TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
1ère section
No RG 19/14267
No Portalis 352J-W-B7D-CRIN6
No MINUTE :
Assignation du :
28 novembre 2019
JUGEMENT
rendu le 16 février 2023
DEMANDERESSE
Madame [G] [I]
[Adresse 4]
[Localité 1] (GRÈCE)
représentée par Me Eric ALLIGNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2458
DÉFENDERESSES
Société HERMES INTERNATIONAL
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Pascal LEFORT de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0075
Société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES (anciennement dénommée PUBLICIS ACTIV FRANCE) - Intervenante volontaire
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Bruno RYTERBAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0798
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Malik CHAPUIS, Juge,
assistés de Caroline REBOUL, Greffière
DEBATS
A l'audience du 24 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023. Le délibéré a été prorogé au 16 février 2023.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Mme [G] [I] se présente comme diplômée en science, ainsi que dans différents domaines artistiques, et comme auteur de photographies, qu'elle a divulguées sous le nom de [G] [M], sur son site internet, et à l'occasion d'expositions organisées aussi bien dans son pays, la Grèce, qu'à l'étranger.
2. Dans le cadre de cette activité, elle indique être l'auteur, entre 2006 et 2008, d'une série de clichés rassemblés sous le titre "Ecology of dance", inspirés de l'art grec ancien et représentant des personnages dansant "au rythme de la nature". Parmi cette série, figurent quatre clichés intitulés "Firebird" représentant l'artiste dansant en équilibre sur un rocher surplombant la mer vêtue d'une robe multicolore à dominante rouge comportant des voiles en mouvement.
3. Mme [G] [I] expose encore être l'auteur de nombreuses autres oeuvres et d'une oeuvre audiovisuelle partagée sur la plate-forme Youtube en 2011.
4. Mme [I] expose que la société Hermes International a fait paraître entre 2010 et 2016 différentes campagnes promotionnelles utilisant des clichés réalisés en Grèce, constituant selon elle des contrefaçons de son oeuvre, dans des conditions telles qu'en 2019, les photographies "Firebird" diffusées sur le site Pinterest étaient intitulées "Hermes Campaign, Greece", tandis qu'une recherche sur le moteur de la société Google avec les mots clés "Hermes Campaign, Greece" amenait comme résultats les photographies de sa série "Firebird".
5. Après avoir vainement mis en demeure la société Hermes International de cesser ces agissements, Mme [G] [I] l'a, par acte d'huissier du 28 novembre 2019, faite assigner devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur.
6. Par des conclusions d'incident du 5 novembre 2020, la société Publicis Activ France, devenue Services Marketing Diversifiés a déclaré intervenir volontairement à l'instance opposant Mme [I] à la société Hermes International en sa qualité d'agence de publicité ayant conçu les campagnes incriminées pour le compte de la société Hermes International.
7. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2021, Mme [I] demande au tribunal de :
- La RECEVOIR en son action et toutes ses demandes ;
- DÉBOUTER les sociétés Hermes et Publicis en toutes leurs demandes ;
- DIRE que les photographies de Mme [G] [I], connue sous son nom d'artiste "[G] [M]", sont une création intellectuelle tout à fait personnelle, unique et originale propre à Mme [G] [I] ;
- DIRE qu'il ressort des pièces versées au dossier que plusieurs photographies postérieures issues de campagnes publicitaires des sociétés Hermes et Publicis révèlent de nombreux éléments plagiés, identiques ou similaires aux oeuvres photographiques originales créées et réalisées antérieurement par Mme [G] [I] ;
- DIRE que les caractéristiques essentielles et originales des photographies de Mme
[G] [I] ont, de ce fait, été reprises et copiées par les sociétés Hermes et Publicis dans plusieurs clichés réalisés pour les campagnes publicitaires de la marque Hermes ;
- DIRE que les sociétés Hermes et Publicis ont, en conséquence, plagié et imité dans plusieurs de leurs campagnes publicitaires, les oeuvres photographiques originales de Mme [G] [I] créées et réalisées auparavant par l'artiste elle-même, et ce en violation de toutes dispositions légales du code de la propriété intellectuelle concernant les droits d'auteur ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés Hermes et Publicis à verser à Mme [G] [I], au titre de ses droits d'auteur et des préjudices subis par l'artiste la somme de 1 080 000,00 € ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés Hermes et Publicis à verser à Mme [G] [I] au titre des frais de justice exposés, la somme de 20 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés Hermes et Publicis aux entiers dépens de la procédure ;
- ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à venir nonobstant appel.
8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 13 janvier 2022, la société Hermès International demande au tribunal de :
1. CONSTATER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve de sa qualité d'auteur des photographies incriminées ;
2. Subsidiairement, CONSTATER que Mme [G] [I] dite [M] n'est pas l'auteur des photographies incriminées ;
3. Subsidiairement, CONSTATER que Mme [G] [I] dite [M] invoque des droits d'auteur sur une oeuvre de collaboration et n'est pas le seul auteur des photographies incriminées ;
4. Subsidiairement, CONSTATER que l'ensemble des faits incriminés sont prescrits à l'exception de la campagne Galop d'Hermes ; DÉCLARER en conséquence IRRECEVABLE l'action en contrefaçon de Mme [G] [I] dite [M] et ainsi l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés Hermes International et Publicis Activ France ;
5. Subsidiairement, JUGER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve des faits incriminés ; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon ;
6. Subsidiairement, JUGER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve de l'antériorité de ses droits d'auteur et/ou la divulgation des photographies invoquées ; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes ;
7. Subsidiairement, JUGER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve de l'originalité des photographies qu'elle invoque ; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes ;
8. Subsidiairement, JUGER que les visuels des campagnes d'Hermes incriminés ne reproduisent pas les caractéristiques essentielles et originales des photographies invoquées par Mme [G] [I] dite [M]; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes ;
9. A titre infiniment subsidiaire, LIMITER le montant des dommages et intérêts à un montant symbolique ;
En tout état de cause ;
10. DÉBOUTER Mme [G] [I] dite [M] de sa demande d'exécution provisoire du jugement à intervenir si par extraordinaire le Tribunal entrait en voie de condamnation à l'encontre d'Hermes International ;
11. CONDAMNER la société Publicis Activ France à relever Hermes International de toute éventuelle condamnation portant sur tout ou partie des campagnes incriminées à l'exception des visuels publiés dans la revue Le Monde Hermes ;
12. CONDAMNER Mme [G] [I] dite [M] à verser à la société Hermes International la somme de 55.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
9. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 janvier 2022, la société Services Marketing Diversifiés demande au tribunal de :
- DÉCLARER irrecevables les demandes de Mme [I] faute de justification de sa qualité d'auteur et subsidiairement faute de mise en cause de sa mère, pour les photographies dont sur lesquelles apparaît Mme [I] ;
- DÉCLARER prescrite l'action de Mme [I] en ce qu'elle vise des faits antérieurs au 28 novembre 2014 ;
Subsidiairement pour ces faits, et à titre principal pour les faits postérieurs à cette date,
- DÉCLARER irrecevables à raison de l'imprécision du fondement juridique invoqué les demandes de Mme [I] ;
Plus subsidiairement encore,
- DÉBOUTER Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, faute d'analyse oeuvre par oeuvre et de démonstration de l'originalité des images pour lesquelles elle demande une protection ;
Subsidiairement,
- DÉBOUTER Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, faute de preuve d'un emprunt déterminé d'éléments de forme protégeables ;
A titre plus subsidiaire,
- REJETER les demandes indemnitaires faute de démonstration par la demanderesse du quantum du dommage qu'elle prétend avoir subi ;
A titre plus subsidiaire encore,
- DONNER ACTE à Publicis Et nous de son acquiescement, à la demande de garantie formée par Hermes ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER Mme [I] à verser à Publicis Et nous la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER Mme [I] aux entiers dépens.
10. L'instruction a été close par une ordonnance du 18 janvier 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 24 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1o) Sur la prescription d'une partie des demandes
Moyens des parties
11. La société Services Marketing Diversifiés soutient que les demandes, en tant qu'elles visent des faits antérieurs au 28 novembre 2014 (l'assignation ayant été délivrée ici le 28 novembre 2019), sont prescrites. Elle fait en effet valoir qu'à l'exception de la campagne "Galop d'Hermes", qui date de 2016, tous les visuels incriminés sont issus de campagnes publicitaires antérieures au mois de novembre 2014, ce qui au demeurant est confirmé par les écritures de la demanderesse elle-même. La société Services Marketing Diversifiés conteste en outre que l'action engagée en Grèce en septembre 2015 par Mme [I] contre un tiers, qui avait reproduit ses photographies, ait pu suspendre la prescription s'attachant à la présente action, laquelle a un objet totalement différent. Elle rappelle à cet égard que cette instance, qui s'est terminée par la condamnation de M. [S] [U] (exploitant d'une agence de voyage grecque), par un jugement du 18 septembre 2017, confirmé par un arrêt du 8 janvier 2021, concernait la reproduction illicite par celui-ci d'une photographie de la série "Firebird" de Mme [I], tandis que le présent litige concerne le "plagiat", c'est à dire la reproduction, par la société Hermes International, de certaines caractéristiques originales d'un nombre très important de clichés photographiques dont Mme [I] déclare être l'auteur. La société Services Marketing Diversifiés conteste de la même manière toute reconnaissance des faits de contrefaçon par la société Hermes International et qui résulterait des échanges entre cette société et la demanderesse à la suite de la découverte des faits reprochés à M. [U].
12. La société Hermes International conclut de la même manière à l'irrecevabilité de toutes les demandes de Mme [I] portant sur toutes les autres campagnes que "Galop d'Hermes de 2016", dont la demanderesse indique elle-même dans ses diverses écritures qu'elles datent de 2010 à "2014". La société Hermes International ajoute que la procédure grecque ne peut avoir interrompu la prescription, tandis que les allégations quant à une reconnaissance de faits de contrefaçon par la société Hermes International ne sont étayées par aucune pièce.
13. Mme [I] conclut pour sa part à la totale recevabilité de ses demandes. Elle invoque à cet égard les dispositions de l'article 2241 du code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'effet interruptif de prescription peut s'étendre d'une action à une autre. Elle soutient ainsi que l'action engagée en Grèce en 2014 a interrompu la prescription ce d'autant plus qu'elle était expressément dirigée contre la société Hermes, mentionnée faussement comme titulaire des droits d'auteur sur la photographie litigieuse. Mme [I] invoque encore l'existence d'une reconnaissance de la contrefaçon, laquelle est ici le fait de la "marketing manager" de la société Hermes Grèce laquelle a, selon Mme [I], reconnu que la photo litigieuse était "très belle pour Hermes".
Appréciation du tribunal
14. Selon l'article 2224 du code civil, "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer." L'article 2241 de ce même code précise que "La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure." De même, aux termes de l'article 2240, "La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription."
15. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens que l'effet interruptif de prescription est, en principe, limité à l'action en justice concernée et ne s'étend pas à d'autres actions. Il ne s'étend donc pas à des actions distinctes par leur objet : Cass. Com., 4 juillet 2006, Bull. no 168, pourvoi no 04-16.578 ; Cass. Civ 3ème, 10 octobre 2007, Bull. no 174, pourvoi no 06-18.130. En revanche, une extension de l'effet interruptif à deux actions qui, quoi qu'ayant des causes distinctes,tendent vers un seul et même but a été admise : Cass. Civ. 3ème, 22 septembre 2004, pourvoi no 03-10.923, Bull., 2004, III, no 152 ; Cass. Civ. 1ère, 5 octobre 2016, pourvoi no 15-25.459, Bull. 2016, I, no 189 ; Cass. Civ.1ère, 9 mai 2019, pourvoi no 18-14.736 (cité par la demanderesse).
16. Le tribunal ne peut toutefois que constater ici que les litiges, grec et français, s'ils ont la même cause (l'atteinte alléguée aux droits d'auteur de Mme [I]) n'ont pas le même objet, puisque l'action engagée en Grèce concernait la reproduction non autorisée par M. [U] et les sociétés Travelive et Filos Holidays sur leur site internet d'une photographie de la série "Firebird" (le jugement rendu le 25 septembre 2017 mentionnant d'ailleurs expressément dans son dispositif que le tribunal estime que l'action n'est pas dirigée contre le 4ème défendeur, à savoir la société Hermes International), tandis que le présent litige concerne la reproduction non autorisée de certaines caractéristiques selon elle originales de très nombreuses photographies dont Mme [I] déclare être l'auteur (dont les photographies "Firebird").
17. L'action engagée à Athènes par Mme [I] ne saurait dès lors être regardée comme ayant le même objet que la présente action.
18. Mme [I] ne démontre pas davantage que la société Hermes International ait jamais reconnu avoir emprunté les caractéristiques originales de ses photographies pour réaliser ses propres campagnes publicitaires.
19. Il en résulte que les demandes portant sur des campagnes de la société Hermes International réalisées et diffusées auprès du public avant le 28 novembre 2014 (et dont il n'est pas allégué l'exploitation plus récente) doivent être considérées comme prescrites. Seule donc demeure concernée par le présent litige la campagne "Galop d'Hermes" parue en 2016 sous la forme d'un film et d'une photographie ci-dessous reproduite:
que Mme [I] compare à ses propres photographies également reproduites ci-dessous (extraits des conclusions pages 25 et 26 de Mme [I]) :
2o) Sur la preuve de la qualité d'auteur d'une oeuvre de l'esprit de la demanderesse (contestée en défense)
Moyens des parties
20. Les sociétés Services marketing diversifiés et Hermes International font valoir que Mme [I] ne démontre pas être l'auteur des photographies qu'elle leur oppose et dont elles auraient reproduit les caractéristiques selon elle originales. Elles soutiennent qu'aucune preuve de leur divulgation avant 2016, sous le nom de [G] [M], n'est rapportée, tandis que la demanderesse se contente d'affirmer sa qualité d'auteur, d'autant plus sujette à caution ici que Mme [I] est elle-même le sujet des photographies.
21. Les sociétés défenderesses contestent de la même manière l'originalité alléguée des photographies en cause dont les caractéristiques sont décrites en termes gérénaux exclusifs de toute reconnaissance de l'empreinte de la personnalité d'un auteur. Elles contestent enfin toute reproduction des caractéristiques essentielles des photographies invoquées par la demanderesse et relèvent l'artifice consistant à comparer des oeuvres audiovisuelles, dont sont tirées des images arrêtées recadrées et des photographies. S'agissant plus spécialement de la vidéo "Galop d'Hermes", les sociétés Hermes International et Services Marketing Diversifiés concluent à l'absence de toute contrefaçon s'agissant d'un flm dans lequel une danseuse exécute une chorégraphie rappelant la danse d'un cheval ; elle frappe le sol évoquant le sable d'une carrière et remue ses cheveux détachés ; elle porte une tenue sobre unie en cuir, brut, de couleur ocre en rappel de la couleur du sol et le fond est blanc.
22. Mme [I] soutient que l'ensemble des photographies qu'elle oppose aux sociétés défenderesses a été réalisé entre 2007 et 2009, ainsi qu'en atteste leur horodatage, et publié dans le cadre d'expositions consacrées à son oeuvre, ainsi que sur différents sites internet. Elle précise être le seul auteur des photographies qu'elle oppose, ayant entièrement conçu les prises de vue réalisées grâce à la fonction "retardateur" de son appareil ou par sa mère cette dernière s'étant bornée à "appuyer physiquement sur le déclencheur", ce qui ne saurait lui conférer la qualité de co-auteur.
23. S'agissant de l'originalité, Mme [I] revendique des "mouvements de sauts de danse figés en l'air par les clichés ; des sauts sur place, jambes pliées ou tendues, bras le long du corps ou s'élevant en l'air, la tête adoptant une position particulière ; sans végétation" (conlusions [I] page 24) tous éléments fidèlement repoduits selon elle par les sociétés défenderesses dans le film "Galop d'Hermes", tandis qu'aucun spectateur ne peut selon elle voir dans ce film une évocation de la danse d'un cheval.
Appréciation du tribunal
24. Aux termes de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée." Selon l'article L.113-2 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, "Est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques."
25. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
26. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre, toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.
27. Force est en l'occurrence de constater que Mme [I] ne démontre la divulgation au public sous son nom d'aucune des photographies ci-dessus reproduites, que ce soit sur internet ou dans le cadre d'une exposition. Les photographies opposées n'ont d'ailleurs aucun titre et ne sont rattachées à aucune série identifiée de la demanderesse.
28. La création de ces sept photographies n'a pas davantage date certaine, leurs métadonnées n'étant pas fournies par la demanderesse. Il en résulte que Mme [I] ne démontre pas être l'auteur des photographies qu'elle oppose aux sociétés défenderesses pour soutenir que la campagne "Galop d'Hermes" serait contrefaisante, et moins encore que leur caractéristiques auraient été reproduites par ces dernières, dès lors que ces photographies n'ont pas date certaine, de sorte que rien n'établit qu'elles sont antérieures à 2016.
29. Il en résulte que les demandes non prescrites de Mme [I] ne peuvent qu'être rejetées.
30. A titre surabondant, le tribunal observe enfin que la campagne "Galop d'Hermes" et les photographies opposées, à les supposer originales, n'ont en commun que la représentation d'une jeune femme dansant et réalisant des sauts, ce sur quoi Mme [I] ne saurait revendiquer aucun monopole, tandis que la campagne "Galop d'Hermes" évoque, sur un fond totalement blanc, la représentation d'un cheval, ainsi qu'en attestent, notamment, outre le titre de la campagne, la robe en cuir de couleur beige que porte la danseuse et la projection de terre sous ses talons, éléments totalement absents des visuels opposés.
31. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [I] sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Services marketing diversifiés et Hermes International la somme de 10.000 euros chacune (soit 20.000 euros au total) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
32. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
DÉCLARE prescrites les demandes portant sur les campagnes publicitaires de la société Hermes International antérieures au 28 novembre 2014 ;
REJETTE le surplus des demandes de Mme [G] [I] faute pour elle de démontrer être l'auteur d'oeuvres de l'esprit antéreures à 2016 ;
CONDAMNE Mme [G] [I] aux dépens ;
CONDAMNE Mme [G] [I] à payer aux sociétés Services Marketing Diversifiés et Hermes International la somme de 10.000 euros chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 16 février 2023.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE