TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
1ère section
No RG 18/04816
No Portalis 352J-W-B7C-CMZLU
No MINUTE :
Assignation du :
20 avril 2018
JUGEMENT
rendu le 21 juillet 2022
DEMANDERESSE
SOCIETE D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION (SERF)
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Yves BIZOLLON de l'AARPI BIRD et BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255
DÉFENDERESSE
S.A.S. AMPLITUDE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Thomas BOUVET du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant, vestiaire #J0001 et Me Colin DEVINANT du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Gilles BUFFET, Vice- président
Alix FLEURIET, Juge
Nathalie SABOTIER,1ère vice-présidente ajointe
assistés de Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Lorine MILLE, Greffière lors de la mise à disposition.
DÉBATS
A l'audience du 12 avril 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
____________________________
EXPOSE DU LITIGE :
La SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION (SERF), immatriculée le 16 mai 1973 au RCS de Lyon, a pour activité la recherche médicale et mécanique, notamment la recherche de toutes thérapeutiques chirurgicales.
La société SERF expose qu'elle a développé la technologie de la double mobilité du cotyle de hanche et qu'elle est aujourd'hui leader sur le marché des prothèses totales de hanche à double mobilité.
La société SERF était titulaire du brevet français FR 98 14303, publié sous le no2 785 523 (FR 523), intitulé "Cupule métallique pour implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche" déposé à l'INPI le 10 novembre 1998 et délivré le 23 février 2001.
Maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités, le brevet a expiré le 10 novembre 2018.
La société SERF expose que ce brevet a été exploité par la commercialisation des produits de la gamme "NOVAE TH".
La société AMPLITUDE, immatriculée le 17 janvier 2002 au RCS de Romans, a pour activités la fabrication de prothèses (dispositifs médicaux implantables) et la commercialisation d'articles médicaux chirurgicaux.
La société SERF fait valoir que la société AMPLITUDE commercialisait, sous l'appelation SATURNE II, des cupules métalliques pour prothèses totales de hanche potentiellement contrefaisantes des revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
Autorisée par ordonnance présidentielle du 13 mars 2018, la société SERF a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon le 21 mars 2018 dans les locaux de la société AMPLITUDE.
Par exploit d'huissier de justice du 20 avril 2018, la société SERF a fait assigner la société AMPLITUDE devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris à compter du 1er janvier 2020, en contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
Le 9 juillet 2019, la société SERF a présenté au directeur de l'INPI une requête en limitation du brevet FR 523.
Le 17 décembre 2019, le directeur de l'INPI a accepté cette requête en limitation.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 novembre 2021, la société SERF demande au tribunal de :
Vu les articles L. 615-2 et suivants, 613-3 et suivants, 615-7 et suivants et L.615-5-2 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
? DIRE ET JUGER que le produit SATURNE II est constitutif de contrefaçon des revendications no 1 et no 2 du Brevet SERF ;
PAR CONSEQUENT :
? CONDAMNER la société AMPLITUDE au paiement de la somme provisionnelle de cinq cent trente-quatre mille quatre-vingt-un euros et quatre-vingt-six centimes (534 081,86) euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon des revendications no 1 et no 2 du Brevet FR 98 14303, en réparation du préjudice économique subi par la société SERF ; sursoir à statuer sur l'évaluation du dommage définitif jusqu'à la production des informations nécessaires par AMPLITUDE ;
? CONDAMNER la société AMPLITUDE à produire les états des cupules SATURNE II, ou équivalentes, fabriquées ou importées en France et de celles vendues en France ; à produire pour les mêmes cupules, les prix de vente et la marge brute (marge sur coûts variables, ces coûts variables incluant les frais de main-d'oeuvre, de matières premières et le cas échéant de sous-traitance, et les frais de transports), sur le fondement de l'article L. 615-5-2 CPI ; cette injonction sera sanctionnée du paiement d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de 7 jours civils après la signification de la décision à intervenir ;
? CONDAMNER la société AMPLITUDE au paiement de la somme forfaitaire de cinquante mille (50 000) euros sur le fondement de la contrefaçon des revendications no 1 et no 2 du brevet FR 98 14303, en réparation du préjudice moral subi par la société SERF ;
? ORDONNER la publication par extraits du jugement dans 3 (trois) journaux du choix de SERF, aux frais de la société AMPLITUDE à hauteur d'un cout de 15.000 € HT par insertion;
? CONDAMNER la société AMPLITUDE à verser une indemnité de quatre-vingt mille (80.000) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
? CONDAMNER la société AMPLITUDE aux entiers dépens qui seront recouvrés selon l'article 699 CPC.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er décembre 2021, la société AMPLITUDE demande au tribunal de :
Vu les articles L. 612-5 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle :
Dire et juger que les revendications no 1 et 2 du brevet no 2 785 523 sont nulles pour insuffisance de description et défaut de nouveauté ou, à tout le moins, défaut d'activité inventive;
À titre subsidiaire, dire que la société Amplitude ne se rend pas coupable de contrefaçon du brevet S.E.R.F. no 2 785 523 ;
En conséquence, débouter la société S.E.R.F. de son action en contrefaçon du brevet no 2 785 523 à l'encontre de la société Amplitude ;
Débouter la société S.E.R.F. de toutes ses autres demandes ;
À titre très subsidiaire, rejeter les demandes en réparation de la société S.E.R.F. ;
En tout état de cause :
Ecarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir au vu de son incompatibilité avec la nature de l'affaire et des conséquences irrémédiables qu'elle aurait vis-à-vis de la société Amplitude ;
Condamner la société S.E.R.F. à payer à la société Amplitude la somme de 100. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société S.E.R.F. en tous les dépens de l'instance et dire que ceux-ci seront recouvrés selon l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2021.
Le présent jugement est contradictoire.
MOTIFS DU JUGEMENT :
Sur la portée du brevet FR 523:
Conformément à l'article L.611-10 1o du code de la propriété intellectuelle, sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle.
Selon les articles L.612-5 et L. 612-6 du code de la propriété intellectuelle, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter et les revendications, qui doivent être claires et concises et se fonder sur la description, définissent l'objet de la protection demandée.
Il est rappelé que la hanche est une articulation permettant de joindre la cuisse au bassin.
Elle est constituée de deux os : l'os iliaque (os du bassin) et le fémur (os de la cuisse), le point d'articulation étant la cavité cotyloïdienne, logée dans une partie de l'os iliaque qui possède une forme concave lui permettant de recevoir l'extrémité supérieure du fémur :
Un cartilage, essentiel à l'articulation, permet à la tête du fémur de pivoter sans difficulté ni douleur à l'intérieur de la cavité cotyloïdienne, du fait de la diminution des contraintes mécaniques imposées à l'articulation, une membrane synoviale sécrétant un liquide qui assure la lubrification du cartilage.
L'une des causes les plus fréquentes de dysfonctionnement de la hanche résulte d'une dégradation progressive du cartilage situé à l'interface de la tête du fémur et la cavité cotyloïdienne, cette dégradation générant des douleurs et des raideurs de l'articulation limitant l'amplitude des mouvements.
Pour conserver une fonction articulaire non douloureuse, la pose d'une prothèse de hanche peut s'avérer nécessaire.
En cas d'atteinte modérée, une prothèse dite "partielle" est possible, dans laquelle la tête fémorale est remplacée par une bille d'acier de même diamètre avec une cavité cotyloïdienne laissée intacte.
Pour des atteintes plus importantes, comme liées à l'arthrose, il est nécessaire de procéder à une prothèse dite "totale" dans laquelle la partie fémorale et la cavité du bassin sont remplacées par un élément fémoral présentant une tige médullaire destinée à être fixée à l'intérieur de l'os du fémur, et dont l'extrémité libre est munie d'une tête sphérique et, au niveau de la composante cotyloïdienne, le cotyle naturel est remplacé par une cupule prothétique :
Les prothèses dites "à double mobilité", inventées en 1975, comprennent :
- une cupule métallique implantée dans la cavité cotyloïdienne du bassin,
- une cupule intermédiaire (insert) en matériau autolubrifiant, le plus souvent synthétique, montée avec capacité de pivotement dans la cupule métallique,
- la tête sphérique de l'élément fémoral montée avec capacité de pivotement dans la cupule intermédiaire.
La première mobilité correspond au mouvement de la tête fémorale dans l'insert et la seconde mobilité au mouvement de l'insert dans la cupule métallique implantée dans la cavité cotyloïdienne :
La société SERF fait valoir que la mise au point de la double mobilité correspond à un double besoin : limiter le risque de luxation par rapport à une prothèse à simple mobilité et conserver une grande amplitude de mouvement, pratiquement équivalente à celle d'une hanche naturelle, tandis que, dans le cadre des prothèses à double mobilité, la luxation intervient lorsque l'insert contenant la tête fémorale se dégage de la cavité cotyloïdienne.
Le domaine technique de l'invention couverte par le brevet FR 523 concerne les prothèses totales de hanche à double mobilité.
L'invention porte sur une cupule métallique pour implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche.
Le brevet indique qu'un élément cotyloïdien connu, notamment par le document FR 2 710 835 au nom de la demanderesse, est constitué par une cupule en matériau favorisant le glissement, le plus souvent en polyéthylène de haute densité qui délimite la cavité dans laquelle la tête sphérique est montée pivotante. La cupule en polyéthylène est insérée dans une cupule métallique fixée dans la cavité cotyloïdienne, permettant ainsi d'obtenir une double mobilité par pivotement de la tête sphérique de l'élément fémoral à l'intérieur de la cupule en polyéthylène et par pivotement de cette cupule à l'intérieur de la cupule métallique.
Le brevet illustre une cupule de l'art antérieur :
représentant une cupule métallique avec une partie sphérique 3 prolongée sur une partie de sa périphérie par une partie 4 en forme de tronçon de cylindre, l'extrémité de cette partie 4 portant une patte 5 servant à la fixation de la cupule métallique, par des vis corticales, dans l'os sain.
Le brevet souligne que la portion cylindrique 4 de la cupule métallique dépasse par rapport au plan équatorial 6 de la surface en forme de calotte sphérique.
Il expose que la forme du bord extérieur de la cupule métallique, qui résulte de l'intersection de deux plans, peut être une cause de conflit avec les tissus environnants; qu'en outre, la portion de cylindre 4 sert, dans une certaine position, à l'appui d'une partie de la cupule en polyéthylène et que cet appui, se faisant pour partie sur une portion sphérique et pour partie sur une portion cylindrique, n'est pas parfaitement satisfaisant, dans la mesure où les efforts ne sont pas uniformément répartis, ce phénomène étant d'autant plus important que la portion cylindrique se situe dans la zone arrière du cotyle qui est celle où les efforts qui induisent une luxation sont les plus importants.
La société AMPLITUDE reproduit dans ses écritures le schéma suivant montrant la façon dont les forces s'exercent sur la cupule, lorsque la tête fémorale est dans une position extrême:
ce qui renforce le risque de luxation.
Au regard de ces difficultés résultant de l'état de la technique antérieur, le brevet mentionne que l'invention qu'il divulgue vise à fournir une cupule métallique dont la structure évite les risques de conflit avec les tissus environnants, qui assure une bonne répartition des efforts résultant du contact avec la cupule en polyéthylène et qui limite de façon importante les risques de luxation.
Il enseigne une cupule caractérisée en ce que la portion de surface sphérique correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et en délimitant l'entrée.
Le brevet fait valoir qu'il résulte de cette structure que le plan délimitant l'entrée de la cupule se trouve à l'intérieur du bassin et n'entre pas en contact avec les tissus environnants, la cupule en matière synthétique étant en appui contre la cupule métallique pratiquement exclusivement sur des surfaces sphériques, dès lors que la portion cylindrique est extrêmement limitée et qu'il en résulte ainsi une bonne répartition des contraintes.
Il souligne que la partie arrière du cotyle est constituée par une portion sphérique et que le fait d'améliorer le contact entre la cupule en matière synthétique et la cupule métallique dans cette zone diminue le risque de luxation.
Le brevet indique que la cupule métallique 12 selon l'invention comprend une portion 13 de suface sphérique correspondant à une demi-sphère, laquelle est prolongée à partir de son plan équatorial 16 par une courte portion cylindrique 14 s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et en délimitant l'entrée, la hauteur de cette portion cylindrique 14 correspondant sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (figures 2, 3 et 4 du brevet) :
Eu égard à la demande de limitation du brevet qui a été acceptée par l'INPI le 17 décembre 2019, cette limitation ayant un effet rétroactif au jour du dépôt de la demande de brevet, les revendications 1 et 2, modifiées, du brevet, qui sont seules invoquées par la société SERF, sont les suivantes, la revendication 2 étant dans la dépendance de la revendication 1 :
1 "Cupule métallique (12) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule."
2 "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (12)".
Sur la validité des revendications 1 et 2 du brevet FR 523:
Sur la limitation du brevet :
La société AMPLITUDE fait valoir que l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle n'autorise le propriétaire du brevet qu'à en limiter la portée en modifiant une ou plusieurs revendications ; que les modifications consistant en des clarifications, des rectifications de fautes d'expression ou encore des améliorations de la rédaction sont prohibées ; que, si les tiers sont irrecevables à intervenir aux procédures de limitation devant l'INPI et à en relever appel, ils sont recevables à contester la limitation, dans le cadre de demandes reconventionnelles en nullité du brevet limité ; qu'il appartient au juge judiciaire de contrôler, a posteriori, si les conditions posées par les articles L.613-24 et R.613-45 du code de la propriété intellectuelle à une limitation des revendications ont bien été appliquées ; qu'en l'espèce, les modifications apportées par la société SERF aux revendications 1 et 2 du brevet FR 523 ne constituent pas des limitations, mais des améliorations de la rédaction ; que la limitation autorisée par décision du directeur de l'INPI du 16 décembre 2019 est donc contraire aux dispositions de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle de sorte que les revendications 1 et 2 du brevet doivent être annulées.
La société SERF réplique que la limitation opérée ne modifie pas l'ordonnancement de la protection de l'invention par le brevet litigieux, les parties caractérisantes des revendications restant les mêmes ; que la demande présentée à l'INPI portait bien sur une limitation du brevet FR 523 ; qu'il n'existe aucune nullité sans texte; que le fait qu'une limitation ait été délivrée par l'INPI en contradiction avec l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle ou les directives de l'INPI n'est pas en soi une cause de nullité du brevet ; qu'en aucun cas, la société AMPLITUDE ne soutient que les revendications modifiées auraient augmenté la protection offerte par le brevet.
Sur ce :
Aux termes de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle, le propriétaire du brevet peut à tout moment soit renoncer à la totalité du brevet ou à une ou plusieurs revendications, soit limiter la portée du brevet en modifiant une ou plusieurs revendications.
La requête en renonciation ou en limitation est présentée auprès de l'Institut national de la propriété industrielle dans des conditions fixées par voie réglementaire.
Le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle examine la conformité de la requête avec les dispositions réglementaires mentionnées à l'alinéa précédent.
Toutefois, la requête en limitation d'un brevet présentée alors qu'une opposition a été préalablement engagée est irrecevable tant que la décision statuant sur cette opposition est susceptible de recours, à moins que la limitation ne soit requise à la suite d'une demande en nullité du brevet présentée à titre principal ou reconventionnel devant une juridiction.
De même, si une procédure de limitation d'un brevet est en cours à la date à laquelle une opposition est formée à l'encontre de ce brevet, l'Institut national de la propriété industrielle clôt la procédure de limitation, à moins que la limitation ne soit requise à la suite d'une demande en nullité du brevet présentée à titre principal ou reconventionnel devant une juridiction.
Les effets de la renonciation ou de la limitation rétroagissent à la date du dépôt de la demande de brevet.
Les dispositions du présent article s'appliquent aux limitations effectuées en application des articles L. 613-25 et L. 614-12 .
Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.
L'article R.613-45 du code de la propriété intellectuelle dispose que la requête en renonciation ou en limitation est faite par une déclaration écrite. Sous réserve de sa recevabilité, elle peut être présentée par le titulaire du brevet à tout moment, même lorsque les effets du brevet ont cessé.
La requête doit, pour être recevable :
1o Emaner du titulaire du brevet inscrit, au jour de la requête, sur le Registre national des brevets, ou de son mandataire, lequel, sauf s'il a la qualité de conseil en propriété industrielle ou d'avocat, doit joindre à la requête un pouvoir spécial de renonciation ou de limitation.
Si le brevet appartient à plusieurs personnes, la renonciation ou la limitation ne peut être effectuée que si elle est requise par l'ensemble de celles-ci ;
2o Etre accompagnée de la justification du paiement de la redevance prescrite ;
3o Ne viser qu'un seul brevet ;
4o Etre accompagnée, si des droits réels, de gage ou de licence ont été inscrits au Registre national des brevets, du consentement des titulaires de ces droits ;
5o Etre accompagnée, lorsque la limitation est requise, du texte complet des revendications modifiées et, le cas échéant, de la description et des dessins tels que modifiés.
6o Le cas échéant, être présentée, lorsque la limitation est requise, après la publication du nouveau fascicule de brevet attestant de la conformité à la décision de révocation ou d'annulation partielles en application de l'article R. 612-73.
Lorsque la limitation est demandée, si les revendications modifiées ne constituent pas une limitation par rapport aux revendications antérieures du brevet ou si elles ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 612-6, notification motivée en est faite au demandeur. Un délai lui est imparti pour régulariser sa requête ou présenter des observations. A défaut de régularisation ou d'observations permettant de lever l'objection, la requête est rejetée par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.
Les renonciations et limitations sont inscrites au Registre national des brevets. Un avis d'inscription est adressé au demandeur de la renonciation ou de la limitation.
En l'espèce, il est observé que la limitation sollicitée par la société SERF par requête du 9 juillet 2019, ayant pour objet, selon la requérante de "consolider la portée" de son brevet "invoqué dans une action en contrefaçon en cours devant le tribunal de grande instance de Paris", bien qu'expiré, a porté, selon la requête :
- sur l'intégration de la caractéristique selon laquelle l'implant dont la cupule est protégée est un implant de prothèse totale à double mobilité, conformément à la description, page 1, lignes 18-21,
- sur l'intégration de la caractéristique selon laquelle la cupule est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne, conformément au passage de la description page 4, lignes 11-12,
- sur le remplacement de l'expression "destinée à servir à l'engagement" par l'expression "servant à l'engagement", conformément à la description page 4, ligne 16.
Les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 avant limitation étaient les suivantes :
1 "Cupule métallique pour implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche, du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique destinée à servir à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équitorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et délimitant l'entrée de la cupule."
2 "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau la constituant".
Ces revendications modifiées, à la suite de la décision définitive du directeur de l'INPI du 17 décembre 2019 acceptant la requête en limitation présentée, sont les suivantes :
1.« Cupule métallique (12) (pour) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) (destinée à servir) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule ».
2. « Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau (la) constitutif(ant) de la cupule (12) ».
La société AMPLITUDE oppose que la requête déposée devant le directeur de l'INPI n'avait pas pour objet de limiter la portée du brevet, mais avait seulement pour finalité une réécriture partielle des revendications, afin d'en clarifier la portée, ce qui n'est pas autorisé par l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle.
La société AMPLITUDE se prévaut d'un arrêt du 9 janvier 2019, no de pourvoi 17-14.906, de la chambre commerciale de la Cour de cassation.
Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation a décidé que l'examen des moyens de fond tendant à l'annulation du brevet pour l'une des causes énumérées aux articles L. 612-6, L. 613-24 et R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle relève du pouvoir juridictionnel, non du juge de la légalité de la décision rendue par le directeur général de l'INPI sur une requête en limitation, mais du juge de la validité du brevet et qu'il en résulte que le pouvoir juridictionnel du juge de la validité du brevet s'étend aux moyens tirés, non seulement d'une extension ou de l'absence de limitation des revendications, mais également de leur manque de clarté ou de leur absence de support dans la description.
La société AMPLITUDE soutient, au regard de cet arrêt, qu'il appartient au tribunal de décider si la nullité de la limitation pour violation de l'article L.613-24, dès lors que la demande de limitation ne porte, en réalité, que sur une simple amélioration de rédaction des revendications, entraîne la nullité de la seule limitation ou celle des revendications limitées, l'arrêt précité "semblant" indiquer qu'il peut s'agir de la nullité de ces revendications.
Il est répondu que cet arrêt doit être interprété au regard de l'article L.613-25 du code de la propriété intellectuelle qui énumère les cas de nullité du brevet, lesquels doivent être tenus pour limitatifs (Cass.com, 2 juin 1992, no90-21.629).
Il s'ensuit qu'en cas de violation de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle par le biais de revendications modifiées ne constituant pas une limitation du brevet, celles-ci ne peuvent encourir la nullité que si elles ont pour effet de corriger une insuffisance d'exposition suffisamment claire et complète de l'invention pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, d'étendre l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou d'accroître l'étendue de la protection conférée par le brevet.
La société AMPLITUDE soutient, à juste titre, au regard de la première réponse faite sur la demande de limitation des revendications du brevet par le directeur de l'INPI le 16 septembre 2019, que la requête ne visait, en réalité, qu'à améliorer la rédaction des revendications.
Cependant, si une telle limitation est susceptible d'être annulée, la société AMPLITUDE ne se prévaut expressément d'aucun motif de nullité découlant de la modification des revendications au sens de l'article L.613-25 du code de la propriété intellectuelle, et ne demande pas au tribunal de ne prendre en considération que les revendications dans leur rédaction initiale avant dépôt de la requête en limitation.
Par conséquent, le motif de nullité invoqué des revendications 1 et 2 du brevet FR 523 tiré de la violation de l'article L.613-24 du code de la propriété intellectuelle sera écarté.
Sur l'insuffisance de description :
La société AMPLITUDE fait valoir que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 doivent être annulées pour insuffisance de description car elles comprendraient des notions trop ambiguës ou trop imprécises pour permettre à l'homme du métier de comprendre l'objet protégé ou de savoir avec certitude si l'invention est ou non mise en oeuvre.
Elle rappelle que la partie caractérisante de la revendication 1 porte sur une "courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule", et qu'en dépit du caractère essentiel de cette caractéristique, le brevet ne donne aucune définition de ce qu'il faut entendre par l'expression "courte" en rapport avec la portion cylindrique de la cupule, le brevet n'enseignant pas à l'homme du métier les moyens de dimensionner la partie cylindrique de la cupule, tandis que la revendication 1 ne permet pas à l'homme du métier de résoudre les arbitrages entre éviter les conflits avec les éléments environnants et éviter les luxations, qui sont deux objectifs techniques de l'invention.
La société AMPLITUDE soutient que la revendication 2 dépendante souffre également d'une insuffisance de description en ce qu'elle reprend la caractéristique imprécise de "courte portion cylindrique" et en ce que le brevet ne donne aucune définition de ce qu'il faut entendre par l'expression "matériau constitutif de la cupule" et par l'adverbe "sensiblement", ce qui empêche l'homme du métier de connaître les limites de la protection revendiquée. Elle fait valoir que cette revendication est déficiente car elle est imprécise concernant la méthode de mesure de l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, l'homme du métier ignorant s'il doit prendre en compte ou non le revêtement de la cupule et à quoi correspond l'épaisseur de la cupule lorsqu'elle comporte des macrostructures. Elle ajoute que la caractéristique selon laquelle la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur de la cupule ne produit aucun effet technique et que la revendication 2 ne peut être mise en oeuvre sur toute sa portée, lorsque l'homme du métier réalise notamment une cupule de grande épaisseur.
La société SERF réplique que la suffisance de description de l'invention s'apprécie par rapport à l'ensemble des éléments du brevet et que, si le brevet expose, dans la description ou dans un dessin, un mode de réalisation, cela est suffisant pour satisfaire à l'exigence de suffisance de description, étant rappelé que c'est uniquement au regard des compétences de l'homme du métier que la suffisance de description s'apprécie, dès lors que lui sont fournis les moyens rendant possible, à l'aide de ses connaissances générales et par de simples opérations d'exécution, de réaliser l'invention.
La société SERF oppose que la notion de "portion courte" s'entend, pour l'homme du métier, comme un terme comparatif par rapport à la hauteur de la portion cylindrique de l'art antérieur et qu'il découle donc directement et sans ambiguïté pour l'homme du métier que la portion cylindrique du brevet FR 523 doit être plus courte que celle de l'art antérieur, le terme "court" s'entendant comme tel que le plan délimitant l'entrée de la cupule se trouve à l'intérieur du bassin et n'entre pas en contact avec les tissus environnants. La société SERF conclut que l'homme du métier est en mesure de réaliser l'objet de la revendication no1 du brevet qui n'est affectée d'aucune insuffisance de description, la portion de courte longueur étant réalisable à partir de l'exemple fourni dans la description et les dessins, la description précisant que la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, ce qui constitue un mode de réalisation de la revendication 1.
Concernant la revendication 2, la société SERF fait valoir que l'insuffisance de description s'apprécie revendication par revendication, même s'il existe un lien de dépendance entre elles. Elle ajoute que l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule est une notion claire, l'homme du métier pouvant faire la distinction entre ce matériau et un éventuel revêtement de la prothèse, celui-ci se référant à la hauteur de la portion cylindrique pour déterminer l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule. Elle ajoute que l'homme du métier, qui connaît nécessairement l'épaisseur des cupules de l'art antérieur, ainsi que les dimensions de l'os iliaque, ne peut être incité à réaliser une cupule métallique d'une épaisseur disproportionnée par rapport aux cupules de l'art antérieur, laquelle doit être compatible avec les contraintes inhérentes à la morphologie du patient. La société SERF fait valoir que le brevet est cantonné à la protection d'une seule forme de structure bien définie et ne protège aucune large plage de variantes, l'étendue de la portée de la protection de la revendication 2 étant définie par l'épaisseur elle-même de la cupule métallique, bien connue de l'homme du métier, de sorte que la revendication 2 peut être mise en oeuvre sur toute sa portée.
Sur ce :
L'article L.612-5 du code de la propriété intellectuelle dispose, en son alinéa 1er, que l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
En vertu de l'article L.613-25 b) dudit code, le brevet est déclaré nul par décision de justice s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
Il est rappelé que le brevet doit contenir les éléments permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet, notamment la description et les dessins, complétées par ses propres connaissances techniques.
Aussi, le brevet est suffisamment décrit s'il fournit à l'homme du métier les moyens lui permettant, grâce à ses connaissances générales et à partir de simples opérations d'exécution, de réaliser l'invention.
L'homme du métier est celui du domaine technique dont relève l'invention. Il sera défini comme un ingénieur en mécanique spécialiste des prothèses orthopédiques, en particulier des prothèses de hanche, qui a donc une connaissance préalable des prothèses totales de hanche à double mobilité.
Il est rappelé que la revendication 1 du brevet FR 523, dans sa version reproduite par la société AMPLITUDE, résultant de la requête acceptée par l'INPI, est rédigée comme suit :
1 "Cupule métallique (12) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule."
La société AMPLITUDE oppose que la notion de "courte portion cylindrique" est imprécise, tandis que le brevet ne donne aucun élément permettant d'obtenir la dimension de la partie cylindrique de la cupule métallique enseignée par le brevet.
Or, il est relevé que le brevet mentionne, dans sa description, page 2, lignes 22-24, de manière dépourvue d'ambiguïté, que, suivant une caractéristique de l'invention, la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule.
Pour l'homme du métier, comme pour le profane, le terme "sensiblement" s'entend comme "approximativement", soit un même ordre de grandeur. Le brevet ne prévoit pas que la hauteur de la portion cylindrique correspondrait exactement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, sinon il l'aurait expressément prévu.
La notion de "sensiblement" ne pose pas de difficultés de compréhension pour l'homme du métier.
Par ailleurs, l'homme du métier, compte tenu de ses connaissances générales sur les prothèses de hanche, connaît les différents matériaux métalliques utilisés pour réaliser la cupule, et donc leur épaisseur ; l'homme du métier, qui ne peut se méprendre sur la notion d'épaisseur de la cupule, sera amené à exclure de ce critère les éléments de revêtements de la cupule destinés à une meilleure insertion de la cupule dans la cavité cotyloïdienne.
L'homme du métier est également éclairé par la description, page 2, lignes 25-27, qui indique que le plan délimitant l'entrée de la cupule se trouve à l'intérieur du bassin et n'entre pas en contact avec les tissus environnants, l'homme du métier comprenant donc de manière claire que le terme "courte portion cylindrique" doit s'entendre comme comprise dans ce plan.
Il résulte du mode de réalisation de l'invention présenté dans la figure 3 annexée au brevet:
que la ligne 14 délimite la hauteur de la portion cylindrique et qu'après mesure, cette portion est d'environ 3,5 mm pour une épaisseur de la cupule de 4 mm, la description rappelant encore que la hauteur de la portion cylindrique 14 correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (page 4, lignes 7-8).
Par ailleurs, le brevet précise que la cupule en matière synthétique est en appui contre la cupule métallique pratiquement exclusivement sur des surfaces sphériques, de sorte que la portion cylindrique est extrêmement limitée (page 2, lignes 27-30).
Au regard de ces éléments et de ses connaissances techniques, l'homme du métier peut, sans effort excessif, à travers des essais simples, réaliser l'invention, étant à même d'apprécier les rapports de dimension de la cupule métallique et de la portion cylindrique, qui sont clairement explicités par le brevet, pour obtenir le résultat que le brevet tend à atteindre, qui est de limiter les risques de conflit avec les tissus extérieurs et les risques de luxation, étant précisé que le brevet rappelle l'état de la technique antérieur dont il s'éloigne qui prévoyait un tronçon cylindrique beaucoup plus haut.
Par conséquent, la revendication 1 du brevet FR 523 est suffisamment décrite.
Concernant la revendication dépendante no2 dans sa rédaction modifiée reprise par la société AMPLITUDE : "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (12)", cette revendication ne souffre pas d'ambiguïté. Il est rappelé que l'homme du métier n'aura pas l'idée d'intégrer le revêtement de la cupule dans son appréciation de l'épaisseur, tandis que la notion de matériau constitutif de la cupule renvoit à des alliages métalliques normalement utilisés pour réaliser des prothèses de hanche et connus de l'homme du métier; il peut donc en déterminer l'épaisseur et, en fonction des différents types de cupules, calculer la hauteur de la portion cylindrique correspondante, le champ du brevet ne portant que sur des cupules cohérentes avec les dimensions de l'os iliaque.
La revendication 2 du brevet est donc également suffisamment décrite.
Sur le défaut de nouveauté :
La société AMPLITUDE fait valoir que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont nulles pour défaut de nouveauté au regard de quatre documents de l'art antérieur :
- la demande de brevet français ISTRIA no2 548 012 publiée le 4 janvier 1985,
- le brevet français MEDINOV no 2 719 465 publié le 10 novembre 1994,
- la demande de brevet français ANVAR no2 361 861 publiée le 17 mars 1978,
- la demande de certificat d'addition RAMBERT/BOUSQUET no2 437 199 publiée le 25 avril 1980.
La société SERF oppose que les documents invoqués par la société AMPLITUDE ne sont pas destructeurs de la nouveauté des revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
Sur ce :
Selon l'article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen(...)".
La nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui doit être prise telle quelle, sans avoir besoin d'être interprétée.
L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
Il incombe donc à la société AMPLITUDE de justifier d'une antériorité destructrice de la nouveauté des revendications 1 et 2 opposées du brevet FR 523 avant sa date de dépôt intervenue le 10 novembre 1998.
Sur le document ISTRIA no2 548 012 :
Cette demande de brevet, déposée le 15 juin 1983, intitulée "Prothèse de hanche et un équipement correspondant pour sa mise en oeuvre", comprend une cupule cotyloïdienne, comportant un logement intérieur (1h) pour donner appui à une pièce intermédiaire fixe ou mobile (2a) dans laquelle s'articule une tige fémorale (2), caractérisée en ce qu'elle présente une forme extérieure générale sphérique (1a), suivie d'une portée cylindrique (1b) dans sa partie de plus grand diamètre, la portée cylindrique et la forme sphérique étant filetées (filet unique), de sorte que la cupule est remarquable par son filetage sphérique (1i) qui assure les avantages recherchés, avec le maximum de faces de contact des flancs de filets dans la cavité osseuse, en limitant au maximum la résection osseuse et en donnant les meilleures commodités de mise en place :
Il est relevé que ce brevet enseigne une forme extérieure de la cupule permettant un filetage de fixation extérieur se développant tant sur la partie sphérique que la partie cylindrique, ce qui présente un avantage pour la fixation, permettant le maximum de faces de contact des flancs de filets dans la cavité osseuse, en limitant ainsi la résection osseuse et en donnant les meilleures commodités de mise en place de la cupule. Son objet porte donc sur des modalités assurant la meilleure fixation de la cupule dans la cavité cotyloïdienne.
Par ailleurs, ce document ne concerne pas spécifiquement une prothèse à double mobilité, le logement intérieur (1h) donnant appui à une pièce intermédiaire fixe ou mobile (2a) dans laquelle s'articule une tige fémorale, la question de la mobilité n'étant pas davantage abordée dans le document. Aussi, il n'est pas établi que la demande ISTRIA porte sur le même domaine technique que l'invention couverte par le brevet FR 523.
A cet égard, pour apprécier le critère de nouveauté, ne peut être pris en considération que le document invoqué à titre de priorité, tel qu'il est rédigé avec ses caractéristiques découlant des revendications, des dessins et de la description. Ce document ne peut pas faire l'objet d'interprétations sur des éléments non clairement divulgués découlant d'attestations de tiers, notamment de l'inventeur du brevet, dont la lecture du brevet peut différer de ce que l'homme du métier pourra clairement comprendre au regard de ses connaissances générales.
Or, le document ISTRIA ne divulgue aucune courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et délimitant l'entrée de la cupule, ce document prévoyant, au contraire, que sur la face (1c) en bout de la portée cylindrique sont percés des trous borgnes équidistants (1d) sur une profondeur (p), ce qui implique que la portion cylindrique doit présenter une certaine hauteur.
Il n'indique pas plus que la portion cylindrique présenterait une hauteur sensiblement égale à l'épaisseur du matériau constituant la cupule.
Enfin, le document ISTRIA, qui, il est rappellé, s'intéresse essentiellement aux meilleures modalités de fixation de la cupule dans la cavité osseuse, ne prévoit pas que l'invention divulguée aurait pour objet de limiter les riques de luxation.
Aussi, le document ISTRIA n'est pas destructeur de la nouveauté des revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
Sur le document MEDINOV :
Ce brevet, déposé le 4 mai 1994, est intitulé "Implant cotyloïdien perfectionné".
Il décrit un implant comprenant en combinaison une cupule métallique sensiblement hémisphérique adaptée pour être impactée dans une cavité cotyloïdienne et dans laquelle est ménagée une fente méridienne, et une coupelle hémisphérique métallique rigide, ininterrompue, de diamètre légèrement supérieur à celui de la cupule, dans laquelle ladite coupelle peut être introduite par écartement élastique de lèvres délimitant la fente, puis maintenue dans une position déterminée par rapport à la cupule par un serrage élastique exercé par la cupule sur la coupelle,la coupelle recevant un insert orientable logeant une tête d'articulation d'une prothèse fémorale:
Il est observé qu'à la différence de la revendication 1 du brevet FR 523, la cupule métallique ne sert pas à l'engagement et au pivotement d'une cupule en matière synthétique, le document MEDINOV prévoyant, au contraire, que la cupule métallique sert à l'engagement d'une coupelle hémisphérique métallique fixe, intermédiaire entre la cupule et l'insert synthétique. Il existe donc deux éléments distincts dont l'enboitement permet de recevoir l'insert synthétique dans lequel est logé la tête de l'élément fémoral.
Par ailleurs, le document MEDINOV mentionne que, dans une variante de réalisation, cette coupelle présente une surface intérieure hémisphérique qui est prolongée vers l'extérieur par une partie cylindrique, de l'ordre de 4 à 6 milimètres afin d'augmenter l'effet anti-luxation de l'articulation et la partie cylindrique n'est pas intégrée dans la cupule mais dans la coupelle intermédiaire; ce document enseigne que, pour l'essentiel, c'est le positionnement particulier de la coupelle intermédiaire qui permet d'éviter les risques de luxation.
Par conséquent, le document MEDINOV n'antériorise pas les revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
Sur le document ANVAR :
Il porte sur une demande de brevet déposée le 19 août 1976, qui concerne la réalisation d'une prothèse permettant de conserver le col et la tête fémorale, comportant une cupule cotyloïdienne métallique mince, de forme sensiblement sphérique, dont la surface extérieure a une dimension sensiblement égale à celle du néocotyle et qui est munie d'une bride périphérique d'appui sur l'os autour du cotyle et d'interdiction du basculement de la cupule, une cupule fémorale également métallique et mince prolongée par une jupe et sensiblement en forme de doigt de gant et une cupule intermédiaire en matériau plastique, relativement épaisse, ayant une surface extérieure sphérique, susceptible de pivoter dans la cupule cotyloïdienne, et une surface interne comportant une partie centrale sphérique prolongée par une portion cylindrique qui s'emboîte sur la cupule fémorale de façon à ne permettre à cette dernière qu'un déplacement en rotation autour de l'axe de symétrie des cupules :
.
La description du brevet ANVAR indique que la cupule 4 métallique, mince, a la forme d'une demi-sphère de dimension correspondant à celle du cotyle 2, prolongée par un bord annulaire cylindrique 5 muni à son extrémité extérieure d'une bride 6 qui vient en appui contre le sourcil cotyloïdien, taillé à cet effet (page 2, lignes 24-27).
Mais, ainsi que l'objecte la société SERF à juste titre, le document ANVAR ne prévoit pas que la cupule intermédiaire 10 sert au montage d'une tête sphérique d'un élément fémoral, la tête fémorale dans ce document n'étant pas sphérique, mais allongée, l'invention divulguée ayant justement pour objet de conserver le col et la tête fémorale.
Par conséquent, ce document n'enseigne pas une prothèse de hanche à double mobilité telle qu'envisagée par le brevet FR 523 impliquant une tête sphérique d'un élément fémoral, avec possibilité de pivotement de celle-ci dans la cupule en matière synthétique insérée dans la cupule métallique, et concerne donc un domaine technique différent.
Aussi, le document ANVAR n'apparaît pas pertinent et destructeur de la nouveauté des revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
Sur le certificat d'addition RAMBERT/BOUSQUET no 2 437 199 :
Cette demande, déposée le 29 septembre 1978, porte sur une "Prothèse partielle pour articulation".
Elle enseigne une calotte sphérique 2 coiffée d'une cupule 11 en une matière présentant un faible coefficient de frottement par rapport à la matière constitutive de la calotte 2, la cupule 11 pouvant être réalisée en acier inoxydable ayant éventuellement reçu un revêtement approprié tel qu'un revêtement d'oxyde de chrome. La cupule 11 présente une portée sphérique extérieure 12 destinée à prendre appui dans la cavité cotyloïdienne à la place de la portée sphérique extérieure 6 de la calotte 2, et une portée hémisphérique intérieure 13 destinée à recevoir et loger la portée sphérique extérieure 6 de la calotte 2. Comme c'est le cas de la partie intérieure de la calotte 2, la cupule 12 présente en bordure de son extrémité ouverte, un listel ou épaulement 14 raccordé à la portée hémisphérique 13 par une partie cylindrique 15. Il en résulte une grande liberté de mouvement entre la cupule 12 et la calotte 2, ce qui amplifie considérablement la liberté de mouvement entre la tête 3 et la cupule 12 qui constitue l'organe d'appui dans la cavité cotyloïdienne du patient, cette présentation présentant donc le double avantage d'éliminer pratiquement, d'une part, tout risque de luxation et tout risque de mouvement de la cupule 12 contre la cavité cotyloïdienne puisque l'angulation possible entre la tête sphérique 3 et la cupule 12 dépasse pratiquement les possibilités d'angulation du patient :
Or, la portion cylindrique 15 ne délimite pas l'entrée de la cupule, contrairement à ce qu'enseigne le brevet FR 523, dans sa revendication 1, "la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule", l'entrée de la cupule étant, dans le document de l'art antérieur opposé, délimitée par l'épaulement 14 de diamètre inférieur à celui de la partie sphérique de manière à assurer la retenue de la cupule 12 sur la calotte 2, tout en permettant son engagement et son désengagement à force notamment grâce à l'élasticité relative de la matière plastique constituant la calotte 2 (page 4, lignes 21-25).
Il s'ensuit que l'épaulement, qui est une réduction du diamètre, assure un guidage et un maintien de la partie sphérique de la calotte 2, tandis que, dans le brevet FR 523, la cupule en matière synthétique n'est pas guidée ou retenue par la partie cylindrique de la cupule métallique.
Il en résulte encore que la demande RAMBERT/BOUSQUET n'antériorise pas les revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
En conclusion, au regard des documents opposés en défense, les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont nouvelles.
Sur l'activité inventive :
La société AMPLITUDE fait valoir que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont nulles pour défaut d'activité inventive.
Elle soutient que l'homme du métier, cherchant à perfectionner les prothèses de hanche à double mobilité, notamment pour éviter tout conflit avec les tissus environnants, ne serait pas parti de l'art antérieur présentant précisément ce problème technique, mais d'autres prothèses à double mobilité ne comportant pas ce défaut et divulguant le plus de caractéristiques communes avec l'invention décrite par le brevet ; que l'art antérieur le plus proche du brevet litigieux comprend les antériorités ISTRIA, RAMBERT/BOUSQUET ou ANVAR, étant précisé que l'art antérieur directement visé par le brevet FR 523 n'est pas déterminé ; que le document ISTRIA doit être qualifié d'art antérieur le plus proche, comme présentant de nombreuses similitudes avec le brevet FR 523 et que, pris en combinaison avec le document MEDINOV, il enseigne la présence de courtes portions cylindriques d'une hauteur correspondant sensiblement à l'épaisseur de la cupule ; qu'à partir de l'antériorité RAMBERT/BOUSQUET, qui enseigne une prothèse à double mobilité et cherche à résoudre les mêmes problèmes techniques que le brevet litigieux, l'homme du métier aurait à l'évidence cherché, au regard des enseignements des documents ISTRIA et MEDINOV, une autre manière de réduire les risques de luxation et à éviter la détérioration de la cupule intermédiaire en matière synthétique causée par l'angle de l'épaulement du document RAMBERT/BOUSQUET, en remplaçant l'épaulement par une portion cylindrique, laquelle est déjà prévue par cette antériorité, l'homme du métier sachant, sans réaliser d'invention, que la portion cylindrique du brevet SERF devait être maintenue courte et sensiblement de l'épaisseur de la cupule ; que, si le document ANVAR ne décrit pas une prothèse à véritable double mobilité, l'homme du métier sait cependant, s'il souhaite réaliser une cupule pour prothèse totale à double mobilité, qu'il peut utiliser la cupule ANVAR avec une tête fémorale prothétique, l'homme du métier envisageant naturellement de combiner les différents éléments de prothèse qu'il utilise ; que l'homme du métier connaissait les prothèses à double mobilité de nombreux documents de l'art antérieur et que, du fait de leurs avantages, il aurait été incité à utiliser la cupule de l'antériorité ANVAR avec une prothèse totale à double mobilité chaque fois que l'élément fémoral ne peut être conservé tandis que l'intérêt d'utiliser une portion cylindrique pour réduire les risques de luxation lui était enseigné au moins par les documents MEDINOV et ISTRIA, de sorte que l'homme du métier était incité à utiliser la cupule de l'antériorité ANVAR dans des prothèses totales à double mobilité et à veiller que le périmètre de cette cupule représente une portion cylindrique courte, ce qui l'amenait à l'invention couverte par les revendications 1 et 2 du brevet FR 523.
La société SERF réplique que l'état de la technique le plus proche à prendre en considération au titre de l'examen de l'activité inventive est celui qui vise à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet et qui correspond à une utilisation semblable ou qui appelle le moins de modifications structurelles et que le problème technique à prendre en considération consiste en l'objectif permettant, à partir de l'art antérieur le plus proche, d'aboutir à l'effet technique que permet l'invention objet du brevet, par le jeu de modifications ou d'adaptations, cette étape consistant à savoir si l'homme du métier, face au problème technique, aurait été incité, par un enseignement de l'état de la technique, à modifier ou adapter l'état de la technique le plus proche pour aboutir à l'effet technique permis par l'invention objet du brevet ; que la question est de savoir si l'homme du métier qui n'a pas connaissance de l'invention aurait été incité à la mettre au point par des éléments objectifs extérieurs ; que le document ISTRIA ne peut pas servir d'art antérieur le plus proche, ne visant pas à obtenir un effet anti-luxation, qui n'est pas envisagé, et ne correspondant pas à une utilisation semblable, son objectif étant en particulier d'assurer la meilleure fixation de la cupule dans la partie osseuse sans possibilité de déplacement; que rien n'aurait incité l'homme du métier à modifier l'enseignement du document ISTRIA pour parvenir au brevet FR 523, l'alésage cylindrique étant décrit comme permettant d'offrir des possibilités de débattements nécessaires à la pièce intermédiaire ; que le document MEDINOV enseigne que l'effet anti-luxation résulte du positionnement incliné d'une coupelle intermédiaire et que la prolongation par une partie cylindrique de cette coupelle, notamment de l'ordre de 4 à 6 mm, permet seulement d'augmenter l'effet anti-luxation initialement généré par l'inclinaison de la coupelle intermédiaire ; qu'au contraire, ce document dissuade l'homme du métier de croire en un effet anti-luxation suffisant découlant par la présence d'une portion cylindrique de la partie sphérique de la coupelle, laquelle est au moins équivalente à 4 fois l'épaisseur de la coupelle ; que le document RAMBERT/BOUSQUET, susceptible de constituer l'art antérieur le plus proche, présente des différences structurelles importantes avec le brevet FR 523, ne comportant pas une demi-sphère prolongée à partir de son plan équatorial par une courte portion cylindrique délimitant l'entrée de la cupule, tandis que si le document RAMBERT/BOUQUET cherche à diminuer les risques de luxation, il reste muet sur l'objectif d'éviter des conflits avec les tissus environnants ; que rien n'aurait incité l'homme du métier à prolonger la portion de surface sphérique interne de la cupule métallique, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique s'étendant sur toute la périphérie de la cupule et délimitant l'entrée de la cupule, afin d'éviter les conflits entre les tissus environnants et les risques de luxation, dès lors que l'effet anti-luxation cherché par le document RAMBERT/BOUSQUET découle, d'une part, du recours à la double mobilité et, d'autre part, de l'utilisation d'un épaulement et que l'homme du métier n'aurait pas envisagé de remplacer cet épaulement, le document MEDINOV n'enseignant pas un effet anti-luxation suffisant du fait de la présence d'une portion cylindrique ; qu'enfin, le document ANVAR concerne une prothèse partielle de hanche dans laquelle on conserve le col du fémur et une partie de la tête fémorale, aucun effet anti-luxation n'étant recherché ; que l'homme du métier n'aurait pas été incité à modifier le document ANVAR pour parvenir au brevet FR 523.
Sur ce :
En application de l'article L 611-14 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l'article L 611-11, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive.
L'élément ou les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci.
L'état de la technique le plus proche divulgue, dans une seule référence, la combinaison de caractéristiques qui constitue le point de départ le plus prometteur pour effectuer un développement conduisant à l'invention. Lorsqu'il s'agit de sélectionner l'état de la technique le plus proche, il importe en premier lieu que cet état de la technique vise à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l'invention ou au moins qu'il appartienne au même domaine technique que l'invention revendiquée ou à un domaine qui lui est étroitement lié. Dans la pratique, l'état de la technique le plus proche est généralement celui qui correspond à une utilisation semblable et qui appelle le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l'invention revendiquée.
Il est rappelé que le brevet FR523 concerne le domaine des prothèses totales de hanche à double mobilité.
L'objectif poursuivi par ce brevet est de trouver une structure de cupule métallique destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne, qui permet d'éviter les risques de conflit avec les tissus environnants, qui assure une bonne répartition des efforts résultant du contact avec la cupule en polyéthylène et qui limite de façon importante les risques de luxation.
Le document ISTRIA porte sur une cupule cotyloïdienne ayant pour effet de permettre une fixation et un ancrage solide dans la partie osseuse, ne devant pas se dégrader avec le temps et parfaitement et fermement positionnée dans la cavité osseuse, sans possibilité de déplacement; la cupule cotyloïdienne doit correspondre autant que ce peut à la cavité du cotyle normal, de façon à limiter la résection osseuse nécessaire à l'implantation, cette cupule présentant une forme extérieure d'allure générale sphérique suivie d'une portée cylindrique; la portée cylindrique et la forme sphérique sont filetées, de sorte que la cupule est aussi remarquable par son filetage sphérique qui assure les avantages recherchés, avec le maximum de faces de contact des flancs de filets dans la cavité osseuse, en limitant au mimum la résection osseuse et en donnant les meilleures commodités de mise en place.
En aucun cas, ce document ne mentionne la recherche d'un quelconque effet anti-luxation de la cupule dont elle enseigne les caractéristiques, et ne tend donc pas à la recherche d'un même résultat ou d'un résultat proche que le brevet FR 523.
Par ailleurs, il n'enseigne pas spécifiquement une prothèse totale de hanche à double mobilité, en ce qu'il indique que la cupule comporte un logement intérieur pouvant donner appui à une pièce fixe ou mobile, sans développer cepoint.
Aussi, l'homme du métier, cherchant à envisager une cupule cotyloïdienne de prothèsede hanche à double mobilité permettant d'éviter les risques de conflit avec les tissus environnants, assurer une répartition adaptée des efforts résultant du contact avec la cupule intermédiaire et produisant un fort effet anti-luxation, ne sera pas amené à consulter le document ISTRIA.
Concernant le document ANVAR, il est rappelé que la cupule intermédiaire 10 sert à l'insertion, non d'une tête sphérique dans le fémur, mais du col et de la tête fémorale qui ont été préservés, tandis qu'il ne porte pas sur une prothèse de hanche à double mobilité, la cupule 16 ne pouvant se déplacer à l'intérieur de la cupule 10 qu'en rotation autour de l'axe du col du fémur. Ce document vise à remédier à l'inconvénients généré par les prothèses conservant le col du fémur et partiellement la tête fémorale, lié aux douleurs en limitant les conséquences d'une infection grâce notamment au fait que les éléments fixés sont peu sollicités, et est taisant sur un quelconque effet anti-luxation de la cupule, qui n'est pas le sujet de ce brevet.
Aussi, le document ANVAR, qui est structurellement éloigné du brevet FR 523, n'est pas plus pertinent pour l'appréciation de l'activité inventive du brevet FR 523 et l'homme du métier ne sera pas amené à le prendre en considération.
L'art antérieur le plus évident est constitué par le document RAMBERT/BOUSQUET en ce qu'il porte sur une prothèse de hanche à double mobilité, et qui vise un résultat très proche de celui du brevet FR 523 en ce que le but recherché est d'obtenir une grande mobilité entre la portée sphérique de la partie fémorale de la prothèse et la calotte sphérique qui coiffe cette portée sphérique et se trouve en appui contre la cavité cotyloïdienne, sans augmenter les risques de luxation, ainsi que le document MEDINOV qui enseigne un implant comprenant en combinaison une cupule sensiblement hémisphérique impactée dans une cavité cotyloïdienne dans laquelle est fixée une coupelle hémisphérique métallique rigide de diamètre légèrement supérieur à celui de la cupule, et qui cherche à prévenir les risques de luxation.
Cependant, concernant le document RAMBERT/BOUSQUET, il est rappelé que l'entrée de la cupule est délimitée par un épaulement et non une courte portion cylindrique, lequel assure la retenue de la tête sphérique 3 après que celle-ci ait été engagée (description, page 2, lignes 34-36). C'est cet épaulement (par réduction du diamètre de la cupule au niveau de son entrée) qui est décrit comme permettant d'éviter les risques de luxation.
Force est de constater que ce document n'incitait nullement l'homme du métier à remplacer "l'épaulement", par un simple prolongement de la sphère, pour parvenir au même effet de prévention des luxations.
Par ailleurs, le document MEDINOV enseigne que le risque de luxation est évité par la combinaison d'une cupule métallique sensiblement hémisphérique pourvue d'une fente méridienne (i), d'une coupelle hémisphérique métallique rigide (ii), et d'un insert orientable (iii) destiné à recevoir la tête d'articulation d'une prothèse fémorale, et dans laquelle le positionnement de la coupelle dans la cupule avec des angles d'antéversion et de couverture appropriées, choisis par le chirurgien, est déterminant pour obtenir l'effet recherché (description, page 3, lignes 10-15).
Force est là encore de relever que l'homme du métier ne pouvait parvenir à l'invention revendiquée sans faire preuve d'activité inventive, et n'était en particulier nullement conduit à remplacer la cupule et la coupelle positionnées selon un angle déterminé par le chirurgien du document Medinov, par la seule cupule telle qu'enseignée par le brevet.
Par conséquent, l'homme du métier, en partant de la cupule RAMBERT/BOUSQUET et en y ajoutant l'enseignement du document MEDINOV, ne pouvait arriver au résultat enseigné par le brevet FR 523, étant, enfin, précisé qu'aucun de ces documents n'envisage le problème, auquel le brevet FR 523 entend répondre, d'éviter les risques de conflit avec les tissus environnants.
Il y a donc lieu de retenir que la revendication 1 du brevet FR 523 est inventive.
Etant dans sa dépendance, la revendication 2 de ce brevet l'est donc également.
Sur la contrefaçon :
La société SERF fait valoir que la société AMPLITUDE commercialise une cupule SATURNE II qui constituerait une contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet FR 523 ; que la société AMPLITUDE ne peut sérieusement faire valoir que cette cupule ne ferait que reproduire les caractéristiques de l'art antérieur ; que la hauteur de la portion cylindrique de la cupule litigieuse correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau ; qu'en toute hypothèse, la cupule SATURNE II reproduit par équivalence les caractéristiques techniques de la revendication 2 du brevet, la hauteur de la portion cylindrique de ce produit reproduisant les mêmes fonctions pour parvenir au même résultat.
La société AMPLITUDE réplique que la cupule SATURNE II ne peut contrefaire le brevet FR 523 car elle est identique aux cupules de l'art antérieur, notamment celles enseignées par les documents ANWAR et ISTRIA ; que la revendication 2 du brevet FR 523 n'est pas reproduite en ce que la hauteur de la partie cylindrique présente une différence significative avec l'épaisseur de la cupule ; que la société SERF ne peut, en aucun cas, se prévaloir d'une contrefaçon de la revendication 2 du brevet par équivalence, la présence d'une portion cylindrique venant prolonger la partie hémisphérique d'une cupule étant connue de l'art antérieur, notamment des antériorités ANWAR et ISTRIA permettant d'éviter les risques de luxation.
Sur ce :
Aux termes de l'article L.615-1 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon.
La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur.
Toutefois, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause.
Il est rappelé que les revendications 1 et 2 du brevet FR 523 sont les suivantes :
1 "Cupule métallique (12) d'un implant cotyloïdien de prothèse totale de hanche à double mobilité, la cupule (12) est destinée à être implantée dans une cavité cotyloïdienne et est du type comportant une cavité en forme de portion de surface sphérique (13) servant à l'engagement et au pivotement d'une cupule (18) en matière synthétique servant elle-même au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique (20) d'un élément fémoral, caractérisée en ce que la portion de surface sphérique (13) correspond à une demi-sphère prolongée, à partir de son plan équatorial, par une courte portion cylindrique (14) s'étendant sur toute la périphérie de la cupule (12) et délimitant l'entrée de la cupule."
2 "Cupule selon la revendication 1, caractérisée en ce que la hauteur de la portion cylindrique (14) correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule (12)."
La cupule SATURNE II commercialisée par la société AMPLITUDE est reproduite comme suit, aux termes de la fiche technique du produit appréhendé lors des opérations de saisie-contrefaçon du 21 mars 2018 :
La fiche technique du produit mentionne qu'il s'agit d'une cupule double mobilité sans ciment cylindro-sphérique, ayant un double revêtement TI + HAP (titane et hydroxyapatite).
Il s'agit d'une cupule métallique d'un implant cotyloïdien pour prothèse totale de hanche à double mobilité. La cupule a vocation a être implantée dans une cavité cotyloïdienne et comporte une cavité en forme de portion de surface sphérique permettant d'engager et de faire pivoter un insert (cupule) en matière synthétique qui sert au montage avec possibilité de pivotement de la tête sphérique d'un élément fémoral.
Il résulte du plan illustrant en coupe la cupule SATURNE II recueilli lors des opérations de saisie-contrefaçon que :
la cupule comporte une portion de surface sphérique correspondant à une demi-sphère, de diamètre externe de 63 millimètres et de diamètre interne 56 millimètres, qui est prolongée, à partir de son plan équatorial (partie C du plan), par une courte portion cylindrique de 3 millimètres, plus ou moins 0,1 millimètre, laquelle s'étend sur toute la périphérie de la cupule et en délimite l'entrée.
Le représentant de la société AMPLITUDE, lors des opérations de saisie-contrefaçon, a d'ailleurs confirmé que la portion cylindrique était de 3 millimètres, étant observé que la fiche technique du produit met également en avant que le produit SATURNE II concerne une "cupule cylindro-sphérique avec 3mm de débord cylindrique".
Il est relevé que la fiche technique des cotyles à double mobilité NOVAE commercialisées par la société SERF mettant en oeuvre la technologie divulguée par le brevet FR 523 indique également que "toutes les cupules NOVAE ont une forme hémisphérique à laquelle un cylindre de 3 mm a été ajouté pour composer une géométrie de type cylindro-sphérique".
La revendication 1 du brevet FR 523 est donc reproduite par la cupule SATURNE II.
L'allégation selon laquelle cette cupule se bornerait à reprendre l'état de la technique antérieur des documents ANWAR et ISTRIA est sans intérêt, seule comptant la comparaison du produit en cause et des revendications opposées d'un brevet jugé valable.
Concernant la revendication 2 qui précise que la hauteur de la portion cylindrique correspond sensiblement à l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule, il est relevé, après examen du plan du produit SATURNE II, que l'épaisseur de la cupule est de 3,5 millimètres, revêtement inclus.
Il convient de déduire l'épaisseur de la couche correspondant au double revêtement de 80 micromètres de spray titane et 80 micromètres de hydroxyapatite, mentionné dans la fiche tehnique du produit, soit 0,16 millimètres, de sorte que l'épaisseur du matériau constitutif de la cupule est de 3,34 millimètres.
Il s'ensuit que, sans contestation possible, la hauteur de la portion cylindrique (3 millimètres) correspond "sensiblement", au sens du brevet, à l'épaisseur du matériau de la cupule (3,34 millimètres), la hauteur de la portion cylindrique représentant 90% de l'épaisseur de ce matériau.
Par conséquent, la société AMPLITUDE a également contrefait la revendication 2 du brevet FR 523.
Aussi, en commercialisant les cupules SATURNE II, la société AMPLITUDE a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 et 2 de ce brevet, au préjudice de la société SERF.
Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon :
La société SERF fait valoir qu'elle est fondée à solliciter la production forcée des éléments nécessaires permettant de connaître le nombre exact de cupules SATURNE II vendues par la défenderesse et les bénéfices réalisés. Sur sa demande de provision, la société SERF soutient qu'au regard du procès-verbal de saisie-contrefaçon, la vente de cupules contrefaisantes doit être estimée à 1.388 unités. Elle indique que le prix de vente de ses cupules est de 519,98 euros HT et que sa marge brute est de 74%, soit une marge sur toute vente manquée de 384 euros. La société SERF fait valoir qu'elle avait les capacités de fabriquer la totalité de la masse contrefaisante, ayant conclu un accord de distribution avec la société DEPUY SYNTHES sur le marché américain, et qu'elle a fourni à cette société plus de 6.000 cupules, tandis qu'il n'est pas justifié de l'existence de produits de substitution sur le marché. La société SERF évalue le gain manqué du fait de la contrefaçon à 534.081,86 euros et soutient qu'elle a subi un préjudice moral d'atteinte à son image de leader sur le marché des prothèses de hanche à double mobilité.
La société AMPLITUDE réplique que la société SERF ne justifie pas de ses parts sur le marché de la prothèse totale de hanche à double mobilité, ne détenant aucun monopole ou quasi-monopole, de sorte que la marge qu'elle aurait manquée ne peut être assise sur la totalité de la masse contrefaisante. Elle ajoute que le taux de marge réalisé par la société SERF n'est pas justifié, les attestations de son expert-comptable étant incomplètes en ce qu'elles ne précisent pas le chiffre d'affaires net réalisé sur la vente des produits de la gamme NOVAE et NOVAE SUNFIT TH et ne tenant pas compte des remises et rabais consentis. La société AMPLITUDE considère que les conséquences économiques de la contefaçon ne peuvent donc que se limiter, compte tenu de la faible importance des caractéristiques brevetées dans le succès de la cupule SATURNE II, qu'à une redevance indemnitaire dont le taux ne peut dépasser 2% du chiffre d'affaires net qu'elle a réalisé. Concernant la prise en compte des bénéfices réalisés par la société AMPLITUDE, le taux de 70% avancé par la société SERF est injustifié tandis que seule la part attribuable à la contrefaçon dont les bénéfices ont été dégagés par les ventes peut être prise en considération, les produits de la gamme SATURNE II s'inscrivant dans la continuité des produits de la gamme SATURNE I, tandis que les caractéristiques en cause ne constituent pas l'élément majeur du succès commercial des produits SATURNE II. Sur le préjudice moral invoqué, la société AMPLITUDE fait valoir que la société SERF ne justifie d'aucune atteinte à son image de leader sur le marché de la prothèse de hanche à double mobilité ni que l'image que les chirurgiens et les établissements de santé ont de la société SERF se serait détériorée depuis la commercialisation des cupules SATURNE II.
Sur ce :
Aux termes de l'article L.615-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Aux termes de l'article L. 615-5-1-1 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction peut ordonner, d'office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d'instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n'a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 615-5.
Il est rappelé que le brevet FR 523 a expiré le 10 novembre 2018.
Il résulte des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 21 mars 2018 que les ventes de la cupule SATURNE II au "28 février 2018 depuis le lancement" se sont élevées à 492 unités pour un chiffre d'affaires total HT de 247.325,78 euros. Il résulte du tableau des ventes appréhendé lors de la saisie que la première vente du produit contrefaisant a été faite le 17 octobre 2017.
L'état des stocks des cupules SATURNE II représentait au 28 février 2018 1.006 unités.
Il sera fait droit à la demande de production des éléments financiers sollicités par la société SERF permettant d'établir l'étendue de la masse contrefaisante au jour de l'expiration du brevet et les bénéfices réalisés par la société AMPLITUDE, dans les conditions fixées au dispositif du présent jugement, la société AMPLITUDE n'indiquant pas en avoir cessé la commercialisation après les opérations de saisie-contrefaçon.
Sur la provision sollicitée par la société SERF au titre des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, Il est établi de manière certaine que la société AMPLITUDE a vendu a minima 492 cupules SATURNE II au 28 février 2018. Les ventes postérieures qui seraient intervenues ne sont pas, à ce stade, connues avec certitude.
La société SERF justifie que le prix unitaire réglementé auprès de l'assurance maladie de ses cupules NOVAE-SUNFIT TH est de 548,58 euros TTC, soit 519,98 euros HT, par produit.
La société AMPLITUDE ne démontre pas que le prix de vente net réel de ces cupules serait inférieur, n'établissant pas que la société SERF effectuerait des rabais sur ce prix, qui sert de base de remboursement par la sécurité sociale.
Il résulte de deux attestations de l'expert-comptable de la société SERF du 2 novembre 2020, qui n'appellent pas de critique sérieuse, que la marge sur coûts standards sur les produits de la gamme NOVAE-SUNFIT TH était de 73,8% en 2017 et 73,9% en 2018, ce chiffre représentant le chiffre d'affaires - coûts de revient/chiffre d'affaires.
Il s'en suit un taux de marge moyen à prendre en considération de 73,85%.
La société AMPLITUDE ne peut invoquer que la société SERF ne peut prétendre qu'à une redevance indemnitaire sur les ventes, dès lors qu'en l'absence de contrefaçon, eu égard au monopole conféré par le brevet, le taux de report aurait été de 100%. Il est précisé que la société SERF justifie avoir conclu en 2018 un accord de distribution avec la société DEPUY SYNTHES portant sur des cupules reproduisant les revendications du brevet FR 523 et qu'elle était donc en capacité de fournir le même volume de produits que ceux de la société AMPLITUDE comptabilisés lors des opérations de saisie-contrefaçon. Par ailleurs, les cupules SATURNE II, qui marquent une rupture avec les cupules SATURNE I, reproduisent les revendications 1 et 2 du brevet, tandis qu'il apparaît indiscutable que l'attractivité des cupules SATURNE II découle des avantages techniques conférés par le brevet.
Aussi, au regard du volume justifié de ventes de produits SATURNE II au 28 février 2018, il est établi que, si les cupules en cause avaient été vendues par la société SERF, celle-ci aurait réalisé une marge brute de 188.930,57 euros (492 x (519,98 x 73,85/100)).
Par conséquent, en l'attente des autres éléments financiers de la société AMPLITUDE dont la production a été ordonnée, il convient de la condamner à payer à la société SERF une provision de 188.930,57 euros à valoir sur son préjudice économique imputable à la contrefaçon.
Par ailleurs, en portant atteinte au monopole de la société SERF sur l'invention issue de son brevet, ce qui a eu pour effet de la banaliser en laissant croire aux autres opérateurs économiques qu'elle était libre de droits, la société SERF a également subi un préjudice moral imputable à la contrefaçon, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 25.000 euros.
La mesure de publication judiciaire sollicitée n'apparaît pas nécessaire, en raison de l'expiration des droits du breveté.
Sur les demandes accessoires :
La société AMPLITUDE, qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer à la société SERF 70.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Nécessaire, compte tenu de l'ancienneté des faits, et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du présent jugement sera ordonnée d'office par le tribunal.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré,
Rejette la demande reconventionnelle en nullité des revendications 1 et 2 du brevet FR 2 785 523 formée par la société AMPLITUDE,
Dit qu'en détenant et en mettant dans le commerce en France les cupules SATURNE II, la société AMPLITUDE a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet FR 2 785 523 au préjudice de la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION,
Condamne la société AMPLITUDE à payer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION une indemnité provisionnelle de 188.930,57 euros à valoir sur la réparation des conséquences économiques négatives de la contrefaçon,
Enjoint à la société AMPLITUDE de communiquer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION les états de cupules SATURNE II, fabriquées ou importées en France et de celles vendues en France, jusqu'au 10 novembre 2018, et à communiquer également, pour ces cupules, les prix de vente et la marge brute (marge sur coûts variables, incluant les frais de main d'oeuvre, de matières premières, et le cas échéant de sous-traitance et les frais de transports), sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,
Condamne la société AMPLITUDE à payer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral imputable à la contrefaçon,
Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION sur la base des éléments financiers communiqués et à défaut par voie judiciaire après assignation,
Déboute la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION de sa demande de publication judiciaire,
Condamne la société AMPLITUDE aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Yves BIZOLLON, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société AMPLITUDE à payer à la SOCIÉTÉ D'ETUDES DE RECHERCHES ET DE FABRICATION 70.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
Fait à Paris, le 21 juillet 2022
LA GREFFIERE LE PRESIDENT