COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
(Décision Civile)
JUGEMENT : [S] [F] c/ S.A.S. CASINO [8], S.A. ALLIANZ IARD, Caisse CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE, Mutuelle HARMONIE MUTUELLE
MINUTE N° 24/
Du 27 Août 2024
3ème Chambre civile
N° RG 23/00663 - N° Portalis DBWR-W-B7H-OWZH
Par jugement de la 3ème Chambre civile en date du vingt sept Août deux mil vingt quatre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne VINCENT, Présidente, assistée de Audrey LETELLIER-CHIASSERINI, Greffier, présente uniquement aux débats
Vu les Articles 812 & 816 du Code de Procédure Civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;
DÉBATS
A l'audience publique du 13 Mai 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 27 Août 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction ;
PRONONCÉ
Par mise à disposition au Greffe le 27 Août 2024 , signé par Anne VINCENT, Présidente, assistée de Louisa KACIOUI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DE LA DÉCISION : réputée contradictoire, en premier ressort, au fond
Grosse délivrée à
Me Caroline BOZEC
Me Benoît VERIGNON de la SELARL VERIGNON
expédition délivrée à
Me Leslie PEROT-LERDA
le
mentions diverses
DEMANDERESSE:
Madame [S] [F]
[Adresse 6]
[Localité 1]/FRANCE
représentée par Me Leslie PEROT-LERDA, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
DEFENDERESSES:
S.A.S. CASINO [8] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 1]/FRANCE
défaillant
S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Caroline BOZEC, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat plaidant
Caisse CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE
[Adresse 5]
[Localité 1]/FRANCE
représentée par Maître Benoît VERIGNON de la SELARL VERIGNON, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant
Mutuelle HARMONIE MUTUELLE
[Adresse 10]
[Localité 4] / FRANCE
défaillant
EXPOSE DU LITIGE
Le 20 mai 2018 à [Localité 1], [S] [F] a chuté alors qu’elle se trouvait au restaurant [9] de la SAS CASINO [8].
Selon les constatations médicales initiales, [S] [F] a présenté une fracture de l’extrémité supérieure du fémur gauche ayant occasionné deux interventions avec pose et retrait de broche .
Elle a recherché la responsabilité de l’établissement au motif que sa chute avait été occasionné par un parasol mal positionné. Le 12 avril 2019, l’assureur du restaurateur, à opposer l’absence de caractère anormal du parasol lui permettant de retenir la responsabilité de son assurée.
Par ordonnance rendue le 20 janvier 2022, le juge des référés de Nice a ordonné une expertise médicale pour évaluer son préjudice, a désigné le Docteur [Z] et a rejeté les demandes de Mme [F] de provisions réclamées à la charge de la SAS CASINO [8] et de son assureur la compagnie d’assurance SA ALLIANZ IARD.
L’expert a rendu son rapport définitif le 12 octobre 2022.
C'est dans ce contexte que par actes d’huissier délivrés les 8 et 9 février 2023, Mme [S] [F] a assigné la SAS CASINO [8], son assureur la compagnie d’assurance SA ALLIANZ IARD au contradictoire de la CPAM des Alpes-Maritimes et de la société HARMONIE MUTUELLE devant le Tribunal Judiciaire de Nice aux fins de :
au principal
- Déclarer la SAS CASINO [8] responsable du préjudice subi par Mme [S] [F] sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil,
A titre subsidiaire,
- Déclarer la SAS CASINO [8] responsable du préjudice subi par Mme [S] [F] sur le fondement de l’article 1242-1 du Code civil,
dans tous les cas
- CONDAMNER in solidum la SAS CASINO [8] et la SA ALLIANZ IARD à verser à Mme [F] la somme de 42 609,50 € avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir en réparation de son préjudice corporel,
- CONDAMNER in solidum la SAS CASINO [8] et la SA ALLIANZ IARD au paiement des frais d’expertise judiciaire avancés,
- statuer ce que de droit sur les prétentions des organismes sociaux
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- CONDAMNER in solidum la SAS CASINO [8] et la SA ALLIANZ IARD à verser à Mme [F] la somme de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance avec bénéfice de distraction au profit de Maître Leslie PEROT-LERDA, avocat.
La société HARMONIE MUTUELLE et la SAS CASINO [8] n’ont pas constitué avocat.
Dans le dernier état de la procédure, les prétentions des parties sont les suivantes :
Mme [S] [F] est en état de son assignation.
Dans ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique, le 22 octobre 2023, la SA ALLIANZ IARD sollicite du Tribunal de :
- DEBOUTER Mme [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- CONDAMNER Mme [F] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
Dans ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique, le 17 avril 2024, la CPAM du VAR intervenant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes sollicite du Tribunal:
- de déclarer la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES du VAR bien fondée à agir au nom et pour le compte de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE des ALPES-MARITIMES,
- de condamner in solidum la SAS CASINO [8] et la SA ALLIANZ IARD au titre des débours qu’elle a exposés pour le compte de son assurée, Mme [F] la somme de 18 991,22 € au titre du poste «Dépenses de Santé Actuelles», outre les intérêts légaux à compter du 23 juin 2024, date de signification par la Caisse de ses premières écritures, avec capitalisation annuelle en application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil
- de condamner condamner in solidum la SAS CASINO [8] et la SA ALLIANZ IARD à régler à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR agissant pour le compte de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE des ALPES-MARITIMES la somme de 1 191 € au titre de l’indemnité forfaitaire,
- de maintenir l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
- de condamner in solidum la SAS CASINO [8] et la SA ALLIANZ IARD à payer à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR une somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- de condamner in solidum la SAS CASINO [8] et la SA ALLIANZ IARD , aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Benoît VERIGNON, Avocat.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige et des prétentions des parties, aux conclusions sus-visées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2024 avec clôture au 29 avril 2024 et l’affaire fixée à plaider le 13 mai 2024. La décision a été rendue par mise à disposition au greffe.
MOTIVATION
Vu les articles 34 et suivants du Code de procédure civile, l’article R211-3-24 du Code de l’organisation judiciaire, l’intérêt du litige excède 5 000 € et le jugement est susceptible d’appel.
En application de l'article 473 alinéa 2 du code de procédure civile, le présent jugement est réputé contradictoire, la société HARMONIE MUTUELLE et la SAS CASINO [8] (assignations remises à personne morale avec signification à personne se déclarant habilitée à recevoir) , n’ayant pas constitué avocat.
Sur le droit à indemnisation de la victime
La survenance de la chute de [S] [F] dans le restaurant de la SAS CASINO [8] où elle se trouvait le 20 mai 2018 n’est pas contestée.
Mme [F] recherche au principal la responsabilité contractuelle de l’établissement. Elle fait valoir que
- le restaurateur est tenu d’une obligation de sécurité dans l’aménagement, l’organisation et le fonctionnement de son établissement en respectant les règles de prudence et de surveillance qu’exige la sécurité des clients
- les attestations produites de personnes présentent le jour de la chute permettent d’établir que c’est l’aménagement de la terrasse du restaurant qui est la cause de sa chute
- subsidiairement sur le fondement délictuel de l’article 1242 du Code civil, le restaurateur gardien doit répondre de l’encombrement de la terrasse, le positionnement des gaines électriques et les pieds de parasol qui ont causé son dommage.
La compagnie d’assurances ALLIANZ IARD lui oppose que la responsabilité de son assurée n’est pas engagée aux motifs que les attestations produites ne sont pas probantes pour établir les circonstances de la chute telles que les avance la demanderesse.
En l’espèce, les parties reconnaissent que [S] [F] avait la qualité de cliente de l’établissement de restauration tenu par la SAS CASINO [8], le jour de l’accident.
Aucune responsabilité sur le fondement délictuel d’une responsabilité du fait des choses ne saurait donc être recherchée.
En application de l’article 1231-1 du Code civil aux faits de l’espèce, disposant que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »
Dans l'aménagement, l'organisation et le fonctionnement de son établissement , le restaurateur est tenu d'observer les règles de prudence et de surveillance qu'exige la sécurité de ses clients. Il est tenu d’une obligation de sécurité de moyens compte tenu de la liberté d’initiative du client.
