TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
1ère section
No RG 21/09683
No Portalis 352J-W-B7F-CU2FB
No MINUTE :
Assignation du :
20 juillet 2021
Incident
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 19 janvier 2023
DEMANDEURS
Société INDUSTRIAS TECNOLÓGICAS DE MECANIZACIÓN Y AUTOMATIZACIÓN SA
[Adresse 3]
[Localité 1] (ESPAGNE)
Monsieur [H] [F]
C/ [Adresse 4]
[Localité 1] (ESPAGNE)
Monsieur [B] [M]
C/ [Adresse 5]
[Adresse 5] (ESPAGNE)
représentés par Me Stanislas ROUX-VAILLARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033
DEFENDERESSE
S.A.S. SYNERLINK
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Sabine AGE de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant et postulant vestiaire #P0512 et Me Marta MENDES de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat paidant
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Malik CHAPUIS, Juge,
assisté de Caroline REBOUL, Greffière
DEBATS
A l'audience du 15 novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 26 janvier 2023. Le délibéré a été avancé au 19 janvier 2023.
ORDONNANCE
Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
1. Par acte du 20 juillet 2021, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] ont assigné la société SA Synerlink devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication et transfert d'un brevet français FR 19 08090 et d'un brevet européen EP 3 766 799, en paiement de dommages et intérêts du fait de la soustraction et d'un préjudice moral, et en transfert des pièces relatives aux brevets et en communication de documents comptables aux fin d'évaluation définitive du préjudice moral.
2. Par conclusions au fond transmises par voie électronique le 2 mars 2022, la société SA Synerlink sollicite le débouté des demandes principales et présente des demandes reconventionnelles portant transfert d'une demande brevet européen no 3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 déposées par la société Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA.
3. Par conclusions transmises par voie électronique le 9 mai 2022, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident.
4. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2022, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] demandent au juge de la mise en état de :
« -dire que le Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973 est applicable au présent litige ;
-constater que la demande reconventionnelle ne dérive pas des faits sur lesquels se fonde la demande originaire ;
-dire et juger que le Tribunal judiciaire de Paris est incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 ;
-renvoyer la société Synerlink à mieux se pourvoir devant les juridictions espagnoles ;
subsidiairement :
-constater l'absence de lien suffisant entre la demande originaire et la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;
-dire et juger irrecevable la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;
-rejeter la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;
-en tout état de cause, réserver les frais et les dépens à la poursuite de la procédure au fond ; »
5. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 11 novembre 2022, la société SA Synerlink demande au juge de la mise en état de :
-débouter les demandeurs de leurs exception d'incompétence et fin de non-recevoir,
-« déclarer le tribunal compétent pour juger de la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen no3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 formée par la société Synerlink »,
-juger recevable cette demande reconventionnelle,
-condamner la société demanderesse à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
6. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.
7. Mise en délibéré, la décision a été mise à disposition le 19 janvier 2023.
SUR CE
Sur l'exception d'incompétence territoriale
Moyens des parties
8. Les demanderesses à l'incident exposent que le droit de l'Union européenne, en particulier l'article 71 du règlement Bruxelles I bis et la jurisprudence de la Cour de justice, prévoit que les règles de compétence prévues par d'autres conventions doivent disposer d'un haut degrés de prévisibilité, faciliter une bonne administration de la justice, et permettre de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes. Elles estiment, au regard de ces critères, que la demande reconventionnelle ne peut être présentée devant la présente juridiction alors que les articles 1er et 2 du protocole sur la reconnaissance prévu par la Convention de Munich du 5 octobre 1973 désignent comme territorialement compétente la juridiction du domicile du titulaire du brevet, ici les juridictions espagnoles.
9. La société Synerlink soutient que le principe de primauté du droit de l'Union européenne implique que les conventions prévoyant des règles de compétence spéciales ne s'appliquent qu'à la condition de respecter les objectifs du règlement Bruxelles I bis. Elle estime que l'invention en litige est la même quoiqu'elle soit l'objet de deux brevets différents, celui de la demande principale, et celui de la demande reconventionnelle. Elle considère que, dans une telle situation d'identité de fait, accueillir l'exception méconnaîtrait les critères prévus par le règlement Bruxelles I bis et la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier la recherche d'une bonne administration de la justice et l'économie de procédure concurrente et inconciliables. Elle estime donc les juridictions françaises compétentes pour connaître de la demande reconventionnelle.
