TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
No RG 22/56669 - No Portalis 352J-W-B7G-CXOHZ
FMNo : 1
Assignation du :
10 août 2022
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 décembre 2022
par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDEUR
Monsieur [M] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Maître Caroline CASALONGA de CASALONGA, avocats au barreau de PARIS - #K0177
DEFENDERESSES
S.A.S. AIRNESS [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Johanna PREVOST, avocat postulant au barreau de PARIS - #B0258, Me Davide PADULA, avocat plaidant au barreau de PARIS - G0219
Société P4F
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Johanna PREVOST, avocat postulant au barreau de PARIS - #B0258, Me Davide PADULA, avocat plaidant au barreau de PARIS - G0219
DÉBATS
A l'audience du 07 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. M. [M] [D] est un chef d'entreprise malien exerçant en France, fondateur et titulaire de la marque "Airness", déposée à partir de 2002, pour désigner différents produits et service et en particulier les vêtements et chaussures de sport, ainsi désignée en hommage au joueur professionnel de basket américain [R] [F] surnommé "Air [F]" en raison de sa capacité de saut.
2. M. [D] est en particulier titulaire des marques suivantes:
- la marque verbale française "Airness" no319627 enregistrée le 4 décembre 2002 pour désigner en classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 28, 36, 38 et 41 les "Parfums et produits cosmétiques. Lunettes, lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs; publications électroniques (téléchargeables) . Joaillerie, bijouterie; horlogerie et instruments chronométriques ; montres. Papier et carton (bruts, mi-ouvrés ou pour la papeterie ou l'imprimerie) ; produits de l'imprimerie ; photographies ; papeterie ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; journaux et magazines sportifs ; catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport ; catalogues de vente de vêtements et d'articles de sports ; papier d'emballage ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en papier ou en matières plastiques); cartonnages. Cuir et imitations du cuir; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir (à l'exception des étuis adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir, des gants et des ceintures) ; peaux d'animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; sacs de sport, sacs à dos et sacs de voyage ; sacs à main, sacs d'écoliers, sacs à roulettes, sacs (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir). Vêtements notamment vêtements de sport, chaussures notamment chaussures de sport ; chapellerie. Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport (autres que les vêtements, chaussures et tapis) et notamment balles et ballons de sport, raquettes et battes de sport; cartes à jouer. Parrainage financier d'évènements sportifs et de sportifs de haut niveau. Agences de presse ; communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques; transmission de messages, de télégrammes et de télécopies ; diffusion de programmes de télévision et de programmes radiophoniques ; communications (transmission) par terminaux d'ordinateurs ; transmission de messages et d'images assistée par ordinateur; services de transmission d'informations par voie télématique ; messagerie électronique; communications par réseau informatique mondial; communications par réseau de fibres optiques ; transmission par satellite ; fourniture d'accès à un réseau informatique mondial ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; services d'affichage électronique (télécommunications) ; informations en matière de télécommunications. Education et formation ; publication de livres et de périodiques ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; divertissement notamment production de spectacles et de films relatifs au sport ; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement et de sport ; organisation et conduite de séminaires, colloques, conférences, congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; organisation de loteries ; activités sportives et culturelles ; services de jeux sportifs proposés en ligne (à partir d'un réseau informatique) ; organisation d'évènements sportifs et de compétitions sportives" ;
- la marque verbale de l'Union européenne "Airness" no003978855 enregistrée le 2 décembre 2005 pour désigner en classe 3 les "Parfums et produits cosmétiques", en classe 9 les "Lunettes, lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs; publications électroniques (téléchargeables)", en classe 14 la "Joaillerie, bijouterie; horlogerie et instruments chronométriques; montres", en classe 16 le "Papier et carton (bruts, mi-ouvré ou pour la papeterie ou l'imprimerie); produits de l'imprimerie; photographies; papeterie; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); journaux et magazines sportifs; catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport; catalogues de vente de vêtements et d'articles de sport; papier d'emballage; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en papier ou en matières plastiques); cartonnages", en classe 18 le "Cuir et imitations du cuir; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir (à l'exception des étuis adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir, des gants et des ceintures); peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie; sacs de sport, sacs à dos et sacs de voyage; sacs à main, sacs d'écoliers, sacs à roulettes, sacs (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir)", en classe 25 les "Vêtements notamment vêtements de sport, chaussures notamment chaussures de sport; chapellerie", en classe 28 les "Jeux, jouets; articles de gymnastique et de sport (autres que les vêtements, chaussures et tapis) et notamment balles et ballons de sport, raquettes et battes de sport; cartes à jouer", en classe 36 le "Parrainage financier d'évènements sportifs et de sportifs de haut niveau", en classe 38 les "Agences de presse et d'informations; communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques; transmission de messages, de télégrammes et de télécopies; diffusion de programmes de télévision et de programmes radiophoniques; communications (transmission) par terminaux d'ordinateurs; transmission de messages et d'images assistée par ordinateur; services de transmission d'informations par voie télématique; messagerie électronique; communications par réseau informatique mondial; communications par réseau de fibres optiques; transmission par satellite; fourniture d'accès à un réseau informatique mondial; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; services d'affichage électronique (télécommunications); informations en matière de télécommunications", en classe 41 les services d' "Education et formation; publication de livres et de périodiques; publication électronique de livres et de périodiques en ligne; divertissement notamment production de spectacles et de films relatifs au sport; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement et de sport; organisation et conduite de séminaires, colloques, conférences, congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; organisation de loteries; activités sportives et culturelles; services de jeux sportifs proposés en ligne (à partir d'un réseau informatique); organisation et conduite de compétitions et d'évènements sportifs";
- la marque verbale française "Airness" enregistrée le 14 février 2004 sous le no3409923 pour désigner en classes 7, 9 et 35 les "Appareils téléphoniques ; téléphones portables; appareils et instruments scientifiques (autres qu'à usage médical), nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d'enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution ; la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques, disquettes souples ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs, programmes d'ordinateurs enregistrés ; logiciels de jeux ; logiciels (programmes enregistrés) ; périphériques d'ordinateurs ; extincteurs ; batteries électriques, détecteurs ; fils électriques ; relais électriques; combinaisons, costumes, gants ou masques de plongée ; vêtements de protection contre les accidents, les irradiations et le feu ; dispositifs de protection personnelle contre les accidents ; bâches de sauvetage ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ; articles de lunetterie; étuis à lunettes ; ordinateurs ; cartes à mémoire ou à microprocesseur. Publicité notamment courrier publicitaire, diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons), promotion des ventes (pour des tiers), publication de textes publicitaires, publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, location de matériel publicitaire, location d'espaces publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité; gestion administrative de lieux d'expositions ; services d'abonnement à des journaux pour des tiers ; gestion des affaires commerciales et administration commerciale notamment aide dans l'exploitation ou la direction d'une entreprise commerciale, aide à la direction des affaires ou des fonctions commerciales d'une entreprise industrielle ou commerciale ; conseils en organisation et direction des affaires; informations ou renseignements d'affaires ; relations publiques; travaux de bureau notamment travaux statistiques, mécanographiques, de sténotypie ; comptabilité; reproduction de documents ; bureaux de placement; gestion de fichiers informatiques; recherche d'informations dans des fichiers informatiques (pour des tiers) ; location de machines à écrire et de matériel de bureau (à l'exception de la location d'appareils de télécommunication, d'ordinateurs et de meubles); services de vente au détail de : parfums et cosmétiques, lunettes (optique), lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs, publications électroniques (téléchargeables), appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images, supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques, disquettes souples, programmes d'ordinateurs enregistrés, logiciels de jeux, logiciels (programmes enregistrés), articles de lunetterie, étuis à lunettes, appareils téléphoniques, téléphones portables, cartes à mémoire ou à microprocesseur, joaillerie, bijouterie, horlogerie et instruments chronométriques, montres, produits de l'imprimerie, photographies, papeterie, journaux et magazines sportifs, catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport, catalogues de vente de vêtements et d'articles de sport ; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir ; sacs et notamment sacs de sport, vêtements et notamment vêtements de sport, chaussures et notamment chaussures de sport, chapellerie, jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport".
3. M. [D] expose avoir découvert le dépôt par la société P4F (Play 4 Fun) de la marque semi-figurative de l'Union euroépenne "Airness", enregistrée le 14 octobre 2017 sous le no017298944, pour désigner en classe 25 les "Vêtements de sport; chaussures; combinaisons de gymnastique; chaussures d'entraînement" et en classe 35 les services de "vente au détail d'articles de sport; services de détail en relation avec accessoires de mode; les services de vente au détail en relation avec les accessoires vestimentaires; vente au détail en ligne les services de magasin relatifs aux vêtements; services de magasins de détail dans le domaine de l'habillement; vente au détail les services liés à la vente de vêtements et d'accessoires vestimentaires; vente au détail en ligne les services relatifs à l'habillement ; Gestion commerciale de points de vente au détail; Services de marketing; Marketing sur internet" :
4. M. [D] a formé opposition à cet enregistrement le 17 janvier 2018 sur le fondement de sa marque "Airness" no003978855. Par une décision du 13 décembre 2018, l'Office européen de la propriété intellectuelle a partiellement accueilli l'opposition, la marque no017298944 ne subsistant que pour désigner en classe 35 les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; Services de marketing; Marketing sur internet".
5. La société P4F exploite également un site internet à l'adresse etlt;www.airness.euetgt;, tandis que le 28 juin 2021, a également été immatriculée une société Airness [Localité 4] laquelle exploite un magasin à l'enseigne Airness dans lequel elle vend, depuis le 4 juin 2022, des vêtements et des chaussures de sport, le signe Airness étant reproduit sur des vêtements, les tickets de caisse et des sacs en papier, tous faits que M. [D] a fait constater par un huissier de justice le 14 juin 2022.
6. Après les avoir vainement mises en demeure de cesser ces agissements, M. [D] a, par acte d'huissier du 10 août 2022 fait assigner en référé les sociétés P4F et Airness [Localité 4] devant le délégataire du président de ce tribunal, afin d'obtenir des mesures d'interdiction d'usage du signe "Airness" par ces sociétés, ainsi que leur condamnation au paiement de diverses sommes à titre provisionnel.
7. Après un renvoi, l'affaire a été plaidée à l'audience du 7 novembre 2022. M. [D] a développé oralement les termes de ses conclusions par lesquelles il demande des mesures d'interdiction d'usage des noms de domaine conduisant au site "airness" des défenderesses, de l'enseigne, du nom commercial et de la dénomination sociale "Airness", ainsi qu'à titre de marque, des mesures de communication de documents comptables, et de condamnation solidaire de ces sociétés à lui payer une provision de 80.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon, de 50.000 euros à valoir sur l'atteinte à la renommée des marques, de 50.000 euros au titre des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire. Subsidiairement, M. [D] formule des demandes similaires sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire et, en tout état de cause, la condamnation solidaire des sociétés défenderesses à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
8. Les sociétés P4F et Airness [Localité 4] demandent quant à elle au juge des référés de rejeter les demandes de M. [D], et, en tout état de cause de limiter leur effet à la France et de les subordonner au paiement d'une garantie de 3.000.000 euros. Elles sollicitent la condamnation de M. [D] à leur payer la somme de 12.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1o) Sur la contrefaçon de marques
Moyens des parties
9. M. [D] soutient établir la contrefaçon de ses marques par reproduction et imitation pour désigner des services identiques à ceux visés aux enregistrements, dans des conditions de nature à créer un risque de confusion. En particulier, M. [D] soutient que les signes sont utilisés pour désigner les services de vente au détail (pour lesquels l'opposition a été accueillie) par l'usage du signe "Airness" comme enseigne du magasin dédié au basket de [Localité 4], par la reproduction du signe sur des sacs et tickets de caisse, par la réservation de différents noms de domaine. Il soutient encore que le signe est utilisé pour désigner des vêtements par reproduction de la marque sur des tee-shirts. M. [D] conteste l'exploitation du signe ici pour simplement désigner des services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", ainsi que le soutiennent les défenderesses et conclut à la complémentarité des services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport avec les vêtements et chaussures de sport.
10. Les sociétés P4F et Airness [Localité 4] font quant à elles valoir que la vraisemblance de la contrefaçon n'est pas établie, soutenant en premier lieu qu'elles exploitent leur marque "Airness" pour les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", et ainsi, ne plus mettre en vente aucun vêtement reproduisant la marque, laquelle ne figure que sur les vêtements du personnel et des basketeurs professionnels partenaires, non destinés à la vente. Elles précisent proposer à la vente dans leurs boutiques exclusivement des produits de leurs partenaires tels que les sociétés Nike et Adidas. Elles ajoutent que le demandeur exploite principalement la version semi-figurative de sa marque, laquelle représente un panthère noire, que le public pertinent ne peut en aucun cas confondre avec sa propre marque, qui n'est de toute façon pas exploitée pour les mêmes produits ou services.
Appréciation du juge des référés
11. Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)"
12. En outre, selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées constituent la transposition en droit interne, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle."
13. Aux termes de l'article 9 du règlement : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
« 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
a)ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; (...)"
14. De la même manière, selon l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement."
15. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), rédigées en termes identiques à ceux du règlement précité et dont les dispositions précitées du droit interne français réalisent la transposition, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17).
16. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97).
17. Il est encore observé que, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23). Parmi les facteurs pertinents, le caractère complémentaire des produits ou services est un critère autonome, susceptible de fonder, à lui seul, l'existence d'une similitude (CJUE, 21 janvier 2016, Hesse / OHMI, Porsche (Carrera), C-50/15, point 21). Pour appliquer ce critère, le Tribunal de l'Union européenne a développé une jurisprudence selon laquelle les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l'un est indispensable ou important pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (TPICE, 1er mars 2005, Sergio Rossi, T-169/03, point 60 ; pour une application récente, TUE, 22 septembre 2021, Sociedade da agua de Monchique, T-195/20, point 46).
18. Force est en l'occurrence de constater que le signe "Airness" n'est pas exploité par les sociétés défenderesses pour les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", comme elles l'affirment, mais pour désigner les services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport visés à l'enregistrement de la marque verbale française opposée "Airness" no3409923 ; l'usage du signe pour désigner des produits, en l'occurrence des chaussures et des vêtements de sport n'est pas démontré.
19. Il est encore observé qu'aucune marque du demandeur, autre que la marque "Airness" no3409923, y compris semi-figurative, ne désigne les services de vente au détail de vêtements et de chaussures de sport, dont la nécessaire complémentarité avec les vêtements et chaussures de sport est ici affirmée et non caractérisée avec l'évidence requise en référé ; en effet, le public pertinent est notamment habitué à ce que les vêtements et chaussures de sport ne soient pas commercialisés par leur concepteur ou fabriquant (cf les décisions citées ci-dessus).
20. La vraisemblance de la contrefaçon ne peut donc qu'être examinée en fonction de cette marque française "Airness" no3409923.
21. Ainsi, utilisée sous sa forme purement verbale, comme par exemple à titre de nom de domaine pour donner accès à leur site marchand, par les sociétés défenderesses, le signe reproduit la marque verbale française précitée pour désigner les services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport figurant à l'enregistrement. La vraisemblance de la contrefaçon est donc établie sans qu'il soit besoin de caractériser un risque de confusion.
22. Sous sa forme semi-figurative, le signe des sociétés défenderesses imite la marque verbale française no3409923.
23. Les signes "Airness" et
sont visuellement faiblement similaires. Ils se prononcent en revanche de la même manière. Ils évoquent l'un et l'autre le surnom du joueur de basket américain [R] [F] ("Air"). Ils sont donc conceptuellement fortement similaires voire identiques.
24. Le public pertinent est ici constitué des acheteurs de vêtements et chaussures de sport ; son degré d'attention est moyen à élevé selon le prix des produits.
25. Confronté à ces signes conceptuellement identiques, pour désigner des produits et services identiques, même d'attention moyenne à élevée, le public pertinent apparaît susceptible d'attribuer une origine commune aux produits et services et, en particulier, de penser que le second est une évolution ou une déclinaison du premier.
26. La contrefaçon apparaît donc vraisemblable. Aussi, il sera fait droit aux demandes d'interdiction et de communication de pièces selon les modalités visées au dispositif de la présente décision, qui ne pourront concerner que le territoire français en l'état de la contrefaçon vraisemblable établie. Aucune circonstance ne justifie ici d'assortir la décision d'une mesure de garantie, les défenderesses ayant fait le choix assumé d'engager leur activité sur le territoire français en parfaite connaissance des titres du demandeur.
27. Les sociétés défenderesses seront condamnées in solidum à verser à M. [D] la somme forfaitaire et provisionnelle de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice issu des faits de contrefaçon.
28. La demande de transfert de nom de domaine excède en revanche la compétence du juge des référés. Il n'y aura donc pas lieu à référé de ce chef.
2o) Sur l'atteinte à la renommée des marques
29. Selon l'article 9 du règlement "2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...)
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice."
30. Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52).
31. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, étant précisé que l'intensité de la renommée de la marque peut être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJUE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque revendiquée doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe.
32. M. [D] verse aux débats cinq articles de presse, des catalogues et des captures d'écran. Ces éléments démontrent l'exploitation des marques en France depuis de début et le milieu des années 2000, mais pas que cette marque est connue d'une partie significative du public pertinent. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur l'atteinte à la renommée des marques "Airness" du demandeur.
3o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire
33. M. [D] fonde ses demandes à ce titre sur le nom de domaine dont il est titulaire. Il ne justifie ce faisant d'aucun fait distinct de la contrefaçon de marque déjà retenue, non plus qu'aucun préjudice distinct. Il n'y aura donc pas lieu à référé de ce chef.
34. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés P4F et Airness [Localité 4] seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [D], sous la même solidarité imparfaite, la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des référés,
FAIT DÉFENSE aux sociétés P4F et Airness [Localité 4] d'utiliser dans la vie des affaires, en France, le signe "Airness" pour désigner des services de vente au détail de chaussures et vêtements de sport, et, en particulier, à titre d'enseigne, y compris lorsqu'elle est reproduite sur des sacs et des produits publicitaires, pour désigner un magasin de vente d'articles de sport et de nom de domaine accessible aux internautes situés en France pour acheter des chaussures et vêtements de sport, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance et pendant 180 jours ;
ENJOINT aux sociétés P4F et Airness [Localité 4] de communiquer à M. [M] [D] tous documents certifiés et propres à établir le chiffres d'affaires résultant des ventes réalisées par elles en France sous le signe "Airness" et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à exécuter la présente décision courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;
SE RÉSERVE la liquidation des astreintes prononcées ;
CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] à payer à M. [M] [D] la somme provisionnelle de 10.000 euros en réparation des actes de contrefaçon vraisemblable commis ;
DIT n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] aux dépens;
CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] à payer à M. [M] [D] la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Fait à [Localité 4] le 15 décembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER