La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°19/9430

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0042, 30 juin 2022, 19/9430


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/09430
No Portalis 352J-W-B7D-CQPIP

No MINUTE :

Assignation du :
12 juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 30 juin 2022

DEMANDERESSE

S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Patrice DE CANDE de la SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265

DÉFENDERESSES

Société HetM HENNES et MAURITZ GBC AB
[Adresse 5]
[Localité 1] (SUÈDE)

S.A.R.L. HetM HENNES e

t MAURITZ
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentées par Me Axel MUNIER de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0390

COMPOSI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/09430
No Portalis 352J-W-B7D-CQPIP

No MINUTE :

Assignation du :
12 juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 30 juin 2022

DEMANDERESSE

S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Patrice DE CANDE de la SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265

DÉFENDERESSES

Société HetM HENNES et MAURITZ GBC AB
[Adresse 5]
[Localité 1] (SUÈDE)

S.A.R.L. HetM HENNES et MAURITZ
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentées par Me Axel MUNIER de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0390

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles BUFFET, Vice -président
Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Alix FLEURIET, Juge

assistés de Caroline REBOUL, Greffière,

DÉBATS

A l'audience du 07 mars 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

La société LOUIS VUITTON MALLETIER, immatriculée le 8 novembre 1985, est spécialisée dans le négoce et la commercialisation sous toutes ses formes de bagages, articles de voyage, maroquinerie, habillement pour hommes et femmes, parfums, accessoires, et plus généralement tous produits de luxe commercialisés ou susceptibles d'être commercialisés par le groupe LVMH (LOUIS VUITTON MOET HENNESSY).

Elle fait valoir que la lettre "V", qui est non seulement la première lettre du nom VUITTON, mais également celle du verbe "voyager", la maison LOUIS VUITTON étant historiquement liée à l'univers du voyage, a fait l'objet d'un usage intensif, tant dans la communication de la société LOUIS VUITTON MALLETIER que sur ses produits, depuis 1929.

La société LOUIS VUITTON MALLETIER est notamment titulaire d'une marque figurative internationale désignant l'Union européenne :

no1241672, enregistrée le 24 novembre 2014, sous priorité d'une demande française no144108646 du 28 juillet 2014,et enregistrée pour désigner des produits dans les classes 9, 14, 18 et 25, dont, en classe 14, les colliers et pendentifs.

Le groupe suédois HetM est spécialisé depuis 1947 dans la création et la commercialisation d'articles de mode.

La société HetM HENNES etMAURITZ est la filiale française du groupe HetM et distribue en France les produits de marque "HetM". Son fournisseur est la société de droit suédois HetM HENNES et MAURITZ GBC AB.

La société LOUIS VUITTON MALLETIER fait valoir qu'elle a découvert, au mois d'octobre 2017, que le groupe HetM commercialisait, notamment sur son site Internet marchand accessible à l'adresse www.hm.com un lot de trois colliers détachables les uns des autres, pouvant être portés séparément, dont l'un comportait un pendentif qui reproduirait la marque no1241672 :

En date des 16, 19 et 26 octobre 2017, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a fait constater, par huissier de justice, la vente de ce modèle en deux coloris (doré et argenté), tant sur la partie française du site internet etlt;www.hm.cometgt; qu'à destination du public étranger.

La société LOUIS VUITTON fait valoir que ce même collier était toujours offert à la vente en mai 2019 sur le site www.hm.com, faisant dresser un procès-verbal de constat d'huissier les 21 et 28 mai 2019.

Autorisée par deux ordonnances du 12 juin 2019, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a fait procéder, le 14 juin suivant, à des opérations de saisie-contrefaçon tant au siège de la société HetM à [Localité 4] qu'au sein de ses entrepôts situés au Bourget.

Par exploits d'huissier de justice des 12 juillet 2019 et 1er août 2019, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a fait assigner les sociétés HetM HENNES etMAURITZ et HetM HENNES et MAURITZ GBC AB devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020, en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 octobre 2021, la société LOUIS VUITTON MALLETIER demande au tribunal de:

Juger irrecevables et mal fondées les sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB en l'intégralité de leurs demandes, notamment celles visant à voir prononcer la nullité des effets de l'enregistrement de la marque internationale no1241672 et de la marque française no14 4 108 646 ainsi que celles visant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 14 juin 2019, condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER au paiement d'une amende civile et à des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par un comportement procédural déloyal ;

Débouter les sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

Juger qu'en commercialisant les colliers vendus sous les références 0566147001 et 0566147002, les sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB ont commis au préjudice de la société LOUIS VUITTON MALLETIER des actes de contrefaçon de la marque internationale no 1241672 désignant l'Union Européenne en ce que celle-ci vise les « colliers », ainsi que des actes de concurrence déloyale et parasitaire;

Leur faire interdiction de poursuivre de tels actes sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

Ordonner aux sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB de faire procéder, à leurs frais et sous contrôle d'huissier, à la destruction des produits contrefaisants encore en leurs stocks et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

Condamner in solidum les sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB à verser à la société LOUIS VUITTON MALLETIER les sommes suivantes à titre de provision à valoir sur le montant des dommages-intérêts définitif qui sera fixé par le tribunal :
- 300.000 euros en réparation du préjudice économique résultant des actes de contrefaçon;
- 200.000 euros en réparation du préjudice moral résultant des actes de contrefaçon ;
- 300.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

Ordonner aux sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification à l'une d'entre elles du jugement à intervenir, de communiquer à la société LOUIS VUITTON MALLETIER,
- le nombre total de colliers litigieux (dans tous les coloris, doré ou argenté, et ce quelles que soient les références) vendus depuis l'origine, au moins depuis l'année 2017, sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne, tant en magasins que sur l'internet ;
- le prix d'achat desdits colliers auprès des fournisseurs,
- le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés,
- les stocks restants.

