE 806 391 (ci-après DE'391), délivré le 29 mars 1951 et intitulé "planches de coffrage en métal plus spécialement en acier", et ceux du brevet DE'081, publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton", pour pratiquer des évidements sur la face inférieure du support des éléments de coffrage permettant de les verrouiller dans la direction longitudinale et dans la direction transversale et dans lesquels introduire les pattes de fixation prévues sur la tête ;
- vue son ancienneté, le brevet DE'391 doit aussi être considéré comme un exemple des connaissances générales de l'homme du métier ;
- les supports (et donc les éléments de coffrage) peuvent être fixés à 90o les uns par rapport aux autres (g), comme le démontre la figure 4 du brevet EP'425, dès lors que la présence d'évidements, divulguée par le brevet DE'391, permettra d'y insérer les éléments de fixation présents sur la tête ;
- la revendication 3 du brevet DE'081, décrit une configuration des têtes de fixation qui permet d'agencer les supports des éléments de coffrage perpendiculairement les uns aux autres pour résoudre le même problème technique que le brevet EP'552 ;
- les brevets US'008, FR'099 et US'042 comportaient déjà la possibilité d'accoupler des éléments de coffrages aux montants verticaux dans différentes directions orientées à 90o les unes par rapport aux autres,
- le brevet DE'391 divulgue les revendications 2 (profilé ouvert) et 3 (évidements dans les régions terminales du support),
- la combinaison de EP 1482 105 "système de fixation de tête avec des étais" et DE'091 aboutit à la même solution que la revendication 8, de même que d'autres combinaisons de brevets antérieurs dans lesquels des têtes de fixation comportent des pattes de fixation destinées à l'accouplement avec un support inférieur d'un élément de coffrage (GB 2266 114 ou US'042 ou EP 0297 357, ci-après EP'357) permettant l'installation d'éléments de coffrage dans deux directions, à 90o les uns par rapport aux autres,
- la combinaison de EP'425 ou DE'091 avec GB 2266 114 ou EP'357, qui comportent quatre pattes de fixation perpendiculaires au plan appui d'une tête d'appui, permet d'aboutir aux enseignements des revendications 9 et 10, comme l'a retenu le tribunal de Bologne,
- la combinaison de EP'425 et EP 1482 105 décrivent les revendications 12 et 13, EP'425 décrivant des zones de butée du tronçon de base du support de coffrage, de même que celle de DE'091et GB'114 et il n'y a pas d'effet technique de l'angle à 45o entre les pattes de fixation et les zones de butée, ainsi que le démontre l'exemple du brevet DE'081 qui permet d'accrocher quatre éléments de coffrage sans cet angle,
- les revendications 16 et 17 ne sont pas inventives, la notion de "montant vertical habituel du commerce" étant imprécise et la forme carrée des têtes d'appui très répandue, de sorte que la revendication 17 est susceptible de couvrir toute plaque de tête,
- l'objet de la revendication 20 (fixation d'un montant vertical par un élément à ressort tenu dans la tête d'appui) est déjà décrit dans l'art antérieur, notamment le brevet US5651914 (ci-après US'914), invention susceptible d'être utilisée sur n'importe quel système de coffrage connu,
- les revendications 21 et 22 ne sont pas inventives car, ne précisant pas la manière dont le montant vertical et l'élément de coffrage doivent être accouplés l'un à l'autre pour permettre le
pivot ou la position parallèle auxquels il est fait référence, elles n'ajoutent aucun élément technique aux enseignements de la revendication 1 du brevet ; de plus, le brevet EP'425 décrit le mouvement de pivot objet de la revendication 21, ce qui est explicitement indiqué dans la description du brevet EP'552, et la revendication 22 ne fait que préciser la revendication 21, dont elle est dépendante,
- s'agissant des revendications 23 et 25, elles consistent en des éléments classiques présents dans de nombreux systèmes de coffrage, notamment les brevets DE2352949 de 1973 et CA2493492 de 2004, qui doivent être considérés comme une illustration du fonds des connaissances générales de l'homme du métier.
57. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :
- le brevet EP'425 divulgue les caractéristiques a, b et c de la revendication 1 du brevet EP'091, mais non les autres en ce qu'il n'est pas conféré à la branche des supports une fonction d'appui (caractéristique d), notamment lorsque le coffrage est en position horizontale, qu'il n'est pas prévu d'évidements et qu'aucun accouplement dans des directions perpendiculaires n'est décrit, ni possible de façon stable (caractéristiques e, f et g) ;
- le brevet DE'391 comporte bien des évidements mais ne décrit, ni ne permet, d'agencement autre que parallèle entre les planches en acier et prévoit la coopération de deux évidements et non d'un évidement et d'une saillie ;
- la société Condor SpA est mal fondée à se baser sur des combinaisons avec le brevet EP'091 qui n'est pas selon elle l'état de la technique le plus proche,
- le brevet DE'081 ne décrit que la caractéristique a de la revendication 1 du brevet EP'552, la surface d'appui n'étant pas sur la face inférieure de l'élément de coffrage et le support ne comportant pas de branche,
- la combinaison des brevets DE'391 et DE'081 ne divulgue donc pas l'invention car les caractéristiques b, d et f manqueront nécessairement,
- dans le brevet US'008, les plaques ne sont pas des éléments de coffrage au sens de son brevet mais des peaux de coffrage disposées entre des longerons, et ne comportent pas de supports susceptibles d'être accouplés aux têtes de montants verticaux, il ne divulgue donc ni le montage direct d'éléments de coffrage sur la tête de montants verticaux par l'intermédiaire de supports faisant partie intégrante des éléments de coffrage et figurant sur leur face inférieure, ni l'accouplement de tels supports sur cette tête dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre ;
- le document FR'099 ne divulgue ni le montage direct d'éléments de coffrage sur la tête de montants verticaux par l'intermédiaire de supports faisant partie intégrante des éléments de coffrage et figurant sur leur face inférieure, ni l'accouplement de tels supports sur cette tête dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre, ni même un positionnement perpendiculaire des panneaux de coffrage eux-mêmes ;
- le document US'042 porte sur un simple panneau de coffrage et ne divulgue donc ni l'accouplement de supports d'éléments de coffrage sur la tête d'un montant vertical dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre, ni même un positionnement perpendiculaire des panneaux de coffrage eux-mêmes ;
- s'agissant de la revendication 8, en premier lieu, le brevet EP 1482 105, ni le brevet US'042 ne donnent d'enseignement sur la fixation de panneaux de coffrage avec les pattes de fixation et leur combinaison avec DE'091 est inopérante ; en second lieu, le brevet US'042 combiné avec le brevet EP'425 ne fonctionne pas, les pattes de fixation ne pouvant pénétrer dans aucun évidement de la branche du support ; enfin, le document EP'357 se borne à enseigner la présence de saillies disposées en carré sur une pièce de tête qui peuvent s'emboîter chacune sur l'angle d'un cadre de panneau de coffrage et ne donne aucune indication sur le positionnement des panneaux de coffrage ;
- s'agissant des revendications 9 et 10, le remplacement éventuel des tenons du brevet EP'425 par des saillies décrites par le document EP'357 ne permettrait pas leur engagement dans la branche du support, faute d'évidements ;
- s'agissant des revendications 12 et 13, il n'y a pas de surface de butée dans le brevet EP'425 et l'effet technique de l'angle à 45o entre les pattes de fixation et les huit zones de butée rend possible la fixation de quatre éléments de coffrage sur la même tête à 90o entre eux ;
- s'agissant de la revendication 17, elle a été jugée valable par l'expert nommé par le tribunal de Bologne et couvre la combinaison de la plaque d'appui avec toute plaque de tête de montant ;
- la revendication 20 a été jugée valable par l'expert nommé par le tribunal de Bologne ;
- s'agissant des revendications 21 et 22, elles ont été jugées valables par l'expert nommé par le tribunal de Bologne et par l'office des brevets américain ;
- l'homme du métier, confronté au problème technique à la base de l'invention faisant l'objet du brevet EP'552, n'a aucune raison de s'intéresser au document US'042 ;
- s'agissant des revendications 23 et 25, elles ne sont aucunement antériorisées par le document DE 23 52 949 ni le document CA 2 493 492.
