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22/08/2024 | FRANCE | N°22/00432

France | France, Tribunal judiciaire de Nice, 4ème chambre civile, 22 août 2024, 22/00432


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)


JUGEMENT : Syndic. de copro. [Adresse 14] c/ S.C.I. SARA RIVIERA, S.C.I. SARA PATRIMOINE, S.A.S. SARA RIVIERA GESTION


Du 22 Août 2024

4ème Chambre civile
N° RG 22/00432 - N° Portalis DBWR-W-B7G-N7IF




























Grosse délivrée à la SCP PETIT-BOULARD-VERGER

expédition délivrée à
la SELARL PHILIPS & PARTNERS
r>

le 22 Août 2024


mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt deux Août deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Madame SANJUAN PUCHOL, magistrat rédacteur
A...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)

JUGEMENT : Syndic. de copro. [Adresse 14] c/ S.C.I. SARA RIVIERA, S.C.I. SARA PATRIMOINE, S.A.S. SARA RIVIERA GESTION


Du 22 Août 2024

4ème Chambre civile
N° RG 22/00432 - N° Portalis DBWR-W-B7G-N7IF

Grosse délivrée à la SCP PETIT-BOULARD-VERGER

expédition délivrée à
la SELARL PHILIPS & PARTNERS

le 22 Août 2024

mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du vingt deux Août deux mil vingt quatre

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Madame SANJUAN PUCHOL, magistrat rédacteur
Assesseur : Madame VALAT
Assesseur : Madame DEMARBAIX
Greffier : Madame PROVENZANO

DÉBATS

A l'audience publique du 19 Février 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 06 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées.

PRONONCÉ

Par mise à disposition au Greffe le 22 Août 2024, après prorogation du délibéré les 06 mai, 11 juin, 01 juillet et 08 juillet 2024, signé par Madame SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame BOTELLA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DE LA DÉCISION :
contradictoire, en premier ressort, au fond.

DEMANDEUR :

Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 14] représenté par son syndic en exercice, la SASU RI SYNDIC dont le siège social est sis [Adresse 6] - [Localité 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité, la SARL OVALIE domiciliée [Adresse 7] - [Localité 3], elle même représentée par M. [M] [D] domicilié en sa qualité de gérant audit siège
[Adresse 8]
[Localité 2]
représenté par Maître Hervé BOULARD de la SCP PETIT-BOULARD-VERGER, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

DÉFENDERESSES:

S.C.I. SARA RIVIERA agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Localité 13]
représentée par Maître Valérie MONTI de la SELARL PHILIPS & PARTNERS, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant

S.C.I. SARA PATRIMOINE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 14]
[Localité 2]
représentée par Maître Valérie MONTI de la SELARL PHILIPS & PARTNERS, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant

S.A.S. SARA RIVIERA GESTION prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 14]
[Localité 2]
représentée par Maître Valérie MONTI de la SELARL PHILIPS & PARTNERS, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

PV HOLDING, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 12]
représentée par Maître Hervé BOULARD de la SCP PETIT-BOULARD-VERGER, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique du 25 juillet 1988, la société Pierre et Vacances a acquis des parcelles cadastrées AH n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11] sur la commune de [Localité 2], lieudit [Adresse 14], sur lesquelles elle avait été autorisée à faire édifier une résidence de tourisme selon arrêté de permis de construire du 7 janvier 1988.

La société Pierre et Vacances a placé cette résidence de tourisme sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis de la loi du 10 juillet 1965, l'ensemble immobilier ayant fait l'objet d'un Etat descriptif de division et règlement de copropriété dressé le 12 janvier 1990.

Cet ensemble immobilier comprend deux groupes de bâtiments, le groupe 1 comprenant 10 bâtiments et un bâtiment de services généraux avec piscine et ses annexes, un bar et, en sous-sol, des aires de stationnement.

En ce qui concerne l'exploitation de la résidence de tourisme, le règlement de copropriété dispose que les lots 175, 176, 180, 181, 182 et 183 seront grevés d'un droit de passage au profit des autres lots de l'ensemble immobilier qui s'éteindra le jour où l'ensemble immobilier aura perdu la qualité de résidence de tourisme au sens de la règlementation en vigueur.

Ce règlement prévoit que l'exploitant pourra installer à l'emplacement desdits lots les équipements nécessaires à l'exploitation de la résidence de tourisme et qu'à l'expiration de cette période, les lots pourront être aménagés soit en locaux commerciaux, soit en locaux d'habitation.

La destination de l'immeuble définit le groupe 1 comme présentant les caractéristiques de la résidence de tourisme définies par l'arrêté du 14 février 1986.

La société Pierre et Vacances a exploité la résidence de tourisme mais n'a plus rempli le seuil d'exploitation minimum fixé par décret, ce qui a impliqué un arrêt de l'exploitation et une perte du statut de la résidence dont il a été pris acte sans vote par l'assemblée générale des copropriétaires du 30 novembre 2013.

La SCI Sara Patrimoine est propriétaire de trois lots d'appartements (17, 67 et 72), de lots qualifiés de local (175,176 et 177) et de trois lots de parking (195, 228 et 294).

La SCI Sara Riviera est propriétaire de deux lots d'appartements (30 et 160) et de deux lots de parking (266 et 312).

La société Sara Riviera Gestion propose à la location de courte durée les lots, notamment, de ces deux SCI.

Faisant valoir à l'appui de deux procès-verbaux de constat d'huissier que ces trois sociétés avaient annexé des parties communes et des parties privatives de la société Pierre et Vacances, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 14] a, par actes des 18 et 28 janvier 2022, fait assigner la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion pour obtenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, la restitution des parties communes en leur état originel.

La société PV Holding (Pierre et Vacances) est volontairement intervenue à l'instance aux côtés du syndicat des copropriétaires par conclusions du 28 février 2023.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 28 février 2023, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 14] et la société PV Holding sollicitent :

- la condamnation in solidum de la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à restituer en leur état originel les parties communes, à savoir :

* Espace sous les escaliers venant de la piscine au sud du lot 175,
* Couloir commun longeant à l'ouest les lots 175, 176, 177 et 179,
* Couloir commun longeant les lots 180, 181 et 182,
* Escalier partant de la piscine côté nord,

- l'expulsion immédiate et sans délai de la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion, occupantes sans droit ni titre des lots 180, 181 et 182 situé dans le groupe1 bâtiment 1 avec si nécessaire le concours de la force publique et d'un serrurier,

- la condamnation in solidum de la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion à payer à la société PV Holding :

* une indemnité d'occupation de 1.000 euros à compter de l'assignation et jusqu'à restitution des lieux,
* 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

- la condamnation in solidum de la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion à leur verser à chacun la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire, la société PV Holding indique que ses lots sont occupés sans autorisation par les trois sociétés défenderesses et qu'elle a intérêt à se joindre à l'action initiée par le syndicat pour faire cesser l'occupation illicite des parties communes à leur encontre de ces sociétés.
Ils exposent que depuis la fin de la résidence de tourisme exploitée par Pierre et Vacances et l'application intégrale du statut de la copropriété, l'intégralité des couloirs et passages est une partie commune sans exception. Ils soutiennent que les défenderesses ne peuvent revendiquer l'existence d'une servitude d'usage et soutenir être occupantes de bonne foi alors qu'elles ont annexés les lots 180, 181 et 182 dont elles ont changé les clés des portes d'accès. Ils soulignent que l'assemblée générale du 1er avril 2021 a décidé l'acquisition par le syndicat des lots 178 à 186 qui restaient la propriété de la société Pierre et Vacances et que le recours en annulation exercé par les SCI Sara Riviera et Sara Patrimoine a été rejeté par un jugement du 13 septembre 2021.
Ils font valoir que les sociétés Sara Patrimoine, Sara Riviera et Sara Riviera Gestion se sont approprié des parties communes sans autorisation, ce qui ouvre au syndicat un délai de trente ans pour agir en restitution sur le fondement de l'article 2272 du code civil. Ils soutiennent que la société Pierre et Vacances a cédé à la société Sara Patrimoine deux locaux commerciaux et les tantièmes y attachés et non l'usage de parties communes définies par l'article 11 du règlement de copropriété. Ils font valoir que l'assemblée générale du 30 novembre 2013 n'a pas modifié le règlement de copropriété dont ils demandent strictement l'application.
Concernant la société Sara Riviera Gestion qui n'est pas copropriétaire, ils soulignent qu'elle commet une faute délictuelle car sa situation de tiers au syndicat ne l'autorise pas pour autant à occuper des espaces communs dans le cadre de son activité commerciale si bien qu'elle doit répondre des atteintes commises sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Ils soulignent qu'il est incontestable que les trois sociétés occupent les lots privatifs 180, 181 et 182 qui sont la propriété de la société Pierre et Vacances sans aucun droit ni titre, lots qu'elles devront par conséquent être condamnées à restituer.

Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées le 29 juin 2023, la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion concluent au débouté ainsi qu'à la condamnation du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 14] et de la société PV Holding à leur payer à chacune la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La SCI Sara Patrimoine demande en outre à être déclarée propriétaire des lots 178, 179, 180 et 181 par suite de la prescription acquisitive et la transcription du jugement à intervenir au service de la publicité foncière.

Elles expliquent que les lots 175, 176, 180, 181, 182 et 183 sont définis par l'article 3 du règlement de copropriété comme des lots exploités en résidence de tourisme. Elles exposent qu'en vertu de l'article 11 du même règlement, l'exploitant de la résidence de tourisme pourra durant toute la durée d'exploitation de la résidence, utiliser les locaux communs tels les locaux techniques ou de services s'ils ne sont pas affectés à un usage privatif. Elles rappellent que ce règlement de copropriété n'ayant pas été modifié par un vote en assemblée à la double majorité de l'article 26, il doit s'appliquer. Elles en déduisent que venants aux droits de l'exploitant, elles ont également acquis le droit d'usage des parties communes prévu par l'article 11 du règlement pour l'exploitation de leurs lots. Elles concluent donc au débouté.
Sur la situation réelle des lots, elles soutiennent que le syndicat n'agit pas sur le fondement des bons plans de la copropriété car les situations intermédiaires et définitives visées par le règlement n'ont jamais été votées par l'assemblée générale si bien que les espaces communs visés par le syndicat n'en sont pas.
La société Riviera Gestion fait valoir qu'elle n'est pas copropriétaire si bien que le règlement ne peut lui être opposé, le syndicat ne justifiant pas de sa qualité à agir à son encontre sur le fondement de celui-ci.
La société Sara Patrimoine expose avoir acquis de la SCI Duprimo les lots 175, 176 et 177 dans l'angle nord du niveau intermédiaire du bâtiment " services généraux " dont les clés lui ont été remises par son vendeur le 23 décembre 2020. Elle reconnaît que les clés et la description des locaux faites dans l'acte notarié sont celles des lots 178, 179, 180 et 181. Elle indique pour autant qu'elle a acquis la propriété de ces lots par usucapion en invoquant la prescription abrégée de l'article 2272 du code civil dans la mesure où elle-même et ses auteurs avant elle les ont occupés paisiblement, à titre de propriétaire et de manière continue.
Elles demandent enfin, au cas où les prétentions du syndicat des copropriétaires seraient déclarées fondées, que l'exécution provisoire de droit soit écartée car elle aurait pour effet d'anéantir leur activité commerciale.

La clôture de la procédure est intervenue le 5 février 2024. L'affaire a été retenue à l'audience du 19 février 2024. La décision a été mise en délibéré au 6 mai 2024 prorogé au 22 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de restitution sous astreinte des parties communes de l'immeuble

1. Sur l'application de la loi du 10 juillet 1965 et la nature des lots communs occupés par les SCI défenderesses

Il ressort des pièces fournies que suivant acte authentique du 25 juillet 1988, la société Pierre et Vacances a acquis des parcelles cadastrées AH n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11] sur la commune de [Localité 2], lieudit [Adresse 14], sur lesquelles elle a été autorisée à faire édifier une résidence de tourisme selon arrêté de permis de construire du 7 janvier 1988.

Le règlement de copropriété - Etat descriptif de division établi le 12 janvier 1990 place l'ensemble immobilier sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis de la loi du 10 juillet 1965.

Cet ensemble immobilier comprend deux groupes de bâtiments, le groupe 1 comprenant 10 bâtiments et un bâtiment de services généraux avec piscine et ses annexes, un bar et, en sous-sol, des aires de stationnement.

