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15/12/2022 | FRANCE | N°22/56212

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0760, 15 décembre 2022, 22/56212


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 22/56212 - No Portalis 352J-W-B7G-CW5EJ

No : 2/MM

Assignation du :
03 Juin 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 décembre 2022

par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint
au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

Société BLAST PRODUCTION
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Pauline PENNERET, avocat au barreau de PARIS - #E 2014
r>DEFENDERESSE

Société BLAST - LE SOUFFLE DE L'INFO
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Romain WAÏSS-MOREAU de la SELARL LWM,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 22/56212 - No Portalis 352J-W-B7G-CW5EJ

No : 2/MM

Assignation du :
03 Juin 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 décembre 2022

par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint
au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

Société BLAST PRODUCTION
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Pauline PENNERET, avocat au barreau de PARIS - #E 2014

DEFENDERESSE

Société BLAST - LE SOUFFLE DE L'INFO
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Romain WAÏSS-MOREAU de la SELARL LWM, avocats au barreau de PARIS - #C0208

DÉBATS

A l'audience du 15 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l'assignation en référé introductive d'instance, délivrée le 03 juin 2022, et les motifs y énoncés,

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée (ci-après SARL) BLAST PRODUCTION, immatriculée au registre du commerce et des société (RCS) de Paris le 9 décembre 2011, se présente comme ayant pour activité la production, la post-production et la distribution de films, programmes pour la télévision, photographies, le négoce de tous produits audiovisuels et multimédia, l'acquisition, l'exploitation, l'exécution, la diffusion par tout procédé des oeuvres littéraires, dramatiques, musicales, théâtrales, l'exploitation, l'édition musicale pour toutes les réalisations.
La société par actions simplifiée (ci-après SAS) BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, immatriculée au RCS de Paris, se présente comme un organe de presse en ligne diffusant des contenus journalistiques ou ayant vocation à informer le public.
La SARL BLAST PRODUCTION a déposé le 21 août 2015 à l'institut national de la propriété industrielle (INPI) une marque française semi-figurative no4204595 dans les classes 35, 38 et 41 se présentant comme suit :

La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a déposé le 24 novembre 2020 à l'INPI une marque française semi-figurative no4705209 dans les classes 16, 25, 35, 38 et 41 se présentant comme suit :

La SARL BLAST PRODUCTION a formé opposition le 17 février 2021 à l'enregistrement de cette dernière marque que le directeur de l'INPI a reconnu partiellement justifiée par décision du 17 janvier 2022. Cette décision a été contestée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO le 7 février 2022 dont l'instance est pendante devant la cour d'appel de Paris.
Par acte d'huissier du 3 juin 2022, la SARL BLAST PRODUCTION a fait assigner la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à l'audience du 20 septembre 2022 du juge des référés de ce tribunal principalement en retrait et interdiction d'usage de sa marque.
À l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle l'affaire a été renvoyée à la demande des parties, la SARL BLAST PRODUCTION a maintenu oralement ses demandes, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées le 28 octobre 2022.
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO s'est opposée aux demandes, se référant expressément à ses conclusions écrites.
Au terme des débats la décision a été mise en délibéré au 15 décembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL BLAST PRODUCTION a demandé, au visa des articles 8 de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, L.713-1, L.713-2, L.716-4, L.716-4-6 et L.716-4-7, L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, de :
- à titre liminaire, débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Paris dans l'affaire enregistrée sous le RG 22/03147 appelée à statuer sur appel de la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO et appel incident de la société BLAST PRODUCTION à l'audience du 23 février 2023,
- à titre principal,
etgt; la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes
etgt; ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder au retrait de sa marque pour les services suivants : « Publicité, publicité notamment par le moyen de publi-rédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente et/ou la location de présentoirs, écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques ; diffusion d'annonces publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; publication de textes publicitaires ; préparation, production et présentation de productions audiovisuelles à des fins publicitaires ; courrier publicitaire ; couplage publicitaire ; publipostage ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; conseils en stratégie commerciale, conseils en communication [publicité]; services dans le domaine de l'identité d'entreprise ; promotion des ventes pour des tiers ; services liés à une activité de promotion commerciale sous toutes ses formes à savoir services de recommandation, de parrainage, de mécénat, d'opérations de partenariat commercial et campagnes d'informations promotionnelles ; organisation d'expositions à but commercial ou publicitaire ; exploitation de banques de données et bases de données commerciales, administratives ou publicitaires ; émissions télévisées ; services de transmission d'informations destinées à l'information du public par tout vecteur de télécommunications ; transmission, diffusion et téléchargement de textes, d'articles de presse, de photographies, de dépêches, d'images, de messages, de données, de sons, de musique, d'informations par terminaux d'ordinateurs, par réseau Internet, par téléphones portables et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications ; services d'enregistrement et de traitement de sons et de supports multimédia (studios d'enregistrement) ; production, montage diffusion et publication de programmes radiophoniques et/ou télévisés, de programmes audiovisuels », sous astreinte de mille euros (1000 €) par infraction constatée, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
etgt; interdire à la société BLAST LE SOUFFLE DE l'INFO l'usage des dénominations « BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO » et « BLAST » à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de mille euros (1000 €) par infraction constatée, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
etgt; ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à ses frais à la suppression de la page Facebook « Blast, le souffle de l'info », sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
etgt; ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à la suppression de la page Instagram @Blastofficiel à compter de l'expiration d'un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
etgt; condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO à verser à la société BLAST PRODUCTION la somme de trente mille euros (30 000 €), sauf à parfaire, à titre de provision de réparation du préjudice subi,
etgt; déclarer la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO irrecevable en sa demande reconventionnelle en déchéance, dire qu'il n'y a pas lieu à référé et l'inviter à mieux se pourvoir au fond,
- à titre subsidiaire, débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande reconventionnelle de déchéance partielle de la marque no4204595 pour les activités de : publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; télécommunications ; émissions télévisées ; émissions radiophoniques ; divertissement; production de films cinématographiques ; location de films cinématographiques ; montage de bandes vidéo,
- en toutes hypothèses,
etgt; débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO pour sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
etgt; condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO à verser à la société BLAST PRODUCTION la somme de six mille euros (6000 €), au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
etgt; se réserver la liquidation de l'astreinte,
etgt; condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier engagés.
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a conclu, au visa des articles L.713-3, L.714-5, L.714-5, L.716-4, L.716-5, L.716-6 du code de la propriété intellectuelle, 9 du code de procédure civile et 1240 du code civil, à :
- à titre principal, surseoir a statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire enregistrée sous le RG 22/03147 appelée à statuer sur appel de la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO et appel incident de la société BLATS PRODUCTION a l'audience du 23 février 2023,
- à titre subsidiaire,
etgt; débouter la société BLAST PRODUCTION de toutes ses demandes, fins, conclusions aux termes de l'assignation du 3 juin 2022 au titre de la contrefaçon de la marque no4204595,
etgt; débouter la société BLAST PRODUCTION de toutes ses demandes, fins, conclusions aux termes de l'assignation du 3 juin 2022 au titre de la concurrence déloyale,

- à titre reconventionnel,
etgt; prononcer provisoirement la déchéance partielle de la marque no4204595 pour les activités Publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de publicitaire sur tout moyen de communication ; Télécommunications ; émissions radiophoniques ou te le vise es ; services de te le confe rences ou de visioconférences ; Formation, divertissement, location de films cinématographiques, à compter du 22 août 2020,
etgt; condamner la société BLAST PRODUCTION au paiement de la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le sursis à statuer
Moyens des parties
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO conclut reconventionnellement au prononcé d'un sursis à statuer impératif dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris devant juger de la validité de la décision du directeur de l'INPI qui a enregistré sa marque en imposant des restrictions sur les classes 35 et 38 qu'elle conteste, dans la mesure où la demanderesse fonde ses prétentions sur cette même marque. Elle ajoute que ce sursis à statuer relève également d'une bonne administration de la justice dès lors qu'il existe un risque de contradiction entre les décisions à intervenir.

La SARL BLAST PRODUCTION s'oppose à cette demande, estimant que la présente décision à intervenir ne relève en rien de la compétence exclusive d'une autre juridiction et revêt un caractère provisoire permettant à la juridiction de statuer sans attendre l'arrêt de la cour d'appel de Paris.
Appréciation du juge des référés
Selon l'article 49 alinéa 1 du code de procédure civile, « toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ».
L'article 378 du code de procédure civile prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. »
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer (voir en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 11 juin 1991, no89-15.216).
En l'espèce, il est constant que la cour d'appel de Paris est saisie d'un recours contre la décision du directeur de l'INPI du 17 janvier 2022 ayant partiellement accueilli l'opposition formée par la SARL BLAST PRODUCTION contre la demande d'enregistrement de la marque semi-figurative déposée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO.

Si cette juridiction est, de ce fait, saisie de l'interprétation des activités qui seraient communes aux deux sociétés au regard du libellé de chaque marque, elle n'est, toutefois, pas saisie des prétentions et moyens visant la contrefaçon alléguée, en sorte que sa compétence à l'égard de cette interprétation n'est pas exclusive.
Par ailleurs, la circonstance que les mesures réclamées par la SARL BLAST PRODUCTION soient par nature provisoire dans la mesure où les décisions du juge des référés ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée au principal s'opposent au prononcé d'un sursis à statuer.
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande reconventionnelle au titre de la déchéance provisoire partielle de la marque
Moyens des parties
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO invoque la déchéance partielle de la marque déposée par la demanderesse pour les activités de publicité, publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, également de télécommunications, émissions radiophoniques ou télévisées et services de téléconférences ou de visioconférences, en ce que ces activités doivent être circonscrites à la réalisation ou la production de films publicitaires ou destinés aux diffuseurs. Elle ajoute que la marque de la demanderesse encourt la déchéance provisoire pour les activités de formation, divertissement et locations de films cinématographiques, dans la mesure où elle n'en justifie aucun usage sérieux dans les cinq ans précédant l'enregistrement de sa propre marque le 22 août 2020.
La SARL BLAST PRODUCTION objecte qu'elle verse des preuves d'usage pendant la période pertinente sur le territoire français et pour les services visés, lesquelles ont d'ailleurs été reconnues par le directeur de l'INPI.
Appréciation du juge des référés
Selon l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, « encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'État.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation. »

En application de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »
Une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (CJCE 11 mars 2003 C-40/01 Ansul §43).
La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE 19 juin 2012 C-307/10 Chartered Institute of Patent Attorneys v Registrar of Trade Marks §64) que la directive 2008/95 exige que les produits ou les services pour lesquels la protection par la marque est demandée soient identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l'étendue de la protection demandée ; cette directive doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à l'utilisation des indications générales des intitulés de classes de la classification de [Localité 5] afin d'identifier les produits et les services pour lesquels la protection par la marque est demandée pour autant qu'une telle identification soit suffisamment claire et précise et le demandeur d'une marque nationale qui utilise toutes les indications générales de l'intitulé d'une classe particulière de la classification de [Localité 5] pour identifier les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque est demandée doit préciser si sa demande vise l'ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe ou seulement certains de ces produits ou services. Au cas où la demande porterait uniquement sur certains desdits produits ou services, le demandeur est obligé de préciser quels produits ou services relevant de ladite classe sont visés.
Le caractère vraisemblable de l'atteinte alléguée dépend, pour une part, de l'apparente validité des titres sur lesquels se fonde l'action. Ainsi, s'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur la validité des marques en cause, il demeure de son office d'examiner si les moyens susceptibles d'être soulevés à cet égard devant le juge du fond sont de nature à établir que l'atteinte alléguée par le titulaire de la marque est ou non vraisemblable (en ce sens cour d'appel de Paris, pôle 5 chambre 1, 8 juin 2022, RG no21/13053).
S'agissant de la validité apparente de la marque de la SARL BLAST PRODUCTION, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO ne conteste pas qu'une protection de la marque semi-figurative « blast production » a été octroyée par l'INPI et publiée le 11 septembre 2015 sous le numéro 4204595 en classes 35, 38 et 41 (pièce no3 de la SARL BLAST PRODUCTION).
Pour justifier d'un usage sérieux de sa marque la SARL BLAST PRODUCTION s'appuie, au titre de sa revendication relative à la publicité et la publicité en ligne de la classe 35, sur neuf factures et trois devis établis entre le 30 mai 2016 et le 2 avril 2019, dont elle démontre également que plusieurs de ses réalisations ont été diffusées sur internet et sont accessibles depuis la France (ses pièces no0A et les liens internet pages 72 et 73 de ses conclusions).
La publicité est définie comme « toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations » (directive 84/450/CEE du 10 septembre 1984, article 2). Les activités facturées par la SARL BLAST PRODUCTION en ressortissent dans la mesure où, d'une part, elle participe à la réalisation de films publicitaires pour des marques tierces, d'autre part, son nom est également cité, généralement en fin de film, lui assurant ainsi sa propre promotion vis-à-vis de clients potentiels et, plus globalement, du public.
Ses activités de conseils en communication et en publicité ne sont pas contestées par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO.
Á l'inverse, la SARL BLAST PRODUCTION ne produit aucune pièce au soutien de l'activité de location de temps publicitaire, critiquée par la défenderesse.

La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services de publicité, publicité en ligne et conseils en communication et publicité en classe 35.
Au titre de ses activités de télécommunications, d'émissions radiophoniques et d'émissions télévisées en classe 38, la SARL BLAST PRODUCTION produit divers pièces et liens internet portant sur des publications d'articles sur internet et des dossiers de films documentaires, entre le juillet 2016 et le 26 mars 2020 (ses pièces no0B à 0H et les liens internet de ses conclusions page 75).
Nonobstant les critiques de la SAS BLAST –LE SOUFFLE DE L'INFO s'agissant du contenu de la classe 38, celle-ci comprend les émissions télévisées ou radiophoniques, en tant que contenu audiovisuel.
Ces pièces établissent suffisamment le caractère sérieux des activités de la demanderesse relativement aux services d'émissions télévisées qu'elle revendique, agissant notamment de documentaires.
En revanche, ces mêmes pièces ne démontrent pas l'existence d'activités de télécommunication, non plus que celles d'émissions radiophoniques, de te le confe rences ou de visioconfe rences opérées par elle.
La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services d'émissions télévisées en classe 38.
Au titre de ses activités de formation, divertissement, location de films cinématographiques en classe 41, la SARL BLAST PRODUCTION se réfère à ces pièces produites au soutien de ses preuves d'activité en classe 38, outre la production de films cinématographiques et de clips vidéo (ses pièces no0K), l'ensemble entre le 5 juillet 2016 et le 11 juin 2021.
Toutefois, la SARL BLAST PRODUCTION ne démontre pas le caractère sérieux de son activité pour les services de divertissement, le caractère hypothétique du projet d'émission de divertissement invoqué ne permettant pas de le considérer comme tel (sa pièce no0E et le lien internet de ses conclusions page 76).
Par ailleurs, elle ne produit aucune pièce relative aux services de formation et location de films cinématographiques, critiqués par la défenderesse.
La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services de production de films cinématographiques, comprenant les documentaires, et de montage de bandes vidéo en classe 41.
Il résulte de l'ensemble que la SARL BLAST PRODUCTION ne démontre pas qu'elle a effectivement exercé des activités pour les services visés dans les classes 35, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, 38, services de télécommunications, de te le confe rences ou de visioconfe rences, émissions radiophoniques, et 41, formation, divertissement et location de films cinématographiques.
Dès lors, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO oppose des contestations sérieuses de nature à écarter que l'atteinte alléguée par la SARL BLAST PRODUCTION soit vraisemblable dans les services susvisés, sans qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner la déchéance d'une marque, fût-ce à titre provisoire.
En revanche, compte tenu des preuves d'usage sérieux produites par la SARL BLAST PRODUCTION dans les services restant des classes 35, 38 et 41, la vraisemblance de l'atteinte à sa marque doit être analysée.
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sera, en conséquence, déboutée de sa demande de déchéance provisoire.
Sur la vraisemblance des atteintes à la marque antérieure
Moyens des parties
La SARL BLAST PRODUCTION fait grief à la défenderesse d'avoir déposé et d'exploiter une marque générant un risque de confusion pour le consommateur avec sa propre marque antérieure, en raison de l'identité et de la similarité d'une partie des services en présence et de la similitude des signes.
LA SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO conteste tant la similitude des signes enregistrés que la similarité des produits et services pour lesquels ils sont employés et en déduit l'absence de confusion possible des signes distinctifs dans l'esprit du public.
Appréciation du juge des référés
L'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.
Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L.713-4.
En application de l'article L.716-4-6 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. »
Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l'espèce, notamment de l'interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés.
Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, C-39/97).

Cette notion de similitude doit, de façon générale, être interprétée à la lumière du risque de confusion, qui est la condition spécifique de la protection. Il est, ainsi, nécessaire, même dans l'hypothèse où existe une identité avec une marque dont le caractère distinctif est particulièrement fort, d'apporter la preuve de la présence d'une similitude entre les produits ou les services désignés (CJCE, 7 mai 2009, Waterford Wedgwood, C-398/07, point 34).
L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P).
En l'espèce, il est constant que le signe « Blast le souffle de l'info » est utilisé par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO dans la vie des affaires.
Le consommateur moyen se définit, en l'occurrence, comme le consommateur d'articles et de vidéos d'information et de divertissement sur internet. Son degré d'attention est, de ce fait, faible.
S'agissant des services proposés, il ressort de l'extrait de la base des marques enregistrées à l'INPI que celle déposée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO vise, au 29 avril 2022, après la décision du directeur de l'INPI du 17 janvier 2022 ayant partiellement accueilli l'opposition de la demanderesse les produits et services suivants : en classe 16 les produits de l'imprimerie, imprimés, journaux et périodiques, magazines, revues, livres, prospectus, brochures, photographies, dessins, en classe 25 vêtements, en classe 35 informations statistiques, abonnements à tous supports d'informations, de textes, de sons et d'images, et notamment abonnements à des journaux, revues et publications électroniques disponibles et consultables par et sur internet, sondages d'opinion, en classe 38 agence de presse, agence d'information (nouvelles), émissions radiophoniques, services de communication au public par voie électronique, fourniture de forums de discussion sur internet et de messagerie instantanée, et en classe 41 les services d'édition et publication de revues, de journaux, de livres, de périodiques à usage interactif ou non, de micro-édition, de photographie (reportages), d'organisation de spectacles, de soirées et d'opérations événementielles à buts éducatifs ou de divertissement (pièce no5 de la SARL BLAST PRODUCTION).

La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a, par ailleurs, indiqué renoncer à exploiter l'activité de production audiovisuelle visée en classe 41 (ses conclusions page 19).
La SARL BLAST PRODUCTION produit deux constats d'huissier du 25 avril 2022 (sa pièce no6) desquels il résulte que la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO édite un site internet à l'adresse « www.blastinfo.fr » sur lequel elle diffuse des photographies, des articles et des vidéos d'information ou de divertissement, fait la promotion de livres (constat C10526 1/2 page 16) et diffuse des vidéos d'information ou de divertissement via le site « www.youtube.com », ou via les réseaux sociaux numériques Facebook, Instagram et Twitter. Il en ressort également que plusieurs pages du site internet « www.blastinfo.fr » et plusieurs vidéos diffusées sur le site « www.youtube.com » mentionnent le signe « blast » de manière figurative ou verbale, sans le complément « le souffle de l'info ».
À l'inverse, aucune des pièces produites ne démontre que la défenderesse exercerait des activités dans les services suivants : publicité, publicité notamment par le moyen de publi-rédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente ou la location de présentoirs, écriteaux et supports promotionnels imprimés ou électroniques ; diffusion d'annonces publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; publication de textes publicitaires ; préparation, production et présentation de productions audiovisuelles à des fins publicitaires ; courrier publicitaire ; couplage publicitaire ; publipostage ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; conseils en stratégie commerciale, conseils en communication [publicité] ; services dans le domaine de l'identité d'entreprise ; organisation d'expositions à but commercial ou publicitaire ; exploitation de banques de données et bases de données commerciales, administratives ou publicitaires ; services d'enregistrement et de traitement de sons et de supports multimédia (studios d'enregistrement) ; production, montage diffusion et publication de programmes radiophoniques.
De même, la SARL BLAST PRODUCTION ne saurait valablement opposer à la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO les services de transmission d'informations destinées à l'information du public par tout vecteur de télécommunications ou de transmission, diffusion et téléchargement de musique, dans lesquels elle n'exerce pas.
En effet, les pièces produites par la demanderesse au soutien de ses preuves d'activité dans les services critiqués par la défenderesse (ses pièces 0A à 0M) établissent qu'elle exerce la réalisation de films publicitaires, la production de films cinématographiques et de clips vidéo et qu'elle a produit ou réalisé des publications d'articles sur internet pour des tiers, des émissions télévisées et des films documentaires, la plupart étant destiné à une diffusion en français, en France ou accessibles depuis la France.
Ainsi, les services proposés par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sont similaires à ceux de la SARL BLAST PRODUCTION pour les services suivants : promotion des ventes pour des tiers, services liés à une activité de promotion commerciale sous toutes ses formes ou services de recommandation, de parrainage, de mécénat, d'opérations de partenariat commercial et campagnes d'informations promotionnelles émissions télévisées, de transmission, diffusion et téléchargement de textes, d'articles de presse, de photographies, de dépêches, d'images, de messages, de données, de sons, d'informations par terminaux d'ordinateurs, par réseau Internet, par téléphones portables et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications.
Les pièces produites établissent que la SARL BLAST PRODUCTION s'adresse à des clients professionnels, tandis que la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO s'adresse au grand public. Néanmoins, leurs activités sont complémentaires, voire en concurrence directe pour certains services comme les émissions télévisées, les articles de presse ou les films documentaires, ces services étant proposés sur internet par les deux sociétés.
S'agissant de l'appréciation de la similitude des signes, sur le plan visuel, la marque semi-figurative « Blast production » de la demanderesse propose, se lisant de gauche à droite dans les pays européens, une attaque par le mot « blast », absent de la langue française, donc fortement distinctif. Cette distinctivité est soulignée par l'usage de capitales s'amenuisant de gauche à droite pour le seul mot « blast », tandis que le mot « production » orne, dans une taille de police plus petite, le coin supérieur droit du ‘'T'' de « blast » suivant la ligne d'un quart de cercle qu'il surmonte. L'ensemble du signe est surligné d'un trait noir épais orienté en hauteur, marquant ainsi une montée, laquelle suit l'amenuisement de la taille de la police des lettres du mot « blast », dont la ligne supérieure est rectiligne. L'ensemble du signe est en noir sur fond blanc.
La marque semi-figurative « blast le souffle de l'info » de la défenderesse propose une attaque par le même mot « blast », ce dernier inscrit en lettres minuscules blanches sur fond noir, les mots « le souffle de l'info » en minuscules bleues sur fond blanc s'inscrivant dans la même police, mais dans une taille plus petite entre les lettres ‘'l'' et ‘'t'' du mot « blast », l'ensemble en italique. Le fond noir du signe qui en occupe la majeure partie est rectiligne dans sa ligne basse et celle de droite, tandis que les bordures gauche et supérieure sont irrégulières, évoquant un papier déchiré.
Les caractéristiques visuelles sont donc moyennement similaires compte tenu de l'importance que revêt le mot « blast » dans les deux signes, malgré leurs différences.
Sur le plan phonétique le mot « blast » est fortement distinctif dans les deux signes, d'une part en ce qu'il n'appartient pas à la langue française, d'autre part, dans sa prononciation comme dans le fait qu'il soit situé en attaque du signe. Le signe « blast le souffle de l'info » se distingue, toutefois, du signe « blast production » par la présence de trois syllabes supplémentaires.
Les caractéristiques phonétiques apparaissent fortement similaires eu égard à l'importance du mot « blast » dans les deux signes.
Sur la plan conceptuel, le terme « blast » emprunté à l'anglais, renvoie au concept d'explosion que souligne le slogan « le souffle de l'info », renvoyant pour sa part à l'activité principale de la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, de même que le mot « production » pour la SARL BLAST PRODUCTION.
Si les activités auxquelles renvoient les éléments différents des deux signes sont bien distinctes, l'usage du même mot « blast » renvoie à un concept fortement similaire.
Compte tenu de l'importance du signe « blast », comportant une distinctivité forte au sein des signes comparés et de son positionnement en accroche des signes comparés, le consommateur attachant normalement plus d'importance à la partie initiale des mots (voir en ce sens Tribunal de l'Union européenne, 17 mars 2004, El Corte Inglès c OHMI, §81), leur similarité est forte.
Il résulte de l'ensemble que le consommateur moyen, tel que précédemment défini, est confronté à un risque de confusion entre les marques des deux sociétés.
En conséquence, la SARL BLAST PRODUCTION est partiellement bien fondée à opposer à la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO le caractère vraisemblable de l'atteinte portée à ses droits.
Sur la demande au titre de la concurrence déloyale
Moyens des parties
La SARL BLAST PRODUCTION considère que la défenderesse a commis des actes de concurrence déloyale consistant dans l'usage du signe « blast » accompagnant sa présentation et ses communications, en fraude de ses droits antérieurs sur sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine.
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO rétorque que la demanderesse ne démontre aucun préjudice, non plus qu'aucun lien de causalité avec une faute éventuelle, compte tenu de l'absence de confusion entre les deux sociétés.
Appréciation du juge des référés
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.
La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.
À cet égard, la SARL BLAST PRODUCTION n'invoque que l'usage du signe « blast » sur internet et les réseaux sociaux par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO.
Ainsi, elle ne caractérise aucun fait distinct de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon.
Sa demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée.
Sur les mesures provisoires sollicitées
Moyens des parties
La SARL BLAST PRODUCTION réclame l'indemnisation de ses préjudices tirés de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, outre des mesures d'interdiction et de retrait provisoire de la marque de la défenderesse compte tenu de la confusion entre les marques subies par de nombreux clients.
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO se réfère à la liberté d'opinion considérant que les demandes d'interdiction et de retrait de sa marque n'ont pour motif que ses prises de position politiques. Elle ajoute qu'aucun préjudice n'est établi.
Appréciation du juge des référés
En application de l'article L.716-4-6 alinéa 2 à 4 du code de la propriété intellectuelle, « la juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »
Au soutien de la preuve des préjudices subis, la SARL BLAST PRODUCTION produit un échange de messages téléphoniques (SMS) du 5 février 2021, dont l'authenticité n'est pas contestée, mentionnant que Madame [I] [G], a confondu la demanderesse avec la défenderesse à l'occasion d'un festival de films cinématographiques et un courriel adressé le 29 janvier 2021 à Monsieur [O] [P], dont le lien avec la demanderesse n'est pas contesté, lui transmettant une annonce de la création de la défenderesse avec ce commentaire : « il me semble que cela ressemble fortement au nom de ta société » (sa pièce no12).
Il en résulte que la SARL BLAST PRODUCTION est bien fondée à solliciter une indemnité provisionnelle au titre du préjudice non sérieusement contestable, mais partiel, tiré de la contrefaçon de sa marque semi-figurative no4204595 qui sera, en conséquence, fixée à 2000 € à titre provisionnel.
La contrefaçon vraisemblable de cette marque justifie également une mesure d'interdiction du signe « blast » par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO pour les services similaires à ceux de la demanderesse, ainsi qu'une suppression de ce signe de l'adresse des réseaux sociaux Facebook et Instagram qu'elle exploite, dans les trois mois suivant la décision et sous astreinte ensuite, dans les termes du dispositif.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, partie perdante, sera condamnée aux dépens, par application des articles 491 et 696 du code de procédure civile.
Elle sera, également, condamnée à payer 4000 € à la SARL BLAST PRODUCTION au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire en premier ressort,
REJETTE la demande de sursis à statuer de la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO ;
ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder au retrait de sa marque pour les services suivants : en classe 35, publicité, publicité en ligne et conseils en communication et publicité, en classe 38, émissions télévisées, en classe 41, production de films cinématographiques, y compris les documentaires, et montage de bandes vidéo, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;
FAIT INTERDICTION à la société BLAST LE SOUFFLE DE l'INFO d'user du signe « blast » à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;
ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à ses frais à la suppression du signe « blast » de la page Facebook « Blast, le souffle de l'info », dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;

ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à la suppression du signe « blast » de la page Instagram @Blastofficiel, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;
CONDAMNE, à titre provisionnel, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à payer deux mille euros (2000 €) à la SARL BLAST PRODUCTION, au titre du préjudice non sérieusement contestable tiré de la contrefaçon vraisemblable de sa marque française semi-figurative no4204596 ;
DÉBOUTE la SARL BLAST PRODUCTION du surplus de ses demandes ;
DÉBOUTE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande reconventionnelle en prononcé de la déchéance provisoire partielle de la marque française semi-figurative no4204596 ;
CONDAMNE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO aux dépens ;
CONDAMNE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à payer quatre mille euros (4000 €) à la SARL BLAST PRODUCTION en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Fait à Paris le 15 décembre 2022
Le Greffier, Le Président,

Minas MAKRIS Jean-Christophe GAYET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0760
Numéro d'arrêt : 22/56212
Date de la décision : 15/12/2022

Analyses

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Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2022-12-15;22.56212 ?
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