Appréciation de la juridiction
10. Les articles 1er et 2 du protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973, partie intégrante de la convention sur le brevet européen conclue à Munich le 5 octobre 1973 selon l'article 164 de ladite convention, disent que « article premier : (1) Pour les actions intentées contre le titulaire d'une demande de brevet européen visant à faire valoir le droit à l'obtention du brevet européen pour un ou plusieurs des États contractants désignés dans la demande de brevet européen, la compétence des tribunaux des États contractants est déterminée conformément aux articles 2 à 6. (?) article 2 Sous réserve des articles 4 et 5, le titulaire d'une demande de brevet européen ayant son domicile ou son siège dans l'un des États contractants est attrait devant les juridictions dudit État contractant ».
11. Les articles 4, 7 et 8 du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 dit « Bruxelles I bis » disposent que : « article 4, 1. Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. (...) Article 7 une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre: (...). Article 8 « une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite: 1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; (...) 3) s'il s'agit d'une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire, devant la juridiction saisie de celle-ci (?) ».
12. L'article 71 du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 dit que « 1. le présent règlement n'affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions. / 2. En vue d'assurer son interprétation uniforme, le paragraphe 1 est appliqué de la manière suivante: a) le présent règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une juridiction d'un État membre partie à une convention relative à une matière particulière puisse fonder sa compétence sur une telle convention, même si le défendeur est domicilié sur le territoire d'un autre État membre non partie à une telle convention. La juridiction saisie applique, en tout cas, l'article 28 du présent règlement ; b) les décisions rendues dans un État membre par une juridiction ayant fondé sa compétence sur une convention relative à une matière particulière sont reconnues et exécutées dans les autres États membres conformément au présent règlement. / Si une convention relative à une matière particulière et à laquelle sont parties l'État membre d'origine et l'État membre requis détermine les conditions de reconnaissance et d'exécution des décisions, il est fait application de ces conditions. Il peut, en tout cas, être fait application des dispositions du présent règlement relatives à la reconnaissance et à l'exécution des décisions ».
13. La Cour de justice de l'Union européenne, rappelle que la règle de l'article 71 précitée n'est pas applicable aux domaines exclus du champ d'application dudit règlement mentionnés à son article 1er (v. CJUE, 13 mai 2015 «Gazprom» OAO, C-536/13, §42-43)
14. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, par son arrêt TNT Express Nederland BV du 4 mai 2010, dans l'affaire C-533/08 que « l'article 71 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle au principal, les règles de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution prévues par une convention relative à une matière particulière, (?) s'appliquent, à condition qu'elles présentent un haut degré de prévisibilité, facilitent une bonne administration de la justice et permettent de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes, et qu'elles assurent, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues par ledit règlement, la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et la confiance réciproque dans la justice au sein de l'Union (favor executionis) » (v. également en ce sens, CJUE, 20 juin 2022, London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited, C-700/20, §56) .
15. La Cour de justice a pu rappeler que selon l'article 71 précité « les règles relatives à la compétence judiciaire, à la reconnaissance ou à l'exécution des décisions prévues par les conventions spéciales auxquelles les États membres étaient déjà parties au moment de l'entrée en vigueur de ce règlement ont, en principe, pour effet d'écarter l'application des dispositions de ce règlement portant sur la même question » (CJUE, 4 septembre 2014, Nickel et Goeldner Spedition GmbH, C-157/13, §37). En outre, elle rappelle qu'« une disposition de l'Union (...) qui accorde la priorité à l'application d'une convention bilatérale ne saurait avoir une portée qui soit en conflit avec les principes sous-tendant la législation dont elle fait partie » (CJUE, 16 mai 2013, Janina Wencel, C-589/10, §37-39).
16. Il sera rappelé que méconnaît l'article 8, paragraphe 1, du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 la juridiction qui se déclare incompétente pour statuer sur des atteintes invoquées à des parties nationales d'un brevet européen sans rechercher si le fait de juger séparément les actions n'était pas susceptible de conduire à des solutions inconciliables.
17. Il résulte de l'article 14 du Code civil que le demandeur français, dès lors qu'aucun critère ordinaire de compétence n'est réalisé en France, peut valablement saisir le tribunal français qu'il choisit en raison d'un lien de rattachement de l'instance au territoire français, ou, à défaut, selon les exigences d'une bonne administration de la justice.
18. Les rappels de droit précités aux points 16. et 17., repris par la présente juridiction, sont issus de la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier de l'arrêt de la première chambre civile du 29 juin 2022, (pourvoi no 21-11.085).
19. En l'espèce, à titre liminaire, il est rappelé que l'action des trois demandeurs a pour objet la revendication et le transfert d'un brevet français d'une part, et d'un brevet européen d'autre part. Elle relève donc de la compétence de la juridiction française par application des articles 1er et 2 du protocole sur la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973 précité.
20. L'exception d'incompétence, soulevée devant la présente juridiction, ne vise que la demande reconventionnelle de la société SA Synerlink en revendication de la demande de brevet européen no 3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445.
21. Il n'est pas contesté que la demande brevet européen no 3 566 832 et sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445, sont déposés par la société Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion.
22. Les parties débattent du droit applicable, opposant réciproquement la règle du domicile du titulaire de la demande de brevet européen issue du protocole sur la reconnaissance, et la règle spéciale prévoyant qu'une demande reconventionnelle, dérivant du fait sur lequel est fondé la demande originaire, peut être présentée devant la juridiction saisie de celle-ci en application de l'article 8, paragraphe 3), du règlement Bruxelles I bis.
23. Les brevets d'invention ne sont pas mentionnés parmi les matières exclues à l'article 1er du règlement Bruxelles I bis qui s'applique donc.
24. Comme le relèvent les demandeurs, la règle du domicile du titulaire de la demande de brevet européen issue du protocole sur la reconnaissance est une règle de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution prévues par une convention relative à une matière particulière au sens de l'article 71 du règlement Bruxelles I bis.
25. Le domicile du titulaire de la demande des brevets objet de la demande reconventionnelle est l'Espagne, ce qui entraîne, par principe, la compétence du juge espagnol. Cette règle de principe ne peut être écartée qu'à la condition que les critères fixés par l'arrêt TNT Express Nederland BV du 4 mai 2010 soient, en tout ou partie, méconnus.
1. Le haut degrés de prévisibilité
26. Il est d'abord constaté que la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance présente un haut degré de prévisibilité puisqu'elle s'articule autour de la compétence conférée à la juridiction du domicile ou du siège du titulaire d'une demande de brevet européen lorsque celui-ci a son domicile ou son siège dans l'un des États contractants, lequel présente un lien étroit avec l'objet du litige qui porte sur le droit l'obtention du brevet européen.
27. Ce critère étant démontré, il ne peut donc justifier d'écarter l'application de la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis.
2. La préservation de la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et de la confiance réciproque dans la justice
28. La décision à intervenir au fond, devant appliquer le droit espagnol, est susceptible de produire ses effets par application du principe de reconnaissance mutuelle des décision judiciaires garantissant ainsi la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale dans des conditions aussi favorables que le règlement Bruxelles I bis et la confiance réciproque dans la justice.
29. Il en irait toutefois de même d'une décision d'une juridiction espagnole désignée en application des règles définies par le protocole sur la reconnaissance.
30. Ces critères ne peuvent donc justifier d'écarter l'application de la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis.
3. La bonne administration de la justice et la réduction du risque de procédures concurrentes
31. Il y a lieu de relever que les brevets ou demandes de brevets en litige ont pour objet un procédé de prédécoupe de pots en plastique reposant sur un positionnement particulier de lames se faisant face, ou légèrement décalée, devant permettre de recourir à de nouveaux matériaux plastiques plus souples et plus efficients, à l'exclusion d'anciens matériaux plastiques plus rigides. Cette circonstance est démontrée par les arguments respectifs des parties qui indiquent que leur adversaire a eu connaissance du procédé à l'occasion soit d'une négociation entre elles, soit du départ d'un salarié ayant rejoint sa concurrente.