En ce qui concerne l'exploitation de la résidence de tourisme, le règlement de copropriété dispose que les lots 175, 176, 180, 181, 182 et 183 seront grevés d'un droit de passage au profit des autres lots de l'ensemble immobilier qui s'éteindra le jour où l'ensemble immobilier aura perdu la qualité de résidence de tourisme au sens de la règlementation en vigueur.

L'article 4 du règlement de copropriété (pages 4 et 5) énonce que le groupe 1 " présente les caractéristiques des résidences de tourisme définies par l'arrêté du 14 février 1986, publié au journal officiel du 6 mars 1986. Etant précisé que cet ensemble, nonobstant la destination spécifique ci-dessous, pourra toujours être affecté ultérieurement à destination d'immeuble d'habitation comportant des locaux commerciaux dans le bâtiment services généraux. "

Il a donc été envisagé, dès la mise en copropriété, les conséquences d'une absence de classement en résidence de tourisme ou de cessation de cette activité, le règlement de copropriété précisant que, dans une telle hypothèse, l'immeuble serait destiné à l'habitation ainsi qu'à un usage commercial dans le bâtiment services généraux.

L'article 11 du règlement de copropriété indique qu'aucun des copropriétaires ou occupants de l'immeuble ne pourra encombrer les entrées, les vestibules, les coursives, les paliers et les escaliers, cours et autres endroits communs, ni laisser séjourner qui que ce soit sur ces parties de l'ensemble.

Cette clause précise cependant que :

" Par dérogation au deuxième alinéa du présent article, l'exploitant désigné à l'article 4, dernier alinéa, pourra durant toute la période d'exploitation en résidence de tourisme, utiliser les locaux communs tels que les locaux techniques ou de service, locaux poubelles ou vide-ordures, hall d'entrée, comble perdu etc. s'ils ne sont pas affectés à un usage privatif. "

La définition même de la résidence de tourisme impose en effet que certaines parties de l'immeuble soumis au statut de la copropriété soient destinées à la réalisation de services communs, l'article D. 321-1 du code du tourisme prévoyant que la résidence est dotée d'un minimum d'équipement et de services communs.

La société d'exploitation étant tenue de fournir des services collectifs, réalisés pour certains dans des parties communes, le règlement de copropriété de la résidence [Adresse 14] précise les modalités de mise à disposition de ces locaux, les copropriétaires s'étant engagés, pendant toute la période d'exploitation de l'immeuble en résidence de tourisme, à laisser la société d'exploitation utiliser librement ces parties communes, dans le respect des clauses du règlement, en définissant l'affectation et sans pouvoir solliciter aucune indemnité au titre de l'occupation de ces parties communes.

Il n'est pas discuté que la société Pierre et Vacances a exploité la résidence de tourisme mais n'a plus rempli le seuil d'exploitation minimum fixé par décret, ce qui a impliqué un arrêt de l'exploitation et une perte du statut de la résidence de tourisme classée au sens des articles D. 321-1 et D. 321-2 du code du tourisme, ce dont il a été pris acte sans vote par l'assemblée générale des copropriétaires du 30 novembre 2013.

La stipulation dans le règlement de copropriété d'une destination de l'immeuble évolutive en cas de cessation de l'activité de résidence de tourisme ne permet donc plus aux acquéreurs de lots, qui ne peuvent d'ailleurs être assimilés à l'exploitant ou gestionnaire unique prévu par l'article D. 321-1 du code du tourisme, d'occuper des parties communes pour fournir les services communs.

Dès lors que l'immeuble n'est plus exploité en résidence de tourisme et que le règlement de copropriété avait prévu la cessation de ce statut en précisant, en ce cas, la destination de l'immeuble, il n'est pas possible pour des acquéreurs de lots de l'exploitant ayant cessé son activité de déroger aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 et aux modalités de jouissance des parties communes.

2. Sur la demande de restitution des parties communes de l'immeuble

Par application de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en justice en exerçant toute action entrant dans son objet, notamment pour faire respecter le règlement de copropriété et, par suite, pour obtenir la cessation d'une atteinte aux parties communes par un copropriétaire.

L'article 8 de la même loi énonce qu'un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance.

