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07/06/2022 | FRANCE | N°20/1620

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 07 juin 2022, 20/1620


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 20/01620 -
No Portalis 352J-W-B7E-CRVRI

No MINUTE :

Assignation du :
12 Février 2020

JUGEMENT
rendu le 07 Juin 2022
DEMANDERESSE

S.A. ETAM LINGERIE
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035

DÉFENDERESSE

S.A.S.U. COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE - CIVAD
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée

par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, avocat posutlant, vestiaire #B0515 et par Maître Thomas DESCHRYVER den la SELARL CORNET-VI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 20/01620 -
No Portalis 352J-W-B7E-CRVRI

No MINUTE :

Assignation du :
12 Février 2020

JUGEMENT
rendu le 07 Juin 2022
DEMANDERESSE

S.A. ETAM LINGERIE
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035

DÉFENDERESSE

S.A.S.U. COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE - CIVAD
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, avocat posutlant, vestiaire #B0515 et par Maître Thomas DESCHRYVER den la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
Linda BOUDOUR, juge

assistés de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l'audience du 07 Avril 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SA ETAM LINGERIE a pour activité la commercialisation d'articles de lingerie et de tenues d'intérieur en boutiques et sur le site internet etlt; www.etam.cometgt;.

La SAS CIVAD (« COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE »), au nom commercial BLANCHEPORTE, exerce une activité de vente à distance d'articles d'habillement et de linge de maison sur son catalogue et sur son site internet etlt;www.blancheporte.fretgt;.

Ayant découvert en octobre 2019, la commercialisation sur le site internet etlt;www.blancheporte.fretgt; d'une collection de sous-vêtements, composée de quatre articles, confectionnée avec une dentelle dont elle estime qu'elle reproduit la dentelle ICONE sur laquelle elle revendique des droits d'auteur, la SA ETAM LINGERIE a procédé à :
- un achat simple de plusieurs articles de lingerie sur le site internet etlt;www.blancheporte.fretgt; le 31 octobre 2019 ;
- un constat d'achat sur ce site internet dont le procès-verbal a été dressé le 14 novembre 2019 par Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4] ;
- un constat de réception dudit achat dont le procès-verbal a été dressé le 22 novembre 2019 par Maître [W] [C].

Puis, autorisée par ordonnance sur requête du 6 janvier 2020, la SA ETAM LINGERIE a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège social de la SAS CIVAD sis à [Localité 6] dont le procès-verbal a été dressé les 14, 15 et 16 janvier 2020 par Maître [P] [R], huissier de justice à [Localité 5].

C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 12 février 2020, la SA ETAM LINGERIE a fait assigner la SAS CIVAD devant le tribunal judiciaire de PARIS en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire.
Par ordonnance sur incident du 6 novembre 2020, le juge de la mise en état a débouté la SAS CIVAD de sa demande tendant à voir déclarer la SA ETAM LINGERIE irrecevable en son action en contrefaçon de droits d'auteur, condamné la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné la SAS CIVAD aux dépens de l'incident.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2021, la SA ETAM LINGERIE demande au tribunal de :

« Vu le livre I du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L. 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article L. 122-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article L. 331-1-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1240 du code civil,
A titre principal,

- Dire la société ETAM LINGERIE recevable et bien fondée en ses demandes ;

- Dire que la société ETAM LINGERIE est titulaire des droits d'auteur sur la dentelle ICONE, qui bénéficie de la protection conférée par le Livre I du code de la propriété intellectuelle ;

- Dire que la société CIVAD, en important, en exportant, en offrant à la vente et en vendant les produits litigieux :
- Shorty dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.198)
- Culotte midi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.199)
- Culotte maxi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.200)
- Culotte tanga dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.201)
reproduisant servilement la dentelle ICONE de la société ETAM LINGERIE, s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de ladite dentelle ;

- Dire que la société CIVAD s'est également rendue coupable d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société ETAM LINGERIE ;

En conséquence,

- Interdire à la société CIVAD l'importation, l'exportation, la fabrication, la commercialisation, l'offre à la vente et la vente des produits litigieux visés ci-dessus ainsi que tout autre produit reproduisant la dentelle ICONE de la société ETAM LINGERIE, quelle que soit la référence sous laquelle il serait commercialisé et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal de céans restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte;