La responsabilité qui en découle est subordonnée à la démonstration d'une faute par le demandeur en réparation.
En l’espèce, Mme [F] a évoqué que sa chute survenue le 20 mai 2018 avait été causée par l’aménagement de la terrasse du restaurateur, en donnant des précisions différentes au long de la procédure .
Ainsi dans sa déclaration de sinistre dressée le 9 juillet 2018, et dans le courrier de son conseil à l’assureur daté du 2 avril 2021, Mme [F] a mentionné qu’elle avait chuté du fait d’un parasol mal positionné.
Elle a précisé que son pied droit avait heurté un gros pied de parasol en acier, mal indiqué, ayant sûrement bougé et n’en laissant que très peu de place pour le passage.
Dans une déclaration complémentaire datée d’août 2018, elle a indiqué qu’à l’endroit de la chute, il y avait également une gaine de fil électrique sur le passage.
Devant l’expert médical, il est indiqué reprenant les dires qu’en revenant vers sa table, Mme [F] a heurté une goulotte électrique collée au sol et que comme le sol de la terrasse était gras, selon elle, elle avait glissé.
Aucune constatation matérielle n’a été faite le jour de l’accident. Seules des attestations de témoins sont versées. Or aucune ne permet de décrire précisément les circonstances de la chute, et sa cause, à savoir un élément disposé par le restaurateur sur sa terrasse sans précautions suffisantes pour le passage de ses clients ou l’état du sol dangereux.
Ainsi, M. [X] mentionne uniquement avoir été présent lors de la chute. Il s’agit de la seule attestation datée de juin 2018.
Les autres attestations ont été dressées en décembre 2020, soit deux ans après les faits.
M. [Y] décrit avoir rencontré Mme [F] au restaurant le jour de la chute, à laquelle il n’a pas assisté. Sa description d’une terrasse remplie de clients, très encombrée par l’ajout de tables et parasol qui obstruaient les chemins de passage et d’un sol glissant et gras avec des goulottes électriques, éléments qui gênaient le passage, ne permet pas de savoir si ces éléments ont causé la chute.
Mme [W] atteste avoir vu la demanderesse par terre et avoir pu constater que le passage était étroit. Il indique uniquement l’hypothèse que Mme [F] a dû taper dans une goulotte.
M. [T] décrit qu’il a pu constater qu’en mai 2018, à plusieurs reprises il y avait des négligences au sol (tâches de gras, très glissant, des câbles sans goulotte, des passages trop serrés à cause des tables trop rapprochées ainsi que des pieds de parasols trop proches provoquant la dangerosité des accès au palais [8]). Cette description ne peut être retenu comme un témoignage de la configuration des lieux précisément le 20 mai, jour de la chute.
En conséquence, il n’est pas établi par l’ensemble de ces éléments que la chute de la cliente a été causée avec certitude par un sol anormalement glissant, soit par un parasol anormalement disposé, soit par le heurt de câbles électriques constituant des obstacles anormaux, non signalés.
En conséquence, l’action en responsabilité à l’encontre de l’établissement CASINO [8] et de son assureur compagnie d’assurances ALLIANZ IARD du fait de la chute survenue le 20 mai 2018 sera rejetée.
Par suite, la demanderesse sera déboutée de ses demandes d’indemnisation.
***
En application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Par application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, Mme [S] [F] partie succombante sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.
Ni l’équité, ni les circonstances de l’espèce ne commandent de faire exception aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. En conséquence Mme [S] [F] sera condamnée à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la compagnie d’assurances ALLIANZ IARD la somme de 1.500 euros.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
Déboute [S] [F] de son action en responsabilité à l’encontre de la société CASINO [8] et de son assureur la compagnie d’assurances ALLIANZ IARD consécutivement à sa chute survenue le 20 mai 2018,
Déclare la présente décision commune et opposable à la CPAM des Alpes-Maritimes et la société HARMONIE MUTUELLE,
Rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit,
Condamne [S] [F] à payer à la compagnie d’assurances ALLIANZ IARD la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne [S] [F] aux entiers dépens de l'instance,
Et la Présidente a signé avec le greffier.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE