La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2022 | FRANCE | N°20/12295

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0087, 01 décembre 2022, 20/12295


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 20/12295
No Portalis 352J-W-B7E-CTKZO

No MINUTE :

Assignation du :
20 novembre 2020

JUGEMENT
rendu le 01 décembre 2022
DEMANDERESSE

Société VLISCO NETHERLANDS B.V.
[Adresse 4]
[Localité 2] (PAYS-BAS)

représentée par Me Sophie MICALLEF de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0512

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. BATEX
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Yves CLAISSE de la SELARL CLAISSE

et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0500 et Me François-Xavier LANGLAIS de l'AARPI QUANTIC AVOCATS, avocat au barrea...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 20/12295
No Portalis 352J-W-B7E-CTKZO

No MINUTE :

Assignation du :
20 novembre 2020

JUGEMENT
rendu le 01 décembre 2022
DEMANDERESSE

Société VLISCO NETHERLANDS B.V.
[Adresse 4]
[Localité 2] (PAYS-BAS)

représentée par Me Sophie MICALLEF de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0512

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. BATEX
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Yves CLAISSE de la SELARL CLAISSE et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0500 et Me François-Xavier LANGLAIS de l'AARPI QUANTIC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l'audience du 06 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 03 novembre 2022.
Le délibéré a été prorogé au 17 novembre 2022 puis au 1er décembre 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Exposé du litige

1. La société de droit néerlandais Vlisco Netherlands BV (ci-après Vlisco) est spécialisée dans la création et la confection de tissus dits " Wax", qui se caractérisent par des motifs colorés et graphiques, répétés à l'identique sur l'ensemble d'un tissu selon une technique dérivée du batik indonésien, sur lesquels elle revendique des droits d'auteur. Elle commercialise ces tissus, notamment en ligne, sur le site Internet à l'adresse etlt;www.vlisco.cometgt;.

2. Ayant constaté que les sociétés Giltex, Queen Lola et les Coupons de [Localité 3], proposaient à la vente des tissus reproduisant, selon elle, plusieurs de ses créations, la société Vlisco a fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon le 20 octobre 2020 qui ont permis de révéler l'identité d'un fournisseur commun à ces sociétés, à savoir la société de droit français Batex, spécialisée dans le commerce de gros, notamment de tissus wax d'origine chinoise.

3. Par actes d'huissier du 20 novembre 2020, la société Vlisco a fait assigner ces quatre sociétés en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale.

4. Ces parties étant parvenues à un accord amiable, la société Vlisco s'est désistée de ses demandes dirigées contre les sociétés Les coupons de [Localité 3] et Queen Lola le 23 mars 2021, et contre la société Giltex le 28 septembre 2021.

5. Par une ordonnance du 8 juin 2021, le juge de la mise en état a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de titularité de la société Vlisco sur les tissus litigieux, soulevée par la société Batex.

6. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 04 février 2022, la société Vlisco demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 112-1, L. 113-5, L. 122-4, L. 331-1-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 10 bis de la Convention d'Union de Paris et 1240 du code civil, de :

A titre principal :

? Déclarer la société Batex coupable d'actes de contrefaçon de droit d'auteur à son encontre et à lui payer en conséquence 866.700 euros, ou à tout le moins 577.800 euros au titre des conséquences économiques négatives engendrées par la contrefaçon (à parfaire), 65.000 euros en réparation de son préjudice moral
? Déclarer la société Batex coupable d'actes de concurrence déloyaleet à lui payer en conséquence 470.000 euros au titre du préjudice économique subi (à parfaire) et 235.000 euros en réparation du préjudice moral engendré par ces actes (à parfaire);

A titre subsidiaire :
? Condamner la société Batex au titre des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société Vlisco, à lui payer 866.700 euros, ou à tout le moins 577.800 euros au titre du préjudice économique subi (à parfaire), et 65.000 euros chacune en réparation de son préjudice moral ;

En tout état de cause :
? Ordonner la communication des noms et adresses des producteurs, distributeurs, fournisseurs et tous autres détenteurs des produits incriminés au titre de la contrefaçon ou de la concurrence déloyale, mais aussi des grossistes, détaillants et clients, des quantité exactes de produits vendus, fournis, reçus ou commandés, à quel prix d'achat et de vente, ainsi que tout document justificatifs et/ou certifiée par un expert comptable, le tout sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours ;
? Interdire la poursuite des actes de contrefaçon, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;
? Ordonner le rappel des produits contrefaisant sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;
? Ordonner la publication à la charge des défenderesses du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues au choix de la société Vlisco pour un coût fixé à 4.500HT euros ;
? Se réserver la liquidation de l'astreinte ;
? Rejeter la demande de condamnation de la société Vlisco en dommage et intérêts ;
? Condamner les défenderesses à lui verser 70.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.

7. Dans ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 10 janvier 2022, la société Batex demande au tribunal, au visa des articles 6 et 700 du code de procédure civile, L. 111-1, L. 121-1 et suivants, L. 113-5, L. 122-4 , L.3316162 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1240 et suivants du code civil, de :

A titre principal :
? Rejeter la revendication de droit d'auteur formulée par la demanderesse sur les dessins en cause et la débouter en conséquence de ses demandes sur ce fondement ;
? Rejeter toute qualification de concurrence déloyale en l'absence de preuve et en conséquence l'ensemble des demandes formulées sur ce fondement ;
A titre subsidiaire :
? Rejeter toute qualification de contrefaçon et en conséquence l'ensemble des demandes formulées sur ce fondement ;

A titre infiniment subsidiaire :
? Déclarer les demandes de documents formulées par la demanderesse injustifiées et disproportionnées et les rejeter ;
? Déclarer que la société Vlisco n'a subi aucun préjufice au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ;
? Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par la demanderesse.

En tout état de cause :
? Condamner la demanderesse à lui verser 40.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.

8. L'instruction a été close par une ordonnance du 10 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 06 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'imputabilité des faits à la société Batex

Moyens des parties :

9. La société Vlisco soutient que la société Batex a fourni à plusieurs autres sociétés des tissus reproduisant les motifs sur lesquels elle revendique des droits d'auteur, ce à quoi la société Batex réplique qu'aucun lien n'est établi entre elle-même et les tissus litigieux et qu'il ne peut lui être demandé d'apporter la preuve d'un fait négatif.

Appréciation du tribunal :

10. Selon l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, "Tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. A cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des oeuvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s'y rapportant.Par principe, la contrefaçon et la concurrence déloyale sont des faits juridiques, qui par conséquent peuvent être prouvés par tout moyens. (...)"

11. En l'occurrence, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 20 octobre 2020 (pièce Vlisco no15.06), le gérant de la société Giltex a répondu en ces termes aux questions de l'huissier : "aucun produit ne fait l'objet d'une référence précise permettant de la distinguer sur les documents comptables et l'achat de ce type de tissus s'effectue systématiquement en grosse quantité, par lot de coupe sans détail". Il a remis à l'huissier une facture de la société Batex, datant de janvier 2020, et à la société Vlisco l'ensemble des factures émises par la société Batex entre janvier 2019 et octobre 2020. Un rapport d'investigation privée avait établi l'offre en vente des tissus objets du litige reproduisant les caractéristiques des tissus de la société demanderesse par la société Giltex, ce que son gérant a reconnu dans le cadre du protocole d'accord transactionnel conclu avec la société Vlisco.

12. De même, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 20 octobre 2020 au sein de la boutique de la société Queen Lola à l'enseigne Manitex (pièce Vlisco no16.6), le gérant de cette société a fourni une facture de la société Batex, datée de janvier 2020, portant sur une commande de tissus "hitarget wax", et a répondu à l'huissier que "chaque achat s'effectue en grande quantité, par lot de 2 à 5 dessins identiques maximum" et que son unique fournisseur de tissu "wax" est la société Batex. L'expert comptable de cette société a confirmé par une attestation que la société Batex était l'unique fournisseur de produits "wax" de la société Queen Lola / Manitex. Cette société a en outre remis à la société Vlisco les 49 factures émanant de cette société. Un constat réalisé en février 2020 (pièce Vlisco no16.3) par un huissier avait également établi que des tissus reproduisant les motifs sur lesquels la société Vlisco invoque un droit d'auteur ont été exposés en vitrine de l'établissement de la société Queen Lola à l'enseigne Manitex, ce que le gérant de cette société a admis dans le cadre du protocole d'accord transactionnel conclu avec la société Vlisco.

13. Lors de la saisie réalisée le 20 octobre 2020 au siège de la société Les Coupons de [Localité 3], son gérant a reconnu la commercialisation de 6 références reproduisant les caractéristiques des tissus sur lesquels la société Vlisco revendique des droits d'auteur. Il a indiqué que son unique fournisseur de tissus "wax" était la société Batex et a remis à la société Vlisco les factures émanant de cette société entre novembre 2017 et février 2020.

14. Il en résulte que la société Vlisco établit que les sociétés Les Coupons de [Localité 3], Queen Lola / Manitex et Giltex ont commercialisé différents textiles reproduisant les caractéristiques de ses produits, et que ces produits textiles leur ont été fournis par la société Batex, laquelle apparait particulièrement mal fondée à se retrancher derrière l'imprécision de ses propres factures pour conclure à l'absence de lien établi entre elle-même et les références arguées de contrefaçon, alors même qu'elle a l'obligation légale d'établir des factures mentionnant la quantité et la dénomination précise de chaque produit vendu (article L. 444-9 du code de commerce) ce qu'elle n'a pas fait ici.

2) Sur l'originalité

Moyens des parties :

15. Pour chaque motif, la société Vlisco fourni une référence, l'identité du créateur, une date certaine, et les caractéristiques de l'oeuvre.

16. La société Batex fait quant à elle valoir que la demanderesse se contente de décrire les caractéristiques des oeuvres revendiquées, sans démontrer en quoi elles seraient originales, tandis que les motifs revendiqués constitue selon elle une reproduction de dessins préexistants appartenant à un fond commun des tissus de ce type.

Appréciation du tribunal :

17. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L'article L.112-1 du même code précise que ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable.

18. En l'espèce, le motif 6/8511 (pièce Vlisco no 2.3 et 2.4) est décrit comme se caractérisant par la répétition d'un motif composé de six disques dont les centres sont évidés, placés en cercle, cinq d'entre eux se situant autour d'un disque central, les cinq disques disposés autour du disque central évoquent des roues dentelées incomplètes et sur deux d'entre eux sont attachés des groupes de deux ou trois formes, dont les contours sont ajourés et l'intérieur composé d'une succession de flèches pleines, évoquant d'épais filaments. L'arrière-plan avec un effet craquelé est parcouru de motifs nervurés ou veineux sombres. Il est produit à ce titre, un extrait du site Internet etlt;www.vlisco.cometgt; exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 2.1), une facture de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 8511 (pièce Vlisco no 2.2), ainsi qu'un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 8511 (pièce Vlisco no 5.4).

19. Le motif "le sac de Michelle Obama", référencé A1106, est issu d'un dessin de 2008 (pièce Vlisco no3.4 et 3.5). Il comporte la représentation d'un sac à main dont le haut est ovale et le fond plat, vu de face et de biais et comportant : une face avant, couverte aux deux tiers de sa hauteur d'un motif en quadrillage ou tressage spécifique, distinct du motif composant la bande supérieure du dernier tiers qui reprend le fond du dessin ; deux anses dont la plus visible dispose d'attaches plates en forme de cloche collées sur la face avant (certaines versions ayant des attaches d'une couleur différentes des anses). Les bords des attaches sont longés d'une surpiqûre fine et sombre ; une des attaches comporte un ?illet, lui-même supportant une languette rectangulaire à laquelle est attachée une fleur d'hibiscus, dont la représentation permet de percevoir les cinq pétales de la corolle ouverte dont la base est plus foncée ainsi que le pistil ; une tranche d'épaisseur homogène allant de bord en bord, découpée en trois bandes dans la longueur, la bande du milieu étant sombre. Les sacs comportent une fermeture allant d'une extrémité à l'autre, ils sont positionnés de biais et superposés les uns aux autres de manière à ce que les côtés avec les fermetures forment une ligne verticale. La société Vlisco produit pour ce motif, un extrait du site internet etlt;www.vlisco.cometgt; exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièces Vlisco no3.1 et 3.2) , des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A1106 (pièce Vlisco no3.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V.(pièce Vlisco no 3.4), des publications Instagram du 26 avril 2018 (pièce Vlisco no3.5) et Facebook des 15 mars, 19 et 29 août, 19 octobre 2013, 16 mai 2016, 7 décembre 2017 (pièce Vlisco no3.6) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no3.7).

20. Le dessin "Shoes" créé en 2011, est référencé A1450 (pièce Vlisco no4.1). Il comporte la représentation d'escarpins à talons hauts noirs, vus de l'arrière et dans une orientation en biais, dont on aperçoit la semelle sous la voûte plantaire ornée de stries dégradées, créant un effet d'ombre et dont le contrefort arbore un motif distinct du reste, uni, de la chaussure. L'embout ouvert est orné d'un n?ud plat, un arrière-plan représentant des marches d'escalier, dont les différentes surfaces sont ornées alternativement d'un aplat de couleur ou de motif et de rayures en diagonales. Les escarpins sont disposés par rangées sur les marches de l'escalier, en alternant pour chaque rangée l'orientation vers la gauche ou vers la droite, et l'emplacement des chaussures pour qu'elles soient en alternance en fonction des rangées. Les contreforts présentent des motifs différents, géométriques de cannage ou tressage spécifique, alliant les mêmes couleurs qui rappellent celles de la semelle et du fond du dessin. La société Vlisco communique un extrait du site internet etlt;www.vlisco.cometgt; exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 4.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A1450 (pièce Vlisco no 4.2) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 4.3) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no4.4).

21. Le motif "Santana" porte la référence 14/ 3686 comprend une succession de formes oblongues dont deux côtés longs sont concaves et deux côtés courts convexes ; l'extrémité convexe de chaque forme vient se loger dans la cavité de chaque côté long de la forme mitoyenne ; chaque forme a un mouvement produisant un effet de torsion et la juxtaposition de cette forme en trois orientations distinctes permettantleurparfaite imbrication. Il est produit un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no5.1), un extrait du site Internet etlt;www.vlisco.cometgt; exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 5.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/3686 (pièce Vlisco no 5.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3686 (pièce Vlisco no 5.4), des publications Facebook des 25 janvier 2013, 13 avril 2013, 14 mars 2014, 19 juillet 2014, 3 septembre 2016, 9 octobre 2016 (pièce Vlisco no 5.5) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no5.6).

22. Le motif intitulé "bullets" ou "Z'ongles de Mme Thérèse" porte la référence 14/ 1682 (pièceVlisco no6.3). Il est constitué de la répétition par superposition alternative de deux arcs de cercle composés de figures positionnées verticalement, de forme oblongue évoquant des bandes de cartouches avec une extrémité inférieure en pointe ou des ongles peints, reliés par un trait plein à mi-hauteur, dont la taille augmente progressivement vers le sommet de l'arc. Ces figures sont soit de couleur sombre et traversées d'une ligne verticale en pointillés plus clairs dans le premier arc de cercle, soit d'une couleur plus claire et dotées d'un contour épais et sombre dans le second arc de cercle. Pour établir la commercialisation sous son nom, la société Vlisco communique un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 6.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/1682 (pièce Vlisco no6.2), ainsi qu'un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no6.4).

23. Le dessin dénommé « High-life » élaboré en 1966, créé par Ankersmith, porte la référence 14/69400 (pièce Vlisco no7.4). Il est décliné en différentes couleurs (pièce Vlisco no7.2). Il est constitué de l'empilement de formes ovales de deux couleurs différentes, séparées par deux triangles qui se joignent à leurs sommets par un point, l'ensemble évoquant un n?ud papillon et un plastron, à intervalles réguliers certaines formes ovales présentent en leur centre un rectangle d'une couleur contrastante dans lequel est inscrite la mention HIGH LIFE, des lignes verticales de points de différentes couleurs dans l'axe des sommets des triangles et des petits point de couleurs dans certains ovales. Il est produit un extrait du site Internet www.vlisco.com exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no7.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/69400 (pièce Vlisco no7.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/69400 (pièce Vlisco no7.5) et une publication Instagram du 10 mai 2020 (pièce Vlisco no7.6).

24. Le motif A2156 de 2016, créé en 2016 par T. [D] (pièce Vlisco no 8.3), décliné en différentes couleurs (pièce Vlisco no 8.1), est composé d'une alternance de carreaux comportant deux motifs distincts. Le premier motif consiste ainsi en un fil déroulé de façon irrégulière selon des boucles souples, qui parcourt le carreau dans lequel il est enfermé. L'arrière-plan est composé d'un motif évoquant un maillage très serré. Le second motif représente un empilement de formes rectangulaires ou en équerre en trois dimensions parcourant l'espace du carreau qui le contient et évoquant un labyrinthe. Ces motifs représentent des labyrinthes de formes différentes. La société Vlisco verse au débats, pour ce motif, un extrait du site internet www.vlisco.com exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no8.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A2156 (pièce Vlisco no8.2), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif A2156 (pièce Vlisco no8.3) , des publications Instagram des 12 et 22 août 2017 (pièce Vlisco no8.4) et Facebook des 20 et 24 août 2017 (pièce Vlisco no8.5).

25. Le dessin, référencé A2161 se caractérise par la répétition de motifs évoquant des crochets à tête ronde, en contact les uns avec les autres pour former une arborescence. Leurs contours semblent hérissés de petites pointes et ils sont recouverts de toutes petites écailles. Un motif d'oiseau est également apposé de façon répétée dans les trouées de l'arborescence. Cet oiseau est représenté en vol, de profil, doté d'une longue queue, les ailes déployées, composées de trois des motifs de crochets qui l'entourent, avec un fil sortant du bec et disposé en dessous de son corps, au bout duquel est attachée une pierre taillée dont l'éclat des facettes est représenté par huit traits en halo le long descontours. L'arrière-plan est parcouru de lignes pointillées horizontales. La société Vlisco produit un extrait du site internet etlt;www.vlisco.cometgt; exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no9.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A2161 (pièce Vlisco no9.2) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif A2161 (pièce Vlisco no9.3).

26. Le motif référencé 6/8761, créé en 1984 par W.w Heeswijk (pièce Vlisco no10.3), comporte une représentation stylisée de couronnes de pointes hérissées, assemblées deux par deux par leur socle. Sur un fond noir, le socle de la couronne se compose d'un liseré évoquant un galon formés de triangles noirs et rouges, d'une bande rouge , d'un liseré de motifs de triangles jaunes et noirs et d'un liseré évoquant une ligne de jours échelle. Ces couronnes sont surmontées de longues pointes, une impression de perspective étant rendue par le fait que les sept pointes en premier plan sont en noir plein tandis que les six pointes en arrière-plan sont en stries noires obliques, les rendant moins distinctes et les faisait paraître plus éloignées de l'observateur. L'arrière-plan est parcouru de fin motifs rappelant des nuages ou une mousse savonneuse. La société Vlisco communique pour ce dessin, un extrait du site Internet etlt;www.vlisco.cometgt; exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no10.1), une facture de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 8761 (pièce Vlisco no10.2) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 8761 (pièce Vlisco no10.4).

27. Le dessin portant la référence 14/3739 dénommé « Ampoule électrique » ou « Electric Bulb » créé par A.v.d. Manakker, en 1983 (pièce Vlisco no 11.5), consiste en un motif fantaisiste représentant des ampoules électriques qui sont disposées dans une direction ascendante (au lieu de la direction normale de "suspension") et reliées de manière à ressembler à une plume de paon, décliné en différentes couleurs, l'ampoule étant entourée d'une sorte de contour, dont la couleur varie entre le gris piqueté et le noir. Pour établir la commercialisation de ce dessin, la société Vlisco produit un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 11.1), un extrait du site Internet etlt;www.vlisco.cometgt; qu'elle exploite (pièce Vlisco no 11.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/3739 (pièce Vlisco no11.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3739 (pièce Vlisco no11.8) et des publications sur les réseaux sociaux (Instagram des 6, 7 et 8 août 2018 -pièce Vlisco no11.6 et Facebook des 12 janvier 2014, 1er juin 2015, 9 mai 2015, 9 août 2018-pièce Vlisco no11.7).

28. Le dessin Vlisco dénommé « Feuilles » portant la référence 14/4735 (pièce Vlisco no 12.3), créé par M. [T], en 1995, est constitué de feuilles de platane, dont le limbe est coloré en fonction des séparations créées par les nervures principales de la feuille, chaque feuille comportant deux couleurs, l'une étant présente sur une plus grande partie et l'autre sur une ou deux parties uniquement, les nervures étant représentées dans une autre couleur, et des taches noires ou de couleur étant apposées dans le prolongement de certaines nervures. Il est décliné en plusieurs couleurs . La société Vlisco verse aux débats, un extrait de la boutique en ligne www.shop.vlisco.com exploitée par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no12.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du dessin « Feuilles » référencé 14/4735 (pièce Vlisco no12.3) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3739 (pièce Vlisco no12.3).

29. Le motif "Bague", référencé A2257, conçu en 2016, consiste en un dessin se caractérisant par la répétition, selon des orientations variées, de la représentation stylisée d'une bague en trois dimensions consistant en un anneau surmonté d'un disque comprenant une série de cercles, servant de base au montage d'une pierre taillée sertie par six griffes rondes. Deux pierres sont également incrustées dans l'anneau, de part et d'autre du montage de la pierre. Les trois pierres, qui évoquent des diamants, sont d'une couleur contrastant avec le reste de l'objet et leur facettes semblent refléter la lumière en éclats brillants. Des étoiles à huit branches, quatre courtes et quatre longues, et au c?ur rond et plein, parsèment le dessin, de différentes tailles, elles ajoutent à l'impression de scintillement. Il est produit pour ce motif, un extrait de la boutique en ligne etlt;www.shop.vlisco.cometgt; exploitée par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 13.1), un extrait du site internet etlt;www.vlisco.cometgt; exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no13.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du dessin référencé A2257 (pièce Vlisco no13.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no13.6) et des publications Instagram des 15 novembre et 4 décembre 2017 (pièce Vlisco no13.4) et Facebook des 15 novembre et 4 décembre 2017 et du 4 janvier 2018 (pièce Vlisco no13.5).

30. Le motif, référencé 14/1474, a été réalisé en 1960 (pièce Vlisco no 14.6). Il comporte la répétition de trois ensembles superposés de motifs linéaires évoquant des arabesques et des volutes qui se recroquevillent pour former une arborescence, ces dernières ayant un contour d'une couleur qui se détache du fond. Le premier ensemble comprend deux lignes d'arabesques et volutes horizontales présentant, toutes les huit volutes pour la ligne du haut un bouquet à cinq volutes tournées vers le bas qui s'insèrent toutes les six volutes de la ligne inférieure. Le deuxième ensemble est aussi constitué deux lignes de volutes ; sur la première ligne, après une succession de trois volutes horizontales on trouve un bouquet de sept volutes tournées vers le bas auquel succède quatre volutes horizontales et un bouquet de cinq volutes tournées vers le bas et ainsi de suite, et sur la seconde ligne, les cinq volutes tournées vers le bas du bouquet de la ligne du dessus sont suivies d'une volute horizontale et les sept volutes tournées vers le bas du bouquet de la ligne du dessus sont suivies de trois volutes horizontales et ainsi de suite ; Le dernier ensemble comprend trois lignes d'arabesques et volutes horizontales et de bouquets de volutes tournées vers le bas qui permettent de relier la première à la deuxième ligne et la deuxième à la troisième, la première ligne est constituée de six volutes horizontales dont l'extrémité arrondie est tournée en alternance vers le haut ou le bas, vers la droite ou vers la gauche, suivies d'un bouquet de volutes, l'une horizontale dans la continuité des six volutes précédentes et trois tournées vers le bas pour rejoindre la deuxième ligne. Cette deuxième ligne comprend six volutes horizontales, la première est attachée à la volute du milieu du bouquet de trois volutes descendantes de la première ligne, un bouquet de cinq volutes tournées vers le bas étant inséré entre les quatrième et cinquième volutes. Ce bouquet de cinq volutes rejoint la troisième ligne où il est enserré entre des séries de six volutes horizontales. Pour justifier de l'exploitation sous son nom de ce motif, la société Vlisco produit un extrait du site internet www.shop.vlisco.com exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 14.1 et 14.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du dessin référencé 14/1474 (pièce Vlisco no14.3), des publications Instagram des 17 et 18 janvier 2019 (pièce Vlisco no14.4) et Facebook des 18 janvier et 25 septembre 2019 (pièce Vlisco no 14.5) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/1474 (pièce Vlisco no14.6).

***

31. La société Vlisco établit donc, pour chaque motif de tissu, l'existence d'un parti pris esthétique singulier au moyen de choix totalement arbitraires, portant dès lors l'empreinte de la personnalité de leur auteur. Il n'est par ailleurs justifié d'aucun tissu dont la création serait antérieure et comportant déjà les caractéristiques de l'une de celles objet du présent litige. Aucun des tissu invoqué ici ne peut donc être regardé comme appartenant à un fonds commun non appropriable.

32. La société Vlisco, qui bénéficie de la présomption prétorienne de tirtularité, ainsi que l'a déjà retenu le juge de la mise en état, peut ainsi revendiquer la protection de ses tissus par le droit d'auteur.

3) Sur la contrefaçon

Moyens des parties :

33. La société Vlisco rappelle que la contrefaçon, en matière de droit d'auteur, s'apprécie aux regard des ressemblances uniquement, les divergences de couleur ne permettent donc pas d'écarter cette qualification. Les dessins sur lesquels elle dispose d'un droit d'auteur sont donc reproduits servilement par les défenderesses.

34. La société Batex prétend qu'aucun acte de contrefaçon n'est démontré à son égard.

Appréciation du tribunal :

35. En application des dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit ou ayants-cause est illicite.

36. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, qui n'implique pas l'existence d'un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques identifiées comme constitutives de son originalité.

37. La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première.

38. Il en résulte que de simples divergences de couleurs ne peuvent permettre d'échapper à la qualification de contrefaçon. De même, l'apposition de la marque de la société demanderesse à l'action en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur, n'est pas une condition à la caractérisation de la contrefaçon. En l'espèce, la comparaison des références de tissus Vlisco avec les constatations de l'huissier de justice, et les éléments saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon, établit la copie servile ou quasi servile des 13 références de tissus décrites précedemment, dont les droits sont présumés appartenir à la société Vlisco.

39. Les tissus de la société défenderesse reprennent les mêmes caractéristiques, dans les mêmes dimensions, selon le même agencement. La contrefaçon de droits d'auteur est donc établie, étant rappelé que la bonne foi est indifférente (Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2008, pourvoi no06-19.021, Bull 2008, I, no258).

4) Sur les mesures de réparation

Moyens des parties :

40. La société Vlisco demande 866.700 d'euros au titre des conséquences économiques négatives engendrées par la contrefaçon, 65.000 euros en réparation de son préjudice moral, d'interdire la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, le rappel de l'intégralité des produits contrefaisants des circuits commerciaux sous astreinte de 1.000 euros, et la publication du présent jugement.

41. La société Afristyle demande le rejet de l'ensemble des demandes.

Appréciation du tribunal :

42. L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que " Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée."

43. La société Vlisco n'a pas fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon concernant la société Batex, tandis que les éléments produits ne démontrent pas que les factures produites ne concernent que des produits contrefaisants.

44. Il convient néanmoins de retenir la vente d'au moins 25.000 coupons de tissus contrefaisants entre 2017 et la constatation de la contrefaçon représentant un chiffre d'affaires de l'ordre de 187.500 euros selon le prix unitaire moyen mentionné sur les factures versées aux débats de l'ordre de 7,5 euros. Il convient d'appliquer à cette somme un taux de report de 50 %, les prix de vente pratiqués par les parties étant très différents et un taux de marge brute de 25%. La perte de la société Vlisco peut ainsi être évaluée à 23.435 euros.

45. La société Vlisco subit en outre un indéniable préjudice moral résultant de la banalisation de ses produits qui sera réparé par le versement de la somme de 5.000 euros.

46. Il convient également de faire droit aux demandes de communication de pièces et d'interdiction, selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision. Ces mesures réparant suffisamment le préjudice de la société Vlisco la demande de publication de la présente décision sera rejetée, de même que celle de rappel des produits, qui n'apparaît pas justifiée.

5) Sur la concurrence déloyale

Moyens des parties :

47. D'après la société Vlisco, les défenderesses créent un risque de confusion et un effet de gamme en vendant des produits de même nature à destination du même public. Elle demande une réparation à titre additionnel sur le fondement de la concurrence déloyale.

48. Sur ce point, la société Batex considère qu'aucune faute ne peut être établie à son égard en l'absence de risque de confusion. De même, aucun détournement de clientèle, c'est-à-dire aucun préjudice, n'est selon elle démontré.

Appréciation du tribunal :

49. Est fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com., 26 janvier 1999, pourvoi no 96-22.457 ; Cass. Com., 10 septembre 2013, pourvoi no 12-20.933).

50. En outre, l'association par le consommateur de produits précis, peu important leur banalité, peut entrainer un effet de gamme. La répétition de la reprise de ces produits est alors fautive ( Cass. Com., 14 novembre 2018, pourvoi no16-28.091).

51. En l'espèce, la commercialisation d'un très grand nombre de références contrefaisantes (près de 15), est à l'origine d'un effet de gamme, source en lui-même d'un risque de confusion préjudiciable à la société Vlisco, et qui sera réparé par le versement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.

6) Sur les mesures accessoires

52. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie.

53. La défenderesse, qui perd le procès, doit être tenue aux entiers dépens et à indemniser la demanderesse de ses frais, lesquels peuvent être raisonnablement estimés au regard des diligences qui ressortent de ses écritures et des pièces fournies, à 10. 000 euros.

54. Il n'y a pas de motif dans la présente affaire pour écarter l'exécution provisoire, qui est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL

CONDAMNE la société Batex à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 28.437,50 euros en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de ses droits d'auteur ;

FAIT DÉFENSE à la société BATEX de poursuivre le débit de tout tissus reproduisant les motifs des tissus référencés 6/8511, 6/8761, A1106, A1450, A2257, A1450, A2156, A2161, 14/3739, 14/3686, 14/4735, 14/1682, 14/1474, 14/69400 de la société Vlisco Netherlands, et ce, sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée (c'est à dire par coupon de tissu contrefaisant) courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;

ENJOINT à la société BATEX de communiquer à la société Vlisco Netherlands les noms et adresses de son ou ses fournisseurs et de ses clients, les quantités exactes de produits reçus ou commandés et vendus, le tout certifié par un expert comptable, et ce, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à exécuter la présente injonction, l'astreinte courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;

Se réserve la liquidation des astreintes prononcées ;

CONDAMNE la société Batex à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice causé par la concurrence déloyale créée par la reprise d'un nombre très importants de motifs (effet de gamme) ;

REJETTE les demandes de rappel des produits et de publication de la présente décision ;

CONDAMNE la société Batex aux dépens ;

CONDAMNE la société Batex à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire.

Fait et jugé à Paris le 1er décembre 2022.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : 20/12295
Date de la décision : 01/12/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2022-12-01;20.12295 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award