- Ordonner à la société CIVAD de procéder au retrait des produits litigieux visés ci-dessus des circuits commerciaux puis à la remise à leur frais desdits produits à la société ETAM LINGERIE sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard au-delà d'un délai d'un mois courant à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- Condamner la société CIVAD à payer à la société ETAM LINGERIE la somme globale de 100.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de sa dentelle ICONE ;

- Condamner la société CIVAD à payer à la société ETAM LINGERIE la somme de 60.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le caractère protégeable de la dentelle ICONE ne serait pas retenu :

- Dire que la société CIVAD s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société ETAM LINGERIE en reprenant des éléments graphiques clairement empruntés aux créations de la société ETAM LINGERIE et en confectionnant grâce à ces différents emprunts des produits de lingerie de surcroît très similaires à ceux de la marque ETAM.

En conséquence,

- Interdire à la société CIVAD l'importation, l'exportation, la fabrication, la commercialisation, l'offre à la vente et la vente des produits litigieux et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal de céans restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;

- Ordonner à la société CIVAD de procéder au retrait des produits litigieux visés ci-dessus des circuits commerciaux puis à la remise à leur frais desdits produits à la société ETAM LINGERIE sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard au-delà d'un délai d'un mois courant à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- Condamner la société CIVAD à payer à la société ETAM LINGERIE la somme de 120.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

En tout état de cause,

- Ordonner, à titre de complément de dommages-intérêts, la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou périodiques au choix de la société ETAM LINGERIE et aux frais avancés de la société CIVAD, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder, à la charge de la défenderesse, la somme de 6 000 euros hors taxes ;

- Condamner la société CIVAD à publier à ses frais, durant une période d'un mois, le dispositif du jugement à intervenir en première page du site internet accessible à l'adresse www.blancheporte.fr dans sa partie supérieure, de façon immédiatement visible par le public, dans une taille de caractère d'une valeur au moins égale à 12, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours courant à partir de la signification du jugement à intervenir ;

- Condamner la société CIVAD à verser à la société ETAM LINGERIE la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonner l'exécution provisoire (désormais de droit) du jugement à intervenir dans toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- Condamner la société CIVAD aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'huissiers engagés pour les opérations de constat d'achat et de saisie-contrefaçon, et autoriser la SAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, la SAS CIVAD demande au tribunal de :

« Vu les dispositions des articles L. 113-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les livres I et III du code de la propriété intellectuelle,
Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A TITRE PRINCIPAL,

Sur les prétendus actes de contrefaçon :

- DIRE que la dentelle dénommée ICONE évoquée par la société ETAM LINGERIE au soutien de son action n'est pas originale et dès lors non protégeable au titre du droit d'auteur ;

- DIRE que les modèles de culottes commercialisées par la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE ne reproduisent pas la dentelle dénommée ICONE évoquée par la société ETAM LINGERIE au soutien de son action au titre de la contrefaçon ;

En conséquence,

- REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société ETAM LINGERIE au titre de la contrefaçon ;

Sur les prétendus actes de concurrence déloyale et de parasitisme invoqués à titre subsidiaire :

- CONSTATER l'absence de faute de la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE ;

En conséquence,

- REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société ETAM LINGERIE au titre de la concurrence déloyale et le parasitisme.

Sur les prétendus actes de concurrence déloyale et de parasitisme :

- DECLARER IRRECEVABLES les demandes de la société ETAM LINGERIE au titre de la concurrence déloyale et le parasitisme en l'absence de faits distincts.

A défaut,

- DIRE qu'il n'existe aucun risque de confusion pour les consommateurs entre les modèles de lingerie commercialisés par la société ETAM LINGERIE et les modèles suivants commercialisés par la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE :
o Shorty dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.198)
o Culotte midi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.199)
o Culotte maxi dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.200)
o Culotte tanga dentelle graphique ceinture ajourée (Référence Blancheporte 700.201).

