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13/09/2022 | FRANCE | N°22/3334

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0760, 13 septembre 2022, 22/3334


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/03334 -
No Portalis 352J-W-B7G-CWNIS

No MINUTE :

Assignation du :
15 Mars 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 13 Septembre 2022
DEMANDERESSE

S.A.R.L. PLASTIGRAF
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Gwendal BARBAUT de la SELEURL IPSIDE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E1489

DÉFENDEURS

Monsieur [H] [B]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Madame [W] [F]
[Adresse 1]
[Adres

se 1]

représentés par Maître Héloïse BAJER PELLET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2140 et par Maître Paul BRENDER de la SELARL SEED...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/03334 -
No Portalis 352J-W-B7G-CWNIS

No MINUTE :

Assignation du :
15 Mars 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 13 Septembre 2022
DEMANDERESSE

S.A.R.L. PLASTIGRAF
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Gwendal BARBAUT de la SELEURL IPSIDE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E1489

DÉFENDEURS

Monsieur [H] [B]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Madame [W] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentés par Maître Héloïse BAJER PELLET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2140 et par Maître Paul BRENDER de la SELARL SEED AVOCAT, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

COMPOSITION

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
assistée de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 14 juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 13 Septembre 2022.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

____________________________

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. M. [H] [B] est un apiculteur retraité, particulièrement préoccupé, comme l'ensemble des apiculteurs, des menaces pesant sur les ruches françaises depuis 2004, époque de l'importation accidentelle des frelons asiatiques. Mme [W] [F] est architecte. Elle est la fille de M.[D] [F], qui a exercé, jusqu'à ce qu'il fasse valoir ses droits à la retraite en septembre 2018, en qualité de directeur des sites de production de la société Plastigraf, laquelle conçoit, fabrique, et commercialise des produits en matières plastiques réalisés par injection ou surmoulages techniques.

2. Les parties se sont rapprochées aux fins de fabriquer un piège à frelons asiatiques plus performant que ceux présents sur le marché. Le 16 janvier 2017, M. [B] et Mme [F] ont déposé une demande de brevet français, ayant pour titre "Dispositif sélectif de captures pour frelons asiatiques", dont la publication de la délivrance est intervenue le 21 juin 2019 sous le no FR 3 061 832. La société Plastigraf a quant à elle, le 30 octobre 2018, déposé une demande de brevet français ayant pour titre "Dispositif de piégeage de frelon asiatique sélectif" et mentionnant comme inventeur M. [N] [J], son gérant. La publication de la délivrance de ce brevet est intervenue le 6 novembre 2020 et celui-ci porte le no FR 3 087 628.

3. Estimant ce dernier dépôt frauduleux, M. [B] et Mme [F] ont, par acte d'huissier délivré le 4 janvier 2021, fait assigner la société Plastigraf devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication de la propriété du brevet FR 3 087 628.

4. A réception des conclusions de la société défenderesse qui les présentaient comme des particuliers lui ayant simplement fait part d'une idée de piège à frelons, M. [B] et Mme [F] ont, le 17 janvier 2022, sollicité et obtenu, de la présidente de la 3ème chambre / 3ème section à laquelle l'affaire avait été distribuée, au visa des articles 789, 143 et 845 du code de procédure civile, l'autorisation de faire pratiquer une mesure d'instruction au siège de la société Plastigraf aux fins d'y faire rechercher par un huissier les preuves (en particulier les courriels) de leur qualité de concepteurs du piège finalement breveté par cette société, selon eux en fraude de leur qualité.

5. La mesure a été exécutée le 16 février 2022 et, par acte d'huissier délivré le 15 mars 2022, la société Plastigraf a fait assigner en référé Mme [F] et M. [B] devant le juge ayant autorisé la mesure aux fins d'obtenir la rétractation totale, et subsidiairement la modification, de l'ordonnance du 17 janvier 2022.

6. Dans ses dernières conclusions, notifiées électroniquement le 13 juin 2022, la société Plastigraf demande au juge des référés de rétracter totalement son ordonnance et subsidiairement de la modifier en cantonnant la recherche à certains mots-clefs et en ordonnant une expertise de tri. Elle sollicite la condamnation de Mme [F] et de M. [B] à lui payer la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

7. M. [B] et Me [F] concluent quant à eux au rejet de toutes les demandes de la société Plastigraf et sollicitent reconventionnellement la levée pure et simple du séquestre et, subsidiairement, demande que les pièces "ne faisant pas débat" soient identifiées par la société Plastigraf et leur soient remises par l'huissier, et que les autres pièces soient examinées par les conseils des parties. M. [B] et Me [F] sollicitent en tout état de cause la condamnation de la société Plastigraf à leur payer la somme de 2.600 euros pour résistance abusive et celle de 6.181,71 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

8. L'affaire a été plaidée à l'audience du 14 juin 2022 et mise en délibéré au 13 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'absence de rétablissement du contradictoire avant l'exécution de la mesure

Moyens des parties

9. La société Plastigraf sollicite en premier lieu la rétractation totale de l'ordonnance en invoquant une violation de la contradiction. Ainsi, tout en affirmant que, le jour de l'exécution de la mesure, aucune des personnes présentes n'était habilitée à recevoir l'acte de notification, de sorte qu'elles ont toutes refusé de recevoir cette signification, la société Plastigraf fait grief à l'huissier de n'avoir remis aux mêmes personnes présentes aucune copie et d'avoir signifié l'ordonnance par remise de l'acte à son étude, sans laisser aucun avis de passage. Elle soutient que cette remise à l'étude ne pouvait en aucun cas pallier l'obligation de remise en mains propres de la requête et de l'ordonnance au sens de l'article L. 495 al. 3 du code de procédure civile.

10. M. [B] et Mme [F] soutiennent quant à eux que la procédure de saisie a été parfaitement régulière, l'huissier de justice s'étant trouvé confronté à un refus de collaboration qui ne saurait en aucun cas bénéficier à la société Plastigraf. Ils indiquent à cet égard que, sur instruction téléphonique de M. [J], personne sur place au moment de l'exécution de la mesure n'ayant accepté de recevoir l'acte, l'huissier l'a signifié à la société Plastigraf par dépôt à son étude. Ils ajoutent que l'ordonnance et la requête ont été portées à la connaissance des personnes présentes sur place ainsi que le mentione l'huissier dans son prcès-verbal. Ils ajoutent que l'ordonnance et la requête ont de la même manière été portées à la connaissance de M. [J] téléphoniquement par l'huissier.

Appréciation du juge des référés

11. Selon l'article 143 du code de procédure civile, "Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible." Il résulte en outre de l'article 493 du même code que "L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse." Les articles 496 et 497 précisent que " (...) S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire."

12. Selon l'article 495 du code de procédure civile, "L'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée." Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens que l'ordonnance et la requête doivent impérativement être présentées à la personne à laquelle elles sont opposées avant le début des opérations. En effet, aux termes de l'article 503 alinéa 2 du code de procédure civile relatif aux conditions générales d'exécution des décision de justice, "En cas d'exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification." Il est ainsi constamment jugé que "La signification à l'étude de l'huissier de l'ordonnance ayant autorisé sur requête une mesure d'instruction avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut tenir lieu de remise de l'ordonnance et de la requête à celui à qui la mesure est opposée, exigée par l'article 495, alinéa 3, du même code." (Cass. Civ. 2ème , 23 juin 2016, pourvoi no 15-19.671, Bull. 2016, II, no 170 - cité par la demanderesse à la rétractation - et qui censure l'arrêt ayant refusé de rétracterla mesure exécutée à 7 h 40 après ouverture des locaux par un serrurier en l'absence de la gérante ; voir également Cass. Civ. 2ème , 10 février 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36, également cité par la demanderesse, qui censure la décision ayant autorisé l'huissier à procéder anonymement).

13. En l'occurrence, le procès-verbal établi par Maître [L] le 16 février 2022 mentionne que l'objet de la mission a été immédiatement, à 9 h 30, "décliné" à la personne présente sur place, puis à 9 h 43, par téléphone à M. [J], gérant de la Sarl Plastigraf, en lui indiquant que la minute de l'ordonnance était à sa disposition. Ce dernier lui a immédiatement demandé de suspendre sa mission "jusqu'à son retour de congé", ce que l'huissier a évidemment refusé. Le procès-verbal mentionne enfin que l'ordonnance a été signifiée à son étude, personne sur place, et sur instruction de M. [J], n'acceptant de recevoir l'acte.

14. Il en résulte que les dispositions de l'article 495 du code de procédure civile ont été respectées ici (l'ordonnance et la requête ayant bien été présentées à la personne à laquelle la mesure était opposée), de sorte que ce moyen de rétractation doit être écarté.

Sur la déloyauté

Moyens des parties

15. La société Plastigraf soutient que M. [B] et Mme [F] se sont livrés dans leur requête à une présentation déloyale des faits, ne produisant pas les conclusions au fond de la société Plastigraf et ce faiant, en cachant au juge des requêtes un partie essentielle de l'historique des relations des parties.

16. M. [B] et Mme [F] contestent toute déloyauté et soutiennent que la présentation des faits par la société Plastigraf est mensongère.

Appréciation du juge des référés

17. A la différence des dispositions relatives à la saisie-contrefaçon, celles issues du droit commun appliqué ici, sont interprétées en ce sens qu'il ne peut, alors qu'il est justifié des raisons fondant l'absence de contradictoire, être imposé de rechercher si le requérant a bien présenté tous les faits même ceux dont il conteste la teneur même : "Tenu d'apprécier les mérites d'une requête au regard des seules conditions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge qui, pour rétracter l'ordonnance sur requête, retient que le requérant a manqué à un devoir de loyauté dans l'exposé des faits ajoute une condition à la loi. Sa décision doit être censurée." (Cass. Civ. 2ème , 20 mars 2014, pourvoi no 12-29.568, Bull. 2014, II, no 77 et pourvoi no 13-11.135, Bull. 2014, II, no 76)

18. Il se déduit en outre des dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure civile que le requérant qui choisit de solliciter par requête des mesures d'instruction doit préciser les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire. Ces circonstances doivent être caractérisées dans l'ordonnance ou la requête (Cass. Civ. 2ème, 1er mars 2018, pourvois no17-10.107, et no17-10.368 ; Cass. Civ. 2ème, 4 mars 2021, pourvoi no19-25.092 ) et la Cour de cassation exerce un contrôle lourd sur la caractérisation de ces circonstances. Elle contrôle en particulier la correcte mise en balance du principe de la contradiction et du droit à la preuve, récemment consacré par la Haute juridiction . Elle veille dans ce cadre à ce que le formalisme de motivation nécessaire ne rende pas, de fait, l'accés aux preuves impossible (Voir par exemple : Cass. Civ. 2ème, 25 mars 2021, pourvoi no 19-23.448).

19. En l'occurrence, la requête expose que les pièces recherchées sont des courriels détenus uniquement par la société Plastigraf en raison du départ de M. [F] de l'entreprise, pièces de nature informatiques très aisément destructibles, tandis que, selon les requérants, la présentation des faits résultant des premières conclusions au fond de la société Plastigraf était "erronée", ce qui apparaît comme étant de nature à caractériser un risque de dépérissement des preuves s'il avait été procédé contradictoirement.

20. A titre surabondant, ce sont précisément les très importantes divergences entre les parties telles qu'elles résultent de l'examen de leurs écritures respectives, parfaitement connues de la présidente de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée, et à laquelle la requête a été présentée conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, qui ont justifié la mesure. M. [B] et Mme [F] ne peuvent donc être regardés comme ayant fait preuve de déloyauté ici et la demande de rétractation pour ce motif ne pourra par conséquent qu'être rejetée.

Sur le cantonnement de la recherche par mots-clefs

Moyens des parties

21. La société Plastigraf soutient que les termes de recherche étaient trop larges et en particulier que les mots-clefs "brevet" et "piège" étaient trop généraux et pouvait amener la saisie de documents portant sur d'autres projets de recherche de la société Plastigraf sans lien avec le présent litige. Elle soutient également que les recherches par les mots-clefs "[W]" et "[H]" pouvait amener la saisie de nombreux documents sans aucun rapport avec les requérants.

22. Mme [F] et M. [B] soutiennent quant à eux que les termes de recherche étaient parfaitement proportionnés et rappellent d'ailleurs qu'en vingt ans d'existence la société Plastigraf n'a déposé qu'un seul et unique brevet, celui objet du présent litige.

Appréciation du juge des référés

23. La notion de "mesures légalement admissibles" visée par l'article 145 du code de procédure civile a été précisée par la jurisprudence, tout à la fois de manière négative, en prohibant les mesures d'investigation générale (Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 1999, pourvoi no97-10.831, Bull. 1999, II, no 3 ; Cass. Civ. 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no 15-27.526), et, de manière positive, en énonçant que, seules constituent des mesures légalement admissibles les mesures circonscrites dans le temps et dans leur objet (Cass. Civ. 2ème, 6 janvier 2011, pourvoi no09-72.841 ; Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 2016, pourvoi no14-25.781 ; Cass. Civ 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no15-27.526 ; Cass. Civ. 2ème, 21 mars 2019, pourvoi no18-14.705), c'est à dire pour la recherche d'éléments strictement en rapport avec l'action envisagée. Une décision récente rappelle d'ailleurs ces principes: "15. L'arrêt en déduit que les mesures ordonnées dans l'ordonnance du 28 septembre 2018 sont circonscrites dans leur objet et donc légalement admissibles. 16. En se déterminant ainsi, sans faire ressortir précisément, comme elle y était invitée, que les mots-clefs visant exclusivement des termes génériques (Google, accord, entente, salarié, avis, Linkedin) et les prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures d'instruction avaient été sollicitées, étaient suffisamment circonscrits dans le temps et dans leur objet et que l'atteinte portée au secret des affaires était limitée aux nécessités de la recherche des preuves en lien avec le litige et n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision." (Cass. Civ. 2ème, 10 juin 2021, pourvoi no 20-11.987, publié).

24. Force est en l'occurrence de constater que les termes "brevet" et "piège" n'avaient rien de générique appliqués à cette société qui ne revendique aucune activité dans les pièges et n'est propriétaire que d'un seul brevet. Il en va de même pour la recherche autorisée par les mots-clefs portant sur les seuls prénoms des requérants, s'agissant d'une entreprise qui emploie un nombre limité de salariés. Il n'y aura donc pas lieu à modification de la mesure.

Sur la protection du secret des affaires

Moyens des parties

25. La société Plastigraf motive ainsi sa demande de désignation d'un expertt : "des éléments hautement sensibles ne présentant aucun lien avec l'objet de la saisie pourraient avoir été captés dans le cadre de la saisie intégrale des comptes de messagerie de M. [P] et de M. [J]. Il est ainsi justifié – compte-tenu de leur nature confidentielle – que leur ouverture soit strictement encadrée sous l'autorité d'un expert judiciaire, dans les conditions qui suivent, pour éviter une divulgation qui menacerait de manière irrémédiable le secret des affaires de la société Plastigraf." (Ses conclusions page 44)

26. Mme [F] et M. [B] sotiennent qu'aucune atteinte à un ou plusieurs secrets d'affaire n'est démontrée par la société Plastigraf. Ils sollicitent donc la levée du séquestre qui couvre à l'heure actuelle l'ensemble des documents saisis. Subsidiairement, ils sollicitent un examen des pièces en plusieurs étapes : "Une première phase d'examen non contradictoire au cours de laquelle la société Plastigraf devra identifier les pièces saisies à la communication desquelles elle ne s'oppose pas ; les pièces ne faisant pas débat étant communicables directement par l'huissier instrumentaire ; une seconde phase d'examen contradictoire en présence des conseils des parties des pièces saisies restantes et dont la communication fait débat ; une troisième phase hors la présence des parties permettant au juge de trancher les désaccords persistants sur la communication suite à la seconde phase d'examen des pièces saisies."

Appréciation du juge des référés

27. Selon l'article L. 151-1 du code de commerce, "Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;
2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret;
3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret."

28. L'article R. 153-3 de ce même code précise que "A peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci: 1o La version confidentielle intégrale de cette pièce ;
2o Une version non confidentielle ou un résumé ;
3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires. Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce."

29. Force est de constater que la demande telle que présentée par la société Plastigraf n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.153-1 du code de procédure civile et est dès lors irrecevable à ce stade. Il convient néanmoins de lui accorder un délai jusqu'au 18 novembre 2022 pour présenter sa demande conformément aux dispositions légales et réglementaires précitées. Dans cette attente, les pièces seront maintenues sous séquestre provisoire.

Sur les demandes reconventionnelles et les dispositions finales

30. L'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. (Cass. Civ. 2ème, 9 septembre 2010, pourvoi no 09-69.936, Bull. 2010, II, no 151 ; Cass. Civ. 2ème, 27 septembre 2018, pourvoi no 17-20.127, Bull. 2018, II, no 196 ; Cass. Civ. 2ème, 19 mars 2020, pourvoi no 19-11.323). La demande reconventionnelle des défendeurs à la rétractation en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive à la saisie apparaît donc irrecevable à ce stade.

31. Parties perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Plastigraf sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [B] et Mme [F] la somme de 3.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés,

REJETTE les demandes de la société Plastigraf aux fins de rétractation comme de modification de l'ordonnance du 17 janvier 2022 rendue à la requête de M. [B] et Mme [F],

IMPARTIT un délai jusqu'au 18 novembre 2022 à la société Plastigraf pour remettre au juge des référés:
1o La version confidentielle des pièces saisies le 16 février 2022,
2o Une version expurgée de ces mêmes pièces,
3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires en application de chacun des critères de l'article L. 151-1 du code de commerce (l'information n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité; elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret (les préciser dans ce cas) ;

DIT que les modalités du cercle de confidentialité déterminant les conditions d'examen et d'accès à ces pièces, seront fixées après transmission de ces éléments, dont les parties seront informées par message par le RPVA ;

MAINTIENT dans cette attente le séquestre entre les mains de Maître [L] ;

CONDAMNE la société Plastigraf aux dépens ;

CONDAMNE la société Plastigraf à payer à M. [B] et Mme [F] la somme de 3.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022.

La Greffière Le Juge des référés


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0760
Numéro d'arrêt : 22/3334
Date de la décision : 13/09/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2022-09-13;22.3334 ?
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