L'article 9 précise que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

En l'espèce, l'article 7 du règlement de copropriété de l'ensemble immobilier [Adresse 14] prévoit que les parties communes, non affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé, comprennent notamment :

- la totalité du sol, c'est-à-dire l'ensemble du terrain en ce compris l'ensemble des parties construites, des cours, parcs et des voies intérieurs,
- les aménagements communs tels les espaces verts et les voies intérieures de desserte, les escaliers extérieurs, les éclairages extérieurs,
- les locaux affectés à des services communs généraux,
- les escaliers desservant les différents niveaux,
- les vestibules et couloirs d'entrée, coursives, les escaliers, leurs cages et paliers et les locaux poubelles ainsi que les locaux communs de service.

Selon un procès-verbal dressé le 10 juin 2021, Maître [P] [Y], Huissier de justice, a constaté au niveau 1 ou intermédiaire selon le plan originaire annexé :

- la présence de deux poteaux d'accueil reliés barrant le passage dans les parties communes au niveau du lot 175,
- sous les escaliers, la présence de quatorze pots de peinture,
- dans le couloir, un conteneur poubelle, cinq chariots à linge, un panneau de réception, sept bidons remplis et des montants d'étagère,
- la porte vitrée, côté nord, des escaliers menant à la piscine bloquée par des rouleaux de gazon synthétique enroulé.

Selon un procès-verbal dressé le 14 septembre 2021, Maître [P] [Y], Huissier de justice, a constaté :

- devant le lot n° 175, l'aménagement d'un salon d'extérieur à l'entrée du couloir avec un canapé deux places, une chaise, une table d'appoint, un guéridon, une table ronde, un second canapé sous l'escalier et un tapis en faux gazon, le tout décoré avec des plantes,
- l'accès au couloir menant aux lots 178, 179 et 180 est barré par deux poteaux chromés reliés par une corde blanche,
- six chariots de blanchisserie contenant des sacs à linge au nom de la société Sara Riviera,
- à proximité, des pots de peinture blanche sont posés au sol,
- le mur ouest devant les lots 175, 176 et 177 est fraîchement repeint,
- les portes des lots privatifs 178, 179 et 180 sont ouvertes, l'un est transformé en buanderie, l'autre en réfectoire,
- deux chariots de linge sont stockés devant la porte de la chaufferie (lot 186) et du linge sale est posé en boule au sol devant la porte du local,
- au niveau 1, dans l'allée menant à l'escalier Est, reliant le parking au niveau 2, cinq chariots de blanchisserie contenant des sacs à linge de la marque Elis obstruant le passage au nom de la société Sara Riviera.

Les SCI Sara Riviera et Sara Patrimoine ne contestent pas l'occupation des parties communes pour l'exploitation de leurs lots privatifs mais soutiennent que les droits de l'exploitant, Pierre et Vacances, leur ont été transférés à défaut de modification du règlement de copropriété votée à l'unanimité des copropriétaires.

Toutefois, le règlement de copropriété prévoyait que seul l'exploitant désigné à l'article 4, dernier alinéa, pourra durant toute la période d'exploitation en résidence de tourisme, utiliser les locaux communs tels que les locaux techniques ou de service, locaux poubelles ou vide-ordures, hall d'entrée, comble perdu etc. s'ils ne sont pas affectés à un usage privatif.

Cette dérogation était attachée à la qualité d'exploitant de résidence de tourisme et limitée à la période d'exploitation de l'immeuble en résidence de tourisme et n'était pas un droit attaché à la propriété des lots privatifs 175, 176, 180, 181, 182 et 183.

Le règlement de copropriété ayant prévu une modification de la destination de l'immeuble en l'absence de classement en résidence de tourisme ou de cessation de cette activité, celle-ci emporte de plein droit, sans nécessité d'un vote préalable unanime de l'assemblée générale, l'application des clauses définissant par défaut les modalités de jouissance des parties communes.

Les sociétés défenderesses font valoir que le plan sur lequel se fonde le syndicat des copropriétaires n'est pas le plan d'origine, ce qui est démenti par l'intitulé du plan inséré dans le constat du 14 septembre 2021 où figurent les lots 175, 176 et 177 en bordure du chemin de desserte, ce qui n'est pas le cas des lots 180, 181 et 182.

Elles indiquent également ne pas occuper les parties communes alors qu'il ressort d'une lettre adressée par leur gérante au syndic le 3 juin 2021 qu'il existait " une servitude d'usage de la zone d'accès piéton de la résidence pour la société Elis qui était utilisé auparavant par la société Pierre et Vacances ".

Toutefois, une telle servitude portant sur une appropriation des parties communes, voies d'accès aux lots privatifs, ne peut être constituée par un usage contraire au règlement de copropriété qui donnait l'autorisation d'utiliser les lots communs à l'exploitant de la résidence de tourisme exclusivement, qualité que n'ont pas les sociétés défenderesses.

Dès lors, il est suffisamment démontré par les constats d'huissier de justice que les SCI Sara Riviera et Sara Patrimoine, par l'intermédiaire de leur gestionnaire, la SCI Riviera Gestion, occupent de manière illicite les parties communes du bâtiment 1, à savoir les halls, escaliers et couloirs communs de desserte des lots privatifs.

Par conséquent, la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion seront condamnées in solidum, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à restituer en leur état originel, notamment en les libérant de toute occupation et objet mobilier, les parties communes suivantes :

- Espace sous les escaliers venant de la piscine au sud du lot 175,
- Couloir commun longeant à l'ouest les lots 175, 176, 177 et 179,
- Couloir commun longeant les lots 180, 181 et 182,
- Escalier partant de la piscine côté nord.

Sur la demande de la société PV Holding d'expulsion des sociétés Sara Patrimoine, Sara Riviera et Sara Riviera Gestion des lots 180, 181 et 182 situés dans le groupe 1 bâtiment 1

1. Sur la propriété des lots 178, 180, 181 et 182

En vertu de l'article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Ce texte précise que, toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

Le possesseur d'un immeuble ne bénéficie de la prescription abrégée qu'à condition de pouvoir invoquer un juste titre et être de bonne foi, conditions cumulatives et indépendantes.

Le juste titre visé par l'article 2272, alinéa 2, est l'acte juridique qui aurait transféré à l'acquéreur la propriété s'il était émané du véritable propriétaire, la preuve de l'existence et du contenu du juste titre devant être rapportée selon les règles de droit commun.

Si la bonne foi est présumée, elle ne dispense pas le possesseur de justifier du juste titre et sa preuve contraire peut être rapportée par le revendiquant.

En l'espèce, l'état descriptif de division définit les lots 175, 176, 180, 181, 182 et 183 comme des locaux commerciaux distincts.

Suivant acte authentique du 23 décembre 2020, la SCI Sara Patrimoine a acquis de la SCI Duprimo les lots numéros 175, 176 et 177 décrits, chacun, comme des locaux commerciaux situés en bordure du chemin de desserte, le vendeur déclarant qu'ils avaient été réunis pour ne former qu'un seul local sans autorisation du syndicat des copropriétaires qui pourrait exiger leur remise en état.

Les sociétés défenderesses ne produisent aucun autre titre d'acquisition de lots dans le bâtiment 1 mais soutiennent qu'il existe une erreur dans leur acte car les lots dont les clés leur ont été remises à la suite de la vente sont celles des lots 178, 179, 180 et 181 appartenant à la société PV Holding.

Or, l'usucapion abrégée pallie seulement l'absence de propriété du possesseur, le juste titre supposant qu'il y ait une concordance entre l'acte et le lot que le possesseur possède effectivement. En d'autres termes, le titre invoqué doit concerner exactement et dans sa totalité le bien immobilier que le possesseur a entre les mains et qu'il entend prescrire.

Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce de l'acte de vente du 23 décembre 2020 qui désigne les lots vendus comme étant les lots 175, 176 et 177, lots que la SCI Duprimo avait acquis de M. [V] [U] le 16 octobre 2014, lequel les avait acquis préalablement de la société Pierre et Vacances le 5 août 2010.

Il n'existe donc pas de juste titre, les lots désignés par l'acte de vente ne correspondant pas à ceux dont les sociétés défenderesses sont en possession.

Il sera souligné qu'il ressort d'une lettre que Mme [C] [R] a adressé au syndic le 21 septembre 2021 qu'elle revendiquait la propriété des lots 176 (atelier), 177 (buanderie) mais également des lots 178 et 179, cuisine et stockage ainsi que des lots 180 et 181, jardin arrière qu'elle indiquait occuper de bonne foi.

Elle a donc acquis trois lots par l'acte de vente mais en occupe sept indiquant être " occupante sans titre mais de bonne foi ", ayant été induite en erreur par l'agent immobilier chargé de la vente qui lui en a remis les clés.

Toutefois, elle ne dispose pas d'un juste titre l'ayant mis en possession des lots 178, 179, 180 et 181, propriété de la société PV Holding, puisque l'acte d'acquisition porte sur les lots 175, 176 et 177 du règlement de copropriété, précisément décrits comme ceux situés en bordure du chemin de desserte, ce qui est concordant avec le plan d'origine versé aux débats.

La SCI Patrimoine sera donc déboutée de sa demande tendant à la voir déclarer propriétaire des lots de copropriété 178, 179, 180 et 181 dans la résidence [Adresse 14].

2. Sur la demande d'expulsion des lots de copropriété 180, 181 et 182 situés dans le groupe 1 bâtiment 1, propriété de la société PV Holding

Les sociétés Sara Riviera et Sara Patrimoine ne justifiant pas être propriétaires des lots 180, 181 et 182 dont elles sont en possession et qui appartiennent à la société PV Holding depuis l'édification de l'immeuble, elles sont occupantes sans droit ni titre de ces locaux.

Il convient par conséquent d'ordonner leur expulsion, ainsi que celle de tous occupants de leur chef incluant la société Sara Riviera Gestion, des lots 180, 181 et 182 situés dans le groupe 1 bâtiment 1 de l'ensemble immobilier [Adresse 14] à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier.

Jusqu'à la parfaite libération des lieux, les sociétés Sara Riviera, Sara Patrimoine et Sara Gestion, laquelle exploite l'activité d'hébergement dans les autres lots des sociétés défenderesses dans les locaux occupés, seront condamnés in solidum à verser à la société PV Holding une indemnité d'occupation mensuelle de 500 euros, aucun élément versé aux débats ne permettant d'en fixer le montant à la somme réclamée.

La société PV Holding ne fournit aucun élément permettant de démontrer le principe et le montant du préjudice matériel qu'elle invoque du fait de l'occupation illicite des lieux si bien qu'à défaut, elle sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires.

L'occupation illicite de parties communes et sans titre de lots privatifs dans le groupe 1, bâtiment 1, de la résidence [Adresse 14] que reconnaissent les sociétés défenderesses constitue une circonstance qui ne permet pas d'écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

Les sociétés Sara Riviera, Sara Patrimoine et Sara Gestion seront donc déboutés de leur demande tendant à ce que l'exécution provisoire de droit de la présente décision soit écartée.

Parties perdantes au procès, les sociétés Sara Riviera, Sara Patrimoine et Sara Gestion seront condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 14] et la société PV Holding, qui ont fait défense commune, la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE in solidum la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard, à restituer en leur état originel, notamment en les libérant de toute occupation et objet mobilier, les parties communes suivantes :

- Espace sous les escaliers venant de la piscine au sud du lot 175,
- Couloir commun longeant à l'ouest les lots 175, 176, 177 et 179,
- Couloir commun longeant les lots 180, 181 et 182,
- Escalier partant de la piscine côté nord ;

CONSTATE l'occupation sans droit ni titre par la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion des lots de copropriété n° 180, 181 et 182 du groupe 1 bâtiment 1, de la résidence [Adresse 14], propriété de la société PV Holding ;

ORDONNE l'expulsion de la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion, ainsi que celle de tous occupants de leur chef, incluant la société Sara Riviera Gestion, des lots de copropriété n° 180, 181 et 182 du groupe 1 bâtiment 1, de la résidence [Adresse 14], propriété de la société PV Holding à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et passé ce délai avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

CONDAMNE in solidum la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion à verser à la société PV Holding une indemnité d'occupation mensuelle de 500 euros à compter de la présente décision et jusqu'à parfaite libération des lieux ;

CONDAMNE in solidum la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 14] et la société PV Holding la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion de leur demande tendant à ce que l'exécution provisoire de droit soit écartée ;

DEBOUTE la société PV Holding de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

DEBOUTE la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion de toutes leurs demandes ;

CONDAMNE in solidum la SCI Sara Patrimoine, la SCI Sara Riviera et la société Sara Riviera Gestion aux dépens ;

Et le Président a signé avec le Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nice
Formation : 4ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00432
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-22;22.00432 ?
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