Juger que le tribunal réserve les droits de la société LOUIS VUITTON MALLETIER sur l'évaluation définitive du préjudice qu'elle a subi et ordonner le sursis à statuer s'agissant de l'évaluation de ce préjudice ;

Ordonner la publication du jugement à intervenir, en entier ou par extraits, dans trois parutions au choix de la société LOUIS VUITTON MALLETIER, aux frais avancés des sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB, sans que le coût total de ces publications ne puisse excéder la somme de 30.000 euros hors-taxes ;

Ordonner la parution du jugement à intervenir, en entier ou par extraits, sur le site accessible à l'adresse hm.com en page d'accueil en partie haute et immédiatement accessible sans lien hypertexte, avec reproduction de la marque no 1241672 et des modèles contrefaisants et ce pendant une durée de 30 jours, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard suivant la signification du jugement à intervenir ;

Condamner in solidum les sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB à rembourser à la société LOUIS VUITTON MALLETIER les frais de constat des 16,19 et 26 octobre 2017 et des 21 et 28 mai 2019 ainsi que des saisies-contrefaçon du 14 juin 2019 ;

Condamner in solidum les sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB à verser à la société LOUIS VUITTON MALLETIER la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum les sociétés H et M HENNES et MAURITZ SARL et H et M HENNES et MAURITZ GBC AB aux dépens ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 octobre 2021, les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ demandent au tribunal de:

Prononcer la nullité des effets de l'enregistrement international de marque no 1241672 désignant l'Union européenne pour les « colliers, pendentifs » désignés en classe 14 ;

Prononcer la nullité de la marque française enregistrée no 14 4 108 646 pour les «colliers, pendentifs » désignés en classe 14 ;

Dire qu'une copie certifiée conforme de la copie exécutoire du jugement à intervenir, une fois celui-ci devenu irrévocable, sera transmise à l'initiative du Greffe du Tribunal ou de la partie la plus diligente, (i) à l'Office de l'Union européenne pour la Propriété Intellectuelle et (ii) à l'Institut National de la Propriété Industrielle, aux fins de mention au registre des marques de l'Union européenne, de transmission au Bureau international des marques de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, et d'inscription au Registre national des marques, ainsi qu'aux fins de toutes publications requises par les textes ;

Dire et juger que dans le cadre de la présentation au président du Tribunal, le 12 juin 2019, de deux requêtes à fin de saisie-contrefaçon, la société LOUIS VUITTON MALLETIER a violé le principe de loyauté procédurale, particulièrement le principe de loyauté dans l'administration de la preuve, (i) en s'abstenant de faire état de faits et d'éléments de preuve pertinents, indispensables au respect du contradictoire et à la bonne exécution des mesures demandées, (ii) en présentant une affirmation mensongère, et (iii) en mettant en oeuvre un stratagème déloyal au détriment de la société HetM Hennes et Mauritz SARL visée par les mesures demandées ; et que ces violations sont constitutives d'un comportement procédural abusif et vexatoire, ayant causé un préjudice aux sociétés HetM Hennes et Mauritz SARL et HetM Hennes et Mauritz GBC AB et engageant à ce titre sa responsabilité ;

En conséquence,

Prononcer la nullité des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis par Mes [T] [M] et [Y] [I], huissiers de justice à Paris, en date du 14 juin 2019 et clôturés le 19 juin 2019, au vu des deux ordonnances No 19/01577 et 19/01578 rendues le 12 juin 2019 par le président du tribunal sur requêtes de la société LOUIS VUITTON MALLETIER, produits dans la présente instance par la société LOUIS VUITTON MALLETIER comme Pièces LVM no24 et 25 ;

Condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER au paiement d'une indemnité de 10.000 euros à chacune des sociétés HetM Hennes et Mauritz SARL et HetM Hennes et Mauritz GBC AB, soit une somme globale de 20.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par son comportement procédural déloyal ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir du chef des condamnations prononcées à l'encontre de la société LOUIS VUITTON MALLETIER ;

En toute hypothèse,

Dire et juger que la société LOUIS VUITTON MALLETIER est irrecevable, en tout cas mal fondée, en l'ensemble de ses demandes ; l'en débouter ;

Condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER au paiement d'une indemnité de 35.000 euros à chacune des sociétés HetM Hennes et Mauritz SARL et HetM Hennes et Mauritz GBC AB, soit une somme globale de 70.000 euros au titre de l'article 700 du code de procdure civile ;

Condamner la société LOUIS VUITTON MALLETIER aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par la SAS SPE BARDEHLE PAGENBERG, Avocats au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2021.

Le présent jugement est contradictoire.

MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle des sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646 :

La société LOUIS VUITTON MALLETIER fait valoir que cette demande est irrecevable, la marque française no144108646 n'étant pas opposée aux sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ, lesquelles se trouvent dès lors dépourvues d'intérêt à agir, la demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement de la marque française n'ayant pas de lien suffisant avec la demande principale en contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672. La société LOUIS VUITTON MALLETIER oppose que les nouvelles dispositions de l'article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, issues de l'ordonnance du 13 novembre 2019, ne changent pas le principe qu'il n'est possible d'agir reconventionnellement en nullité de l'enregistrement que d'une marque qui est opposée au titre de la contrefaçon par le demandeur.

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ répliquent qu'elles sont recevables à solliciter la nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646 qui désigne les colliers et pendentifs en classe 14, laquelle est connexe à la demande reconventionnelle en nullité des effets de l'enregistrement international no1241672 pour désigner les mêmes produits, ainsi qu'à la demande principale en contrefaçon, à laquelle elle se rattache par un lien suffisant en application de l'article 70 du code de procédure civile, le lien de connexité étant d'autant plus fort que la marque française en cause a servi de base à l'enregistrement international de la marque no1241672, laquelle en revendique la priorité ; que la finalité poursuivie par la demande de nullité de l'enregistrement de la marque française est de priver la société LOUIS VUITTON MALLETIER de son droit de marque sur le signe en cause pour désigner les produits concernés sur le territoire français ; que la demande reconventionnelle contestée n'excéde pas celle de la demande en nullité des effets de l'enregistrement international no1241672 dans l'Union européenne. Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ considèrent qu'il est de bonne justice de faire instruire et juger ensemble ces demandes.

Sur ce :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 70 dudit code, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.

Enfin, aux termes de l'article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019 :

"I.-Ne peuvent être formées que devant l'Institut national de la propriété industrielle :

1o Les demandes en nullité exclusivement fondées sur un ou plusieurs des motifs énumérés à l'article L. 711-2, aux 1o à 5o, 9o et 10o du I de l'article L. 711-3, au III du même article ainsi qu'aux articles L. 715-4 et L. 715-9 ;
2o Les demandes en déchéance fondées sur les articles L. 714-5, L. 714-6, L. 715-5 et L. 715-10.

II.-Les autres actions civiles et les demandes relatives aux marques autres que celles mentionnées au I, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire.

Les tribunaux mentionnés à l'alinéa précédent sont en outre exclusivement compétents dans les cas suivants :

1o Lorsque les demandes mentionnées aux 1o et 2o du I sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal et notamment à l'occasion d'une action introduite sur le fondement des articles L. 716-4, L. 716-4-6, L. 716-4-7 et L. 716-4-9 ou à l'occasion d'une action en concurrence déloyale ;

2o Lorsque les demandes mentionnées aux 1o et 2o du I sont formées alors que soit des mesures probatoires, soit des mesures provisoires ou conservatoires ordonnées afin de faire cesser une atteinte à un droit de marque sont en cours d'exécution avant l'engagement d'une action au fond.

III.-Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article".

Une partie n'a d'intérêt à agir, au sens de l'article 122 du code de procédure civile, qu'à l'encontre d'une marque qui lui est expréssement opposée.

En l'espèce, la société LOUIS VUITTON MALLETIER ne forme qu'une action en contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672 et ne se prévaut pas de ses droits sur la marque française no144108646 du 28 juillet 2014, même si elle a servi de priorité à la marque no1241672.

Par conséquent, la demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646 ne se rattache pas à la demande principale de la société LOUIS VUITTON MALLETIER par un lien suffisant.

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ ne justifient d'aucun intérêt à agir à l'encontre d'une marque qui ne leur est pas opposée, celles-ci ne pouvant prédire que la société LOUIS VUITTON MALLETIER aurait l'intention de leur opposer la marque française dans le cadre d'un litige futur.

Enfin, les nouvelles dispositions de l'article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle n'autorisent aucunement la possibilité de contester à titre reconventionnel l'enregistrement d'une marque qui n'est pas invoquée en demande.

Par conséquent, il convient de déclarer les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ irrecevables en leur demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646.

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle en nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672 en ce qu'elle est dirigée contre les pendentifs désignés en classe 14 :

La société LOUIS VUITTON MALLETIER soutient que cette demande reconventionnelle des sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ est irrecevable, dès lors que la vente des pendentifs ne leur est pas reprochée, mais seulement celle des colliers, son action en contrefaçon portant seulement sur les colliers désignés en classe 14 par la marque no1241672, tandis que la société LOUIS VUITTON MALLETIER n'a pas connaissance que les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ vendraient des pendentifs seuls. La société LOUIS VUITTON MALLETIER considère que la demande reconventionnelle en nullité des effets de l'enregistrement international de sa marque ne peut porter que sur les seuls produits invoqués désignés par cette marque, et qu'elle n'était obligée de parler des pendentifs qu'en ce qu'ils étaient incorporés dans les colliers litigieux qui sont seuls concernés par l'action en contrefaçon de marque. La société LOUIS VUITTON MALLETIER fait valoir qu'elle n'a jamais adopté de positions incompatibles ou contradictoires dans le cadre de la présente instance.

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ répliquent que leur demande reconventionnelle est recevable.

Elles indiquent, à cet égard, que la société LOUIS VUITTON MALLETIER incrimine, non seulement un collier qu'elles ont commercialisé mais également un pendentif, affirmant depuis l'introduction de l'instance, à propos du produit incriminé, "que le pendentif constitue la contrefaçon par reproduction de la marque V" et que, de fait, si le produit dont la commercialisation est reprochée aux défenderesses est un lot de trois colliers, la société LOUIS VUITTON MALLETIER considère comme contrefaisante la forme du pendentif de l'un de leur colliers.

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ concluent donc qu'il résulte des propres énonciations de la demanderesse qu'elle oppose, en réalité, l'enregistrement international no1241672 non pas seulement en ce qu'il couvre les colliers mais aussi les pendentifs. Elles ajoutent qu'aux termes de son assignation, la société LOUIS VUITTON MALLETIER, qui faisait état d'un pendentif contrefaisant, se bornait à faire valoir que les colliers commercialisés par les défenderesses contrefaisaient sa marque internationale désignant l'Union européenne, sans plus de précision, et que ce n'est qu'aux termes de ses premières conclusions en réplique qu'elle a limité ses demandes, en réponse aux critiques adverses, pour ne plus invoquer que les colliers désignés par la marque invoquée, afin de créer artificiellement un obstacle à la demande reconventionnelle en nullité des effets internationaux de la marque désignant l'Union européenne en ce qu'elle porte sur les colliers et les pendentifs. Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ considèrent donc que la société LOUIS VUITTON MALLETIER a adopté des positions contradictoires et incompatibles entre elles, de sorte que les conditions de l'estoppel sont réunies et que la demanderesse est irrecevable à soutenir dorénavant qu'elle n'invoque sa marque que dans la mesure où elle vise les colliers. Enfin, les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ font valoir qu'une demande reconventionnelle en nullité de l'enregistrement d'une marque est recevable en ce qu'elle vise des produits identiques ou similaires à ceux opposés au principal.

Sur ce :

En application des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile précité, le défendeur à une action en contrefaçon de marque peut avoir un intérêt à agir en nullité de l'enregistrement de cette marque, non seulement pour des produits identiques à ceux opposés désignés par la marque, mais aussi pour des produits similaires.

Un pendentif est un bijou que l'on porte suspendu à une chaîne de cou, tandis qu'un collier s'entend d'un bijou de cou, constitué de divers éléments ou encore d'une chaîne en métal. Un collier peut également être constitué d'une chaîne dans laquelle est incorporé un bijou ou un élément ornemental.

Par conséquent, il est incontestable que les colliers et les pendentifs sont des produits similaires.

A cet égard, aux termes de ses dernières conclusions, la société LOUIS VUITTON MALLETIER décrit le produit litigieux commercialisé par les sociétés défenderesses qui porterait atteinte à ses droits sur la marque no1241672 comme "un lot de trois colliers, détachables les uns des autres, pouvant être portés séparément, dont l'un comportait un pendentif reproduisant manifestement la marque V".

Aussi, la société LOUIS VUITTON soutient que sa marque est contrefaite en ce que l'un des colliers incorpore un pendentif qui est protégé par ses droits de marque.

Il s'ensuit que les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ justifient d'un intérêt évident à agir en nullité des effets de l'enregistrement international de la marque no1241672 désignant l'Union européenne pour les pendentifs désignés par la marque en classe 14, qui sont indirectement visés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER, même si cette derrnière n'oppose formellement, aux termes de ses écritures postérieures à son assignation, que les colliers dans la même classe de produits.

Aussi, la fin de non-recevoir soulevée par la société LOUIS VUITTON MALLETIER sera rejetée.

Sur la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672 pour les colliers et pendentifs en classe 14 :

Sur l'application de l'article 7, paragraphe 1, sous e) sous iii) du règlement (CE) 207/2009:

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ font valoir que les effets de l 'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672 sont nuls pour les colliers et pendentifs en classe 14, par application de l'article 7, paragraphe 1, point e) sous iii) du règlement (CE) 207/2009 avant modification par le règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015.

Elles font valoir, à cet égard, que le signe, objet de cet enregistrement, est constitué exclusivement par la forme d'un pendentif, partie significative d'un collier; que cette forme donne au pendentif, et au collier comprenant ce pendentif, une valeur substantielle, dès lors que la caractéristique essentielle de cette forme est d'évoquer l'initiale V, représentée par la marque de manière conventionnelle ; que, compte tenu de la demande du public pertinent pour un pendentif évoquant cette initiale ou pour un collier comprenant un tel pendentif, le choix des consommateurs d'acheter le pendentif ou le collier en cause est, dans une très large mesure, déterminé par ces caractéristiques ; que cette forme exerce en elle-même une influence si importante sur l'attractivité de ce pendentif ou du collier qui comprend ce pendentif, qu'en réserver le bénéfice à la seule société LOUIS VUITTON MALLETIER reviendrait à fausser les conditions de concurrence sur le marché, cette forme devant demeurer accessible à ses concurrents, afin qu'ils soient libres de proposer au plus grand nombre des produits (pendentifs, colliers, bracelets) présentant cette forme ou une forme similaire et que, permettre à cette société de conserver un monopole sur la représentation conventionnelle de l'une des 26 lettres de l'alphabet latin viendrait à entraver l'exercice de la libre concurrence sur un marché ancien, revenu en vogue antérieurement à l'enregistrement de la marque en cause.

La société LOUIS VUITTON MALLETIER réplique que les conditions de l'article 7-1-e-iii du règlement 207/2009 ne sont pas réunies.

Elle fait valoir, à cet égard, que le signe, objet de la marque, n'est pas la forme d'un produit, par exemple un collier, mais un signe susceptible d'être apposé et reproduit sur tous types de produits, afin de certifier l'indication d'origine des produits ; que, quelque soit le produit sur lequel il est apposé, reproduit ou dans lequel il est incorporé, il ne peut davantage être considéré comme une partie significative d'un produit ; qu'en toute hypothèse, ce signe ne confère pas sa valeur substantielle à un produit, notamment à un collier ou un pendentif, laquelle résulte avant tout tout de sa qualité, des matières utilisées et de la renommé du fabricant ; que ce signe participe de la valeur du produit, comme toute marque d'un produit, mais ne constitue pas la valeur substantielle de ce produit ; que ce signe est avant tout, une marque et n'a aucune fonction technique, utilitaire ou fonctionnelle ; qu'enfin, le monopole accordé à la société LOUIS VUITTON MALLETIER ne fausse pas le libre jeu de la concurrence, la protection accordée à une telle marque ne s'étendant pas à tout signe qui évoquerait la lettre V.

Sur ce :

Aux termes de l'article 198 "Invalidation des effets d'un enregistrement international" du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne :
1. La nullité des effets d'un enregistrement international désignant l'Union peut être prononcée.

2. La demande en nullité des effets d'un enregistrement international désignant l'Union tient lieu de demande en déchéance en vertu de l'article 58 ou de demande en nullité en vertu de l'article 59 ou 60.
3. Lorsque, conformément à l'article 64 ou à l'article 128 du présent règlement et au présent article, la nullité d'un enregistrement international désignant l'Union a été prononcée par une décision définitive, l'Office en informe le Bureau international conformément à l'article 5, paragraphe 6, du protocole de Madrid.

4. La Commission adopte des actes d'exécution précisant les éléments à mentionner dans la notification à adresser au Bureau international conformément au paragraphe 3 du présent article. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 207, paragraphe 2.

Selon l'article 59 "Causes de nullité absolue" du règlement, la nullité de la marque de l'Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a) lorsque la marque de l'Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7;

b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

2. Lorsque la marque de l'Union européenne a été enregistrée contrairement à l'article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l'usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

3. Si la cause de nullité n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés.

L'article 59 du règlement 2017/1001 codifie à droit constant l'article 52 du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire.

Aux termes d'un arrêt rendu le 14 mars 2019 (Textilis Ltd, Ozgur Keskin C/ Svenskt Tenn AB), affaire C-21/18, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :

29 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié doit être interprété en ce sens qu'il est applicable à des marques enregistrées antérieurement à l'entrée en vigueur de ce règlement modifié.

30 Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que des règles de fond du droit de l'Union doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leurs finalités ou de leur économie qu'un tel effet doit leur être attribué (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac, C-4/10 et C-27/10, EU:C:2011:484, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

31 En l'occurrence, il est constant que le règlement 2015/2424, qui est entré en vigueur le 23 mars 2016, ne comporte aucune disposition prévoyant expressément que l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié aurait vocation à s'appliquer aux marques de l'Union européenne enregistrées avant cette date.

32 De plus, il ne ressort ni de la finalité du règlement 2015/2424 ni de l'économie de ce règlement que le législateur de l'Union a eu l'intention de conférer une portée rétroactive à l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié. Une telle interprétation ressort également du considérant 12 du règlement 2015/2424, qui rappelle l'attachement du législateur de l'Union au principe de sécurité juridique.

33 Il convient par conséquent de répondre à la première question que l'article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 207/2009 modifié doit être interprété en ce sens qu'il n'est pas applicable à des marques enregistrées antérieurement à l'entrée en vigueur de ce règlement modifié.

Aussi, la marque no1241672 ayant été enregistrée le 24 novembre 2014, il y a lieu de faire application de l'article 7, paragraphe 1, sous e) iii) du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, dans sa version non modifiée par le règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 entré en vigueur le 23 mars 2016.

Selon ce texte, "Motifs absolus de refus" , sont refusés à l'enregistrement (...) les signes constitués exclusivement (...) par la forme qui donne une valeur substantielle au produit.

Il est rappelé que cet article est rédigé de la même manière que l'article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 89/104 sur les marques qui dispose que :

"Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés (...)

e) les signes constitués exclusivement :

- par la forme imposée à la nature même du produit,
- par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique,
- par la forme qui donne une valeur substantielle au produit".

Interprétant ces dernières dispositions, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 18 septembre 2014 (Hauck c/ Stokke), affaire C-205/13, que l'article 3, paragraphe 1, sous e), troisième tiret, de la première directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le motif de refus d'enregistrement prévu à cette disposition peut s'appliquer à un signe constitué exclusivement par la forme d'un produit ayant plusieurs caractéristiques pouvant lui conférer différentes valeurs substantielles. La perception de la forme du produit par le public ciblé ne constitue qu'un seul des éléments d'appréciation aux fins de déterminer l'applicabilité du motif de refus en cause.

Dans un arrêt antérieur du 6 mars 2014 (Pi-Design AG, Bodum France SAS, Bodum Logistics A/S, C/ Yoshida Metal Industry Co. Ltd), affaires C-337/12 P à C-340/12 P ,la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :

42 Il convient de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence bien établie, le droit des marques constitue un élément essentiel du système de concurrence dans l'Union. Dans ce système, chaque entreprise doit, afin de s'attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 38 et jurisprudence citée).

43 Un signe représentant la forme d'un produit figure parmi les signes susceptibles de constituer une marque à la condition qu'il soit, d'une part, susceptible de représentation graphique et, d'autre part, propre à distinguer le produit ou le service d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. Cela résulte, en ce qui concerne la marque communautaire, de l'article 4 du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, Rec. p. I-5089, points 30 et 31, ainsi que Lego Juris/OHMI, précité, point 39).

44 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que chacun des motifs de refus d'enregistrement énumérés à l'article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 doit être interprété à la lumière de l'intérêt général qui le sous-tend (voir, notamment, arrêts précités Henkel/OHMI, point 45, et Lego Juris/OHMI, point 43).

Dans un arrêt du 14 mars 2019 (Textilis c Svenskt Tenn AB), affaire C21/18, la Cour de justice de l'Union européenne rappelle, au point 35, qu'"en l'absence de toute définition dans le règlement 207/2009 de la notion de "forme", la détermination de la signification et de la portée de ce terme doit être établie, selon une jurisprudence constante de la Cour, conformément au sens habituel de celui-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la règlementation dont il fait partie", tandis que la Cour a rappelé, dans un arrêt du 12 juin 2018 (Louboutin C/Van Haren Schoenen ), affaire C-163/16, point 21, que "dans le contexte du droit des marques, la notion de « forme » s'entend généralement, ainsi que l'a souligné la Commission européenne, comme désignant un ensemble de lignes ou de contours qui délimite le produit concerné dans l'espace".

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 23 avril 2020 (Gömböc Kutató, Szolgáltató és Kereskedelmi Kft. C/Szellemi Tulajdon Nemzeti Hivatala), affaire C-237/19, que :

38 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens que le motif de refus d'enregistrement prévu à cette disposition est applicable à un signe qui consiste exclusivement dans la forme du produit et à l'égard duquel c'est uniquement en raison de la perception ou de la connaissance du public pertinent relative au produit graphiquement représenté que l'autorité compétente considère que la forme donne une valeur substantielle à ce produit.

39 Conformément à l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95, sont refusés à l'enregistrement ou sont susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés les signes exclusivement constitués par la forme qui donne une valeur substantielle au produit.

40 L'application de ce motif de refus d'enregistrement repose ainsi sur une analyse objective, destinée à démontrer que la forme en cause exerce, en raison de ses propres caractéristiques, une influence si importante sur l'attractivité du produit que le fait d'en réserver le bénéfice à une seule entreprise fausserait les conditions de concurrence sur le marché concerné.

41 Par conséquent, pour que le motif de refus d'enregistrement, prévu à l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95, puisse être appliqué, il faut qu'il résulte d'éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d'acheter le produit en cause est, dans une très large mesure, déterminé par une ou plusieurs caractéristiques de la forme dont le signe est exclusivement constitué.

42 Les caractéristiques du produit non liées à sa forme, telles que les qualités techniques ou la notoriété de ce produit, sont, en revanche, dépourvues de pertinence.

44 (...) À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si la perception présumée du signe en cause par le consommateur moyen n'est pas en soi un élément décisif dans le cadre de l'application du motif de refus énoncé à cet article 3, paragraphe 1, sous e), iii), elle peut, néanmoins, constituer un élément d'appréciation utile pour l'autorité compétente lorsque celle-ci identifie les caractéristiques essentielles de ce signe (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C-205/13, EU:C:2014:2233, point 34).

46 (...) Le fait qu'une telle caractéristique ne concerne pas, en tant que telle, les mérites esthétiques de la forme, n'exclut pas l'application de l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95. Il importe de rappeler, à cet égard, que la notion de « forme qui donne une valeur substantielle au produit » n'est pas limitée à la forme de produit ayant exclusivement une valeur artistique ou ornementale. La question de savoir si la forme donne une valeur substantielle au produit peut être examinée sur le fondement d'autres éléments pertinents, y compris, notamment, la spécificité de cette forme par rapport à d'autres formes généralement présentes sur le marché concerné (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Hauck, C-205/13, EU:C:2014:2233, points 32 et 35).

47 Il résulte des considérations qui précèdent qu'il y a lieu de répondre à la deuxième question posée que l'article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens que la perception ou la connaissance du public pertinent relative au produit graphiquement présenté par un signe, qui est exclusivement constitué par la forme de ce produit, peut être prise en compte afin d'identifier une caractéristique essentielle de cette forme. Le motif de refus figurant à cette disposition peut être appliqué s'il résulte d'éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d'acheter le produit en cause est dans une très large mesure déterminé par cette caractéristique.

Enfin, aux termes d'un arrêt du 24 octobre 2018 (Pirelli Tyre C/EUIPO), rendu sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous e) ii), du règlement 40/94, transposable cependant à l'article 7, paragraphe 1, sous e) iii) du règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l'Union européenne, le Tribunal de l'Union européenne a également retenu que, pour qu'un signe relève du motif de refus d'enregistrement, il suffit qu'une partie d'un produit représenté par ce signe soit, sur le plan quantitatif et qualitatif, une partie significative de ce produit.

L'article 7, paragraphe 1, sous e), iii) du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, dans sa version non modifiée, impose donc, en premier lieu, d'apprécier si le signe représenté par la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672 est exclusivement constitué par la forme d'un produit, ou d'une partie significative de ce produit, sur le plan quantitatif et qualitatif.

En l'espèce, il est rappelé que cette marque a notamment été enregistrée pour désigner, en classe 14, les "colliers et pendentifs".

La marque no1241672 est reproduite de la façon suivante dans son certificat d'enregistrement :

Il s'agit d'un signe figuratif bidimensionnel, qui a en réalité une configuration tridimensionnelle, au regard de la forme bombée des branches.

Force est de constater qu'au regard des produits susvisés désignés par l'enregistrement de la marque, ce signe reproduit, sans contestation possible, la forme d'un pendentif, ou d'une partie significative d'un collier, dès lors qu'il incorpore un tel pendentif qui en constitue l'élément dominant et que les colliers comportant des éléments décoratifs comme des pendentifs sont particulièrement courants sur le marché de la bijouterie.

Il est observé, à cet égard, que la société LOUIS VUITTON MALLETIER a commercialisé une gamme de colliers et de sautoirs "Essential V" incorporant ce signe comme pendentif sur une chaîne dorée ou argentée de forme épurée.

Par ailleurs, il est rappelé, selon l'arrêt Gömböc Kutató, Szolgáltató és Kereskedelmi Kft. C/Szellemi Tulajdon Nemzeti Hivatala, de la Cour de justice de l'Union européenne du 23 avril 2020, qu'il convient de rechercher s'il résulte d'éléments objectifs et fiables que le choix des consommateurs d'acheter le produit représenté par la marque est, dans une très large mesure, déterminé par une ou plusieurs caractéristiques de la forme dont le signe est exclusivement constitué, et que la question de savoir si la forme donne une valeur substantielle au produit peut être examinée sur le fondement d'éléments pertinents, comme notamment la spécificité de la forme représentée par le signe par rapport à d'autres formes généralement présentes sur le marché concerné, étant précisé que les qualités techniques ou la notoriété du produit sont dépourvues de pertinence.

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ font valoir, à juste titre, qu'une des caractéristiques de la forme exclusivement constituée par le signe est de reproduire la lettre V, la forme bombée des branches, destinée à donner un simple effet de relief au pendentif, n'ayant à l'évidence aucune incidence dans le choix du produit par le public.

A cet égard, il est amplement justifié d'une tendance ancienne et toujours présente dans la bijouterie d'acquérir des pendentifs ou des colliers comportant des pendentifs en fonction du fait qu'ils reproduisent une lettre représentant l'initiale d'un prénom, comme en particulier la lettre V, soit pour identifier son détenteur ou, dans un contexte affectif, pour porter un signe évoquant une personne chère.

Aussi, de ce premier chef, le produit représenté par le signe déposé à titre de marque par la demanderesse va conférer une première valeur substantielle au produit en déterminant un choix courant du consommateur d'acquérir un pendentif ou un collier incorporant ce pendentif reproduisant l'initiale d'un prénom.

Par ailleurs, il n'est pas discutable que le signe litigieux représente la forme d'un V de la manière la plus dénudée et simple possible, étant strictement identique à la vingt-deuxième lettre majuscule de l'alphabet latin.

Or, à la différence de certains opérateurs économiques offrant à la vente des pendentifs ou des colliers comportant des pendentifs avec une reproduction stylisée et fantaisiste des lettres de l'alphabet, les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ caractérisent également l'existence d'une tendance alimentée par diverses personnalités ayant une influence médiatique de porter des colliers ou des pendentifs reproduisant des lettres dans leur plus simple représentation de l'alphabet latin, celle-ci étant motivée par la simple fonction identitaire du signe (pièces 16.1.1, 16.1.2 et 16.1.6 des défenderesses).

Aussi, en l'état de cette tendance à laquelle adhère une partie substantielle des consommateurs, soucieux d'acquérir des pendentifs, non décoratifs ou ornementaux, représentant une simple lettre épurée, il y a lieu de retenir que le choix du consommateur d'acheter le produit représenté par la marque sera, dans ce cas, déterminé par cette caractéristique reproduite par la forme du signe litigieux, ce qui constitue une seconde caractéristique du produit représenté par le signe litigieux lui conférant une valeur substantielle.

Si la société LOUIS VUITTON MALLETIER se prévaut du point 60 de l'arrêt Gömböc, aux termes duquel la Cour de justice de l'Union européenne indique "qu'à cet égard, il convient de relever qu'il est nullement exclu que la valeur substantielle de ce type d'articles puisse résulter d'éléments autres que la forme, tels que, notamment, l'histoire de leur conception, leur mode de fabrication, selon que celle-ci industrielle ou artisanale, les matières, éventuellement rares ou précieuses, qu'ils contiennent ou encore l'identité de leur créateur", pour soutenir que la décision d'achat des consommateurs d'acquérir des pendentifs ou des colliers reproduisant la marque litigieuse serait essentiellement déterminée par la qualité des produits et la notoriété du titulaire de la marque, il convient d'observer que la précision faite au point 60 concerne un signe exclusivement constitué par la forme d'un produit ayant une "valeur artistique ou ornementale", ainsi qu'il est précisé au point 58.

Or, en l'espèce, le signe exclusivement constitué par la forme banale d'un pendentif en "V" ne présente aucune valeur artistique ou ornementale, étant rappelé que le point 46 de l'arrêt rappelle que la forme qui donne une valeur substantielle au produit n'est pas limitée à la forme d'un produit ayant exclusivement une telle valeur.

Il est, par ailleurs, rappelé, d'une part, que la notoriété intrinsèque du produit constitué par la marque ou ses qualités particulières de conception sont des motifs inopérants, ainsi qu'en a décidé la Cour de justice de l'Union européenne.

D'autre part, les causes de nullité absolues de l'enregistrement édictées par l'article 7, paragraphe 1, sous e) du règlement (CE) no207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, ont justement pour objectif d'assurer le respect de l'intérêt général commandant le droit des marques, dans un cadre concurrentiel et d'empêcher un opérateur économique de s'arroger un monopole sur la reproduction des lettres de l'alphabet en pendentifs intégrés dans des colliers.

Par conséquent, la marque internationale no1241672 représentant un signe constitué exclusivement par la forme qui donne une valeur substantielle au produit, à travers la forme particulière des pendentifs et des colliers intégrant de tels pendentifs, il y a lieu de prononcer la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de cette marque, pour les pendentifs et les colliers en classe 14.

Les demandes formées par la société LOUIS VUITTON MALLETIER au titre de la contrefaçon de cette marque seront donc rejetées.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

La société LOUIS VUITTON MALLETIER font valoir que les faits de concurrence déloyale résultent de la volonté des défenderesses de commercialiser un collier se rapprochant fortement de celui qu'elle offre à la vente, le collier HetM étant pratiquement un surmoulage du collier ESSENTIAL V.

La société LOUIS VUITTON MALLETIER considère, ensuite, que les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ ont commis des actes de parasitisme en cherchant à profiter de sa notoriété, la société LOUIS VUITTON MALLETIER faisant de la lettre V l'une de ses signatures emblématiques et ce, plus encore, avec la nouvelle configuration de celle-ci adoptée en 2014, sa ligne ESSENTIAL V représentant 26% du chiffre d'affaires de la collection bijoux fantaisie et 30% du nombre de bijoux fantaisie vendus.

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ répliquent que la concurrence déloyale invoquée par la société LOUIS VUITTON MALLETIER ne repose pas sur des faits distincts de la contrefaçon , tandis que la comparaison des produits en cause n'est pas pertinente, les colliers vendus par les défenderesses étant par lot de trois et seul un collier reproduit un "V", tandis que la forme du collier ESSENTIAL V commercialisé par la société LOUIS VUITTON MALLETIER est banale. Elles soutiennent qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du consommateur, lequel n'est pas le même pour les deux produits, qui relèvent de réseaux de distribution distincts et s'adressent à une clientèle différente, nettement plus argentée pour les colliers commercialisés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER.

Sur les faits de parasitisme reprochés, les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ soutiennent que la société LOUIS VUITTON MALLETIER n'identifie pas le savoir-faire et le travail intellectuel qu'elle aurait mis en oeuvre pour concevoir des colliers d'une grande banalité, tandis que la société LOUIS VUITTON MALLETIER est entrée dans un marché de la vente des colliers comprenant un pendentif en forme d'initiales qui était bien antérieur et à l'égard duquel elle ne s'en distingue aucunement.

Sur ce :

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

Le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à des produits qui ne sont pas protégés par un droit privatif n'est pas fautif.

Or, le collier comprenant un pendentif en forme de V commercialisé par la demanderesse n'est pas protégé par un droit de marque et s'inscrit dans l'art antérieur des colliers intégrant des pendentifs représentant des lettres de prénoms, tandis que sa forme, identique au V dans la calligraphie romaine, ne présente aucune originalité particulière.

Il n'est pas justifié d'une faute commise par les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ de nature à générer un risque de confusion dans l'esprit du public, les réseaux de distribution des produits n'étant pas identiques, tandis que les colliers litigieux se distinguent des colliers commercialisés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER en ce que, sur ces derniers, est apposé le signe "LV" les rattachant directement et exclusivement à cette société.

Le fait que les prix pratiqués par les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ soient nettement inférieurs à ceux proposés par la société LOUIS VUITTON MALLETIER n'est, au demeurant, pas en tant que tel fautif.

Enfin, il n'est pas plus établi que les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ auraient cherché à se placer, sans bourse délier, dans le sillage de la société LOUIS VUITTON MALLETIER, les produits ESSENTIAL V s'inscrivant dans une tendance de la bijouterie ancienne, tandis que leur forme épurée ne peut résulter d'investissements intellectuels substantiels.

Par conséquent, la société LOUIS VUITTON MALLETIER sera déboutée de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ au titre du comportement déloyal imputé à la société LOUIS VUITTON MALLETIER :

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ font valoir que, lors de la présentation de ses deux requêtes afin de saisie-contrefaçon du 12 juin 2019, la société LOUIS VUITTON MALLETIER aurait commis des manquements au principe de la loyauté procédurale dans l'établissement de la preuve en ayant délibérément caché que les faits litigieux remontaient à 2017 au moins, tout en affirmant qu'elle n'en a eu connaissance que courant 2019, peu de temps avant le dépôt de ses requêtes, puis en mettant en oeuvre un stratagème déloyal ayant pour finalité de décrédibiliser la société HetM HENNES et MAURITZ devant le tribunal, en affirmant qu'elle aurait dissimulé volontairement une partie de la masse contrefaisante lors des opérations de saisie-contrefaçon.

La société LOUIS VUITTON MALLETIER conteste les manquements au principe de loyauté qui lui sont reprochés, n'ayant été l'auteur d'aucun stratagème. Elle reconnaît que la commercialisation des produits litigieux avait débuté en 2017 mais pensait qu'elle était de courte durée ; que, cependant, cette commercialisation a perduré jusqu'en 2019 et qu'elle était donc fondée à solliciter des mesures de saisie-contrefaçon à cette date, le fait d'avoir constaté la commercialisation du produit antérieurement sans en faire état dans les requêtes étant sans incidence sur la délivrance des ordonnances autorisant les saisies-contrefaçon. Elle ajoute que la société HetM HENNES et MAURITZ a effectivement fourni à l'huissier instrumentaire des informations inexactes, cherchant à minimiser l'ampleur de la masse contrefaisante, de sorte que cette société ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

Sur ce :

Se prévalant des dispositions des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 du code de procédure civile,les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ sollicitent la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés à la requête de la société LOUIS VUITTON MALLETIER et la réparation du préjudice qu'elles indiquent avoir subi.

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit à un procès équitable.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Au regard de l'article 497 du code de procédure civile, la compétence exclusive du juge qui a rendu l'ordonnance sur requête pour connaître du recours en rétractation, même si le juge du fond est saisi de l'affaire, ne fait pas obstacle à ce que celui-ci, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon.

Il est observé, à la lecture des requêtes déposées le 12 juin 2019 par la société LOUIS VUITTON MALLETIER ayant donné lieu aux opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 14 juin suivant, tant dans les locaux de la société Het M HENNES et MAURITZ que dans son établissement secondaire se trouvant au BOURGET, que la société LOUIS VUITTON MALLETIER s'est prévalue de la marque internationale désignant l'Union européenne no1241672 pour les colliers et pendentifs en classe 14. Elle justifiait donc d'un titre au soutien de ses demandes. Par ailleurs, si, dans les requêtes, la société LOUIS VUITTON MALLETIER reconnaissait avoir "récemment" découvert la commercialisation du collier qui contreferait sa marque par les défenderesses, se prévalant de constats d'huissier des 21 et 28 mai 2019, l'omission supposée de la connaissance de la commercialisation de ce collier en 2017 n'a eu aucune incidence sur l'obtention des ordonnances ayant autorisé les saisies-contrefaçon dès lors que la preuve de la poursuite de sa commercialisation en 2019 était apportée.

Aussi, au regard de la justification d'un titre de marque et de la présentation de faits de nature à pouvoir constituer une contrefaçon de la marque, les ordonnances contestées ont été valablement délivrées.

Les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ, qui ne caractérisent l'existence d'aucune intention dolosive ou "déloyale" de la demanderesse dans la délivrance des ordonnances rendues les 12 juin 2019, ne peuvent qu'être déboutées de leur demande de nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 14 juin 2019, la validité de ces mesures s'appréciant au jour où les ordonnances les autorisant ont été délivrées.

Enfin, les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ, si elles contestent l'affirmation de la société LOUIS VUITTON MALLETIER selon laquelle une partie de la masse contrefaisante aurait été cachée, ne justifient d'aucun fait de dénigrement ou de nature à porter atteinte à leur image commis publiquement à leur préjudice, le moyen selon lequel les éléments découlant de la saisie-contrefaisante seraient incomplets n'étant invoqué que dans le cadre de cette procédure.

N'établissant l'existence d'aucun préjudice de ce chef, les demandes indemnitaires des sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ seront rejetées.

Sur les demandes accessoires :

Partie succombante, la société LOUIS VUITTON MALLETIER sera condamnée aux dépens et à payer aux sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ 20.000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire, compte tenu de l'ancienneté du litige, et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du présent jugement sera ordonnée, à l'exception de la transcription de la présente décision aux registres européen et international des marques du fait de la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672, compte tenu de son caractère irréversible.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré,
Déclare les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ irrecevables en leur demande en nullité de l'enregistrement de la marque française no144108646,
Déclare les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ recevables à agir en nullité des effets de l'enregistrement international de la marque no1241672 désignant l'Union européenne pour les pendentifs désignés par la marque en classe 14,
Prononce la nullité des effets de l'enregistrement international désignant l'Union européenne de la marque no1241672, pour les pendentifs et les colliers en classe 14,
Ordonne la transcription du présent jugement sur les registres européen et international des marques,
Déboute la société LOUIS VUITTON MALLETIER de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de la marque no1241672 ,
Déboute la société LOUIS VUITTON MALLETIER de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
Déboute les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ de leur demande de nullité des opérations de saisies-contrefaçon du 14 juin 2019,
Déboute les sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ de leur demande indemnitaire pour comportement procédural abusif,
Condamne la société LOUIS VUITTON MALLETIER aux dépens, qui pourront être recouvrés par la SAS SPE BARDEHLE PAGENBERG, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société LOUIS VUITTON MALLETIER à payer aux sociétés HetM HENNES et MAURITZ GBC AB et HetM HENNES et MAURITZ 20.000 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire du jugement, à l'exception de sa transcription sur les registres des marques.
Fait et jugé à Paris le 30 juin 2022
LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0042
Numéro d'arrêt : 19/9430
Date de la décision : 30/06/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2022-06-30;19.9430 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award