Sur ce,
58. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57" et l'article l'article 56 que "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique".
Une invention découle de manière évidente de l'état de la technique si, eu égard à celui-ci et confronté au problème que l'invention prétend résoudre, l'homme du métier aurait adopté la même solution en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations courantes. Qu'il puisse théoriquement adopter cette solution n'est pas un critère de l'activité inventive.
59. La revendication 1 du brevet EP'425 est la suivante : "coffrage de dalle, composé de panneaux de coffrage (1) avec un cadre en forme de caisson ouvert vers le bas comportant des supports longitudinaux (5) et des supports transversaux (4), et de pièces de tête (2) qui soutiennent les coins de panneaux de coffrage (1) en aboutement et qui présentent une plaque de base rectangulaire (8), auprès des quatre coins de laquelle des saillies verticales sont prévues qui s'engagent dans les coins des cadres de panneaux de coffrage posés, caractérisé en ce que les saillies sont constituées en tant que tenons (11) et sont disposées sur des embouts (9) situés au niveau des coins de la plaque de base (8), et en ce que les panneaux de coffrage (1) comportent, au moins au niveau de leurs supports transversaux (4), une branche (6) dépassant vers l'intérieur ou des goussets".
Il n'est pas discuté que ce brevet divulgue les caractéristiques a à c de la revendication 1 du brevet EP'552.
S'agissant de la caractéristique d, dans le EP'425, le point de contact entre les panneaux de coffrage et les pièces de tête sur lesquels ils reposent se situe sur la branche (6) des supports transversaux, qui est la branche inférieure en éloignement du tronçon de base de ce support. Elle est ainsi nécessairement une surface d'appui aussi bien lorsque le coffrage est en position d'accrochage qu'en position montée, ainsi qu'il apparaît sur sa figure 2 ci-après reproduite, quand bien même elle ne serait pas ainsi qualifiée.
Cette caractéristique d de la revendication 1 est donc remplie.
60. S'agissant de la caractéristique f, la présence de saillies sur la pièce de tête sur lesquelles s'engagent et s'agrippent les panneaux de coffrage lors de l'accrochage et du décrochage ne divulgue pas cette caractéristique en l'absence d'évidements sur le support.
Enfin, la société Condor SpA ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que le brevet EP'425 permet l'agencement d'éléments de coffrage perpendiculairement les uns aux autres car cela ne ressort ni de la description, ni des revendications.
Il est d'ailleurs expressément mentionné dans la description du brevet EP'552 que l'amélioration apportée au brevet EP'425 consistait à permettre l'orientation perpendiculaire de certains panneaux de coffrages (g).
Les éléments caractérisants (f et g) de la revendication 1 du brevet EP'552 ne sont donc pas réunis dans le brevet EP'425 dont les figures 2 et 5 sont ci-après reproduites.
61. Or, le brevet DE'391, délivré le 29 mars 1951, divulgue une invention composée de planches de coffrage dont les bords sont repliés en forme de C et dont la branche parallèle au sol comporte des évidements qui s'engagent dans les évidements des supports transversaux qui les portent pour en permettre l'accrochage rigide et le démontage facile.
62. De plus, le brevet DE'081, publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton", vise à "améliorer un échafaudage pour coffrages pour béton de type générique en ce que les poutrelles de coffrage peuvent être posées sur les têtes d'appui des montants respectivement des deux côtés dans des directions diamétrales qui se croisent et par des butées correspondantes des poutrelles de coffrage sur les têtes d'appui,".
Il revendique à cet effet des montants comportant une tête d'appui de base carrée "possédant des barres d'accrochage (15, 16) le long de ses quatre arêtes, et les poutrelles de coffrage (22) ayant au-dessus de leurs éléments d'accrochage (24) une arête ou surface de butée (26) qui, dans la position de montage des poutrelles de coffrage (22), sont adjacentes aux arêtes latérales (25) de la plaque de tête (21) lors de l'appui des barres d'accrochage (15, 16)".
63. Il s'évince de ces deux derniers documents, faisant partie de la même spécialité technique et que l'homme du métier, confronté au problème de l'agencement de coffrages perpendiculaires, aurait donc consultés, que l'état de la technique à la date de la demande du brevet EP'552 incluait :
- l'utilisation d'encoches dans une partie repliée des supports d'éléments de coffrage pour les fixer de façon rigide mais facilement détachable (DE'391), et
- la possibilité de fixer des éléments de coffrage dans deux directions décalées de 90o les uns par rapport aux autres sur une même tête d'appui fixée sur un montant vertical (DE'081).
64. La simple juxtaposition de ces solutions techniques, connues de longue date, tant pour la constitution de coffrage en métal modulables et faciles à manipuler, pour l'accrochage et le démontage facile des éléments de coffrage que pour l'adaptation des coffrages aux contraintes de la surface à coffrer permettait donc à l'homme du métier d'arriver à la solution objet de la revendication 1 du brevet EP'552, ainsi que l'avait relevé l'office américain des brevets, soulignant que, si le brevet EP'425 ne divulguait pas expressément un évidement sur la surface d'appui du support pour s'engager dans les éléments de fixation de la tête du montant, à l'époque du dépôt de EP'552, l'homme du métier était incité à modifier la tête de fixation (slab formwork) et ajouter des évidements sur le support.
65. De plus, aucun préjugé n'aurait dissuadé l'homme du métier de conjuguer ces solutions parfaitement compatibles entre elles sur le plan mécanique.
66. C'est donc à juste titre que la société Condor SpA fait valoir que la revendication 1 du brevet EP'552 est nulle pour défaut d'activité inventive, de même que la revendication 2 qui n'ajoute à la revendication 1 que le caractère ouvert du profilé, qui était déjà connu.
67. Les revendications 8 (tête d'appui qui comporte des pattes de fixation coudées sur le plan d'appui perpendiculaire à l'extension du montant vertical respectif, pour l'engagement dans au moins un évidement de la surface d'appui d'un support), 9 (quatre pattes de fixation par tête d'appui en particulier perpendiculaires au plan d'appui), 10 (pattes de fixation perpendiculaires l'une à l'autre), 12 (tête d'appui comportant des zones de butée pour la face postérieure du tronçon de base d'un support, les surfaces de butée en particulier perpendiculaires au plan d'appui) et 13 (huit zones de butée, dont les surfaces de butée sont en particulier à un angle de 45o par rapport aux pattes de fixation) portent sur la configuration de la plaque de tête placée sur les montants verticaux.
68. Outre le brevet EP'425, plusieurs brevets antérieurs au brevet EP'552 comportent des têtes de fixation carrées munies de quatre pattes de fixation perpendiculaires au plan appui d'une tête d'appui (GB 2266 114 ou EP'357) destinées à l'accouplement avec un support inférieur d'un élément de coffrage (GB 2266 114 ou US'042 ou EP'357) permettant l'installation d'éléments de coffrage dans deux directions, à 90o les uns par rapport aux autres, avec des zones de butée du tronçon de base du support de coffrage
69. Ainsi, la revendication 1 du brevet EP'357 divulgue de telles têtes de fixation : " Support pour coffrages de planchers (...)qui comporte une pièce de tête (1), servant d'élément d'appui pour les angles de quatre panneaux de coffrage jointifs, qui comprend une plaque de base (2) horizontale de forme carrée et quatre saillies (8) dirigées vers le haut et prévues dans une disposition carrée sur cette plaque de base, qui peuvent chacune s'emboîter dans la région d'angle du cadre d'un panneau de coffrage à supporter, caractérisé par la prévision de nervures (11) dirigées vers le haut et pouvant s'engager entre les cadres de panneaux de coffrage voisins, les saillies (8) et les nervures (11) se succédant alternativement et étant disposées chaque fois avec un décalage de 45o, une saillie (8) sous la forme d'une broche cylindrique dirigée vers le haut étant fixée sur chacun des quatre angles de la plaque de base (2) et une nervure (11) dirigée vers le haut étant fixée dans la région médiane de chacun des côtés de la plaque de base sur un bras d'appui ou de support (10) dépassant au-dessus de la plaque de base (2)".
Figures extraites du brevet
EP0297357
Il était ainsi loisible à l'homme du métier d'adapter les pattes de fixation de ces têtes d'appui à des évidements de la branche du support en éloignement du tronçon de base.
70. Dès lors, la configuration de la tête d'appui telle que décrite par ces revendications est dépourvue d'activité inventive.
71. Les sociétés Peri et Peri SE ne contestent pas que la revendication 16 n'a aucun effet technique, une tête d'appui étant forcément reliée à un montant vertical de manière soit détachable, soit fixe, seules possibilités matérielles, ce qui suffit à exclure toute activité inventive.
72. La revendication 17 prévoit que la tête d'appui est susceptible d'être accouplée à une plaque de tête, de préférence carrée, d'un montant vertical habituel du commerce et la revendication 20 que la tête d'appui est susceptible d'être fixée sur un montant vertical au moyen d'un élément à ressort tenu dans la tête d'appui.
73. C'est à juste titre que la société Condor SpA fait valoir qu'un accouplement de la tête d'appui à une plaque de tête par ressort objet de la revendication 20 est déjà décrite dans l'art antérieur, notamment le brevet US'914 "support comportant une tête démontable" délivré le 29 juillet 1997 : "L'invention couvre un montant avec une tête d'appui amovible pour le coulage de béton présentant, sur son côté inférieur, un prolongement s'engageant dans la partie creuse de l'extrémité supérieure du montant. Cette invention présente un cliquet à ressort monté en pivot sur le prolongement. Le cliquet s'engage sur une butée sur le montant pour verrouiller la tête d'appui montée sur le support au support, invention susceptible d'être utilisée sur n'importe quel système de coffrage connu".
74. Dès lors, les perfectionnements objets des revendications 17 et 20 sont dépourvus d'activité inventive.
75. La revendication 21 prévoit que le montant vertical et le support d'un élément de coffrage sont susceptibles d'être accrochés l'un avec l'autre dans une position dans laquelle l'élément de coffrage et le montant vertical enferment un angle inférieur à 90o, et après l'accrochage il est possible de faire pivoter l'élément de coffrage, tout en maintenant la liaison accrochée, jusque dans une position dans laquelle l'élément de coffrage et le montant vertical enferment un angle d'environ 90o et la revendication 22 qu'un support d'un élément de coffrage est susceptible d'être accroché avec des montants verticaux dans une position dans laquelle l'élément de coffrage s'étend essentiellement parallèlement aux montants verticaux.
76. C'est à juste titre que la société Condor SpA fait valoir que le brevet EP'425 décrit le mouvement de pivot objet de la revendication 21, qui est aussi explicitement indiquée dans la description du brevet US'042, du même domaine de spécialité que le brevet EP'552 de sorte que l'homme du métier y aura recours, dans les termes suivants : "l'accrochage, comme déjà indiqué, est réalisé par la fixation des pattes de fixation des têtes de soutien et des pattes longues de fixation des panneaux. Ensuite, par l'utilisation d'un crochet ou d'un autre élément adapté, le panneau est mis en rotation de sa position accrochée verticale jusqu'à une position horizontale, et la mise en place de deux autres montants sous ledit panneau pour que ce dernier repose sur les têtes de soutien de cette nouvelle paire de montants, créant ainsi une structure de quatre montants et leurs têtes de soutien et un panneau de coffrage, comme illustré à la depuis laquelle il sera possible de bâtir une grille de panneaux partant dans les deux directions à angles droits jusqu'à ce que toute la dalle à coffrer soit finalisée".
77. Les revendications 21 et 22 ne sont donc pas inventives et sont annulées de ce fait.
78. La revendication 23 prévoit que les éléments de coffrage sont constitués chacun de supports longitudinaux s'étendant à distance parallèlement l'un à l'autre, qui sont reliés par au moins un support transversal s'étendant perpendiculairement à eux-mêmes, les faces supérieures des supports longitudinaux formant une surface d'appui pour une peau de coffrage, la face supérieure du ou des supports transversaux s'appliquant contre la face inférieure des supports longitudinaux et la face inférieure des supports transversaux formant la surface d'appui et la revendication 25 prévoit que les éléments de coffrage comportent seulement un ou deux supports, en particulier rectilignes, et lorsqu'on prévoit deux supports, ceux-ci s'étendent parallèlement l'un à l'autre.
79. Comme le soutient à juste titre la société Condor SpA, elles font partie du fond des connaissances générales de l'homme du métier et sont présentes dans de nombreux systèmes de coffrage, notamment les brevets DE2352949 de 1973 et CA2493492 de 2004.
80. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu que l'homme du métier, confronté le 3 juillet 2005 au problème technique de l'accrochage transversal d'éléments de coffrage sur une même tête d'appui, aurait combiné la solution apportée par le brevet EP'425 de 1984 à celles résultant des connaissances générales de l'homme du métier, consistant notamment dans les solutions divulguées par les brevets déjà anciens DE'391 (1951) et DE'081 (1981) et EP'0357 (1988) pour parvenir, sans activité inventive à la solution objet des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552 qu'il y a donc lieu de déclarer nulles pour défaut d'activité inventive.
81. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Peri SE au titre de la contrefaçon de son brevet EP'552.
IV . Sur la concurrence déloyale
82. La société Peri fait valoir qu'elle subit un préjudice consécutif à la désorganisation de son activité du fait de la présentation et de l'offre à la vente, sur le salon BATIMAT, plus grand salon professionnel français de la construction, d'un système contrefaisant du système de coffrage GRIDFLEX dont elle assure la promotion et la commercialisation en France.
83. La société Condor SpA conteste que sa présence au salon BATIMAT puisse constituer un acte de concurrence déloyale et indique que le système Alu-GD n'a pas été vendu en France.
Sur ce,
84. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise.
85. Le distributeur d'un produit breveté peut agir sur le fondement de l'action en concurrence déloyale au visa de l'article 1240 du code civil aux côtés du titulaire de brevet pour la réparation de son préjudice propre.
L'action en concurrence déloyale peut être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon de brevet rejetée pour défaut d'atteinte à un droit privatif, à condition qu'il soit justifié d'un comportement fautif.
Toutefois, la reproduction d'un objet non protégé par un droit de propriété intellectuelle ne constitue pas une faute en l'absence de risque volontaire de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit.
86. En l'espèce, aucun fait distinct de la contrefaçon n'est démontré. La commercialisation de systèmes non contrefaisants de systèmes de coffrages lors d'un salon professionnel ne saurait donc être qualifié de faute.
87. Les demandes au titre de la concurrence déloyale sont donc rejetées.
V . Sur la demande reconventionnelle en nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019
88. La société Condor SpA soutient que l'huissier a outrepassé les termes de la requête :
- en permettant aux conseils en propriété industrielle l'ayant assisté lors de la saisie-contrefaçon diligentée au cours du salon Batimat d'utiliser un document non visé dans la requête, ni porté à la connaissance du juge, et en refusant de l'annexer au procès-verbal de ses opérations, ce qui lui a nécessairement fait grief en l'empêchant d'en critiquer l'existence, le contenu et l'utilisation,
- en se munissant d'un niveau à bulle, qui ne figurait pas parmi les objets autorisés par l'ordonnance,
- en permettant au conseil en propriété industrielle d'utiliser un mètre pour procéder à diverses mesures alors que cet outil ne figurait pas dans la liste de ceux autorisés.
89. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :
- aucune irrégularité n'a été provoquée par le fait que les conseils en propriété industrielle avaient un document de travail et la société Condor SpA n'a subi aucun grief de ce fait,
- elles ont demandé l'autorisation pour l'huissier de se munir des outils sans lesquels les opérations de manipulation du système de coffrage risquaient d'être impossibles, ce qui ne lui interdisait aucunement d'en utiliser d'autres.
Sur ce,
90. L'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle organise un mode de preuve de la contrefaçon, communément appelé saisie contrefaçon, pratiquée par un huissier (dorénavant commissaire) de justice dans les limites d'une ordonnance rendue sur requête par une juridiction.
91. Il est établi que le conseil en propriété industrielle, dont la présence a été autorisée par l'ordonnance, a recouru à un document personnel de travail qui n'a été communiqué ni au magistrat destinataire de la requête, ni à l'huissier, ni au saisi.
92. Aucun texte ni aucune circonstance ne justifie d'interdire au conseil en propriété industrielle de se référer à des pièces écrites durant les opérations de saisie-contrefaçon. Ce conseil ayant un rôle d'assistance de l'huissier sur des points techniques et pour obligation de le faire en toute indépendance, il n'est pas anormal qu'il recoure à des documents personnels sans outrepasser son rôle. En particulier, il est établi qu'il n'a montré ces documents ni à l'huissier ni au saisi, de sorte qu'il n'a pas ainsi influencé ou orienté les opérations réalisées par l'huissier.
C'est à juste titre que l'huissier n'en a ni demandé communication ni ne les a joints au procès-verbal.
Cette circonstance ne saurait entraîner la nullité de la saisie-contrefaçon.
93. S'agissant des outils non prévus dans l'ordonnance, la mention dans la requête d'outils autorisés vise à permettre à l'huissier de réaliser matériellement sa mission, en cas de réticence du saisi à les fournir pour permettre les constatations autorisées et ainsi assurer l'efficacité de la mesure. Il ne s'agit aucunement d'une liste limitative des moyens matériels dont peut user l'huissier.
94. L'utilisation d'un mètre pour la prise de mesure dans le cadre de la mission autorisée, pas plus que la présence d'un niveau à bulles non utilisé ne sauraient entraîner la nullité de la saisie-contrefaçon.
95. Il n'y a donc pas lieu d'annuler le procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019.
VI . Sur les autres demandes
96. Les sociétés Peri et Peri SE, qui succombent, sont condamnées aux dépens de l'instance et à payer à la société Condor SpA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
97. La nature et l'ancienneté de l'affaire justifient le prononcé de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de la société Condor SpA en nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552 ;
Prononce la nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP1899552 pour défaut d'activité inventive ;
Dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'Office européen des brevets pour être inscrite au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;
Rejette les demandes des sociétés Peri et Peri SE fondées sur la contrefaçon de brevet et la concurrence déloyale ;
Rejette la demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 ;
Rejette la demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 ;
Condamne in solidum les sociétés Peri et Peri SE à payer à la société Condor SpA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Peri et Peri SE aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Camille Pecnard conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du Jugement à intervenir ;
Fait et jugé à Paris le 10 Mars 2023
Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC