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27/07/2022 | FRANCE | N°19/14044

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0042, 27 juillet 2022, 19/14044


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/14044
No Portalis 352J-W-B7D-CRHSX

No MINUTE :

Assignation du :
13 août 2019

JUGEMENT
rendu le 27 juillet 2022
DEMANDERESSES

S.A.S. CELLULOPACK
[Adresse 2]
[Localité 7]

S.A.S. PROPLAST
[Adresse 1]
[Localité 6]

S.A.S.U. NUTRIPACK
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentées par Me Thierry LAUTIER du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J097

DÉFENDERESSES

S.A.S. RESCASET CONCEPTr>[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Anne-Charlotte LE BIHAN de l'AARPI BIRD et BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255

Société PACKBENEFIT SL...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/14044
No Portalis 352J-W-B7D-CRHSX

No MINUTE :

Assignation du :
13 août 2019

JUGEMENT
rendu le 27 juillet 2022
DEMANDERESSES

S.A.S. CELLULOPACK
[Adresse 2]
[Localité 7]

S.A.S. PROPLAST
[Adresse 1]
[Localité 6]

S.A.S.U. NUTRIPACK
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentées par Me Thierry LAUTIER du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J097

DÉFENDERESSES

S.A.S. RESCASET CONCEPT
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Anne-Charlotte LE BIHAN de l'AARPI BIRD et BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255

Société PACKBENEFIT SL (anciennement ONEWORLD PACKAGING SL)
[Adresse 8]
[Localité 5] (ESPAGNE)

représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER et ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Gilles BUFFET, Vice- président
Alix FLEURIET, Juge

assistés de Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Quentin CURABET, Greffier lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l'audience du 14 mars 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit français CELLULOPACK, fondée en 2013, est spécialisée dans le domaine des emballages fabriqués à partir de fibres de cellulose moulée.

Elle est titulaire du brevet français FR 3 024 844 (ci-après FR' 844), ayant pour titre « procédé de fabrication d'un emballage biodégradable et compostable », déposé le 18 août 2014, délivré le 9 septembre 2016 et maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités.

Le 17 août 2015, la société CELLULOPACK a également déposé une demande de brevet européen sous priorité du brevet FR' 844 publiée sous le numéro EP 2 987 623 (ci-après EP' 623), dont elle s'est finalement désistée.

La société CELLULOPACK expose que le brevet FR' 844 est exploité par la commercialisation de sa gamme de barquettes « RESTOKOMPOST ».

La société PROPLAST est à la tête d'un groupe français spécialisé dans l'emballage et le conditionnement.

Le 3 juin 2019, à la suite d'une cession de quote-part, inscrite au Registre national des brevets, la société PROPLAST est devenue copropriétaire du brevet français FR' 844 à 50 %.

La société NUTRIPACK est une filiale de la société PROPLAST.

Le 3 juin 2019, les sociétés CELLULOPACK et NUTRIPACK ont signé un contrat de fourniture et d'approvisionnement prévoyant que la société NUTRIPACK, qui se présente comme bénéficiant d'une licence sur le brevet FR' 844, s'approvisionnera auprès de la société CELLULOPACK, en attendant d'avoir consenti des investissements de nature à lui permettre de fabriquer elle-même, au sein de ses locaux, les barquettes protégées par le brevet.

La société PACKBENEFIT, anciennement dénommée OneWorld Packaging, est une société de droit espagnol, créée en 2013, spécialisée dans la conception et la fabrication d'emballages durables.

La société RESCASET CONCEPT est une société de droit français, filiale du groupe Guillin, exerçant son activité dans la distribution d'emballages spécifiques à la restauration collective et aux industries agro-alimentaires.

Elle distribue en France, sous sa gamme « RESTIPULP », des barquettes fabriquées par la société PACKBENEFIT.

La société CELLULOPACK soutient que ces barquettes reproduisent les caractéristiques du brevet français FR' 844 et précise que, grâce à cette gamme de produits, la société RESCASET CONCEPT a remporté un appel d'offres auprès de la ville de [Localité 9], en mars 2019, pour la fourniture de barquettes à destination des cantines scolaires de la ville.

Le 13 mai 2019, la société CELLULOPACK (alors seule titulaire du brevet français FR' 844) a obtenu l'autorisation de faire procéder à deux saisies-contrefaçon, l'une à l'Unité centrale de production de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9], l'autre à la Direction des finances de la ville de [Localité 9].

Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 17 juillet 2019.

Par actes d'huissier de justice délivrés le 13 août 2019, les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST ont fait assigner les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT, devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon du brevet FR' 844.

Le 12 octobre 2020, les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ont obtenu l'autorisation de faire procéder à une nouvelle saisie-contrefaçon, dans les locaux de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9].

Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 21 octobre 2020.

Par actes d'huissier de justice délivrés le 20 novembre 2020, les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST ont de nouveau fait assigner les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT, devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de brevet.

Les deux instances ont fait l'objet d'une jonction.

Par des conclusions d'incident notifiées le 2 décembre 2020, la société PACKBENEFIT a demandé au juge de la mise en état de procéder au "séquençage" de l'affaire par la disjonction de l'examen de la validité du brevet, de celui de la contrefaçon. Subsidiairement, elle sollicitait la protection de ses pièces couvertes par le secret des affaires.

Par ordonnance du 25 février 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de disjonction de l'instance relative à la validité du brevet FR 3 024 844, de celle relative à la contrefaçon de ce brevet et rejeté en l'état la demande de la société PACKBENEFIT aux fins de protection des données couvertes par le secret des affaires.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juillet 2021, les sociétés CELLULOPACK , PROPLAST et NUTRIPACK demandent au tribunal de:

Sur la recevabilité à agir de la société Nutripack,

Déclarer la société Nutripack recevable à agir en contrefaçon contre les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ;

Rejeter la fin de non-recevoir des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ;

Sur la reproduction des revendications 1 à 7 du brevet FR 3 024 844,

A titre principal,

Dire que les barquettes de la gamme «RESTIPULP 100% compostable » en particulier les barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, sont fabriquées en mettant en oeuvre le procédé de fabrication des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 ;

A titre subsidiaire,

Enjoindre aux sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de prouver que le procédé mis en oeuvre pour fabriquer les barquettes de la gamme «RESTIPULP 100% compostable », en particulier les barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, est différent du procédé de fabrication des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 ;

Renvoyer l'affaire à une audience de mise en état pour conclusions sur ce point des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ;

Le cas échéant, ordonner la mise en place d'un cercle de confidentialité composé des conseils des parties et d'un représentant de chacune des parties, pour les seuls besoins de la production des preuves de la mise en oeuvre par les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept d'un procédé différent du procédé de fabrication des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 ;

Sur les actes de contrefaçon commis,

Dire qu'en important, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce en France des barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du brevet FR 3 024 844 au sens de l'article L. 613-3 c) du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

Dire qu'en important, en offrant à la vente et en mettant dans le commerce en France des barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont commis des actes de contrefaçon des revendications 11 et 12 du brevet FR 3 024 844 au sens de l'article L. 613-3 a) du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

Dire qu'en livrant et en offrant de livrer en France des barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont commis des actes de contrefaçon de la revendication 13 du brevet FR 3 024 844 au sens de l'article L. 613-4 du code de la propriété intellectuelle, engageant leur responsabilité civile ;

Écarter des débats les pièces BetB no 2, 7, 43, 46, 66 à71, 81-82 et 84-85 ;

En conséquence,

Interdire aux sociétés PackBenefit et Rescaset Concept la poursuite de ces actes de contrefaçon, notamment la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement et la détention aux fins précités et la livraison et l'offre de livraison de toutes barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C et de tous produits présentant les mêmes caractéristiques ;

Assortir cette interdiction d'une astreinte d'un (1) euro par produit contrefaisant fabriqué offert, mis dans le commerce, utilisé, importé, exporté, transbordé ou détenu à l'une quelconque de ces fins, ou livré ou offert d'être livré à compter de la signification du jugement à intervenir ;

Assortir en outre cette interdiction d'une astreinte de mille (1 000) euros par journée pendant laquelle les actes de contrefaçon se poursuivent après la signification du jugement à intervenir ;

Ordonner le rappel des circuits commerciaux de toutes barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C, aux seuls frais des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, et ce sous astreinte de 1 (un) euros par produit et par jour de retard passé un délai de huit (8) jours après la signification du jugement à intervenir ;

Ordonner la destruction, sous contrôle d'huissier de justice, de toutes barquettes de références OWGN252C, OWGN348C, OWGN445C, OWGN455C, OWGN836C et OWGN848C en possession de PackBenefit et de Rescaset Concept ou dont elles sont propriétaires, ainsi que de toutes barquettes ainsi rappelées des circuits commerciaux, aux seuls frais de PackBenefit et de Rescaset Concept, et ce sous astreinte de mille (1 000) euros par jour de retard dans un délai de huit (8) jours après la signification du jugement à intervenir ;

Ordonner, avant dire droit sur le montant des dommages et intérêts, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenues par PackBenefit et Rescaset Concept utiles pour déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment :

a) les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits contrefaisants et de tous les produits de même forme, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;
b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits ;
c) la marge brute réalisée pour ces produits ; sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute, et renvoyer l'affaire à telle audience qui plaira au tribunal, afin de permettre aux sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

Rappeler que cette mesure d'instruction est exécutoire de plein droit, nonobstant appel ;

Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Cellulopack, à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de quarante-cinq mille (45 000) euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ;

Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Proplast, à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de vingt-deux mille cinq cents (22 500) euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ;

Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Nutripack, à titre de provision sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de vingt deux mille cinq cents (22 500) euros, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ;

Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Cellulopack, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de dix mille (10 000) euros ;

Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à verser à la société Proplast, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet FR 3 024 844, la somme de dix mille (10 000) euros ;

Ordonner la publication complète du jugement à intervenir sur le site internet habituel des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept aux adresses www.packbenefit.eco et www.groupeguillin.fr, et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille de 20 points au moins mentionnant le texte suivant : « Les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept ont été condamnées par le Tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon des droits de propriété intellectuelle des sociétés Cellulopack et Proplast » et ce pendant une durée minimale de six (6) mois, aux seuls frais des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;

Ordonner la publication par extraits du dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux choisis par les sociétés Cellulopack et Proplast, aux seuls frais des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à hauteur de sept mille cinq cents (7 500) euros par publication, hors T.V.A. ;

Dire et juger que le tribunal sera juge de l'exécution du jugement à intervenir, en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ;

Sur les demandes des sociétés PackBenefit et Rescaset Concept,

Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de leur demande en nullité et de défaut de force probante des éléments de preuve rapportés par les demanderesses ;

Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de leur demande en nullité du brevet FR 3 024 844 ;

Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ;

Débouter les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, à l'encontre des sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack ;

En tout état de cause,

Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, à payer aux sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack la somme de cent mille (100 000) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à parfaire ;

Condamner les sociétés PackBenefit et Rescaset Concept, prises in solidum, aux entiers dépens, lesquels incluront les frais de constat et ceux engagés pour les opérations de saisies-contrefaçon, et autoriser Maître Thierry Lautier, Avocat à la Cour, Reed Smith LLP, à recouvrer les dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, dans toutes ses dispositions nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 octobre 2021, la société PACKBENEFIT demande au tribunal de:

In limine litis

Juger nulles les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 17 juillet 2019 ou à tout le moins dénuées de force probante, y compris les procès-verbaux de saisie et leurs annexes, ainsi que les rapports d'analyse et d'essai consécutifs sur les barquettes saisies (Pièces adverses 3.30 et 3.31) ;

Juger nuls les rapports d'essai sur les barquettes saisies le 21 octobre 2020 du laboratoire CTCPA (Pièces adverses no3.44 à 3.47) et le procès-verbal de constat dans les locaux de CELLULOPACK (Pièce adverse no3.50), ou à tout le moins dénués de force probante ;

Ordonner en conséquence de l'annulation des deux saisie-contrefaçons réalisées le 17 juillet 2019 :

- la restitution des éléments saisis en son exécution, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, des sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK, de leurs conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, sous astreinte de 50 euros par document non restitué et par jour de retard passé le délai d'un mois après la signification du présent jugement,
- la destruction par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 17 juillet 2019, de leurs annexes et de l'ensemble des copies des éléments saisis, à leurs frais,

Sur la nullité du brevet FR 3 024 844

Juger nulles les revendications 1 à 7 et 11 à 13 du brevet FR 3 024 844 pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive ;

Ordonner l'inscription de la décision à intervenir sur le Registre National des Brevets dès qu'elle sera devenue définitive, sur réquisition du Greffe ou à la requête de la partie la plus diligente et aux frais solidaires des sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK ;

Subsidiairement, sur l'absence de contrefaçon

Juger irrecevable l'action de NUTRIPACK faute de qualité à agir en tant que licenciée ;

Rejeter la demande de contrefaçon du brevet FR 3 024 844 ;

Rejeter la demande de renversement de la charge de la preuve, ou à défaut ordonner le renvoi à la mise en état pour la mise en place de manière contradictoire des modalités d'un cercle de confidentialité pour assurer la protection de ses secrets d'affaires de la société PACKBENEFIT

A titre très subsidiaire, en cas de jugement de condamnation

Débouter les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK de leurs demandes indemnitaires, ou à défaut fixer le préjudice subi à plus juste proportion, qui ne saurait dépasser la somme de 10 000 euros si le brevet est jugé comme étant exploité par la société CELLULOPACK, et à défaut à 13 600 euros au titre de la redevance indemnitaire ;

En tout état de cause

Débouter les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK de leurs entières demandes, fins et conclusions ;

Condamner les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à verser la somme de 50 000 euros à la société PACKBENEFIT à titre de dommages et intérêts par application de l'article 32-1 du code de procédure civile, outre toute amende civile qu'il lui plaira d'ordonner ;

Condamner chacune des sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à verser la somme de 40 000 euros à la société PACKBENEFIT en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO, Avocat aux offres de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 octobre 2021, la société RESCASET CONCEPT demande au tribunal de :

Débouter les sociétés Cellulopack, Proplast et Nutripack de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Déclarer la société Nutripack irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir ;

Prononcer la nullité du brevet FR 3 024 844 dans son ensemble pour insuffisance de description ;

Prononcer la nullité des revendications 1 à 7 et 11 à 13 du brevet FR 3 024 844 pour défaut de nouveauté ;

Prononcer la nullité du brevet FR 3 024 844 dans son ensemble pour défaut d'activité inventive ;

Ordonner la transcription du jugement à intervenir auprès du Registre National des Brevets, sur réquisition de Monsieur le greffier en chef du tribunal ;

Prononcer la nullité :
des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 17 juillet 2019 ;
du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 21 octobre 2020 ;
de la signification de l'ordonnance de saisie-contrefaçon du 21 octobre 2020 ;
de la dénonciation du procès-verbal de saisie-contrefaçon et
du procès-verbal de constat du 13 novembre 2020 ;

Dire et juger que la preuve des actes de contrefaçon allégués n'est pas rapportée ;

En tout état de cause,

Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à payer à la société RESCASET CONCEPT la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts pour saisies-contrefaçon abusives ;

Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK au paiement de la somme de 10 000 euros chacune à titre d'amende civile pour saisies-contrefaçon abusives ;

Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à payer à la société RESCASET la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner solidairement les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront distraits au profit de Me Anne-Charlotte LE BIHAN conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2021.

MOTIFS

I - Recevabilité de l'action de la société NUTRIPACK

Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPTS soutiennent que la société NUTRIPACK est irrecevable à agir en contrefaçon du brevet FR' 844, ne justifiant pas de sa qualité de licenciée de ce brevet.

Elles considèrent en effet que l'existence de la licence invoquée ne résulte ni du contrat de cession de quote-part conclu le 3 juin 2019, entre les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST, ni du contrat de fourniture et d'approvisionnement signé à la même date avec la société NUTRIPACK, pas plus que de l'acte confirmatif de licence sur le brevet FR' 844 en date du 30 septembre 2020, produit aux débats par les sociétés demanderesses, qui ne saurait créer artificiellement et rétroactivement des droits au profit de la société NUTRIPACK.

Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK font quant à elles valoir :
- en premier lieu, que seule l'existence de la licence contestée doit être établie, sa validité n'intéressant en rien les défenderesses ;
- en deuxième lieu, qu'en application de l'article L. 613-9 du code de la propriété intellectuelle, l'inscription du contrat de licence n'est pas une condition de recevabilité de l'action du licencié ;
- en troisième lieu, que l'exigence d'un écrit n'est qu'une condition de validité du contrat et n'est donc pas nécessaire pour justifier de son existence ;
- en quatrième lieu, que l'existence du contrat de licence est incontestable, les sociétés CELLULOPACK et PACKBENEFIT, copropriétaires du brevet FR' 844, étant parties à l'instance.

Elles contestent en tout état de cause que la signature de l'acte confirmatif de licence le 30 septembre 2020, en cours de procédure, a eu pour objectif de "régulariser une situation irrégulière", son seul but étant de "constater l'existence de la licence et donc l'intention des parties".

Elles soutiennent ainsi qu'il s'agit d'un contrat écrit de licence, signé par les copropriétaires du brevet d'une part, et la société NUTRIPACK, filiale à 100 % de la société PROPLAST, d'autre part, prévoyant l'étendue des droits concédés, ainsi que sa prise d'effet, sa durée et les actes concernés. Cet acte permet donc, selon elles, de vérifier l'étendue des droit concédés et constitue un contrat distinct des contrats du 3 juin 2019.

A titre surabondant, elles font valoir que les trois contrats qu'elles produisent aux débats doivent être interprétés ensemble, comme formant un groupe de contrats, afin de constater que la commune intention des parties était bien de concéder des droits de licence sur le brevet FR' 844 à la société NUTRIPACK.

Enfin, elles indiquent que la forme que peut prendre l'intervention du licencié à l'instance, pour demander réparation de ses préjudices, n'est pas précisée et qu'il est constamment jugé que celle-ci peut s'opérer dès l'introduction de l'instance, comme c'est le cas en l'espèce.

Sur ce,

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

" L'action en contrefaçon est exercée par le titulaire du brevet.

Sauf stipulation contraire du contrat de licence, elle est également ouverte au titulaire d'une licence exclusive à condition, à peine d'irrecevabilité, d'informer au préalable le titulaire du brevet.

Le titulaire d'une licence non exclusive peut exercer l'action en contrefaçon, si le contrat de licence l'y autorise expressément, à condition, à peine d'irrecevabilité, d'informer au préalable le titulaire du brevet.

Le titulaire d'une licence obligatoire ou d'une licence d'office, mentionnées aux articles L. 613-11, L. 613-15, L. 613-17, L. 613-17-1 et L. 613-19, peut exercer l'action en contrefaçon si, après mise en demeure, le titulaire du brevet n'exerce pas cette action.

Le titulaire du brevet est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le titulaire d'une licence, conformément aux alinéas précédents.

Tout titulaire d'une licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le titulaire du brevet, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.

La validité d'un brevet ne peut pas être contestée au cours de l'action en contrefaçon engagée par le titulaire d'une licence si le titulaire du brevet n'est pas partie à l'instance ".

Il résulte de l'article L. 613-9 du même code que :

" Tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur un registre, dit Registre national des brevets, tenu par l'Institut national de la propriété industrielle.

Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte, mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits.

Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le Registre national des brevets, est également recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le propriétaire du brevet afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre ".

Enfin, l'article L. 613-8 du même code dispose que :

" Les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet sont transmissibles en totalité ou en partie.

Ils peuvent faire l'objet, en totalité ou en partie, d'une concession de licence d'exploitation, exclusive ou non exclusive.

Les droits conférés par la demande de brevet ou le brevet peuvent être invoqués à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des limites de sa licence imposées en vertu de l'alinéa précédent.

Sous réserve du cas prévu à l'article L. 611-8, une transmission des droits visés au premier alinéa ne porte pas atteinte aux droits acquis par des tiers avant la date de transmission.

Les actes comportant une transmission ou une licence, visés aux deux premiers alinéas, sont constatés par écrit, à peine de nullité ".

Il résulte de ces textes que si un licencié peut intervenir dans une action en contrefaçon de brevet, bien que le contrat de licence dont il bénéficie n'ait pas fait l'objet d'une inscription, encore faut-il qu'il justifie de sa qualité de licencié.

Pour en justifier, les demanderesses versent aux débats :
- le contrat de cession de quote-part conclu le 3 juin 2019, entre les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ;
- le contrat de fourniture et d'approvisionnement signé à la même date par les sociétés CELLULOPLAST et NUTRIPACK ;
- un acte confirmatif de licence sur le brevet FR' 844 en date du 30 septembre 2020, aux termes duquel les sociétés CELLULOPLAST et PROPLAST confirment avoir concédé à la société NUTRIPACK une licence sur ce brevet à compter du 3 juin 2019.

Il ressort du contrat de cession de quote-part du 3 juin 2019 que la société CELLULOPACK a cédé à la société PROPLAST la moitié de sa quote-part de propriété sur le brevet FR' 844. L'article 8.3 de ce contrat stipule que la société PROPLAST s'engage à respecter et à faire respecter par la société NUTRIPACK les termes du contrat de fourniture et d'approvisionnement conclu le même jour.
Aux termes de l'article 10 de ce contrat, intitulé "Licence", il est convenu que :
- les parties copropriétaires du brevet ne peuvent concéder à un tiers une licence qu'à la condition qu'une convention écrite soit conclue avec le tiers licencié et les parties copropriétaires du brevet (...) et avec l'accord préalable écrit de l'autre partie (point 10.1) ;
- chacune des parties est autorisée à conférer une licence d'exploitation sur le brevet (...) À condition de conclure préalablement entre les parties copropriétaires et la société fille licenciée une convention de licence écrite lui imposant notamment de respecter les termes de l'article 13 du contrat intitulé "confidentialité" (point 10.4).

Il résulte du préambule du contrat de fourniture et d'approvisionnement signé le 3 juin 2019 par les sociétés CELLULOPLAST et NUTRIPACK que la société NUTRIPACK est autorisée et habilitée par la société PROPLAST à exploiter le brevet et le savoir-faire pour la production des emballages issus du procédé de fabrication couvert par le brevet FR' 844. Il est précisé que la société NUTRIPACK entend ainsi réaliser les investissements nécessaires aux fins de se doter, sur son propre site, des équipements requis pour la production de tels emballages, mais que, ces investissements étant très conséquents, elle souhaite dans l'intervalle s'approvisionner auprès de la société CELLULOPACK. C'est ainsi qu'elles se sont rapprochées aux fins de déterminer ensemble "la durée, les termes et les modalités suivant lesquels la société NUTRIPACK confiera à la société CELLULOPACK la production des produits visés au contrat". L'article 3 du contrat stipule à cet égard qu'il demeurera aussi longtemps que la société NUTRIPACK aura besoin de s'approvisionner en produits auprès de la société CELLULOPACK.

S'il s'évince de ce contrat que la société CELLULOPACK a marqué son intention de concéder une licence d'exploitation de son brevet FR' 844 à la société NUTRIPACK, celui-ci ne peut s'interpréter comme un contrat de licence, mais bien comme un contrat de fourniture ayant pour objet l'approvisionnement en barquettes de la société NUTRIPACK, par la société CELLULOPACK, et ce dans l'attente que la société NUTRIPACK consente les investissements nécessaires à la fabrication des produits litigieux.

C'est ainsi qu'aucun contrat de licence n'a été signé entre les copropriétaires du brevet FR' 844 et la société NUTRIPACK, comme le prévoient pourtant les stipulations de l'article 10.4 du contrat de cession de quote-part du 3 juin 2019.

Par ailleurs, l'acte "confirmatif de licence sur le brevet FR' 844", signé pour les besoins de la cause, le 30 septembre 2020, en cours de procédure, par les sociétés demanderesses, ne peut avoir pour effet, de manière rétroactive, de constater des droits de licence qui n'ont jamais été concédés sur ledit brevet, au profit de la société NUTRIPACK.

En outre, le fait même que la présente instance a été introduite par la société NUTRIPACK, avec les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST, copropriétaires du brevet, ne peut suffire à considérer qu'elles lui ont bien concédé une licence d'exploitation sur celui-ci.

En l'absence de démonstration de sa qualité de licenciée sur le brevet FR' 844, la société NUTRIPACK est déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de celui-ci.

II - La demande de rejet des pièces no 2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT

Les sociétés CELLULOPLAST, PROPLAST et NUTRIPACK sollicitent le rejet des pièces no2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT, au motif que, constituant des articles émanant du site Internet Wikipedia, elles ne présentent pas des garanties probatoires suffisantes. Elles ajoutent former cette demande "par souci de cohérence et parallélisme des formes", la société RESCASET CONCEPT sollicitant elle-même le rejet des articles issus du site Wikipedia qu'elles produisent également aux débats.

Sur ce,

Il est précisé à titre liminaire que les demandes de nullité ou de rejet des pièces produites aux débats par les sociétés demanderesses, qui visent à démontrer l'existence d'une contrefaçon de leur brevet, seront traitées lors de l'examen des demandes en contrefaçon du brevet FR' 844.

Il convient néanmoins de préciser que si la valeur probante des articles extraits du site Internet Wikipedia doit être appréciée au cas par cas et avec circonspection, compte tenu de leur origine, le site Wikipedia permettant à tout internaute d'y apporter un contenu ou de modifier un article déjà existant, sans pour autant que les informations qu'y s'y trouvent fassent l'objet d'une vérification, il n'y a pas lieu de les écarter par principe, les parties étant libres en tout état de cause, de discuter ces contenus ou de produire des pièces de nature à les remettre en cause.

Les sociétés CELLULOPLAST, PROPLAST et NUTRIPACK sont par conséquent déboutées de leur demande tendant au rejet des pièces no 2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT.

III - Présentation et portée du brevet FR'844

Présentation du brevet FR'844

Le brevet français FR'844 a pour titre "Procédé de fabrication d'un emballage biodégradable et compostable".

Dans sa partie descriptive, le brevet FR'844 expose que l'invention concerne un procédé de fabrication d'un emballage pour produits alimentaires, de type barquette, étanche aux liquides et aux graisses, et qui est entièrement biodégradable, compostable, scellable et supportant un passage au four (page 1, ligne 4 à 8).

Il est rappelé que dans le domaine de l'emballage alimentaire, le récipient comprend au moins deux parois, une paroi externe associée à une paroi interne, la paroi externe étant généralement rigide et pouvant comprendre des impressions, tandis que la paroi interne se présente sous la forme d'un film permettant de protéger la paroi externe (page 1, lignes 9 à 16).

Les emballages alimentaires étant souillés par des résidus et leur réutilisation étant impossible, il est ajouté qu'ils ont vocation à être détruits purement et simplement ou à être recyclés par compostage, mais que la présence de films plastiques non biodégradables et/ou non compostables au sein de tels emballages ne permet pas de les orienter vers le compostage (page 1, ligne 23, à page 2, ligne 2).

Il est rappelé à cet égard que le compostage est un procédé qui consiste à placer des produits fermentables dans des conditions (températures, humidité, oxygénation, présence de micro-organismes du sol etc.) permettant leur biodégradation, soit la décomposition des matériaux organiques par des micro-organismes (bactéries, champignons, animaux, unicellulaires) (page 2, lignes 10 à 16). Un matériau biodégradable n'est pas nécessairement compostable car il doit également se désintégrer pendant un cycle de compostage d'une durée de 3 mois (page 3, lignes 1 à 3).

Pour répondre aux spécifications de la réglementation sur les emballages valorisables, précisément de la norme NF 13432, qui définit les caractéristiques qu'un matériau doit posséder pour être compostable et biodégradable, et pour résoudre la difficulté qu'il y a à recycler des emballages conçus avec deux ou plusieurs matériaux (carton et film par exemple), et en particulier les emballages souillés, diverses solutions ont pu être développées selon la nature des matériaux entrant dans la composition des emballages (page 2, lignes 17 à 21). Ainsi, par exemple, la présence dans l'emballage d'un film plastique délaminable et pelable permet de jeter ledit film et de procéder au compostage du matériau d'emballage externe, étant précisé qu'une telle étape de séparation du film complexifie le retraitement de l'emballage (page 3, lignes 19 à 24). Quant aux emballages à base de cellulose ou de matériau cellulosique tel que le papier, le carton ou la pâte de cellulose, s'ils sont aisément biodégradables et compostables, ils ne présentent pas les qualités nécessaires pour le contact direct avec les aliments, liquides ou solides, chauds ou froids (page 3, lignes 8 à 13).

Ainsi, il existe un besoin d'un procédé simple, rapide et économique pour la fabrication d'un emballage apte au contact alimentaire, qui soit étanche aux huiles et à l'eau, qui soit résistant aux températures mises en oeuvre lors du chauffage ou du réchauffage des aliments contenus, qui soit operculable de manière fiable, étanche et entièrement biodégradable et compostable (page 4, lignes 3 à 9).

Le brevet porte donc sur un procédé de fabrication d'un emballage compostable dont les différentes étapes sont divulguées par la revendication 1.

Le brevet se compose de 13 revendications dont seules sont opposées les revendications 1 à 7 et 11 à 13 ainsi libellées :

1. Procédé de fabrication d'un emballage alimentaire compostable comprenant les étapes suivantes :

a) fournir un emballage compostable en matériau perméable à l'air,

b) appliquer au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, un film en polyester compostable présentant une température de fusion comprise entre 75 et 150o C, une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa et un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %,

c) chauffer le film à une température comprise entre 80 et 150o C, et au moins égale à la température de fusion du film,

d) appliquer une aspiration par le dessous de l'emballage afin de thermosceller le film sur toute la surface supérieure du matériau,

e) refroidir l'ensemble afin d'obtenir un emballage comprenant un film soudé.

2. Procédé selon la revendication 1 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable à l'air est en cellulose compressée.

3. Procédé selon la revendication 2 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable est de type barquette munie d'un fond, de parois latérales et éventuellement d'un rebord destiné au scellage d'un éventuel opercule.

4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3 dans lequel la température de fusion du film en polyester compostable est comprise entre 75 et 150o C, plus particulièrement entre 80 et 140o, plus particulièrement encore entre 85 et 130oC , plus particulièrement encore aux environs de 120o C.

5. Procédé selon l'une des revendications 1 à 4 dans lequel le film compostable en polyester présente une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa, particulièrement entre 15 et 25 MPa ; plus particulièrement entre 20 et 25 MPa.

6. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5 dans lequel le film compostable en polyester présente ainsi un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %, plus particulièrement compris entre 300 et 500 %, plus particulièrement entre 350 et 400 et plus
particulièrement encore aux environs de 350.

7. Procédé selon l'une des revendications 1 à 6 dans lequel le film en polyester compostable est imperméable à l'eau et aux huiles.

11. Emballage susceptible d'être obtenu par un procédé selon l'une des revendications précédentes.

12. Emballage selon la revendication 11 comprenant un fond, des parois latérales et un rebord périphérique, contenant un produit alimentaire et operculé par un film protecteur thermoscellé au niveau du rebord périphérique.

13. Utilisation d'un emballage selon la revendication 11, pour la liaison chaude ou la liaison froide en restauration collective.

Il comprend la figure suivante :

Portée du point B de la revendication 1 du brevet FR' 844

Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent que les valeurs précises des paramètres mécaniques de contrainte de traction à rupture et d'allongement en traction à rupture du film, objets du point B de la revendication 1 du brevet FR' 844, sont secondaires.

Précisément, selon elles, la lecture du brevet permet à l'homme du métier de comprendre que l'invention revendiquée repose sur trois éléments essentiels :

- la perméabilité à l'air de l'emballage initial,
- la capacité du film en polyester à se déformer sous l'effet de la température, sans pour autant se rompre,
- et l'aspiration de l'air par le dessous de l'emballage en profitant de la perméabilité de l'air,

et que partant, c'est en lien avec ces éléments, ici les deux derniers, qu'il doit s'appliquer à interpréter les propriétés mécaniques (contrainte de traction à rupture et allongement en traction à rupture) que le film doit revêtir pour être apte à remplir une double fonction, celle de résister aux étapes de thermoscellage sans rompre et celle de garder une tenue thermomécanique conforme à l'utilisation envisagée (liaison chaude ou froide, aliments solides ou liquides).

A cet égard, elles soutiennent que, quand bien même l'un des paramètres du film utilisé pour procéder à la fabrication d'emballages alimentaires n'entrerait pas dans la plage revendiquée par le point b) de la revendication 1, il n'en demeurerait pas moins que ce procédé de fabrication devrait être considéré comme entrant dans le champ du brevet FR' 844 s'il apparaît que le film a rempli la double fonction susmentionnée, celle de résister aux étapes de thermoscellage sans rompre et celle de garder une tenue thermomécanique conforme à l'utilisation envisagée.

Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT considèrent qu'en transformant une caractéristique essentielle du brevet en son prétendu effet technique, les sociétés demanderesses tentent d'étendre l'objet revendiqué au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

Sur ce,

Il convient de déterminer l'étendue de la protection en interprétant les revendications du brevet par référence à la description et aux dessins, c'est-à-dire, s'il y a obscurité ou ambiguïté, en dissipant l'obscurité ou l'ambiguïté et, en toute hypothèse, en donnant au texte de la revendication sa pleine signification, afin qu'elle soit comprise. Cette interprétation, qui ne peut être cherchée que dans la description et les dessins, doit conduire à dégager la substance de l'invention revendiquée, sans pour autant apporter un élément que la revendication ne contenait ni ne suggérait de quelque manière que ce soit.

Pour rappel, la revendication 1 du brevet FR'844 est ainsi libellée :

1. Procédé de fabrication d'un emballage alimentaire compostable comprenant les étapes suivantes :

a) fournir un emballage compostable en matériau perméable à l'air,

b) appliquer au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, un film en polyester compostable présentant une température de fusion comprise entre 75 et 150o C, une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa et un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %,

c) chauffer le film à une température comprise entre 80 et 150o C, et au moins égale à la température de fusion du film,

d) appliquer une aspiration par le dessous de l'emballage afin de thermosceller le film sur toute la surface supérieure du matériau,

e) refroidir l'ensemble afin d'obtenir un emballage comprenant un film soudé.

Au point b) de la revendication 1 précitée, sont précisées les caractéristiques et valeurs des paramètres que le film doit présenter pour entrer dans le champ de protection du brevet FR' 844, de sorte que :

- les propriétés du film ne peuvent être considérées comme secondaires ou non essentielles ;

- le brevet étant suffisamment clair sur ces points, il n'est pas nécessaire pour l'homme du métier de se livrer à une quelconque interprétation.

Ainsi, l'homme du métier qui lira la revendication 1, par référence à la description du brevet, et comprendra que le film doit revêtir des propriétés mécaniques lui permettant de résister aux étapes de thermoscellage sans rompre et de garder une tenue thermomécanique conforme à l'utilisation envisagée, n'en sera pas moins incité à respecter les plages prévues par le point b) de la revendication 1 pour mettre en oeuvre l'invention.

Au demeurant, considérer que le brevet couvrirait également un procédé de fabrication d'un emballage alimentaire composé d'un film dont les propriétés mécaniques n'entrent pas dans les plages prévues au point b) de la revendication 1, aboutirait incontestablement à augmenter l'étendue de la protection conférée par le brevet tel qu'il a été déposé.

Partant, il convient de retenir que le film couvert par le brevet présente nécessairement des propriétés mécaniques dont les valeurs sont comprises dans les plages revendiquées par le point b) de la revendication 1.

IV - La validité du brevet FR' 844

Les sociétés PACKBENEFIT SL et RESCASET CONCEPT contestent la validité du brevet FR'844 pour insuffisance de description, et la validité de ses revendications 1 à 7 et 11 à 13 pour défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive.

Il convient au préalable de définir l'homme du métier, ainsi que de déterminer le périmètre de ses connaissances générales.

A - La définition de l'homme du métier et de ses connaissances générales

Les sociétés CELLULOPACK SL et PROPLAST proposent de définir l'homme du métier comme un spécialiste de la fabrication d'emballages aptes au contact alimentaire, biodégradables et compostables. Elles excluent le fait qu'il puisse s'agir d'un spécialiste de toutes sortes d'emballages. Elles ajoutent qu'il n'est pas davantage fabriquant de films compostables, de sorte qu'il ne peut être attendu de lui qu'ils procèdent à des essais de traction sur lesdits films pour en mesurer les propriétés mécaniques.

Elles admettent que, parmi les connaissances de l'homme du métier, figurent le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli, édité en 2005, traitant notamment des films compostables, ainsi que les normes de détermination des paramètres mécaniques des films plastiques, notamment les méthodes normées ASTM et ISO.

Elles contestent en revanche que les sites Internet Design Technology et Technology Student, traitant des notions de vide et d'aspiration, entrent également dans le champ des connaissances générales de l'homme du métier.

La société PACKBENEFIT définit l'homme du métier comme un ingénieur spécialiste de la fabrication d'emballages alimentaires recyclables, doté de connaissances générales dans le domaine de l'emballage, notamment sur les films compostables et les techniques classiquement utilisées pour le scellage de films alimentaires sur les emballages. Ces connaissances intègrent selon elle les normes et les manuels et ouvrages de référence.

La société RESCASET CONCEPT définit l'homme du métier comme un professionnel de la fabrication des emballages alimentaires compostables.

Précisément, les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT font valoir que font partie des connaissances générales de l'homme du métier :

- en matière de films compostables : le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli édité en 2005 ;
- en matière d'essais de traction : le fascicule "Essais mécaniques des plastiques - caractéristiques instantanées" des techniques de l'Ingénieur, daté du 10 juillet 1999, et les méthodes normées (notamment ASTM D638, ASTM D882, ASTM D1708, ISO 527), pour la détermination des paramètres des films en plastique ;
- en matière de procédés de scellage de film : les connaissances figurant dans le rapport de consultation privée de M. [O], expert auprès de la cour d'appel de Toulouse, consacré notamment aux techniques de thermoformage ;
- les différents procédés de scellage de film ;
- sur les notions "d'aspiration" et de "vide" : les sites Internet de référence, notamment les documents Design Technology et Technology Student.

Sur ce,

L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440).

En outre, l'homme du métier peut s'aider de la description et des dessins pour reproduire l'invention (Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no05-12.626).

En l'occurrence, l'homme du métier est un spécialiste de la fabrication d'emballages aptes au contact alimentaire, biodégradables et compostables.

Figurent ainsi parmi ses connaissances générales, le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli édité en 2005, ainsi que les méthodes normées permettant de déterminer les propriétés mécaniques des films plastiques, dès lors qu'il est conduit à en faire usage, et ce quand bien même il n'est pas lui-même fabricant de films plastiques.

Entrent également dans le périmètre de ses connaissances les différents procédés de scellages de films, notamment ceux figurant dans le rapport de consultation privée de M. [O], expert auprès de la cour d'appel de Toulouse, consacré notamment aux techniques de thermoformage.

Il en est de même des sites Internet de référence, notamment les documents Design Technology et Technology Student, relatifs aux notions de vide et d'aspiration, lesquels ont été archivés avant le dépôt de la demande de brevet FR' 844.

B - Le grief de l'insuffisance de description

Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT soutiennent que le brevet FR'844 est nul, à titre principal, pour insuffisance de description.

Elles indiquent en particulier que lorsque les caractéristiques revendiquées incluent des paramètres essentiels à la résolution du problème technique, l'invention ne peut être suffisamment décrite que si ces paramètres peuvent être mesurés, sur la base des enseignements du brevet, au moyen d'une méthode de nature à produire des valeurs constantes. Or, selon elles, les paramètres essentiels à la résolution du problème technique posé, inclus dans la revendication 1 du brevet FR'844, ne peuvent pas être mesurés sur la base des enseignements du brevet au moyen d'une méthode de nature à produire des valeurs constantes, de sorte qu'il est impossible pour l'homme du métier de savoir quels sont les films adaptés à la mise en oeuvre de l'invention. Ces paramètres étant incorporés dans toutes les revendications du brevet, l'insuffisance de description dont souffre la revendication 1 s'étend à l'ensemble des revendications du brevet.

En réponse à l'argumentation développée par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPLAST, elles font valoir que le brevet ne cite aucun exemple de film commercial présentant des propriétés mécaniques entrant dans le périmètre de protection du brevet, mais se contente d'énumérer trois grandes familles de matériaux présentant des propriétés mécaniques différentes selon qu'elles proviennent d'un fabriquant ou d'un autre, ceux-ci proposant de larges gammes de produits. Quant aux fiches techniques de films produites en demande, permettant de s'assurer que ceux-ci présentent des propriétés entrant dans les plages de valeurs revendiquées, la société PACKBENEFIT soutient qu'il n'est pas démontré qu'elles étaient accessibles sur Internet à la date du dépôt du brevet et qu'elles faisaient dès lors partie des connaissances générales de l'homme du métier à cette date.

Enfin, elles considèrent que les "essais de routine" auxquels l'homme du métier serait susceptible de se livrer, selon les sociétés demanderesses, afin de déterminer les propriétés de traction d'un film, indépendamment des valeurs revendiquées, s'apparentent au contraire à un véritable programme de recherche, impliquant un effort excessif, dès lors que les propriétés mécaniques du film ne sont pas les seuls éléments à considérer pour obtenir les résultats escomptés, entrant également en jeu le choix de la température de chauffage et l'épaisseur du film, outre l'ajustement de la puissance d'aspiration en fonction des caractéristiques mécaniques du film et de la porosité de l'emballage.

Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent que les lacunes ou imprécisions dont pourrait souffrir l'exposé de l'invention ne le rendent pas nécessairement insuffisant, dès lors que l'homme du métier peut les déduire sans effort excessif du reste de la description, des dessins, ainsi que de ses connaissances générales dans le domaine technique en cause, notamment celles accessibles dans les ouvrages de référence.

Elles rappellent que l'homme du métier n'étant pas un fabricant de films compostables mais un spécialiste de la fabrication d'emballages alimentaires biodégradables et compostables, il choisira les films commerciaux dont il a besoin pour mettre en oeuvre l'invention en se référant aux valeurs indiquées dans leur fiche technique, sans avoir à procéder lui-même à des essais de traction.

Elles soutiennent que ce faisant, il n'est pas nécessaire de préciser la méthode de mesure des paramètres en question, les sociétés défenderesses ne démontrant pas au demeurant que le recours à des normes différentes de mesure des paramètres en cause aurait pour effet d'aboutir à des valeurs significativement différentes.

Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent ainsi que l'homme du métier dispose ici de suffisamment d'éléments pour savoir quel film utiliser pour réaliser l'invention, dès lors que :

- le brevet FR' 844 donne des exemples de films en polyester compostables possédant les propriétés ci-dessus rappelées ;
- l'homme du métier est en tout état de cause à même d'identifier des films susceptibles de convenir pour une telle application en faisant appel à ses connaissances générales, et notamment à l'ouvrage de référence de Bastioli identifiant plusieurs films commerciaux présentant les caractéristiques revendiquées et permettant de réaliser l'invention ;
- l'homme du métier, qui a connaissance des normes précitées, pourrait, s'il le souhaitait, procéder aisément à des tests sur le film choisi par ses soins, pour vérifier sa capacité à se déformer par chauffage sans se rompre.

Sur ce,

L'article L. 612-5 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

Ainsi, aux termes de l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle :

" Le brevet est déclaré nul par décision de justice :
(...)
b) s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (...) ".

L'exigence de suffisance de description, qui a pour finalité de garantir la possibilité pour l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques, est satisfaite dès lors que la description indique les moyens qui donnent à l'homme du métier, doté des capacités et des connaissances que l'on est en droit d'attendre de lui, la possibilité de mettre en oeuvre l'invention en faisant un effort raisonnable de réflexion.

Pour rappel, la revendication 1 du brevet FR'844 enseigne un procédé de fabrication d'un emballage alimentaire compostable comprenant les étapes suivantes :

« a) (...),

b) appliquer au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, un film en polyester compostable présentant une température de fusion comprise entre 75 et 150o C, une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa et un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %».

Il est constant que les propriétés en traction d'un matériau correspondent à un ensemble de paramètres mécaniques qui définissent le comportement du matériau lorsqu'il est soumis à une force tendant à l'étirer. Sont ainsi testés la contrainte de traction à rupture du matériau et l'allongement de traction à rupture.

Il résulte de la norme internationale ISO 527-1 relative à la détermination des propriétés en traction des plastiques, dans sa première partie intitulée "Principes généraux", que :

- la contrainte de traction à rupture, également appelée résistance à la traction, correspond à la contrainte à laquelle l'éprouvette du matériau, soumise à un test de traction, se rompt. Elle est exprimée en mégapascals (Mpa) ;

- l'allongement de traction à rupture (encore appelée déformation à la rupture), est la déformation au dernier point enregistré avant la réduction de la contrainte à une valeur inférieure ou égale à 10 % de la résistance lorsque la rupture se produit avant le seuil d'écoulement. Cette valeur est exprimée en pourcentage.

Ces paramètres peuvent être mesurés suivant différentes normes, en fonction notamment du matériau en cause, lesquelles normes définissent les conditions de détermination de ces propriétés en traction. Plusieurs normes peuvent être appliquées à un même matériau.

Ainsi, s'agissant des matériaux plastiques, sont notamment applicables les normes ISO 527, ASTM D882 (pour les plastiques sous forme de feuilles et de films minces - moins de 1,0 mm d'épaisseur) ou encore ASTM D638 (pour les plastiques non renforcés et renforcés de toute épaisseur jusqu'à 14 mm).

Il convient de préciser que chaque norme expose une méthode précise, permettant de mesurer les paramètres de traction précités, prenant en compte les dimensions recommandées pour les éprouvettes, les conditions de préparation et de conditionnement des dites éprouvettes ou encore la vitesse d'essai, l'ensemble de ces facteurs ayant une répercussion sur le résultat. Ainsi, lorsque, en faisant application d'une même norme, des résultats comparatifs sont requis, ces facteurs doivent être soigneusement contrôlés et enregistrés, ce que précisent les différentes normes produites par la société RESCASET (pièces no 8 à 14 de la société RESCASET).

Il en va de même lorsque des résultats comparatifs sont requis pour un même matériau, en faisant application de deux normes différentes.

Cependant, si les sociétés défenderesses démontrent que les méthodes d'essai sont différentes selon les normes respectées, elles ne démontrent aucunement qu'en respectant scrupuleusement lesdites normes, les valeurs des paramètres obtenues pour un même matériau seraient significativement différentes.

Par ailleurs, ainsi que le soutiennent les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST, l'homme du métier, qui n'est pas un spécialiste de la fabrication de films plastiques, sera incité à se procurer des films trouvés dans le commerce dont les valeurs correspondent aux valeurs entrant dans le champ de la revendication du brevet FR'844.

A cet égard, elles justifient qu'il est offert de trouver sur Internet les fiches techniques de certains films plastiques dont les valeurs des paramètres de contrainte de traction à rupture, allongement de traction à rupture et température de fusion entrent dans le champ de la caractéristique b) de la revendication 1 du brevet FR'844 (pièces no 2.14 à 2.16 des sociétés CELLULOPACK SL, PROPLAST et NUTRIPLAST).

S'il est vrai qu'il n'est pas certain qu'au moment du dépôt du brevet, lesdites fiches techniques étaient bien accessibles sur Internet, il doit être considéré qu'elles étaient nécessairement fournies avec le film lors de son achat.

En tout état de cause il n'est pas contesté que dans le "Manuel sur les Polymères Biodégradables" de Bastioli édité en 2005, sur lequel les parties s'accordent pour considérer qu'il entre dans le périmètre des connaissances générales de l'homme du métier, sont présentés plusieurs films commerciaux entrant dans le champ de la caractéristique b) de la revendication 1 du brevet FR'844 (pièce no 2.9 des sociétés CELLULOPACK SL, PROPLAST et NUTRIPLAST).

Par ailleurs, quand bien même l'homme du métier n'est pas un spécialiste de la fabrication des films en plastique, il est conduit à en utiliser aux fins de fabrication d'emballages alimentaires et a dès lors nécessairement connaissance des normes précitées, lesquelles sont au demeurant d'un accès aisé, les normes ASTM étant mises au point par l'ASTM International, organisme américain de normalisation, et les normes ISO, par l'Organisation Internationale de Normalisation, fédération mondiale d'organismes nationaux de normalisation.

Partant, il lui est possible, s'il le souhaite, de vérifier les valeurs indiquées sur un film commercial, en faisant procéder à des essais au moyen de la mise en oeuvre de l'une de ces normes, voire de plusieurs d'entre elles.

Ainsi, l'homme du métier est mis en mesure, sans effort excessif, d'exécuter l'invention telle qu'elle est divulguée par le brevet FR'844.

Les revendications du brevet FR'844 ne souffrent en conséquence d'aucune insuffisance de description.

C - Le grief du défaut de nouveauté

Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET rappellent que le document BOWDEN a été opposé par l'INPI et par l'OEB comme privant de nouveauté la revendication 1 du brevet FR' 844 et soutiennent que la société CELLULOPACK l'a reconnu en plaçant l'intégralité de son contenu dans le préambule de la revendication 1 de son extension européenne, partie consacrée aux caractéristiques dont la combinaison est connue de l'état de la technique.

Elles font en effet valoir que le document BOWDEN divulgue l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR' 844 en ce qu'il enseigne les caractéristiques suivantes :

- la fourniture d'un emballage compostable à usage alimentaire ( = A) ;
- l'utilisation d'un film placé au-dessus du récipient moulé et qui sera appliqué par l'effet de la chaleur pour faire adhérer la feuille au récipient (= B) ;
- ce film est compostable ou biodégradable avec une température de fusion d'environ 123-190 oC
ou plus et, en particulier, il peut être un copolyester aliphatique aromatique, biodégradable, tel que le BASF Ecoflex (il peut donc s'agir d'un film en polyester compostable) (= B) ;
- le BASF Ecoflex a une température de fusion d'environ 145 à 170 oC (= B) ;
- il a, comme cela résulte du manuel Bastioli, une contrainte de traction à rupture d'environ 25 Mpa et un allongement de traction à rupture d'environ 500 % (= B) ;
- dans un mode de réalisation, un film BASF biodégradable et compostable de 1,75 mil, tel que l'Ecoflex 1340, est chauffé en surface à une température de 145 à 160 oC en 15 secondes (= C) ;
- le film est chauffé jusqu'à environ sa température de fusion avant d'être appliqué sur le récipient chauffé (= C) ;
- le "film est chauffé en surface puis un vide est appliqué pour tirer le film dans le récipient" ; l'adhésion du film au récipient le "rend apte à retenir les liquides chauds ou froids dans des applications commerciales et domestiques", ce qui confirme que le chauffage et l'aspiration du film ont pour effet de souder le film sur le récipient (= D) ;
- "le film et le récipient refroidissent ensuite à une température inférieure au point de fusion" (= E).

Elles soulignent le fait que les sociétés demanderesses, qui font valoir que les points A et D du brevet FR' 844 n'ont pas été divulguées par le document BOWDEN admettent a contrario qu'il en décrit les caractéristiques B, C et E.

La société PACKBENEFIT fait valoir que le document BOWDEN divulgue le fait que le film puisse être constitué d'un mélange comportant de 50 % à 90 % de pâte de cellulose vierge, matériau connu pour être perméable à l'air, et elle ajoute, de même que la société RESCASET, qu'il privilégie également les emballages ayant une teneur en farine/fibre de bois et/ou en pâte à papier égale à 30, 40 ou 50 % en poids du mélange final, matériaux connus aussi pour être perméables à l'air, de sorte que la caractéristique A de la revendication 1 du brevet FR' 844 a bien été divulguée par ce document.

S'agissant de la caractéristique D, elles exposent que le document BOWDEN divulgue un passage de l'air au travers du récipient, ce qui est attesté par la consultation privée de M. [O], expert près la cour d'appel de Toulouse, qui a schématisé de la manière suivante la machine de formage sous-vide mentionnée par le document BOWDEN :
Les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET soutiennent que le document BOWDEN divulgue, comme le schéma ci-dessus le représente, une aspiration par le dessous de la barquette, et qu'il est "physiquement absurde" d'arguer du fait que "l'aspiration pourrait se faire depuis un orifice disposé n'importe où autour de l'enceinte" (conclusions de la société PACKBENEFIT page 56). En effet, disent-elles, pour qu'un film soit aspiré dans la partie la plus profonde du récipient, comme le mentionne le document BOWDEN, autrement dit se déplace du haut vers le bas dans le récipient, la dépression (ou zone de vide) qui crée l'aspiration doit être positionnée au dessous, car dans le cas contraire, l'aspiration aurait pour effet de tirer le film vers le haut et de l'éloigner du fond du récipient ou encore de venir le plaquer contre la bouche d'aspiration.

Par ailleurs, elles critiquent le rapport d'expertise privée établi par M. [Y] et produit aux débats par les sociétés défenderesses, lequel nie toute utilisation de la notion de vide dans le procédé revendiqué par le brevet FR' 844, alors même que d'une part, le brevet évoque lui-même l'application d'un vide par le dessous de la barquette, lors de l'étape D, afin de plaquer par dépression le film sur toute la surface supérieure de la barquette, et que d'autre part, il est contraire aux lois de la physique de soutenir que l'aspiration telle que décrite pourrait s'effectuer à l'air libre (en dehors de toute enceinte) car en ce cas "l'aspiration se produirait partout sauf entre le film et l'emballage" puisque par définition, c'est le seul endroit où l'air se confronterait à une résistance à vaincre (la traversée de l'emballage en carton). Il existe ainsi toujours une enceinte plus ou moins hermétique pour créer une aspiration ou un vide.

A cet égard, elles soutiennent qu'il résulte des extraits de la vidéo annexée au procès-verbal de constat d'essai du 13 novembre 2020, mis en oeuvre par la société CELLULOPACK, que lors de l'application du vide, l'emballage est positionné dans un caisson sensiblement hermétique qui est défini par le caisson à vide, la plaque contenant les alvéoles, dans lesquelles sont disposées les barquettes, le cadre à travers lequel est tendu le film, qui vient s'abaisser pour se positionner contre la périphérie de la plaque à alvéoles pour les fermer hermétiquement par l'apposition du film au dessus de celles-ci.

En outre, elles font valoir que les barquettes doivent nécessairement être disposées dans un support, qui peut porter le nom de moule, alvéole ou nid, puisqu'il est important qu'elles ne se déforment pas sous l'effet de l'aspiration appliquée par le dessous.

Et enfin, elles rappellent qu'en tout état de cause, les termes mêmes du brevet FR' 844 n'excluent pas que l'homme du métier puisse avoir recours à une machine traditionnelle à vide, puisqu'il lui laisse la liberté d'user de tout moyen approprié pour qu'il soit procédé à l'aspiration par le dessous de la barquette.

Les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST indiquent en premier lieu que les sociétés défenderesses tentent de faire valoir la théorie du "file wrapper estoppel" en pointant du doigt les échanges qui ont eu lieu entre la société CELLULOPACK et l'OEB dans le cadre de la procédure de délivrance du brevet EP' 623, alors qu'il est constamment jugé par les juridictions françaises que la procédure suivie devant les offices est inopérante dans le cadre du débat judiciaire en contrefaçon de brevet, de sorte que toute modification de revendication opérée dans le cadre des procédures d'examen ou d'opposition devant un office n'implique en rien un quelconque aveu de nullité du titre de la part du titulaire. Selon elles, si le juge judiciaire est amené à examiner des questions de portée et de validité d'un brevet, qui auraient déjà été débattues au cours de procédures d'examen ou d'opposition devant les offices, son pouvoir d'appréciation reste limité, la prise en compte des positions défendues au cours de la procédure devant les offices n'étant qu'optionnelle et lesdites positions ne pouvant constituer que de simples éléments factuels, qui ne lient pas le juge. De plus, le juge n'est susceptible d'en tirer les conséquences que sur le seul sujet de la portée du brevet en cause.

En tout état de cause, elles indiquent que le document BOWDEN était cité dans le rapport de recherche préliminaire de la demande de brevet FR' 844 et que l'INPI a délivré le brevet au regard de ce document. Elles précisent que dans l'opinion écrite jointe au rapport de recherche, l'INPI avait cru déceler la caractéristique D de son brevet dans le document BOWDEN au seul motif qu'il aurait divulgué "une aspiration pour thermosceller le film sur la surface de l'emballage". Or, cette caractéristique n'est pas une "aspiration" quelconque, mais une aspiration qui s'opère par le dessous du récipient. C'est ainsi qu'à la suite de la réponse apportée par la société CELLULOPACK sur ce point, l'INPI a finalement délivré le brevet litigieux.
Elles ajoutent que le rapport de recherche européen a présenté les mêmes lacunes que celui rendu par l'INPI ; que c'est pour ce motif qu'après avoir apporté une réponse à l'OEB sur le document BOWDEN, l'examinateur a poursuivi son analyse en se fondant sur d'autres antériorités.
Elles rappellent que la demande de brevet européen de la société CELLULOPACK n'a pas été rejetée par l'OEB mais qu'elle a, de son propre chef, abandonné cette demande avant sa délivrance, du fait du marché essentiellement français auquel elle se destinait.

En second lieu, s'agissant du document BOWDEN, les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST soutiennent qu'il ne divulgue pas la caractéristique D du brevet FR' 844, ni, de manière certaine, sa caractéristique A.

Selon elles, le document BOWDEN décrit un mode de réalisation utilisant une technique de filmage sous vide ("vacuum forming filming technique"), permettant au film d'être tiré efficacement sur la surface du récipient. Techniquement, "un conteneur est placé dans un nid qui est un réceptacle conforme aux contours des surfaces externes, et les trous de vide à l'intérieur du nid sont nombreux et répartis de manière à faciliter le mouvement du film dans la partie la plus profonde du récipient". Le document évoque ensuite une machine de formage sous vide devant être utilisée, sans apporter toutefois plus de détails. Elles en déduisent que l'homme du métier comprendra dès lors que la machine à laquelle il est fait référence est une machine traditionnelle de formage sous vide, comprenant une enceinte hermétique et fermée, dans laquelle un vide est créé afin d'éliminer l'air de façon générale dans l'enceinte. Or, selon elles, cette technique ne divulgue en rien la technique d'aspiration par le dessous de l'emballage revendiquée dans la caractéristique D de la revendication 1 du brevet FR' 844, laquelle ne se réfère pas simplement à un phénomène physique de cheminement de l'air, qui peut survenir en toutes occasions, mais à une technique d'aspiration de l'air par le dessous de l'emballage, faisant l'économie de l'usage d'une enceinte hermétique. A cet égard, elles critiquent les conditions dans lesquelles le rapport d'expertise privé, produit par la société PACKBENEFIT, a été réalisé à sa demande, les questions posées à M. [O] présentant de façon volontairement erronée la caractéristique D de la revendication 1 du brevet FR' 844 (notamment par l'usage de la notion d'"aspiration au travers du récipient" à la place de "par le dessous de l'emballage"). Elles considèrent cependant que l'expert n'a fait que confirmer le fait que le document BOWDEN ne divulgue pas une technique d'aspiration par le dessous, mais bien une technique de vide réalisée à l'intérieur d'une enceinte hermétique fermée dans laquelle se trouvent l'emballage et le film. Et elles précisent que si l'expert a volontairement placé sur son schéma les orifices d'aspiration de l'air en bas de l'enceinte, afin de la rapprocher au plus près du brevet FR' 844, ceux-ci pourraient être disposés, en l'absence de précision sur ce point dans le document BOWDEN, à n'importe quel endroit sur le pourtour de l'enceinte. Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK produisent également un rapport établi par un expert privé, M. [Y], écartant toute identité entre les deux techniques d'application du film en litige.

Concernant la caractéristique A de la revendication 1 du brevet FR' 844, laquelle divulgue l'utilisation d'un emballage compostable en matériau perméable à l'air, elles considèrent qu'elle n'est pas nécessairement antériorisée par le document BOWDEN, dès lors qu'il enseigne l'usage d'un récipient en amidon pré-gélatinisé dont rien n'indique que son éventuelle perméabilité à l'air serait suffisante pour permettre une aspiration efficace par le dessous et uniquement par le dessous de celui-ci.

Sur ce,

L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Le brevet est déclaré nul par décision de justice ;
a) si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L.611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 (...) ».

Aux termes de l'article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle :

« Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.

L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (...)».

Il est constamment jugé que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique (Cass. com., 12 mars 1996, no 94-15283).

La prise en compte des éléments de la procédure de délivrance du brevet EP' 623

Il est relevé en premier lieu que les sociétés défenderesses ne sollicitent pas qu'il soit fait application de la théorie développée aux Etats-Unis, dite du "file wrapper estoppel", qui développe l'idée qu'un brevet ne peut couvrir, en application de la théorie des équivalents, ce à quoi il a été renoncé au cours de la procédure de délivrance.

En revanche, il est vrai qu'elles incitent le tribunal à considérer que la société CELLULOPACK a admis la nullité de la revendication 1 du brevet FR' 844 en plaçant l'intégralité de son contenu dans le préambule de la revendication 1 de son extension européenne (EP' 623), partie non caractérisante de ladite revendication.

Or, la modification du libellé des revendications, par le déposant, au cours de la procédure de délivrance du brevet, en considération des remarques émises dans le cadre des rapports de recherche et observations des offices, ne peut être considérée comme un acquiescement aux objections soulevées par l'examinateur ou un aveu par le déposant de la nullité de son titre.

Les positions défendues au cours de la procédure devant les offices ne peuvent constituer que de simples éléments factuels, à considérer parmi d'autres, ne liant pas le juge.

Le document BOWDEN

Le document BOWDEN est une demande internationale de brevet publiée le 31 mai 2007 sous le numéro WO 2007/062265 A2, ayant pour titre "Procédé pour filmer des récipients biodégradables ou compostables".

Dans le résumé de l'invention, il est précisé qu'elle propose des procédés améliorés pour filmer des conteneurs biodégradables ou compostables convenant pour contenir des boissons ou des aliments chauds (page 5 paragraphe 2).

Précisément, il s'agit d'un procédé pour filmer un récipient biodégradable, comprenant : (a) la fourniture d'un récipient biodégradable chauffé, dans lequel la température du récipient est approximativement la température de fusion d'un film biodégradable ; (b) chauffer le film biodégradable; et (c) appliquer le film biodégradable chauffé à la surface du récipient.

Il convient de préciser à titre liminaire que si le brevet FR' 844 n'intègre pas dans ses revendications le chauffage de l'emballage, en parallèle de celui du film, comme c'est le cas du document BOWDEN, il en est néanmoins fait état, notamment en page 12 ("De manière avantageuse, la barquette est aussi chauffée, et via une aspiration le film est thermoscellé au matériau de la barquette"). Ainsi, si cette étape du procédé enseigné par le document BOWDEN peut à première vue constituer une différence marquante avec le procédé enseigné par le brevet FR' 488, il n'en est rien, ce dernier document n'excluant pas, au contraire, le recours au chauffage du récipient.

Par ailleurs, il n'est pas contesté par les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST que ce document fait partie de l'état de la technique, ni au surplus qu'il divulgue les caractéristiques B, C et E du brevet FR' 844.

Il est en effet relevé que le procédé enseigné par le document BOWDEN prévoit, dans l'un de ses modes de réalisation, l'application d'un film au-dessus de la surface supérieure de l'emballage, notamment un film Ecoflex 1340, résine polyester compostable ("dans certains cas, il est utilisé un film moulé par soufflage à partir d'une résine produite par BASF (Allemagne), comme l'Ecoflex 1340, laquelle est biodégradable et peut être compostable dans une application commerciale"). Et il précise que les films fabriqués à partir de cette résine à base de polyester ont une grande tolérance à la chaleur avec des températures de fusion allant de 145 o à 170 o, ce qui correspond en partie à la plage de température revendiquée au point B de la revendication 1 du brevet FR' 844. Il résulte également du "Manuel des polymères biodégradables" de Bastioli que l'Ecoflex présente une contrainte de traction à rupture égale à 25 Mpa et un allongement en traction à rupture égal à 500 %, ces valeurs étant également comprises dans les plages revendiquées au point B de la revendication 1 du brevet FR' 844.

Il résulte également du document BOWDEN que le film est chauffé en surface à une température de 145 à 160 o C en 15 secondes, autrement dit, comme l'indique le point C de la revendication 1 du brevet FR' 844, à une température partiellement comprise entre 80 et 150 oC, et au moins égale à la température de fusion du film (à tout le moins lorsque celle-ci est donc limitée à 160 oC).

En outre, le document BOWDEN prévoit que le film et le contenant refroidissent à une température inférieure au point de fusion. Il s'en déduit logiquement que ce refroidissement intervient lorsque le film s'est figé dans sa configuration soudée à l'emballage. Il divulgue ainsi le point E de la revendication 1 du brevet FR' 844 enseignant que la dernière étape du procédé consiste dans le refroidissement de l'ensemble afin d'obtenir un emballage comprenant un film soudé.

Concernant les caractéristiques de l'emballage, le point A de la revendication 1 du brevet FR' 488 enseigne qu'il est compostable et dans un matériau perméable à l'air. Il est toutefois observé qu'aucun degré de perméabilité n'est précisé. Si les sociétés demanderesses font valoir qu'il se déduit des termes du brevet que la perméabilité du récipient doit être suffisamment élevée pour permettre une aspiration efficace du film par le dessous, force est de constater que le degré de perméabilité de la barquette dépend également de la puissance de l'aspiration qui sera exercée. Le document BOWDEN précise à ce sujet que dans un mode de réalisation, précisément lorsqu'est utilisé un système d'aspiration pour mettre en forme le film autour de l'article moulé, le fait d'augmenter la teneur en farine/fibre de bois et/ou pâte de à papier (matériaux constitués de cellulose, particulièrement perméable à l'air) à 30 %, 40 % ou 50 % en poids du mélange final, peut faciliter le processus de mise sous vide. Ce document divulgue ainsi le point A de la revendication 1 du brevet FR' 844 en enseignant un mode de réalisation dans lequel la composition de l'emballage présente une certaine perméabilité à l'air, de nature à en faciliter l'aspiration.

S'agissant du point D de la revendication 1 du brevet FR' 844, il est constaté qu'il enseigne l'application d'une aspiration par le dessous de l'emballage afin de thermosceller le film sur toute la surface supérieure du matériau, sans toutefois préciser selon quel procédé cette aspiration doit être opérée. Il est ainsi indiqué en page 12 du brevet que "l'aspiration par le dessous peut être appliquée par tout moyen approprié" et ajouté qu' "il est dans les compétences de l'homme du métier d'adapter une chaîne de pelliculage à cette fin".

Le document BOWDEN prévoit parmi plusieurs applications du film sur la barquette, le recours à la technique de filmage sous vide, sans qu'aucune figure ne vienne toutefois en préciser le fonctionnement. Dans le premier exemple fourni, "le récipient est transféré dans le nid de la machine à vide et le porte film est fermé sur le récipient (...) Un vide est appliqué et le film ramolli est aspiré dans le récipient " (page 72).

Il résulte du rapport de M. [O] que, dans la technique de formage sous vide mentionnée dans le document BOWDEN, l'air passe nécessairement au travers du récipient à filmer pour tirer le film à l'intérieur du récipient. En effet, les trous présents dans le réceptacle ne peuvent permettre de tirer le film au fond du récipient que si précisément l'air passe au travers du récipient. De même, la prévision d'une modification du matériau du récipient, afin de le rendre plus perméable et de faciliter sa mise sous vide, implique nécessairement un tel passage. Il en conclut que le document BOWDEN "évoque donc clairement le principe d'une aspiration au travers de la matière du récipient". Et il ajoute que toute autre aspiration, notamment en utilisant un vide d'air autour du récipient, serait d'une moindre efficacité et ne permettrait pas aisément d'éviter les plis préjudiciables aux emballages destinés à l'agro-alimentaire.

Il est également relevé que c'est de manière artificielle que les sociétés demanderesses, en s'appuyant sur le rapport de M. [Y], soutiennent que leur procédé ne fait pas appel au vide mais à un transfert de l'air par aspiration par le dessous de la barquette, alors même que le vide est couramment appliqué au moyen d'une aspiration. Ici, un vide est généré entre le film et le récipient, la surface extérieure du film se trouvant alors seule exposée à la pression de l'air. Cela est confirmé par la description même du brevet FR' 844 ("Enfin, lors de l'étape D, un vide est appliqué (flèches en pointillé) par le dessous de la barquette (...)" page 15, lignes 31-32)

Par ailleurs, ainsi que le figure M. [O] dans son schéma (ci-dessus représenté), qui propose une représentation de la machine à vide décrite dans le document BOWDEN, l'air est nécessairement aspiré par le bas de la machine, soit par le dessous de la barquette, afin de permettre au film de se thermosceller au fond de l'emballage. Toute autre disposition des bouches d'aspiration aurait pour effet de conduire le film à venir se plaquer contre celles-ci, et non contre le récipient.

Il résulte de ces éléments que le document BOWDEN et le brevet FR' 844 présentent un fonctionnement similaire d'aspiration de l'air s'opérant nécessairement par le dessous de la barquette. Pour autant, elles mettent en oeuvre des procédés qui diffèrent dans leur agencement, le document BOWDEN prévoyant, dans l'hypothèse de l'application d'un film non liquide (c'est le cas en l'espèce) l'introduction de l'emballage dans une machine à vide, ce qui n'est pas le cas du brevet FR' 844.

Ce document BOWDEN ne peut dès lors être regardé comme privant de nouveauté la revendication 1 du brevet FR' 844, non plus que les revendications dépendantes suivantes.

D - Le grief du défaut d'activité inventive

L'article L611-14 du code de la propriété intellectuelle dispose qu' "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 611-11, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive."

Pour apprécier le caractère inventif, il faut déterminer si, eu égard à l'état de la technique, l'homme du métier, au vu du problème que l'invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L'activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l'homme du métier.

Le document BOWDEN combiné aux connaissances générales de l'homme du métier

La revendication 1

La société PACKBENEFIT soutient que si le tribunal venait à considérer que l'invention ne se trouve pas toute entière dans l'antériorité BOWDEN, en raison des procédés de filmage différents qu'elles décrivent, il devra retenir que l'homme du métier aurait été incité à utiliser une aspiration par le dessous, indépendamment de toute enceinte fermée, car il s'agit d'aspirer le film vers le fond de l'emballage.

En l'espèce, l'état de la technique le plus proche est constitué par le document BOWDEN, qui relève du même domaine technique que le brevet FR' 844 et vise à répondre au même besoin, celui de permettre le filmage d'un emballage alimentaire compostable de manière à le rendre étanche et résistant aux températures élevées.

Il a par ailleurs été démontré précédemment qu'il divulgue les caractéristiques A, B, C et E du brevet FR' 844 et qu'il présente un fonctionnement similaire à celui enseigné par le brevet FR' 844.

Il convient dès lors de déterminer si, en faisant usage de ses seules connaissances générales, l'homme du métier aurait été en capacité de mettre au point un procédé de thermoformage, sans avoir recours à une machine à vide.

Souhaitant mettre en oeuvre un procédé plus économique, l'homme du métier, en partant du document BOWDEN, aurait nécessairement été incité d'une part, à maintenir le principe de l'application d'une aspiration de l'air contenu entre le film et le récipient, et ce par le dessous de la barquette, afin de permettre au film d'être aspiré au fond de l'emballage, et d'autre part, à écarter le recours à une machine à vide hermétiquement fermée, dès lors qu'il résulte de ses connaissances générales que l'application du film au dessus de la barquette suffit à créer, entre le film et le récipient, un espace qui sera quasiment hermétiquement fermé, à tout le moins suffisamment pour qu'une différence de pression existe entre l'air qui se situe au dessus du film et celui qui se situe entre le film et le récipient, de sorte que par l'application d'une aspiration par le dessous de la barquette, une dépression s'opérera nécessairement entre le film et ladite barquette.

Il s'en évince que la revendication 1 du brevet FR' 844 est nulle pour défaut d'activité inventive.

La revendication 2

Pour rappel, la revendication 2 est ainsi libellée :

" Procédé selon la revendication 1 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable à l'air est en cellulose compressée ".

En l'espèce, il est relevé que le document BOWDEN divulgue un récipient qui, dans un mode de réalisation, est fabriqué à partir d'un mélange d'amidon et de papier, dans lequel "la solution d'amidon et de papier prégélifiée est produite à partir d'environ 50, 60, 75, 85 ou 90 % de pâte de cellulose vierge (en poids du pré-gel) et environ 5 à 15 %, de préférence 10 %, de pomme de terre à chair ferme ou d'un autre amidon naturel (comme l'amidon de maïs), et environ 5 à 90 % d'eau (en poids du pré-gel)(...)".

Il enseigne ainsi que le récipient peut être fabriqué à partir de cellulose jusqu'à 90 %.

Par ailleurs, la description du brevet FR' 844 indique que les "barquettes en cellulose compressée sont bien connues de l'homme du métier et elles peuvent être soit fabriquées par des techniques connues soit achetées dans le commerce " (page 5, lignes 16-119).

Il est ainsi admis que, sans aucune activité inventive, l'homme du métier qui souhaiterait faire usage d'une barquette particulièrement perméable à l'air, pourrait avoir recours à une barquette en cellulose compressée.

La revendication 2 est donc nulle.

La revendication 3

Pour rappel, la revendication 3 est ainsi libellée :

" Procédé selon la revendication 2 dans lequel l'emballage compostable en matériau perméable est de type barquette munie d'un fond, de parois latérales et éventuellement d'un rebord destiné au scellage d'un éventuel opercule ".

Le document BOWDEN énumère divers récipients, notamment des barquettes, présentant incontestablement un fond et des parois latérales.

Par ailleurs, ainsi que le soulignent les sociétés défenderesses, la présence d'un rebord destiné au scellage d'un opercule n'étant enseignée par la revendication 3 que de manière optionnelle, celle-ci souffre d'un défaut d'activité inventive.

La revendication3 est donc nulle.

Les revendications 4, 5 et 6

Pour rappel, les revendications 4, 5 et 6 sont ainsi libellées :

" 4. Procédé selon l'une des revendications 1 à 3 dans lequel la température de fusion du film en polyester compostable est comprise entre 75 et 150o C, plus particulièrement entre 80 et 140o, plus particulièrement encore entre 85 et 130oC , plus particulièrement encore aux environs de 120o C

5. Procédé selon l'une des revendications 1 à 4 dans lequel le film compostable en polyester présente une contrainte de traction à rupture comprise entre 10 et 30 MPa, particulièrement entre 15 et 25 MPa ; plus particulièrement entre 20 et 25 MPa.

6. Procédé selon l'une des revendications 1 à 5 dans lequel le film compostable en polyester présente ainsi un allongement en traction à rupture compris entre 300 et 600 %, plus particulièrement compris entre 300 et 500 %, plus particulièrement entre 350 et 400 et plus
particulièrement encore aux environs de 350 ".

Ces revendications, qui présentent des plages de valeurs des paramètres du film plus limitées que celles figurant dans la revendication 1, n'ont pas pour effet d'en étendre la portée.

Elles sont donc également nulles.

La revendication 7

Pour rappel, la revendication 7 est ainsi libellée :

" Procédé selon l'une des revendications 1 à 6 dans lequel le film en polyester compostable est imperméable à l'eau et aux huiles ".

Le document BOWDEN, dont l'objet est de rendre l'emballage apte à contenir des boissons ou denrées alimentaires, divulgue un tel film, de sorte que la revendication 7 est également nulle.

La revendication 11

Pour rappel, la revendication 11 est ainsi libellée :

" Emballage susceptible d'être obtenu par un procédé selon l'une des revendications précédentes ".

Dès lors qu'il est considéré que le procédé selon la revendication 1 n'est le fruit d'aucune activité inventive, au regard du document BOWDEN combiné avec les connaissances générales de l'homme du métier, l'emballage susceptible d'être produit au moyen de ce procédé ne l'est pas davantage.

La revendication 11 est donc nulle.

La revendication 12

Pour rappel, la revendication 12 est ainsi libellée :

" Emballage selon la revendication 11 comprenant un fond, des parois latérales et un rebord périphérique, contenant un produit alimentaire et operculé par un film protecteur thermoscellé au niveau du rebord périphérique ".

Le procédé de l'operculage, qui consiste à recouvrir l'ouverture d'un contenant au moyen d'un film, afin d'en assurer la fermeture, faisait d'ores et déjà partie des connaissances générales de l'homme du métier lors du dépôt de la demande de brevet EP' 488, de même que les différentes techniques de thermoscellage.

Il est d'ailleurs indiqué dans le document BOWDEN qu'il est possible de fabriquer divers articles, notamment des barquettes de cuisson et plateaux repas micro-ondables. Or, ceux-ci sont généralement munis d'un opercule thermoscellé au niveau du rebord situé en périphérie des parois latérales de la barquettes.

En combinant le document BOWDEN à ses connaissances générales, l'homme du métier pouvait ainsi, sans faire preuve d'activité inventive, parvenir au résultat divulgué par la revendication 12.

Celle-ci est donc nulle.

La revendication 13

Pour rappel, la revendication 13 est ainsi libellée :

" Utilisation d'un emballage selon la revendication 11, pour la liaison chaude ou la liaison froide en restauration collective ".

Dès lors qu'il a été démontré que le document BOWDEN divulguait un procédé de fabrication d'emballages, dont la composition du film et du récipient antériorisait celle enseignée par le brevet FR' 844, il s'en déduit nécessairement que les dit emballages présentaient déjà, au moins dans l'un des modes de réalisation de l'invention, des aptitudes pour la liaison chaude ou la liaison froide en restauration collective, telles que revendiquées par la revendication 13.

Celle-ci est donc également nulle.

* * *

Il résulte des éléments qui précèdent que l'ensemble des revendications du brevet FR' 844, opposées aux sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT, par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK sont déclarées nulles pour défaut d'activité inventive.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner l'action en contrefaçon poursuivie par les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK, pas plus que les demandes préalables de nullité des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 17 juillet 2019, y compris les procès-verbaux de saisie et leurs annexes, outres les rapports d'analyse et d'essai consécutifs sur les barquettes saisies, ainsi que des rapports d'essai sur les barquettes saisies le 21 octobre 2020 du laboratoire CTCPA et le procès-verbal de constat dressé dans les locaux de la société CELLULOPACK .

V - La demande reconventionnelle en procédure abusive

La société PACKBENEFIT soutient que, n'ignorant pourtant pas que les revendications du brevet FR' 844 sont nulles, au regard du déroulement de la procédure de dépôt de la demande de brevet EP' 623 à l'OEB, les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ont instrumentalisé la justice en détournant la procédure de contrefaçon de brevet pour laisser planer un doute, à l'égard de la clientèle, sur la licéité de ses produits, ainsi que pour la contraindre à révéler ses secrets de fabrication en vue d'assurer sa défense.

La société RESCASET CONCEPT fait quant à elle valoir que la société CELLULOPACK a fait procéder à des opérations de saisies-contrefaçon abusives, ayant pour seul objectif que de jeter le discrédit sur elle, sur le long terme, auprès de la Ville de [Localité 9].

Elle expose qu'elle a en effet choisi de solliciter l'autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, non pas au sein de ses locaux, pourtant situés sur le territoire français, mais auprès de la Ville de [Localité 9], sa cliente, en sachant pourtant que cela ne lui permettrait pas de recueillir davantage d'éléments de preuves relatifs au procédé de fabrication mis en oeuvre, à l'origine de la contrefaçon ou à ses données comptables. Elle ajoute qu'elle n'a pas hésité non plus, quelques mois après la réalisation des premières opérations de saisie-contrefaçon, de demander à être autorisée à faire procéder à une seconde mesure de saisie-contrefaçon auprès de la même cliente, ce qui a nécessairement généré chez celle-ci des suspicions de contrefaçon.

Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK s'opposent à ces demandes.

Elles soutiennent en effet qu'aucune faute constitutive d'un abus de droit d'agir ne peut leur être imputée s'agissant des opérations de saisie-contrefaçon réalisées à [Localité 9] ou de l'introduction de la présente action en contrefaçon du brevet FR' 844, lequel jouit d'une présomption de validité.

Par ailleurs, les sociétés défenderesses ne démontrent selon elles aucune intention de nuire ou manoeuvre déloyale de leur part, pas plus qu'elles ne justifient avoir subi un préjudice spécifique.

Sur ce,

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il est constamment jugé que l'article 32-1 du code de procédure civile ne saurait être mis en oeuvre que de la propre initiative du tribunal saisi, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt au prononcé d'une amende civile à l'encontre de l'adversaire.

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Les saisies-contrefaçon, qui permettent au titulaire d'un droit de faire procéder à des mesures d'investigation dans des locaux privés ou administratifs, aux fins d'obtenir la preuve d'actes délictueux allégués, constituent des mesures exorbitantes, de sorte qu'il ne peut y être abusivement procédé.

En premier lieu, l'introduction de la présente action en contrefaçon du brevet EP' 488 ne peut être considérée comme abusive au motif que les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ne pouvaient ignorer que la validité de leur brevet était incertaine au regard du déroulement de la procédure de dépôt de la demande de brevet EP' 623 à l'OEB, le brevet FR' 844 dont elles sont titulaires bénéficiant d'une présomption de validité, tandis que le juge n'est pas lié par les remarques émises dans le cadre des rapports de recherche et observations des offices.

En second lieu, la société CELLULOPACK a été autorisée à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon :

- dans un premier temps, à l'Unité centrale de production de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9] et à la Direction des finances de la ville de [Localité 9] ;

- dans un second temps, dans les locaux de la cuisine centrale de la ville de [Localité 9].

Or, s'il est vrai que la société CELLULOPACK ne démontre pas qu'elle était plus susceptible d'obtenir, dans les locaux de la ville de [Localité 9], plutôt que dans les locaux de la société RESCASET CONCEPT, des éléments de preuve des faits de contrefaçon allégués ou tout autre élément de nature comptable, il n'en reste pas moins que cette dernière ne justifie pas avoir subi un préjudice particulier résultant de l'exécution de ces mesures de saisie-contrefaçon, notamment une dégradation de ses relations commerciales avec la ville de [Localité 9].

Par conséquent, il convient de débouter les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT de leur demande reconventionnelle.

VI - Les demandes accessoires

Les sociétés CELLULOPACK, PROPLAST et NUTRIPACK, parties succombantes, sont condamnées in solidum aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société PACKBENEFIT la somme de 40 000 euros et à la société RESCASET CONCEPT la somme de 60 000 euros.

Compte tenu de la nature et de l'ancienneté du litige, il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la transcription au Registre national des brevets de l'annulation des revendications 1 à 7 et 11 à 13 brevet FR' 844.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Déclare la société NUTRIPACK irrecevable à agir en contrefaçon du brevet français FR 3 024 844 ;

Déboute les sociétés CELLULOPLAST, PROPLAST et NUTRIPACK de leur demande tendant au rejet des pièces no 2, 7, 43, 46, 66 à 71, 81-82 et 84-85 produites par la société RESCASET CONCEPT ;

Déclare nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1 à 7 et 11 à 13 du brevet français FR 3 024 844 dont sont titulaires les sociétés CELLULOPACK et PROPLAST ;

Dit que la présente décision, une fois définitive, sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;

Déboute les sociétés PACKBENEFIT et RESCASET CONCEPT de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ;

Condamne in solidum les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST à payer à la société PACKBENEFIT la somme de 40 000 euros et à la société RESCASET CONCEPT la somme de 60 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés CELLULOPACK, NUTRIPACK et PROPLAST aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO et de Maître Anne-Charlotte LE BIHAN ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la transcription au Registre national des brevets de l'annulation des revendications 1 à 7 et 11 à 13 brevet FR 3 024 844.

Fait et jugé à Paris le 21 juillet 2022

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0042
Numéro d'arrêt : 19/14044
Date de la décision : 27/07/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2022-07-27;19.14044 ?
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