En tout état de cause,

- REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société ETAM LINGERIE au titre de concurrence déloyale et le parasitisme ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- CONSTATER que les demandes indemnitaires de la société ETAM LINGERIE ne sont pas justifiées ;

- REJETER toutes les demandes indemnitaires de la société ETAM LINGERIE ;

EN TOUTE HYPOTHÈSE,

- CONDAMNER la société ETAM LINGERIE à payer à la société COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR LA VENTE A DISTANCE à la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DIRE n'y avoir lieu à publication judiciaire du jugement à intervenir;
- DIRE n'y avoir lieu aux injonctions sollicitées par la société ETAM LINGERIE qui sont sans objet ;

- DIRE n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir;
- CONDAMNER la société ETAM LINGERIE aux entiers frais et dépens d'instance ».

La clôture a été prononcée le 28 octobre 2021 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 7 avril 2022.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'originalité de la dentelle ICONE

La SA ETAM LINGERIE expose que l'originalité de la dentelle ICONE réside dans la combinaison de quatre motifs symétriques et géométriques distincts, – en particulier une bande à chevrons et à fleurs, une bande de fleurs ajourées de forme arrondie, une bande en quadrillage droit composée de carrés réguliers qui contraste avec le reste de la dentelle, et une bande de losanges inspirée du motif jacquard et aztèque –, dont les caractéristiques reflètent la personnalité de son auteur qui a procédé à des choix libres et créatifs. En réponse à la défenderesse, elle indique ne pas avoir procédé à une description technique de la dentelle ICONE, mais avoir caractérisé l'effort créatif et les choix arbitraires que révèle la combinaison des motifs susvisés. La SA ETAM LINGERIE conteste également l'appartenance au fonds commun de la dentelle alléguée en défense en ce qu'elle ne revendique pas des droits sur un genre de dentelle, mais sur une combinaison de motifs. Elle ajoute que les antériorités qui lui sont opposées sont inopérantes car l'originalité de la dentelle s'apprécie dans son ensemble et non au regard des motifs pris isolément.

La SAS CIVAD soutient que la demanderesse fait une description technique rendant inopérante toute démonstration de l'originalité de la dentelle ICONE dont les motifs, qui sont banals et appartiennent au fonds commun de la dentelle ou de la broderie à motifs géométriques, ne présentent pas un agencement particulier traduisant des choix arbitraires de son auteur.

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 111-1 alinéas 1 et 2 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

Selon l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, ce droit appartient aux auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

L'article L. 112-2, 7o et 14o du code de la propriété intellectuelle dispose que sont considérés comme oeuvres de l'esprit :
- les oeuvres de dessin ;
- les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l'habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d'ameublement.

L'originalité d'une oeuvre résulte notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires de son auteur qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité.

Lorsque la protection par le droit d'auteur est contestée en défense, l'originalité d'une oeuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En effet, le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques revendiquées de l'oeuvre qui fondent l'atteinte alléguée et apporter la preuve de l'absence d'originalité de l'oeuvre.

En l'espèce, la SA ETAM LINGERIE revendique au titre de l'originalité de la dentelle ICONE « la combinaison des quatre motifs symétriques et géométriques distincts suivants :

? Une bande à chevrons et à fleurs :
- Un premier chevron plein en point zigzag doublé.
- Une seconde ligne en chevron, moins présente, suit ce premier chevron et est constituée d'un enchaînement de ronds pleins en grille.
- Un réseau très fin relie ces deux chevrons.
- Dans le creux de chaque chevron plein se trouve, de manière symétrique, un point fantaisie constitué d'une fleur.
- Cette fleur est toujours située au même endroit, de manière symétrique. Cela peut être, soit en creux du chevron plein, soit en-dessous de son extrémité.
- Cette fleur est constituée d'un bouton rond plein, entouré de six pétales également ronds mais ajourés.
- Une bande de 0.5 millimètres en point zigzag large doublé vient délimiter cette partie.

? Une bande de fleurs ajourées de forme arrondie.

? Une bande en quadrillage droit (carrés réguliers), qui contraste par rapport au reste de la dentelle :
- Cette seconde bande est délimitée par une ligne droite et une ligne en chevron.
- La ligne chevron est doublée afin de donner une impression de relief.
- La ligne droite arrête le quadrillage par le recours à un point bourdon.
- La ligne en chevron est suivie par une fine ligne de mini ronds pleins.
- Tout au long de cette bande se trouve des petites croix formées par quatre carrés.
- Ces croix sont disposées de manière rectiligne et symétrique tous les cinq carrés.
- Le centre de cette croix carrée est soit plein, soit rond, et ce de manière alternée et identique.

? Une bande de losanges, inspirée du motif jacquard et aztèque tout en s'en détachant fortement :
- Cette partie est formée par une suite de petits losanges pleins et horizontaux ainsi que d'une bande à double chevron.
- La première ligne du chevron se distingue par un fil épais, bordée d'une suite continue de petits ronds ajourés.
- Cette première ligne est suivie par une seconde ligne en chevron plein et plat sans aucun relief.
- Chaque losange plein se trouve lui-même au centre d'un second losange.
- Un réseau très fin de fils relie l'ensemble.

L'assiette de l'originalité de cette oeuvre se situe donc dans la combinaison de ces 4 caractéristiques successives, prises ensemble ».

Si, comme le souligne très justement la défenderesse, cette description technique de la dentelle ICONE ne permet pas en soi de caractériser l'originalité alléguée, la SA ETAM LINGERIE ajoute que :
« - La dentelle ICONE présente de nombreuses caractéristiques qui, combinées selon des espacements et un agencement particuliers, reflètent la personnalité de son auteur qui a clairement procédé à des choix libres et créatifs démontrant ainsi ses capacités créatives.
- les stylistes de la société ETAM LINGERIE, tout en s'inspirant de styles de dentelles préexistants, ont cherché à développer des motifs uniques dans une combinaison particulière, personnelle et originale afin de conférer à la dentelle ICONE un caractère très distinctif par rapport aux autres dentelles classiquement utilisées sur le marché de la lingerie en 2014/2015.
- Un travail minutieux a donc été mené pour penser cette dentelle dans ses moindres détails, en réalisant de nombreux choix libres et créatifs, tant pour la conception de ses éléments graphiques que pour sa mise au point.
- La physionomie particulière de cette dentelle tient à la combinaison et l'agencement des motifs ci-dessous décrits mais également, au fait que les stylistes ont pris le parti d'exploiter certains passages de fils spécifiques plus ou moins épais pour conférer une impression de relief à l'ensemble et contraster avec le fond, ainsi que celui de créer des parties opaques mais aussi transparentes.
- En outre, cette dentelle présente une impression d'ensemble très graphique, différente des impressions florales encore très largement rependues lors de sa création. En étant très géométrique, cette dentelle se démarque par sa modernité ».

Dès lors, au-delà de la simple description de la dentelle ICONE, la demanderesse liste les caractéristiques dont la combinaison témoigne selon elle de l'effort créatif de son auteur.

Il ressort de l'examen du dessin de dentelle ICONE quatre compositions géométriques distinctes, de structures variées, dont l'agencement spécifique et le rythme créent un mouvement sur la longueur du tissu de dentelle. La densité du tissage, propre à chacune des quatre compositions géométriques, crée un jeu de contraste moderne entre transparence et opacité. Sa complexité et sa modernité témoignent de choix esthétiques arbitraires qui lui confèrent une physionomie particulière portant l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Le dessin de dentelle ICONE présente alors une combinaison qui se détache tant des exemples du fond commun de la dentelle ou de la broderie à motifs géométriques produits par la défenderesse, que de la robe ROBERTO CAVALLI ayant inspiré le body KHOL dont les motifs géométriques et leur agencement diffèrent.

Dès lors, le dessin de dentelle ICONE est original et bénéficie de la protection par le droit d'auteur.

Sur la contrefaçon de droits d'auteur

La SA ETAM LINGERIE expose que les produits litigieux sont composés en partie basse d'une dentelle qui reproduit servilement la combinaison originale de sa dentelle ICONE, à savoir la bande à chevrons et à fleurs, la bande de fleurs ajourées de forme arrondie, la bande en quadrillage droit et la bande de losanges.

En réplique, la SAS CIVAD soutient n'avoir repris qu'une partie des éléments de la dentelle ICONE et non le jeu de symétrie ou de miroir. Elle ajoute que la dentelle litigieuse et la dentelle ICONE présentent des différences de motifs, dont la proportion et la combinaison diffèrent également, des différences de reliefs et de contrastes dès lors la densité et la matière des fils utilisés ne sont pas les mêmes, ainsi que des différences de couleurs, de sorte qu'il s'en dégage une impression d'ensemble différente.