32. Les parties revendiquent ainsi des technologies ayant le même objet et dénoncent les dépôts de brevets adverses comme faits en fraude de leurs droits.
33. La demande reconventionnelle relève ainsi d'une même situation de fait que celle ayant initié la demande principale.
34. Il ressort en outre clairement des articles 2, paragraphe 2, et 64 de la convention du 5 octobre 1973 qu'un brevet européen est régi par la réglementation nationale de chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré.
35. La demande reconventionnelle relève ainsi d'une même situation de droit que celle ayant initié la demande principale.
36. Il est constaté qu'au jour de la saisine du tribunal en état de la demande reconventionnelle en litige, le juge espagnol n'était pas saisi d'une demande similaire.
37. Relevant d'une même situation de fait et de droit que la demande principale, en l'absence de saisine d'une juridiction d'un autre Etat, l'extension du litige au brevet à la demande brevet européen no 3 566 832 et sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 réduit le risque de procédures concurrentes.
38. A l'inverse, au cas présent, la coéxistence de deux procédures distinctes devant les juridictions de deux Etats différents peut aboutir à ce qu'il ne soit pas tenu compte du lien étroit entre les technologies en litige et à ce que deux solutions inconciliables soient prises.
39. Juger des demandes à l'occasion d'une même instance, devant une juridiction déjà saisie de faits comparables au principal, relève ainsi d'une bonne administration de la justice afin de ne pas multiplier les tribunaux connaissant de mêmes faits et permet de réduire le risque de procédures concurrentes ou décisions inconciliables.
40. L'application des critères de bonne administration de la justice et de réduction du risque de procédures concurrentes justifie donc d'écarter la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis, en particulier de son article 8, paragraphe 3).
41. En outre, il sera relevé que la convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973, ainsi que l'énonce son article 1er, organise un « droit commun aux États contractants en matière de délivrance de brevets d'invention ». Parmi ses objectifs figure la normalisation des règles relatives à la durée du brevet, à la notion d'invention et aux exigences en matière de brevetabilité.
42. La compétence de la présente juridiction pour statuer sur la demande reconventionnelle ne méconnaît donc pas les principes qui sous-tendent la convention du 5 octobre 1973.
43. Les juridictions françaises sont donc compétentes pour connaître de la demande reconventionnelle.
44. L'exception d'incompétence territoriale est rejetée.
Sur la fin de non-recevoir
Moyens des parties
45. Les sociétés demanderesses à l'incident exposent que la demande est irrecevable sur le fondement des articles 70, 122 et 124 du code de procédure civile en l'absence d'un lien suffisant de la demande reconventionnelle avec les prétentions de la demande principale.
46. La société Synerlink explique, sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile, qu'un lien suffisant existe entre sa demande reconventionnelle et la demande principale alors que, selon son argument, les demandes ont pour origine les mêmes faits.
Appréciation de la juridiction
47. Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, « les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. / Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ».
48. En l'espèce, ainsi qu'il précède, la demande reconventionnelle et la demande principale portent sur des brevets différents mais qui concernent sur des technologies ayant le même objet et comparables.
49. En réponse au moyen des demanderesses à l'incident, il sera précisé que les différents arguments qu'elles avancent pour souligner les différences entre les brevets d'une part, et entre les brevets déposés par la société Synerlink et l'enveloppe Soleau d'autre part, ne démontrent pas l'absence de lien suffisant entre la demande principale et la demande reconventionnelle.
50. Au contraire, ces arguments relèvent d'une discussion au fond démontrant la proximité des technologies en litige.
51. Il convient, par voie de conséquence, d'écarter la fin de non-recevoir.
Sur les demandes accessoires
52. Le litige demeurant pendant devant le tribunal judiciaire, il convient de réserver la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :
REJETTE l'exception d'incompétence territoriale portant sur la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'absence de lien suffisant de la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445, avec la demande principale,
RÉSERVE la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
RENVOIE l'affaire à la mise en état dématérialisée du 14 février 2023 à 10h00 pour organisation d'un calendrier de procédure au fond.
Faite et rendue à Paris, le 19 janvier 2023.
LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ETAT