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16/02/2023 | FRANCE | N°20/13320

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 16 février 2023, 20/13320


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 20/13320
No Portalis 352J-W-B7E-CTP6G

No MINUTE :

Assignation du :
30 novembre 2020

JUGEMENT
rendu le 16 février 2023

DEMANDEURS

Monsieur [H] [V] - Intervenant volontaire
[Adresse 7]
[Localité 6]

S.A.R.L. ERIA SYSTEMES (ELECTRONIQUE ROBOTIQUE INFORMATIQUE AUTOMATISME SYSTEMES)
[Adresse 8]
[Localité 5]

représentés par Me Julie NIDDAM du Cabinet NIDDAM DROUAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A016

2 et Me Dauphine DE MARION DE GLATIGNY du Cabinet CLAIRE et DAUPHINE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant et Me Olivier HUBERT,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 20/13320
No Portalis 352J-W-B7E-CTP6G

No MINUTE :

Assignation du :
30 novembre 2020

JUGEMENT
rendu le 16 février 2023

DEMANDEURS

Monsieur [H] [V] - Intervenant volontaire
[Adresse 7]
[Localité 6]

S.A.R.L. ERIA SYSTEMES (ELECTRONIQUE ROBOTIQUE INFORMATIQUE AUTOMATISME SYSTEMES)
[Adresse 8]
[Localité 5]

représentés par Me Julie NIDDAM du Cabinet NIDDAM DROUAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0162 et Me Dauphine DE MARION DE GLATIGNY du Cabinet CLAIRE et DAUPHINE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant et Me Olivier HUBERT, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

DÉFENDERESSES

S.A.S. SYMBIOKEN
[Adresse 4]
[Localité 2]

Madame [Z] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentées par Me Guillaume HENRY de l'AARPI SZLEPER HENRY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017
COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Caroline REBOUL, Greffière,

DÉBATS

A l'audience du 14 novembre 2022 tenue en audience publique devant Malik CHAPUIS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 09 février 2023. Le délibéré a été prorogé au 16 février 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. La société Electronique Robotique Informatique Automatisme (ERIA) Systèmes, immatriculée au RCS d'Agen le 18 août 1997, a pour activité l'ingénierie industrielle en particulier en matière de mécanique, mécatronique, robotique et informatique. M. [H] [V] exerce en qualité de directeur technique salarié de la société Eria Systèmes.

2. La société Symbioken, immatriculée au RCS de Toulouse le 22 septembre 2011, a quant à elle pour activité déclarée, la création, la production, et la commercialisation de produits tissulaires réparateurs. Cette société est dirigée par Mme [Z] [B], docteur en biologie cellulaire et moléculaire.

3. Les sociétés Eria Systèmes et Symbioken ont, à partir de 2013, collaboré aux fins de développer une machine de centrifugation et d'agitation. Par un contrat du 12 novembre 2014, elles ont convenu de la cession, par la société Eria Systèmes, de l'intégralité de ses droits de propriété intellectuelle portant sur la "machine réalisant les fonctions d'agitation et de centrifugation" pour les applications en relation avec le procédé biomédical de la société Symbioken, en contrepartie de l'engagement de cette dernière de commander la réalisation d'un exemplaire prototype de cette machine "mettant en évidence l'objet de la cession de droits", et de lui "soumettre" la réalisation de la production en série de cette machine pendant les 3 premières années.

4. Le premier prototype a été livré selon bon de commande du 9 juin 2015 moyennant le paiement de la somme de 72.400 euros HT.

5. Le 15 septembre 2016, la société Symbioken a déposé une demande de brevet français no1 658 658 ayant pour titre "Dispositif de centrifugation et d'agitation" et mentionnant comme inventeurs Mme [B] et M. [V]. Ce brevet a été délivré le 31 août 2018 sous le no FR 3 055 816. La société Symbioken avait également procédé le 15 septembre 2017 au dépôt d'une demande internationale noWO2018/051034 A1 et d'une demande européenne noEP 3 512 622, revendiquant toutes la priorité de la demande française précitée. La mention de la délivrance du brevet EP 3 512 622 a été publiée le 24 juin 2020. Ce brevet s'est donc substitué au brevet FR 3 055 816 le 24 mars 2021 conformément aux dispositions de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle.

6. Un second prototype de la machine a été commandé par la société Symbioken en novembre 2017, livré le 6 juin 2018, et réglé au prix de 28.840 euros. Puis, par une lettre du 9 juillet 2019, la société Symbioken a demandé à la société Eria Systèmes de lui soumettre un devis pour la réalisation en pré-série de la machine aux fins d'une production en série prévue en 2022.

7. Par une lettre du 15 juillet 2020, la société Eria Systèmes a soumis à la société Symbioken un devis pour la production en pré-série puis en série de la machine à agitation et centrigugation, comportant une étape intermédiaire de réalisation d'un 3ème prototype, et la mettant en demeure d'exécuter les engagements prévus au contrat du 12 novembre 2014 ou, à défaut, de lui transférer la propriété des brevets litigieux.

8. La société Symbioken n'ayant pas donné de suite favorable à cette demande, la société Eria Systèmes a, par actes d'huissier des 30 novembre et 1er décembre 2020, fait assigner la société Symbioken et Mme [Z] [B] devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication des demandes de brevets no FR 3 055 816, noWO2018/051034 et noEP 3 512 622. M. [V] est intervenu volontairement à l'instance par des conclusions du 11 mai 2021.

9. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er avril 2022, la société Eria Systèmes et M. [V] demandent au tribunal de :

1. DECLARER que M. [V] est recevable et bien fondé en ses demandes ;
2. DIRE que Mme [B] n'est pas l'inventeur de l'invention objet du brevet français no 3 055 816, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no 3 512 622 ;
3. DECLARER que la société Eria Systèmes est recevable et bien fondée en ses demandes ;

4. DIRE que la société Symbioken a déposé le brevet français no 3 055 816, la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no 3 512 622 en violation d'une obligation conventionnelle, au détriment de la société Eria Systèmes ;
5. DIRE que la société Symbioken a violé son obligation de confidentialité relative aux informations confidentielles portant sur l'invention mise en oeuvre dans la machine de centrifugation et d'agitation ;
6. DIRE que la demande reconventionnelle de la société Symbioken pour prétendue mauvaise exécution par la société Eria du Contrat-cadre du 8 novembre 2017 est infondée;

En conséquence :
1. PRONONCER l'annulation de la désignation de Mme [B] en tant qu'inventeur du brevet français no 3 055 816 et de tous titres étrangers revendiquant la priorité du brevet français no 3 055 816, en particulier la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no3 512 622 (issu de la demande de brevet PCT no WO2018051034) ;
2. PRONONCER le transfert de la propriété du brevet français no 3 055 816 et de tous titres étrangers revendiquant la priorité du brevet français no 3 055 816, en particulier la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no 3 512 622 (issu de la demande de brevet PCT no WO2018051034), au profit de la société Eria Systèmes;
3. ORDONNER l'inscription du jugement à intervenir au Registre National des Brevets de l'Institut National de la Propriété Industrielle, à la requête de la société Eria et aux seuls frais de la société Symbioken ;
4. CONDAMNER la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard et par formalité non effectuée dès la signification du jugement à intervenir, à faire procéder, à ses seuls frais, aux formalités administratives nécessaires au :
a. retrait, sur les brevets et demande de brevet précités, ainsi que sur les registres des offices concernés, des nom et prénom de Mme [B] en qualité de co-inventeur, en déposant notamment toute requête à cette fin auprès de chacun desdits offices ;
b. transfert de la propriété de tous titres étrangers revendiquant la priorité de la demande de brevet français no FR 16 58658, en particulier aux inscriptions en vue du transfert de propriété, au profit de la société Eria, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no3 512 622 ou, le cas échéant, des désignations nationales de ce brevet européen, dans les différents registres tenus par les offices concernés ;
5. CONDAMNER Mme [B], sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard et par brevet dès la signification du jugement à intervenir, à apporter son concours et à procéder à toutes formalités nécessaires au retrait sur le brevet français no 3 055 816 et sur tous titres étrangers revendiquant la priorité de la demande de brevet français no FR 16 58658 correspondante, en particulier la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no 3 512 622 ou, le cas échéant, les désignations nationales de ce brevet européen, de ses nom et prénom en qualité de co-inventeur ;
6. INTERDIRE à la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 5.000 € par machine dès la signification du jugement, d'exploiter, de produire, de faire produire et/ou de mettre à disposition et/ou d'offrir à la vente et/ou de commercialiser toutes machines mettant en oeuvre l'invention protégée par les brevets litigieux, y compris les deux prototypes vendus par la société Eria ;
7. CONDAMNER la société Symbioken à payer à la société Eria la somme de 150.000 € au titre des préjudices moral et économique et de la perte de chance causés par le dépôt frauduleux desdits brevets et à conserver à sa charge les taxes officielles et les frais de conseil en brevets dédiés auxdits brevets et qu'elle a engagés ;
8. CONDAMNER la société Symbioken à restituer à la société Eria les fruits qu'elle a perçus du fait de l'exploitation desdits brevets et à lui payer dès à présent la somme provisionnelle de 50.000 € ;
9. CONDAMNER la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard dès la signification du jugement à intervenir, à communiquer une attestation de son commissaire aux comptes relative à l'exploitation des brevets précités, en valeur et en volume ;
10. CONDAMNER la société Symbioken à payer à la société Eria la somme de 50.000 € au titre du préjudice causé par la violation de son obligation de confidentialité;
11. CONDAMNER in solidum [Z] [B] et la société Symbioken à payer à [H] [V] la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
12. ORDONNER la publication par extraits du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues professionnels, français ou étrangers, au choix de la société Eria et aux frais de la société Symbioken, à concurrence de 5.000 € HT par publication ;
13. CONDAMNER la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard dès la signification du jugement à intervenir, à publier le dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet http ://symbioken.com/index-fr.html, dans les quinze jours suivant le prononcé du jugement et pendant une durée d'un mois ;
14. SE RÉSERVER la liquidation des astreintes ordonnées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
15. DEBOUTER la société Symbioken et [Z] [B] de toutes leurs demandes;

En toute hypothèse :
1. CONDAMNER la société Symbioken et [Z] [B] in solidum à payer à la société Eria la somme de 80.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
2. CONDAMNER la société Symbioken et [Z] [B] in solidum aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

10. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées électroniquement le 4 avril 2022, la société Symbioken et Mme [B] demandent quant à elles au tribunal de :

1. Sur les demandes de M. [V] et de la société Eria
1. Sur la désignation de Mme [B] comme co-inventeur
- Dire que la demande de M. [V] en annulation de la désignation de Mme [B] en tant que co-inventeur du brevet français no 3 055 816, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no 3 512 622, est irrecevable et mal fondée ;

En conséquence,
- Débouter M. [V] de toutes ses demandes ;
2. Sur la demande en revendication des brevets

A titre principal,
- Dire que le contrat du 12 novembre 2014 était un contrat de cession de droits de propriété intellectuelle et qu'il ne stipulait pas d'obligation contractuelle, pour la société Symbioken, d'acheter 2000 machines de série ;
- Dire que la société Symbioken a parfaitement exécuté ses obligations du contrat du 12 novembre 2014 ;
- Dire que si le contrat du 12 novembre 2014 devait être interprété comme portant obligation pour la société Symbioken d'acheter 2000 machines de série, prononcer la nullité de cette clause pour indétermination du prix et de l'objet ;

En conséquence,
- Débouter la société Eria de sa demande en revendication du brevet français no 3 055 816, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no 3 512 622 et de tout autre brevet de la même famille ;

A titre subsidiaire, si le tribunal devait faire droit à l'action en revendication de la société Eria,
- Dire que la société Eria devra rembourser à la société Symbioken, sur présentation de justificatif, les taxes payées aux offices ainsi que les factures de conseil en brevets exclusivement dédiées aux brevets transférés et la condamner d'ores et déjà à lui verser 30.000 €, sauf à parfaire et compléter ;
- Dire que la société Symbioken pourra continuer à exploiter les prototypes 1 et 2 commandés et intégralement payés à la société Eria ;

Sur la demande en violation d'une obligation de confidentialité
- Dire que la demande de la société Eria en violation d'une obligation de confidentialité découlant de l'accord de confidentialité du 14 janvier 2014 est mal fondée ;

En conséquence,
- Débouter la société Eria de toutes ses demandes ;
2. Sur la demande reconventionnelle de la société Symbioken
- Dire que la société Eria a manqué à plusieurs de ses obligations contractuelles découlant du contrat de fourniture du 8 novembre 2017 en raison du retard de livraison, du défaut de conformité, de la documentation manquante et de son absence de bonne foi dans l'exécution du contrat du 12 novembre 2014 ;

En conséquence,
- Condamner la société Eria à payer à la société Symbioken la somme de 134.608 € de dommages et intérêts, celle de 34.608 € au titre du retard dans la livraison en application de l'article 14.3 du contrat du 8 novembre 2017, 50.000 € au titre de la documentation manquante et 50.000 € au titre du défaut de conformité et l'absence d'exécution de bonne foi du contrat ;
3. En toute hypothèse
- Débouter M. [V] et la société Eria toutes leurs demandes ;
- Condamner M. [V] et la société Eria in solidum à payer à la société Symbioken la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [V] et la société Eria in solidum aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Guillaume Henry, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

11. L'instruction a été close par une ordonnance du 5 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 14 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Présentation des brevets

12. Le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet EP 3 512 622 précise que l'invention vise le domaine de la préparation et la manipulation d'échantillons biologiques. Plus particulièrement, elle concerne un dispositif de centrifugation et d'agitation d'échantillons ainsi que son utilisation pour centrifuger et/ou agiter des échantillons biologiques. (Paragraphes [0002] et [0003]).

13. Selon le paragraphe [0010], l'invention vise à remédier aux différents inconvénients de l'art antérieur liés à la manipulation d'échantillons nécessitant centrifugation et agitation, notamment les risques de contamination et de perte de temps, mais aussi les risques d'endommager le dispositif réalisant la centrifugation et l'agitation ou les risques de blessure pour le manipulateur utilisant le dispositif.

14. À cet effet, l'invention vise un dispositif configuré pour adopter, dans un seul et même appareil et sans manipulation manuelle par un utilisateur, une conformation centrifugation et une conformation agitation. L'appareil comporte ainsi un même arbre d'entraînement destiné à produire les mouvements de centrifugation et d'agitation des échantillons au moyen d' un bras de mise en rotation (ou agitation) d'échantillons autour d'un axe Y-Y, ledit bras étant fixe en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'entraînement et étant étendu longitudinalement selon un axe radial X-X de la rotation selon l'axe Y-Y, et, un support d'échantillons qui, en conformation centrifugation, est libre d'effectuer une rotation selon un axe de rotation Z-Z, orthogonal à l'axe Y-Y et à l'axe X-X, et qui, en conformation agitation, est positionné selon un axe parallèle à l'axe Z-Z. Le dispositif comporte également des moyens de passage d'une conformation à l'autre, par rotation de l' arbre d'entrainement (Description, paragraphes [0011] à [0014].

15. Le fascicule de brevet comporte également les figures 1 et 2 reproduites ci-dessous, la figure 1 montrant le dispositif en conformation centrifugation, ainsi que les axes XX, YY et ZZ. La figure 2 représente l'appareil en conformation agitation des échantillons biologiques.

16. Aux fins de l'invention, le brevet se compose des 13 revendications suivantes :

1. Dispositif (20) de centrifugation et d'agitation d'échantillons configuré pour adopter une conformation centrifugation et une conformation agitation, comportant :
- un même arbre d'entraînement (21) destiné à produire le mouvement de centrifugation ou d'agitation des échantillons selon un axe de ro tation Y-Y,
- au moins un ensemble de centrifugation et d'agitation comprenant :
+ un bras (23) de mise en rotation ou agitation d'échantillons autour de l'axe Y-Y, ledit bras étant fixe en rotation selon l'axe Y-Ypar rapport à l'arbre d'entraînement (21) et étant étendu longitudinalement selon un axe radial X-X de la rotation selon l'axe Y Y, et,
+ un support (24) d'échantillons qui, en con formation centrifugation, est libre d'effectuer une rotation selon un axe de rotation Z-Z orthogonal à l'axe Y-Y et à l'axe X-X, et qui, en conformation agitation, est positionné selon un axe parallèle à l'axe Z-Z,
caractérisé en ce que l'ensemble comporte une pièce de liaison (26), étant solidaire du bras (23) de mise en rotation ou agitation par une première liaison pivot (27) selon un axe de rotation Y'-Y' parallèle à l'axe Y-Y, et étant solidaire du support (24) d'échan tillons par au moins une deuxième liaison pivot (28) selon un axe de rotation R-R orthogonal à l'axe Y-Y, et en ce que le dispositif (20) comporte des moyens de passage d'une conformation à l'autre par rotation dudit arbre d'entraînement (21) selon l'axe Y-Y, les dits moyens de passage comprenant des moyens de rendre le bras (23) de mise en rotation ou agitation libre en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'entraînement (21) de façon réversible, et des moyens d'articulation du support (24) d'échantillons reliés à l'arbre d'entraînement (21) destinés à trans former la rotation de l'arbre d'entraînement (21) en rotations du support (24) d'échantillons selon l'axe Y'-Y' et selon l'axe R-R.

2. Dispositif (20) selon la revendication 1, comportant au moins deux ensembles de centrifugation et d'agitation.

3. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, dans lequel les moyens de rendre le bras (23) de mise en rotation ou agitation libre en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'en traînement (21) de façon réversible, comprennent un couronne d'entraînement (40) autour d'au moins une partie de l'arbre d'entraînement (21), ladite cou ronne d'entraînement (40) étant fixement solidaire du bras (23) de mise en rotation ou agitation et étant également fixement solidaire de l'arbre d'entraîne ment (21) en conformation agitation et en conformation centrifugation, mais n'étant pas fixement soli daire de l'arbre d'entraînement (21) lors du passage d'une conformation à l'autre.

4. Dispositif (20) selon la revendication 3, dans lequel les moyens de rendre le bras de mise en rotation ou agitation libre en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'entraînement (21) de façon réversible comprennent un actionneur pilotable (41) adapté à solidariser et désolidariser la couronne d'entraînement (40) par rapport à l'arbre d'entraînement (21)

5. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, dans lequel les moyens d'articulation comprennent pour chaque ensemble de centrifugation et d'agitation, une première biellette (32) fixement solidaire de l'arbre d'entraînement (21) et solidaire d'une deuxième biellette (33) par une troisième liaison pivot (34) selon un premier axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, la deuxième biellette (33) étant également solidaire de la pièce de liaison (26) par une quatrième liaison pivot(35) selon un deuxième axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, de sorte que lors du passage d'une conformation à l'autre, la rotation de l'arbre d'entraînement (21) selon l'axe Y-Y entraîne une rotation de la pièce de liaison (26) et du support (24) d'échantillons, selon l'axe Y'-Y'.

6. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, dans lequel les moyens d'articulation comprennent une seule et même première biellette (32) fixement solidaire de l'arbre d'entraînement (21), et comportent pour chaque ensemble de centrifugation et d'agitation, une deuxième biellette (33) solidaire de la première biellette (32) par une troisiè me liaison pivot (34) selon un premier axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, la deuxième biellette (33) étant également solidaire de la pièce de liaison (26) par une quatrième liaison pivot(35) selon un deuxième axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, de sorte que lors du passage d'une conformation à l'autre, la rotation de l'arbre d'entraînement (21) selon l'axe Y-Y entraine une rotation de la pièce de liaison (26) et du support (24) d'échantillons, selon l'axe Y'-Y'.

7. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, dans lequel les moyens d'articulation comprennent pour chaque ensemble de centrifugation et d'agitation, un premier profil (36) sur le bras (23) de mise en rotation ou agitation et un second profil (37) sur le support (24) d'échantillons, les deux profils (36, 37) étant destinés à coopérer ensemble par glissement ou roulement l'un contre l'autre pour générer une rotation du support (24) d'échantillons selon l'axe R-R, lors de la rotation du support (24) d'échantillons selon l'axe Y'-Y'.

8. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, dans lequel les rotations du support (24) d'échantillons selon l'axe R-R et selon l'axe Y'- Y', sont d'un angle de 90 degrés.

9. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, comportant un élément de butée (29) fixement solidaire du bras (23) de mise en rotation ou agitation et étant destiné à empêcher la rotation du support (24) d'échantillons selon l'axe R-R, lors que le dispositif (20) est en conformation agitation.

10. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, comportant un module de commande dudit dispositif.

11. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, comportant un module d'identification d'au moins un élément externe audit dispositif.

12. Utilisation du dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, pour centrifuger et/ou agiter des échantillons biologiques.

13. Utilisation selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, pour la culture de micro-organismes sous agitation.

2o) Sur la demande de retrait de la mention de Mme [B] en qualité de co-inventeur

Moyens des parties

17. La société Eria Systèmes et M. [V] soutiennent que ce dernier est l'unique inventeur des brevets en cause et que c'est de manière, selon eux, totalement indue, que Mme [B] a été mentionnée comme inventeur de ce brevet. Les demandeurs soutiennent d'abord que cette demande est parfaitement recevable, l'intérêt de M. [V] à formuler cette demande résidant dans les conséquences vis à vis de son employeur de la mention de deux inventeurs en ce qui concerne son droit à rémunération supplémentaire, outre un intérêt moral. La société Eria Systèmes et M. [V] font ensuite valoir que M. [V] est l'unique inventeur du dispositif breveté, dont les caractéristiques techniques élaborées par ce dernier et transmises à la société Symbioken et à son conseil en propriété industrielle, se retrouvent entièrement dans le brevet. Ils rappellent que le brevet relève de la catégorie des techniques industrielles selon la classification internationale des brevets, tandis que Mme [B] est docteur en biologie cellulaire et moléculaire. Ils ajoutent que Mme [B] ne devrait pas être mentionnée en tant que premier inventeur de ce brevet.

18. La société Symbioken et Mme [B] concluent à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au mal fondé de cette demande. Elles soutiennent d'abord que M. [V], qui est mentionné sur le brevet, de sorte que son "droit moral" est respecté, est irrecevable à solliciter le retrait d'un co-inventeur. Elles ajoutent que, non seulement cette demande est dépourvue de toute base légale, mais encore que les demandeurs ne démontrent aucunement l'absence de contribution de Mme [B] à l'invention dont elles rappellent qu'elle concerne les centrifugeuses permettant de réaliser les analyses de prélèvements effectués sur des individus ; qu'elle a fourni à M. [V] les documents de l'art antérieur et exposé le fonctionnement attendu de la centrifugeuse. Les défenderesses ajoutent que Mme [B] est seule à l'origine des revendications 10 à 13 du brevet.

Appréciation du tribunal

19. L'article L. 611-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "l'inventeur, salarié ou non, est mentionné comme tel dans le brevet ; il peut également s'opposer à cette mention."

20. Les articles R. 611-16 et R. 611-17 de ce même code précisent que "l'inventeur désigné est mentionné comme tel dans les publications de la demande de brevet et dans les fascicules du brevet. S'il ne peut être ainsi procédé, il est mentionné dans les exemplaires des publications de la demande de brevet ou des fascicules du brevet non encore diffusés. Cette mention est faite à la requête du demandeur ou du titulaire du brevet.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables lorsqu'un tiers produit à l'Institut national de la propriété industrielle une décision passée en force de chose jugée reconnaissant son droit à être désigné. Dans le cadre prévu à la deuxième phrase de cet alinéa, le tiers peut également demander à être mentionné dans les exemplaires des publications de la demande de brevet ou des fascicules du brevet non encore diffusés.
Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables lorsque l'inventeur désigné par le demandeur ou le titulaire du brevet renonce à sa désignation dans un écrit adressé à l'Institut national de la propriété industrielle.
La désignation de l'inventeur ne peut être rectifiée que sur requête accompagnée du consentement de la personne désignée à tort, et, si la requête n'est pas présentée par le demandeur ou le titulaire du brevet, du consentement de l'un ou de l'autre. Les dispositions de l'article R. 612-10 sont applicables.
Si une désignation erronée de l'inventeur a été inscrite au Registre national des brevets ou publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle, cette inscription ou publication est rectifiée. La mention de la désignation erronée de l'inventeur est rectifiée dans les exemplaires des publications de la demande de brevet ou des fascicules du brevet non encore diffusés.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas d'annulation judiciaire de la désignation de l'inventeur."

21. Ces dispositions, qui consacrent un droit moral de l'inventeur, n'apparaissent pas limitées à la substitution d'inventeurs, contrairement à ce que suggèrent la société Symbioken et Mme [B], de sorte que la demande de la société Eria Systèmes et M. [V] est déclarée recevable.

22. En revanche, au regard de son domaine technique (la préparation et la manipulation d'échantillons biologiques) et du problème objectif que l'invention propose de résoudre, à savoir réduire les risques de contamination au moment de la manipulation de ces échantillons biologiques entre les opérations de centrifugation et d'agitation, il apparaît que Mme [B] figure à juste titre en qualité de co-inventeur du brevet. En effet, Mme [B] est titulaire d'un doctorat en biologie cellulaire et moléculaire, tandis que les demanderesses ne démontrent pas, ni d'ailleurs n'allèguent, que M. [V] avait une expérience dans le domaine de la séparation des mélanges biologiques liquides (qui correspond à la classification internationale B04B5/04 à laquelle appartiennent les brevets). Il en résulte que la demande de suppression du nom de Mme [B] en qualité de co-inventeur des brevets en litige n'est pas fondée. Elle est rejetée.

23. La demande d'inversion des noms des inventeurs, qui n'apparaît au demeurant pas formulée dans le dispositif des conclusions de la société Eria Systèmes et de M. [V] (article 768 alinéa 2 du code de procédure civile), n'est pas prévue par les articles R. 611-16 et R. 611-17 du code de la propriété intellectuelle. Cette demande est donc rejetée.
3o) Sur la demande en revendication de brevets

Moyens des parties

24. La société Eria Systèmes soutient en premier lieu que les brevets objets du présent litige ont été déposés en violation de l'obligation prévue au contrat de cession de droits du 12 novembre 2014. Elle fait à cet égard valoir que l'article 4 de ce contrat s'analyse en une condition suspensive ; qu'il prévoyait, à la charge de la société Symbioken, outre l'engagement de commander un premier prototype, celui d'en commander un deuxième, le cas échéant un troisième, et, l'engagement de lui "soumettre" la production en pré-série puis en série de l'appareil de centrifugation / agitation. Sur ce dernier point, la société Eria Systèmes fait valoir que la société Symbioken n'a pas exécuté de bonne foi son engagement, refusant de lui confier la réalisation d'un troisième prototype, pourtant indispensable selon elle ici, au vu des modifications sollicitées au moment de l'élaboration du deuxième prototype. En refusant cette étape de réalisation d'un troisième prototype, la société Symbioken l'a, selon la société demanderesse, purement et simplement évincée, la plaçant dans l'impossibilité de réaliser les appareils en pré-série puis en série. La société Eria Systèmes indique enfin que la comparaison opérée quant aux prix des appareils est dénuée de pertinence, la société Symbioken comparant à dessein ici des coûts de main d'oeuvre avec des prix comprenant la main d'oeuvre et le coût des matières premières. En ce qui concerne la norme Iso 13485, la société Eria Systèmes rappelle que ce point n'était nullement prévu au contrat, de sorte que cet argument est, comme le précédent, dénué de pertinence.

25. La société Eria Systèmes invoque encore la violation par la société Symbioken de l'obligation de confidentialité prévue à l'engagement de confidentialité du 14 janvier 2014 concernant toutes les informations transmises au cours de leurs relations contractuelles. Elle soutient à cet égard qu'en déposant la demande de brevet en litige, la société Symbioken a violé son obligation de confidentialité.

26. La société Symbioken conclut quant à elle au rejet de l'action en revendication de brevets de la société Eria Systèmes. Elle soutient que le contrat du 12 novembre 2014 n'a en aucun cas la portée que lui donne aujourd'hui la société Eria Systèmes. Elle rappelle que l'unique objet de ce contrat était la cession des droits de propriété intellectuelle sur la machine à centriguger et agiter, et en aucun cas une sorte de contrat cadre de leurs relations contractuelles futures. Elle en veut pour preuve la collaboration de la société Eria Systèmes et de M. [V] à la procédure de dépôt du brevet dès la finalisation du premier prototype, ce qui démontre parfaitement selon elle que, dans l'esprit de ces derniers également, la seule contrepartie à la cession de droits de propriété intellectuelle était la commande et le paiement d'un prototype. La société Symbioken fait encore valoir que la lettre même de l'accord de 2014, et en particulier son article 4, démontrent que la seule obligation ferme en contrepartie de la cession de droits était la commande d'un prototype, tandis que s'agissant de la production en pré-série puis en série, la société Symbioken s'est engagée à "soumettre" à la société Eria Systèmes la réalisation de cette production en pré-série puis en série. Elle souligne que le verbe soumettre est ici synonyme de "proposer". Elle ajoute que, si la volonté des parties avait été celle d'un engagement ferme, cet alinéa de l'article 4 aurait été rédigé comme le premier "la société Symbioken s'engage à commander". Enfin, la société Symbioken fait valoir que la commande ferme de 2000 appareils en 2014 n'aurait eu aucun sens alors qu'aucun prototype n'existait et que son coût n'était pas connu. La société Symbioken conclut en indiquant qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat du 12 novembre 2014, en confiant à la société Eria Systèmes la réalisation d'un second prototype, puis en lui soumettant dès le 9 juillet 2019 la production en série des appareils, demande à laquelle la société Eria Systèmes ne répondra que le 15 juillet 2020 en lui adressant un devis estimatif qui comprenait la réalisation d'un 3ème prototype outre des essais pour un prix de 60.565 € et la réalisation des appareils en série pour un prix de 38.000 euros supérieur au coût du second prototype, en totale contrariété avec la fourchette prévue au contrat du 12 novembre 2014 (3.500 / 4.200 €). La société Symbioken indique encore que la société Eria Systèmes n'étant pas certifiée Iso 13485, de sorte que les machines n'auraient pas pu être agréées. La société Symbioken en déduit que leurs relations contractuelles se trouvaient ainsi dans une impasse du seul fait de la société Eria Systèmes.

27. Sur la violation d'un obligation de confidentialité, la société Symbioken rappelle que le contrat du 12 novembre 2014 ne contient aucune clause de confidentialité laquelle aurait au demeurant contraire à l'objet même de ce contrat à savoir le dépôt d'un brevet, la protection que confère ce titre supposant sa publicité.

Appréciation du tribunal

a - Sur la violation d'un obligation contractuelle

28. Selon l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle, "si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré.
L'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle.
Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l'expiration du titre."

29. L'article 4 "conditions financières" du contrat de cession de droits de propriété intellectuelle du 12 novembre 2014 est ainsi rédigé :
"La société Symbioken s'engage à commander et au règlement intégral de l'étude et la réalisation d'un exemplaire (1) prototype de cette machine (devis No21410BE16 du 03 novembre 2014), mettant en évidence l'objet de la cession des droits.
Aucune autre rémunération n'est demandée par la société Eria Systèmes pour la cession des droits visés à l'article 1.
En contrepartie, la société Symbioken s'engage à soumettre à la société Eria Systèmes la réalisation de la production en série de cette machine pendant les trois premières années de la commercialisation du kit pour une quantité estimée à 2000 exemplaires.
Les prototypes suivants le premier prototype cité plus haut, au nombre estimé de trois (3), sur la base de la validation fonctionnelle du premier prototype, seront cédés à Symbioken à un prix de vente compris entre 4200 et 5500 € H.T. Ce montant exclut toutes fournitures de sources de conception et de fabrication extérieures à Eria Systèmes (pièces de cartérisation, appendices en relation avec le design et aspect extérieur de la machine, etc).
Puis Eria Systèmes s'engage à réactualiser et affiner son offre de prix de la machine en tenant compte des variabilités tarifaires des fournitures, des coûts d'assemblage des pièces composant la machine et des quantités annuelles commandées, ceci dans le cadre d'un contrat de fourniture à établir. Comme mentionné ci-dessus, ce prix exclura tous composants issus de conceptions extérieurs à Eria Systèmes."

30. Aux termes de ces dispositions, la cession des droits de propriété intellectuelle était parfaite dès le règlement du prix du premier prototype, la société Eria Systèmes s'étant expressément engagée à ne demander aucune autre rémunération que le paiement du prix de ce prototype (article 4 alinéa 2 du contrat).

31. C'est en contrepartie de cet engagement à ne solliciter aucune autre rémunération au titre de la cession de droits, que les parties ont convenu que la société Eria Systèmes se verrait proposer la fabrication en série de l'appareil objet de la cession de droits. Le verbe "soumettre" employé par cet alinéa du contrat ne peut ici, ainsi que le relève à juste titre la société Symbioken, qu'être synonyme du verbe "proposer" ou "présenter" ; dans le cas contraire, les parties auraient prévu que la société Symbioken s'engage à "se soumettre" à la société Eria Systèmes pour la fabrication en série des appareils objets de la cession de droits, ou encore, comme pour le premier alinéa, que "la société Symbioken s'engage à commander". Tel n'est pas le cas.

32. Force est également de constater que, sur ce point, la société Symbioken a respecté son engagement en soumettant à la société Eria Systèmes, par une demande du 9 juillet 2019, la fabrication en série de l'appareil objet de la cession de droits. La société Eria Systèmes n'y répondra qu'un an plus tard, le 15 juillet 2020, en sollicitant préalablement la réalisation d'un troisième prototype.

33. Il est à cet égard relevé que l'article 4 du contrat du 12 novembre 2014 ne peut être interprété comme soumettant la fabrication en série aux étapes préalables de réalisation de 3 prototypes. Les dispositions de l'article 4 relatives aux prototypes (suivants le premier) figurent en effet après celles relatives à la fabrication en série et ne visent qu'à déterminer le nombre et, surtout, le prix de ces prototypes, sans à aucun moment en faire une étape préalable indispensable à la production en série, contrairement à ce que soutient la société Eria Systèmes.

34. De tout ce qui précède il résulte que, non seulement, la fabrication en série par la société Eria Systèmes ne saurait être regardée comme une condition suspensive de la cession de droits (qui permettrait à la société Eria Systèmes de renoncer à la cession si elle n'obtenait pas la fabrication en série), tandis que la société Symbioken a respecté les engagements pris par elle aux termes de l'article 4 du contrat en réglant le prix du premier prototype et en soumettant (après la réalisation d'un second prototype sans être tenue de lui en confier préalablement la réalisation d'un troisième) à la société Eria Systèmes la fabrication en série des appareils de centrifugation objets de la cession de droits de propriété intellectuelle (de sorte qu'il n'y aurait pas lieu ici de prononcer la résiliation du contrat).

35. Les brevets en litige n'ont donc pas été déposés ici en violation des obligations conventionnelles prévues au contrat du 12 novembre 2014 par la société Symbioken.

b - Sur la violation d'un engagement contractuel de confidentialité

36. Le dépôt de brevets était ici expressément prévu par l'article 1 alinéa 2 du contrat du 12 novembre 2014 ("Eria Systèmes laisse en conséquence la société Symbioken déposer brevet en son nom et assumer seule les charges qui en découlent"). Eu égard à la publicité inhérente à tout dépôt de brevet et compte tenu de la date de ce contrat par rapport à l'accord général de confidentialité (du 14 janvier 2014), il apparaît que les parties ont, par l'accord de cession de droits du 12 novembre 2014, entendu déroger à leur accord général de confidentialité pour le dépôt des brevets en litige.

37. Il en résulte l'absence de violation de cet engagement contractuel de confidentialité du 14 janvier 2014.

38. La demande de transfert de la propriété des brevets en litige par la société Eria Systèmes apparaît mal fondée et cette demande, et celles qui en découlent (communication de pièces sous astreinte, mesures d'interdiction d'exploitation de l'invention, paiement de dommages-intérêts, publication de la décision) seront rejetées.

4o) Sur la demande reconventionnelle de la société Symbioken

Moyens des parties

39. La société Symbioken sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la société Eria Systèmes à lui payer la somme de 34.608 euros en application de l'article 3.2 du contrat du 8 novembre 2017 qui prévoit le paiement de pénalités de retard à la livraison du second prototype commandé. Elle soutient que les moyens soulevés par la société Eria Systèmes pour s'opposer au paiement sont inopérants tandis qu'aucune circonstance ayant le caractère d'un cas de force majeure n'est selon elle ici établie.

40. La société Symbioken sollicite encore la condamnation de la société Eria Systèmes à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice résultant du retard dans la remise de la documentation (certificat de conformité matière aux fins d'assurer la traçabilité des matières premières utilisées, certification Iso 13485), ainsi qu'une autre somme de 50.000 euros en réparation du préjudice causé par le défaut de conformité du second prototype livré.

41. La société Eria Systèmes conclut au rejet des demandes reconventionnelles de la société Symbioken. Elle fait à cet égard valoir que le retard dans la livraison a été causé par les modifications demandées par cette dernière sur un appareil conforme au devis et fonctionnel. La société Eria Système rappelle que le second prototype a été réglé sans que la société Symbioken n'effectue de retenue sur le prix et que cette demande n'est apparue que tardivement dans la présente procédure. La société Eria Systèmes soutient encore que la société Symbioken ne démontre la preuve d'aucun préjudice.

Appréciation du tribunal

42. Selon les articles 1193, 1194 et 1195 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 applicable ici eu égard à la date du contrat, "les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.
Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.
Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation.

A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe."

43. L'article 1231-5 du code civil prévoit quant à lui que "Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure."

44. Aux termes de l'article 3.2 du contrat de fourniture du 8 novembre 2017, "Au regard de la destination spécifique de la machine et de leur intégration dans un dispositif n'ayant pas de destination médicale, Eria Systèmes s'engage à mettre à la disposition de Symbioken la machine dans les délais imératifs prévus au présent contrat sur la base d'une obligation de résultat. A cet égard il est entendu et accepté qu'Eria Systèmes détermine librement les quantités de matière première dont il aura besoin pour être effectivement en mesure de remettre dans les délais fixés la machine commandée par Symbioken." Selon l'article 5 de ce contrat, "le délai de livraison pour la machine est de 12 semaines à réception de la commande chez Eria Systèmes sauf justification de cas de force majeure pour lesquelles il y aura un décalage d'un mois maximum." Selon l'article 14.3 du contrat enfin, "tout retard de livraison de tout ou partie de la machine commandée par Symbioken dû à un retard de Eria (et non de ses fournisseurs) engendrera des pénalités immédiatement de 1% du prix HT de la machine de la commande par jour de retard."

45. La défenderesse ne conteste pas avoir reçu le bon de commande du 10 novembre 2017 le jour même de son émission. Elle disposait donc d'un délai jusqu'au 2 février 2018 pour remettre l'appareil commandé. Or, il n'est pas contesté que l'appareil n'a été livré que le 6 juin 2018, sans qu'il soit justifié d'aucun cas de force majeure, ni allégué que la pénalité prévue est excessive. La société Eria Systèmes doit donc être condamnée à payer à la société Symbioken la somme de 34.608 € (288,4 x 120 jours) en exécution de la clause 14.3 du contrat du 8 novembre 2017.

46. Il n'est justifié d'aucun autre préjudice par la société Symbioken dont les autres demandes en paiement de dommages-intérêts sont rejetées.

47. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Eria Systèmes sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Symbioken la somme de 25.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

48. Aucune circonstance n'imposant qu'il en soit décidé autrement, il est rappelé que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

DIT recevable la demande de M. [H] [V] aux fins de retrait de la mention du nom de Mme [Z] [B] en qualité de co-inventeur des brevets no FR 3 055 816, WO2018/051034 et noEP 3 512 622 de la société Symbioken ;

REJETTE cette demande ;

REJETTE la demande de la société Eria Systèmes aux fins de transfert à son profit de la propriété des brevets français no FR 3 055 816, international noWO2018/051034 et européen noEP 3 512 622;

REJETTE toutes les demandes subséquentes de la société Eria Systèmes ;

CONDAMNE la société Eria Systèmes à payer à la société Symbioken la somme de 34.608 euros en exécution de la clause 14.3 du contrat du 8 novembre 2017 ;

REJETTE les autres demandes de la société Eria Systèmes ;

CONDAMNE la société Eria Systèmes aux dépens et autorise Me Guillaume Henry à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Eria Systèmes à payer à la société Symbioken la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le16 février 2023.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/13320
Date de la décision : 16/02/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-02-16;20.13320 ?
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