SUR CE,

Selon l'article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.

Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, il ressort de l'examen comparatif du tissu de dentelle ICONE et des articles de lingerie litigieux BLANCHEPORTE versés aux débats que la dentelle composant ces derniers reproduit à l'identique la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE revendiquée par la SA ETAM LINGERIE, en particulier les quatre bandes de compositions géométriques, dont la structure est complexe et moderne, ainsi que leur agencement.

Cette reproduction sans autorisation est constitutive d'une contrefaçon de droits d'auteur.

La différence de proportion entre les éléments de la dentelle litigieuse et ceux de la dentelle ICONE, ainsi que la différence de densité, d'épaisseur, de matière et de couleur des fils utilisés, invoquées par la défenderesse ne sont pas de nature à écarter la contrefaçon, laquelle s'apprécie par les ressemblances et non par les différences.

Dès lors, en important, en offrant à la vente et en commercialisant le shorty référencé 700.198, la culotte midi référencée 700.199, la culotte maxi référencée 700.200 et la culotte tanga référencée 700.201, dont la dentelle reproduit la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE, la SAS CIVAD a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SAS ETAM LINGERIE.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

La SA ETAM LINGERIE soutient que la SAS CIVAD a commis des actes de concurrence déloyale en ce que les produits litigieux, qui s'inscrivent dans les mêmes couleurs, reprennent à l'identique la ceinture élastique du body KHOL et reproduisent en partie haute la bande de motifs à losanges de la dentelle ICONE, laquelle ajoutée à la reprise de la combinaison de la dentelle ICONE en partie basse, crée un risque de confusion dans l'esprit du public. Elle invoque un effet de gamme par des produits de lingerie très similaires aux siens et estime que les produits litigieux constituent des produits d'appel. Elle ajoute que la défenderesse a également commis des actes de parasitisme en se plaçant dans son sillage afin de bénéficier sans bourse délier de ses importants investissements créatifs et publicitaires pour la gamme de lingerie ICONE.

La SAS CIVAD répond que la demanderesse n'invoque pas des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon de la dentelle ICONE et qu'en tout état de cause cette dernière ne caractérise aucune faute ni aucun risque de confusion. Elle fait également valoir sa bonne foi en ce qu'elle s'est contentée de choisir une dentelle proposée par un fournisseur chinois sans identifier spontanément les ressemblances avec les produits commercialisés par la SA ETAM LINGERIE, et souligne avoir immédiatement cessé à titre conservatoire la commercialisation des produits litigieux après la saisie-contrefaçon du 6 janvier 2020. Elle conteste également tout effet de gamme ainsi que la qualification de « produit d'appel » des produits litigieux donnée par la demanderesse. Elle ajoute que la ceinture élastique du body KHOL est banale et que la SA ETAM LINGERIE ne peut se prévaloir d'aucun monopole. Sur le parasitisme allégué, la SAS CIVAD répond que la demanderesse ne rapporte pas la preuve des investissements réalisés dès lors que seule une attestation sur l'honneur de l'un de ses salariés, Monsieur [Y] [X], directeur financier et administratif, est produite et que ces chiffres ne sont corroborés par aucune pièce comptable.

SUR CE,

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.

La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.

Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

Il incombe à celui qui allègue un acte de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée.

En l'espèce, la SA ETAM LINGERIE échoue à établir un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre la ceinture élastique des produits litigieux et la ceinture élastique du body KHOL, lequel est lui-même inspiré d'une robe ROBERTO CAVALLI tel qu'il ressort de la fiche technique de ce body produite par la SA ETAM LINGERIE (sa pièce no25). De surcroît, la demanderesse ne démontre pas que la ceinture élastique qu'elle oppose permet à la clientèle d'identifier, à elle seule, le body KHOL et qu'elle constitue une valeur économique individualisée.

En outre, aucun risque de confusion dans l'esprit de la clientèle n'est établi entre la partie haute des produits litigieux et la bande de motifs à losanges de la dentelle ICONE, prise isolément, étant par ailleurs observé que la SA ETAM LINGERIE n'est pas fondée à invoquer à nouveau, au titre de la concurrence déloyale, la reprise de la combinaison de la dentelle ICONE, laquelle ne constitue pas des faits distincts de la contrefaçon de droits d'auteur. De même que la demanderesse ne peut revendiquer un monopole ni sur la répétition de motifs, laquelle est courante pour constituer un tissu de dentelle, ni sur les couleurs blanche, noire, poudrée, bleu et les couleurs vives, lesquelles ne sont pas appropriables.

De plus, l'effet de gamme invoqué par la SA ETAM LINGERIE ne peut résulter de la commercialisation d'une même gamme de produits, dont aucun risque de confusion dans l'esprit de la clientèle n'est de surcroît établi.

Par ailleurs, la SA ETAM LINGERIE, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, ne démontre pas que les produits litigieux constituent des produits d'appel.

Il s'ensuit que la concurrence déloyale alléguée n'est pas caractérisée.

Quant au parasitisme allégué, le moyen de la SA ETAM LINGERIE tiré de ce que la défenderesse s'est inscrite dans son sillage afin de profiter sans bourse délier de ses investissements créatifs et publicitaires pour la gamme de lingerie ICONE ne constitue pas des faits distincts de ceux déjà invoqués au soutien de sa demande indemnitaire au titre de la contrefaçon de droits d'auteur, pour laquelle seront notamment prises en considération les économies d'investissements réalisées par la défenderesse en application de l'article L. 331-1-3, alinéa 1, 3o du code de la propriété intellectuelle. A cet égard, la SA ETAM LINGERIE ne peut solliciter deux fois l'indemnisation d'un même préjudice.

En conséquence, au regard de tout ce qui précède, la SA ETAM LINGERIE sera déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire.

Sur les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon

La SA ETAM LINGERIE sollicite le paiement de la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon sur le fondement de l'alinéa 1er de l'article L. 331-1-3 du code de propriété intellectuelle. A ce titre, elle fait valoir la banalisation et la dévalorisation de sa dentelle ICONE, le succès de sa gamme ICONE qui a été commercialisée en janvier 2015 et qui a été reconduite chaque saison jusqu'en 2020, générant plus de 130 millions d'euros de chiffres d'affaires, l'atteinte portée aux investissements créatifs et publicitaires importants qu'elle a exposés pour la gamme ICONE, son manque à gagner et le chiffre d'affaires réalisé par la défenderesse. Elle sollicite également des mesures d'interdiction, de retrait des circuits commerciaux, de remise des produits litigieux et de publication.

La SAS CIVAD, qui conteste le chiffrage réalisé par la SA ETAM LINGERIE, sollicite le rejet de ces demandes.

SUR CE,

L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Aux termes de l'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publication du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par des extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits. La juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit.

En l'espèce, aux termes de l'attestation de Madame [Z] [O], responsable juridique de la SAS CIVAD, en date du 3 mars 2021, jointe à l'attestation du commissaire aux comptes de la SAS CIVAD du 4 mars 2021 (pièce CIVAD no59) : « les ventes de produits référencés 700 198, 700 199, 700 200, 700 201, argués de contrefaçon, réalisées par Blancheporte entre le 26/06/2019 et le 16/01/2020 s'élèvent à 3.151 produits (lot de 2 articles chacun), avec lesquelles a été réalisé un chiffre d'affaires HT de 28.628, 17 euros ».

A cet égard, il ressort des deux bons de livraisons des 31 octobre et 18 novembre 2019 (pièces ETAM no18 et 21) que chaque produit litigieux est composé de deux articles, ce que confirme l'attestation susvisée par la mention « 3.151 produits (lot de 2 articles chacun) ». Il s'ensuit une vente de 6.302 articles contrefaisants sur la période du 25 juin 2019 au 16 janvier 2020 pour un chiffre d'affaires HT de 28.628,17 euros. La SAS CIVAD indique dans ses conclusions avoir réalisé une marge brute de 23.000 euros.

La SA ETAM LINGERIE indique quant à elle réaliser une marge brute moyenne de 79,84 % sur les articles de lingerie de la gamme ICONE.

Les parties s'adressant au moins en partie à un même public féminin, la SA ETAM LINGERIE a nécessairement subi un manque à gagner résultant de la commercialisation par la SAS CIVAD d'articles de lingerie dont la dentelle reproduit en partie basse la combinaison originale de la dentelle ICONE.

Si la SA ETAM LINGERIE indique dans ses conclusions avoir réalisé les chiffres d'affaires suivants avec la gamme de lingerie ICONE :
? la somme de 3.945.336 euros HT au titre de l'année 2015, soit 1 % du chiffre d'affaires global ;
? la somme de 39.963.141 euros HT au titre de l'année 2016, soit 9 % du chiffre d'affaires global ;
? la somme de 46.242.170 euros HT au titre de l'année 2017, soit 10 % du chiffre d'affaires global ;
? la somme de 44.104.124 euros HT au titre de l'année 2018, soit 8 % du chiffre d'affaires global ;
Cette dernière ne produit aucune pièce pour justifier des chiffres d'affaires qu'elle allègue. La pièce no12 qu'elle vise dans ses conclusions est une attestation sur l'honneur en date du 19 décembre 2019 de son directeur financier et administratif qui ne fait aucunement état des chiffres d'affaires réalisés. Cette attestation est uniquement relative au « coût marketing média relatif à la gamme ICOME » et au « coût de la masse salariale intervenant dans la chaîne de création des modèles ICONE objets du litige opposant ETAM LINGERIE aux sociétés TATI DIFFUSION et TATI MAG ».

En outre, tandis qu'elle invoque la commercialisation de la gamme de lingerie ICONE jusqu'en 2020, la commission des actes litigieux par la SAS CIVAD en 2019 et 2020 pendant que la gamme de lingerie ICONE était toujours disponible à la vente et dit avoir été contrainte d'abandonner cette gamme plus tôt que prévu en raison d'actes de contrefaçon massifs et répétés, force est de constater que la SA ETAM LINGERIE n'a communiqué aucun élément chiffré pour les années 2019 et 2020.

En tout état de cause, la commercialisation des produits contrefaisants par la SAS CIVAD entraîne également la banalisation et l'avilissement de la dentelle ICONE, causant ainsi un préjudice moral à la SA ETAM LINGERIE.

Concernant les investissements réalisés, la SA ETAM LINGERIE produit une attestation sur l'honneur de son directeur financier et administratif, Monsieur [Y] [X], en date du 19 décembre 2019 (sa pièce no12) faisant état :
· du « coût marketing média relatif à la gamme ICONE », en particulier :
- la somme de 938.250 euros pour les années 2015 et 2016 ;
- la somme de 560.160 euros pour l'année 2017 ;
- la somme de 200.828 euros pour l'année 2018 ;
- la somme de 205.630 euros pour l'année 2019 ;
· du « coût de la masse salariale d'ETAM LINGERIE intervenant dans la chaîne de création des modèles ICONE objets du litige opposant ETAM LINGERIE aux sociétés TATI DIFFUSION et TATI MAG », en particulier :
- la somme de 4.226.000 euros pour l'année 2014 ;
- la somme de 4.452.000 euros pour l'année 2015 ;
- la somme de 4.819.000 euros pour l'année 2016 ;
- la somme de 5.854.000 euros pour l'année 2017 ;
- la somme de 5.445.000 euros pour l'année 2018 ;
- la somme de 5.517.000 euros du 1er janvier au 30 novembre 2019.

Dès lors, s'agissant des économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels retirées par la SAS CIVAD, force est de constater que la SA ETAM LINGERIE n'établit pas elle-même les investissements créatifs et promotionnels prétendument réalisés pour la gamme de lingerie ICONE. L'attestation sur l'honneur de son directeur financier et administratif (sa pièce no12) est dénuée de valeur probante quant aux frais prétendument exposés faute d'avoir été établie ou certifiée par l'expert-comptable ou le commissaire aux comptes de la SA ETAM LINGERIE, étant observé que cette dernière s'est également abstenue de produire une telle pièce en dépit des contestations émises à cet égard par la défenderesse.

Par ailleurs, les investissements exposés par la SA ETAM LINGERIE pour la création de la dentelle ICONE, qui est seule opposée au titre de la contrefaçon, sont inconnus. Cette dernière se borne à produire une attestation relative aux investissements créatifs pour les modèles de sa gamme de lingerie ICONE objets du litige l'opposant aux sociétés TATI DIFFUSION et TATI MAG.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, après une appréciation distincte des chefs de préjudice conformément aux dispositions de l'article L. 331-1-3 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par la SA ETAM LINGERIE résultant de la contrefaçon de droits d'auteur à hauteur de la somme de 40.000 euros.

Des mesures d'interdiction, de destruction et de publication seront ordonnées selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

La SA ETAM LINGERIE sera déboutée de ses demandes de retrait des circuits commerciaux et de remise des produits litigieux, des mesures d'interdiction et de destruction étant ordonnées.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

L'article 699 du code de procédure civile dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

La SAS CIVAD, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé les 14, 15 et 16 janvier 2020 par Maître [P] [R], huissier de justice à [Localité 5], dont distraction au profit de la SAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les dépens ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires.

Dès lors, les procès-verbaux de constat d'achat sur internet et de réception des 14 et 22 novembre 2019 de Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4], n'ayant pas été dressés sur autorisation judiciaire, les frais exposés ne constituent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile, mais des frais irrépétibles indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l'espèce, l'équité commande de condamner la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais des procès-verbaux de constat d'achat sur internet et de réception dressés les 14 et 22 novembre 2019 par Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4].

Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l'espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger à l'exception des mesures de destruction et de publication en raison de leur caractère irréversible.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DIT que le dessin de dentelle ICONE est original et bénéfice de la protection par le droit d'auteur ;

DIT qu'en important, en offrant à la vente et en commercialisant le shorty référencé 700.198, la culotte midi référencée 700.199, la culotte maxi référencée 700.200 et la culotte tanga référencée 700.201, dont la dentelle reproduit la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE, la SAS CIVAD a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SA ETAM LINGERIE ;

CONDAMNE la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ;

FAIT INTERDICTION à la SAS CIVAD d'importer, d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire français, le shorty référencé 700.198, la culotte midi référencée 700.199, la culotte maxi référencée 700.200 et la culotte tanga référencée 700.201, dont la dentelle reproduit la combinaison originale du dessin de dentelle ICONE, et ce à l'expiration du délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ;

ORDONNE la destruction, sous le contrôle d'un huissier de justice, de tous les shortys référencés 700.198, de toutes les culottes midi référencées 700.199, de toutes les culottes maxi référencées 700.200 et de toutes les culottes tanga référencées 700.201, restant en stock au sein de la SAS CIVAD, aux frais de cette dernière, à charge pour elle d'en justifier à la SA ETAM LINGERIE, et ce dans un délai de 30 jours une fois le jugement devenu définitif, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ;

ORDONNE la publication de l'insertion suivante : « Par décision du 7 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que la SAS CIVAD, au nom commercial BLANCHEPORTE, a porté atteinte aux droits d'auteur dont la SA ETAM LINGERIE est titulaire sur la dentelle ICONE et l'a condamnée à réparer les préjudices résultant de la contrefaçon », aux frais de la SAS CIVAD, sur le site internet etlt;www.blancheporte.fr etgt;, en partie supérieure de la page d'accueil du site, de façon visible, sans mention ajoutée, en police de caractères « times new roman » de taille 12, de couleur noire et sur fond blanc, dans un encadré de 1000 x 1000 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « COMMUNICATION JUDICIAIRE » en lettres capitales de taille 14, pendant une durée de quinze jours à compter de la mise en ligne et dans un délai de 48 heures une fois le jugement devenu définitif, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ;

DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées ;

DEBOUTE la SA ETAM LINGERIE de ses demandes de retrait des circuits commerciaux et de remise des produits litigieux ;

DEBOUTE la SA ETAM LINGERIE de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

CONDAMNE la SAS CIVAD à payer à la SA ETAM LINGERIE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais des procès-verbaux de constat d'achat sur internet et de réception dressés les 14 et 22 novembre 2019 par Maître [W] [C], huissier de justice à [Localité 4] ;

CONDAMNE la SAS CIVAD aux dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé les 14, 15 et 16 janvier 2020 par Maître [P] [R], huissier de justice à [Localité 5], dont distraction au profit de la SAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire pour les mesures de destruction et de publication.

Fait et jugé à Paris le 07 Juin 2022.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/1620
Date de la décision : 07/06/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2022-06-07;20.1620 ?
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